Éditorial - Septembre 2003
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Depuis le 1er juillet 2003, l’Italie dirige
la présidence de l’Union européenne.
Un mois avant son accession à cette
présidence, le Premier ministre italien,
M. Silvio Berlusconi, a effectué un
voyage très remarqué en Israël. En
effet, il a été le premier leader européen
à refuser de rencontrer le terroriste
Arafat. Afin de nous permettre de
mieux comprendre l’état actuel des
relations entre l’Italie et Israël, nous
nous sommes rendus à Rome où nous
avons rencontré S.E.M. ÉHOUD GOL,
ambassadeur d’Israël en Italie et ambassadeur
non-résident en Albanie, à
Malte et à San Marino.
Quelle est votre évaluation actuelle des relations
entre les deux pays?
La visite du Premier ministre M. Silvio Berlusconi,
que je n’hésiterai pas à qualifier de grand succès et ce
de plusieurs points de vue, a été la manifestation vivante
de l’excellence de la qualité des relations bilatérales
dans tous les domaines qui prévalent actuellement entre l’Italie et Israël. Celles-ci se sont particulièrement
améliorées depuis que les deux premiers
ministres actuels sont en poste. La visite de M. Berlusconi
était en fait un voyage de réciprocité, puisque
M. Sharon était venu à Rome au mois de juillet 2002.
Lorsque je dis que nos relations sont excellentes à
tous les niveaux, j’entends qu’elles sont véritablement
profondes et dépassent de loin la question politique.
C’est ainsi que tout un programme éducatif a
été mis en place afin que nous soyons mieux compris.
En Europe, le 28 janvier est considéré comme le jour
du souvenir de la Shoa. Dans aucun pays européen,
cette commémoration n’est marquée comme en Italie,
où d’innombrables cours et conférences ont lieu
dans les écoles. Des manifestations de tout genre se
tiennent à travers le pays, dont un bon nombre se
déroulent sous le haut patronage du gouvernement.
Je dois souligner que le refus du Premier ministre italien
de rencontrer Arafat constitue une preuve non
seulement de courage et de détermination politique,
mais aussi une déviation sérieuse de la ligne politique
des Européens qui continuent à maintenir leurs visites
à Arafat. Il est vrai qu’à la demande du président
Bush, M. Berlusconi s’est rendu en Égypte et en Jordanie,
mais il s’agit après tout de deux pays arabes
avec lesquels nous avons signé des traités de paix. Il
faut bien comprendre qu’à la veille d’accéder à la
présidence de l’Europe, cette démarche a donné une
nouvelle dimension aux relations entre l’Europe et
Israël. Ceci est d’autant plus important que dès le
mois de janvier 2004, l’Europe comptera dix États
membres supplémentaires, dont tout permet de supposer
qu’ils seront plus enclins à soutenir des positions
pro-américaines plutôt que la politique traditionnelle
de «l’ancienne Europe». D’ailleurs, un certain
nombre de visites de premiers ministres des
Républiques membres de l’ex-URSS nous ont prouvé
qu’ils ne soutiennent pas Arafat, qu’ils ont tous
refusé de rencontrer. Tous sont venus en Israël uniquement
pour y effectuer une visite bilatérale.
L’accession de l’Italie à la présidence de l’Europe se
fait donc à un moment charnière. Les pays qui ont
des vues communes avec les États-Unis, qui comprennent
les besoins d’Israël et qui, dans les grandes
lignes, partagent notre point de vue sur ce que
devrait être la politique européenne au Moyen-
Orient pour l’année à venir, gagnent de l’importance.
