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Sommaire Italie Automne 2003 - Tishri 5764

Éditorial - Septembre 2003
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Roch Hachanah 5764
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Politique
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Interview
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Reportage
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Italie
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    • Un musée vivant [pdf]
    • Le massacre de la fosse ardéatine
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    • «Little Italy» [pdf]

Art et culture
    • Traditions musicales de l’islam [pdf]

Ethique et judaïsme
    • Charité bien ordonnée... [pdf]

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«Little Italy»

Par Roland S. Süssmann
Nos chroniques sur les communautés juives à travers le monde se limitent en général à une image instantanée de la vie juive et des relations entre Israël et les pays que nous avons choisis de visiter. Un reportage sur la vie juive italienne ne saurait être complet sans évoquer celle de la communauté des Juifs italiens en Israël et sans visiter sa magnifique synagogue Conegliano Veneto ainsi que le superbe petit musée Umberto Nahon attenant.

Aujourd’hui, environ 9000 Juifs ayant des origines italiennes vivent en Israël; 4000 sont venus directement d’Italie et environ 1500 vivent à Jérusalem. Autre phénomène intéressant, quelque 10’000 jeunes Israéliens ont étudié en Italie et il y a environ 30’000 Juifs libyens qui parlent italien. De ce fait, le nombre d’italophones en Israël approche les 60’000 personnes, ce qui dépasse de loin le nombre effectif de Juifs italiens. La communauté de Jérusalem, quant à elle, compte environ 400 membres et la synagogue peut accueillir 250 personnes. En plus de l’administration de la vie communautaire et du règlement des offices, la communauté de Jérusalem joue un rôle de conservateur pour l’ensemble du patrimoine juif italien qui se trouve aujourd’hui en Israël et qui regroupe les objets cultuels, y compris les arches saintes antiques de quarante synagogues italiennes qui ont été intégralement transportées en Israël. Toutefois, ces synagogues de style italien ne suivent pas le «Noussakh Beneï Romi», la liturgie de la tradition juive italienne.
Dans une conversation avec le président de la communauté, DAVID CASUTTO, architecte et ancien vice-maire de Jérusalem, celui-ci nous a notamment déclaré: «Nous ne sommes pas une communauté vieillissante, bien au contraire, la moyenne d’âge de nos membres est relativement basse. Quant à l’avenir, nous sommes sur le point de mettre en place un programme complémentaire d’études pour les élèves de l’école rabbinique de Rome. Nous pensons donc ouvrir un centre d’études qui aura aussi un département permettant à de jeunes Juifs d’origine italienne vivant en Israël de suivre des cours de quelques mois sur les traditions et les us et coutumes du judaïsme italien. Cette institution aura un double but: transmettre le patrimoine religieux et traditionnel de façon formelle à la jeune génération, qui ne connaît nos traditions que par l’enseignement de ses parents, et initier les élèves rabbins italiens aux différents courants de la pensée moderne du judaïsme en Israël. Notre objectif principal est de permettre aux Juifs italiens qui habitent ici de s’intégrer totalement dans la société israélienne tout en maintenant la spécificité de leur communauté, ce qui n’est absolument pas paradoxal. Nous vivons à une époque où l’extrémisme et l’intolérance sont de mise. Or le message du judaïsme italien, son esprit et son essence même sont basés sur une pratique religieuse de stricte observance qui va de pair avec une ouverture d’esprit vers le monde moderne et les réalités de notre temps. C’est dans cette école de pensées que s’inscrit l’intégration de la communauté juive venue d’Italie dans la société israélienne. C’est aussi ce message que nous transmettons à nos frères qui vivent encore en Italie.»

LA SYNAGOGUE
CONEGLIANO VENETO

Cette petite synagogue est située dans un immeuble qui abritait autrefois une institution catholique allemande connue sous le nom de «complexe Schmidt», d’après Wilhelm Schmidt, le directeur de la Société catholique allemande de Palestine. Construit en 1875, ce bâtiment était un monastère pour jeunes filles catholiques d’obédience syro-chrétienne, qui comportait également un hospice et était un lieu de halte pour des pèlerins. Dans les années 1940, le monastère a déménagé et la maison a été laissée à l’abandon. Plus tard, des bureaux officiels ainsi qu’une petite école s’y sont installés. Fin 1940, la communauté juive italienne a obtenu le droit d’y tenir un office hebdomadaire et au début des années 1950, lorsque la synagogue démontée de Conegliano est arrivée en Israël, l’endroit logique pour l’accueillir était tout trouvé ! L’historique de cette communauté, établie dans un village situé entre Venise et Padoue, remonte au XVIIe siècle. Il y avait une yéshivah qui était dirigée par le rabbin Nathan Ottolongo. Selon certains historiens, des familles juives vivaient déjà à Conegliano au cours du XIVe siècle. En 1637, la communauté juive a été enfermée dans un ghetto, là où la fameuse synagogue a été construite en 1701 qui, en fait, n’a été inaugurée qu’en 1719. Elle a servi jusqu’à la disparition de la communauté en tant que telle, soit en 1917. Le dernier office a eu lieu à Yom Kipour 1918 alors que la région avait été conquise par l’armée Austro-Hongroise. L’aumônier, le rabbin Moshé Deutsch, avait découvert l’existence de cette synagogue et obtenu les clés de la municipalité. Il avait été ébloui par sa beauté et, lorsque les soldats austro-hongrois ont su qu’il y avait un office de Yom Kipour, ils se sont présentés par centaines à l’entrée de la synagogue qui, pour un instant, a retrouvé la gloire de ses plus beaux jours. En 1951, la synagogue a été démontée et intégralement remontée à Jérusalem, où elle a retrouvé toute sa splendeur. L’arche sainte est décorée de feuilles d’or selon la tradition italienne et les murs ont des bas-reliefs en stuc sur lesquels se trouvent des répliques des inscriptions originales. Les textes sont des poèmes d’un poète inconnu, des pensées religieuses et deux inscriptions commémorent le transfert et la réouverture de la synagogue à Jérusalem et rappellent qu’il s’agit d’un cadeau de la communauté de Venise. Il faut noter que certains éléments de la synagogue ne proviennent pas de Conegliano. Plusieurs lampes viennent de Ferrara, de Pise ou de Mantoue, quelques ornements de la synagogue de Padoue et une partie des sièges de Reggio Emilia. Le tout constitue un ensemble magnifique qui recrée l’atmosphère qui prévalait dans les synagogues d’Italie au XVIIIe siècle. Ce lieu de culte, unique en son genre, reçoit lors d’un office de shabbat en moyenne cent personnes et à l’occasion des fêtes ou d’une célébration familiale, les 250 sièges sont souvent occupés. La synagogue peut être louée pour des célébrations familiales, mariage, bar-mitsvah ou brith-milah, à des personnes non membres de la communauté. Les dignitaires italiens en visite officielle en Israël mettent toujours un point d’honneur à se rendre à la synagogue Conegliano Veneto. Le Premier ministre Silvio Berlusconi n’a pas manqué à cette tradition et a tenu un discours très émouvant en juin dernier, faisant allusion à la Shoa, aux liens qui lient cette communauté à l’Italie et à l’importance du rôle que joue la communauté juive italienne dans le pays même.
La synagogue italienne de Jérusalem est un exemple vivant de la continuité et du maintien des traditions dans le cadre d’une communauté parfaitement bien intégrée dans la grande mosaïque de l’Israël moderne.