J’ai donc de bonnes raisons de croire que pendant la
présidence italienne, nous assisterons à des prises de
positions qui dévieront très sensiblement de la ligne
politique européenne traditionnelle, qui se veut
automatiquement critique à l’égard d’Israël. Parmi
les manifestations d’amitiés de Silvio Berlusconi, je
pense qu’il est important de rappeler ici que, lorsqu’au
mois de décembre 2001, au moment où le terrorisme
arabe frappait Israël de plein fouet, nous
avons organisé une soirée de solidarité à la Grande
synagogue de Rome à laquelle 2000 personnes ont
participé, Silvio Berlusconi est venu pour manifester
sa solidarité et celle de l’Italie. Il a pris la parole et a
dit combien il comprenait les difficultés quotidiennes
auxquelles la population d’Israël était confrontée
face à la violence du terrorisme. Puis, lors de sa
récente visite en Israël, il a soudain décidé, juste avant de quitter le pays, de se rendre à la synagogue
italienne de Jérusalem et d’y tenir un discours.
Cela dit, il faut savoir que l’année 2003 a commencé
avec plusieurs visites officielles italiennes. Le président
du Sénat, le président du Parlement et plusieurs
ministres se sont rendus à Jérusalem. Je pense
même que le temps est venu pour que Gianfranco
Fini, vice-président du Conseil des ministres, président
du Parti d’extrême droite «Alleanza Nationale
» (parti dont les racines remontent à Mussolini)
et membre controversé du Gouvernement
Berlusconi, vienne à Jérusalem. D’ailleurs, il s’est
rendu aux réceptions de Yom Haatsmaouth où il a
représenté le gouvernement et tenu des discours de
soutien à Israël.
Pensez-vous qu’au cours de sa présidence européenne,
l’Italie sera à même de maintenir ses positions
ouvertement pro-israéliennes?
J’espère qu’elle ne sera pas soumise à une pression
trop forte de la part de ses collègues européens et
qu’elle pourra garder ses positions actuelles sans se
plier à leur ligne traditionnelle. Mais je n’ai pas d’illusions
et je sais que les choses seront très difficiles
pour Silvio Berlusconi. Je ne crois pas que l’Italie
changera radicalement de politique, elle fera plutôt
un certain nombre de petites concessions et n’aura
qu’une influence très limitée sur la politique procheorientale
des autres membres de l’Union européenne.
Nous avons demandé par exemple que le Hamas
et le Hizbollah soient inclus dans la liste des organisations
terroristes. A ce jour, ni l’Italie ni l’Europe ne
nous ont suivis sur ce terrain et je ne pense pas que
l’Italie le fera pendant sa présidence, mais peut-être
après.
Comment expliquez-vous cette attitude positive à
l’égard d’Israël?
Silvio Berlusconi a de tout temps éprouvé de l’amitié
pour Israël. Il s’était rendu en visite en Israël alors
qu’il dirigeait l’opposition. Ce qui est surprenant,
c’est qu’il n’ait pas dévié de sa ligne lors de son accession
au pouvoir. De plus, M. Berlusconi estime que le
fait d’être pro-américain et pro-israélien constitue un
ensemble indissociable. Il entretient également d’excellentes
relations personnelles avec Ariel Sharon et
finalement... en toute modestie, je crois pouvoir dire
qu’au niveau de notre ambassade, nous faisons correctement
notre travail. En Italie, il existe une association
d’amitié italo-israélienne très active, composée
majoritairement de non-juifs, qui met tout en
œuvre afin de diffuser le message d’Israël et de nous
permettre de gagner plus de soutien. Je peux mesurer
les effets de ce travail lorsque je me rends dans de
petites bourgades au nord du pays ou en Sicile, où il
n’y a pas de Juifs et où je suis toujours reçu de manière
très enthousiaste. Nous disposons donc d’un certain
nombre de groupes d’amis et je crois pouvoir
dire que dans cette atmosphère, c’est en Italie, et pas
seulement au niveau gouvernemental, que nous
avons nos meilleurs amis en Europe.
Cela dit, je ne peux bien entendu pas affirmer que tous les Italiens, particulièrement les plus politiquement
motivés, sont des amis inconditionnels d’Israël.