LE MUSÉE UMBERTO NAHON

Souvent, de véritables petits joyaux méritent une visite qui peut être aussi rapide qu’enrichissante. Tel est le cas du Musée du Judaïsme italien de Jérusalem. Situé à côté de la synagogue Conegliano di Veneto, qui fait partie intégrante de la visite du musée, il est divisé en quatre petites salles d’expositions qui regorgent de trésors issus du patrimoine fabuleux du judaïsme italien. Une collection de portes d’arches saintes, de magnifiques textiles, de hanoukioth (chandeliers de Hanoukah à huit branches) en letton, en cuivre et en argent, de chaises utilisées pour la cérémonie de circoncision, de contrats de mariages enluminés, de couronnes et de clochettes de Torah typiquement italiennes et de boîtes à épices constitue la base d’une exposition permanente qui émerveille le visiteur. Environ 50’000 personnes par an se rendent dans le musée, y compris des écoles chrétiennes et arabes. Il n’est pas rare que des enfants d’écoles israéliennes non religieuses, qui visitent le musée et la synagogue dans le cadre très général d’un enseignement sur l’art juif, voient pour la première fois de leur vie une synagogue et une Torah.
Le musée organise régulièrement des expositions temporaires et dispose aussi d’une collection de photos sur la vie juive en Italie. Celle-ci est avant tout utilisée par des historiens mais de temps en temps, certaines font l’objet d’une exposition faisant revivre, pour un court laps de temps, des lieux, des synagogues et des communautés disparus à tout jamais.
Le musée a un centre de restauration pour les bois et les textiles spécialisé dans la restauration détaillée d’objets datant de la période baroque et de la Renaissance. Des professionnels formés en Italie utilisent les techniques déjà en vigueur à l’époque de la rénovation culturelle en Europe au cours des XVe et XVIe siècles. De plus, l’institut reçoit régulièrement d’Italie des professionnels invités spécialement pour donner des cours à ses restaurateurs.
Nous le voyons, ce petit musée ne se contente pas d’exposer simplement de superbes objets, il joue un rôle actif dans la promotion et la diffusion de la culture juive italienne en organisant des journées d’études, des concerts et des conférences sur tous les sujets touchant à l’héritage juif italien.

LE MINHAG ITALKI

Le «minhag Bneï Romi», mieux connu sous le nom de «minhag italki», est simplement la tradition liturgique des Juifs italiens, en particulier romains, qui diffère sensiblement tant du point de vue du texte que de la musique des rites ashkénazes et séfarades. Les sources de ces traditions ont leurs racines en Israël même et dans le Talmud de Jérusalem, et l’on retrouve un certain nombre de cette liturgie aussi bien dans les offices séfarades qu’ashkénazes. Les exemples des différences sont nombreux, mais l’un d’entre eux, assez simplement compréhensible, illustre peut-être mieux que les autres dans quel ordre d’idées s’inscrit le minhag italki. C’est ainsi que les rouleaux de la loi sont identiques à ceux des communautés ashkénazes, soit un parchemin fixé sur deux rouleaux de bois habillés par un manteau de textile. Dans les synagogues séfarades, le parchemin est intégré dans un étui en bois, en métal ou en argent et la lecture de la Torah se fait verticalement. La «hagbaa» (présentation du rouleau ouvert aux fidèles) se fait dans les synagogues ashkénazes à l’issue de la lecture de la Torah, alors que dans les offices séfarades, elle est avant la lecture. Dans le minhag italki, bien que les rouleaux de la Torah soient identiques à ceux des synagogues ashkénazes, la «hagbaa » se fait avant la lecture de la Torah, comme dans les offices séfarades. Un autre exemple simple se trouve à la table de fête de Roch Hachanah. Les familles ashkénazes ont pour tradition de souhaiter la bonne année sur la pomme et le miel. Selon le minhag italki, la figue remplace la pomme.
Il est intéressant de savoir qu’en Italie, le minhag italki n’était pas suivi partout. Du point de vue des traditions, le pays était divisé en trois zones: l’italienne, la séfarade et celle du nord, dont la forte influence allemande se retrouvait dans les traditions liturgiques. Dans le Piémont, il y avait toutefois trois communautés qui suivaient les anciennes traditions des communautés juives françaises, où des Juifs venus de France s’étaient installés au cours des XIVe et XVe siècles. Leur rite est connu sous le nom de «Minhag APAM», selon les initiales hébraïques de ces trois communautés: Asti, Fossano et Monsalvo.
Dans une conversation très enrichissante avec le rabbin HILLEL SERMONETTA, qui dirige spirituellement la communauté italienne de Jérusalem, celui-ci nous a notamment déclaré: «Nous mettons tout en œuvre pour maintenir nos traditions et transmettre notre liturgie à la jeune génération. Bien qu’en définitive nous ne différions pas tellement des autres rites, je crois que nous sommes les seuls à dire une bénédiction particulière pour la femme à qui nous exprimons notre reconnaissance pour sa participation à la vie communautaire. Il s’agit d’un «Misheberakh» que nous récitons chaque shabbat lors de la lecture de la Torah.»

(© Photos: Bethsabée Süssmann et U. Nahon Museum of Italian Jewish Art, Jerusalem)


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