Toutefois, certains signes ne trompent pas et afin
d’illustrer mes propos, je vous citerai un exemple
significatif que j’ai vécu récemment. Je me suis rendu
dans une petite ville du nord de l’Italie pour remettre
la Médaille des Justes de Yad Vachem à deux personnes
qui, au péril de leurs vies, ont caché et sauvé
des Juifs pendant la Shoa. La cérémonie a eu lieu sur
la place du marché en présence du maire et des
notables de la ville. L’évènement était donc public et
mille (!) personnes se sont rassemblées ce soir-là
pour manifester leur sympathie tant à Israël qu’aux
personnes ainsi honorées. Je suis ensuite allé au
cimetière de Ravenne en compagnie de M. Romano
Prodi pour rendre hommage aux 39 Juifs venus de
Palestine dans le cadre de la Brigade juive et qui ont
sacrifié leurs vies pour la libération de l’Italie. Là
encore, ma démarche a été suivie d’une foule importante
de sympathisants.
Pensez-vous que ceci soit motivé par une sorte de sentiment
de remords par rapport à ce qui s’est passé à l’égard
de la communauté juive en Italie pendant la Shoa?
Dans un certain sens, oui. Depuis quelque temps
déjà, les Italiens ont réalisé que les lois raciales
étaient une grave erreur non seulement à l’égard des
Juifs qui vivaient ici depuis des générations, mais
aussi pour le pays lui-même. Tout est mis en œuvre
pour racheter les erreurs du passé et c’est dans cet
esprit que la journée de la Shoa est marquée de la
façon importante que je vous ai décrite.
Où en sont les échanges économiques entre les deux
pays?
Je dois reconnaître qu’ils ne sont pas très satisfaisants.
Lorsque l’on sait que l’Italie est la sixième
puissance économique au monde et que les échanges
avec Israël n’atteignent pas trois milliards de dollars
par an, je crois pouvoir dire qu’il reste un grand travail
à faire. Dans ce but, nous faisons un effort particulier
pour promouvoir les échanges, non plus de
manière globale entre nos deux États, mais directement
entre Israël et chacune des différentes régions
qui constituent l’Italie d’aujourd’hui.
Qu’en est-il de l’influence arabe en Italie?
La population musulmane est nettement inférieure à
celle d’autres pays européens. Cela dit, c’est à Rome
que se trouve la plus grande mosquée d’Europe et
des milliers de jeunes Arabes étudient dans les facultés
italiennes. Ils sont très actifs politiquement et je
dois reconnaître que dans les universités, notre cause
est simplement perdue. Cela est avant tout dû au fait
que nous n’avons pas les moyens de faire face à cette
masse d’étudiants arabes dont la présence et les études sont entièrement financées par des États arabes.
Nous tentons de contrebalancer cet état de choses en
étant très présents dans la presse tant au niveau
national que local. A cet égard, nous enregistrons un
certain nombre de succès tout en étant conscients de
la gravité de la situation dans les universités et des
risques que cela implique pour l’avenir. Nous ne pouvons
pas changer cette réalité, mais nous mettons
tout en œuvre afin de limiter les dégâts.
L’ambassadeur d’Israël dans un pays est aussi l’ambassadeur
de l’État hébreu auprès de la communauté
juive. Quelles sont les relations de la communauté
italienne face à Israël?
Je peux dire que chaque famille a un «représentant»
plus ou moins proche déjà établi en Israël. Il y a aujourd’hui
environ 30’000 Juifs en Italie et à peu près
15’000 Juifs italiens en Israël. Les liens sont très forts
et depuis le début des violences en Israël, environ
20’000 touristes italiens se sont rendus dans le pays,
la majorité étant des Juifs. Cela étant dit, chaque fois
que je me rends à un évènement communautaire ou
à la synagogue et que je vois toutes les manifestations
d’amitiés, d’amour et de soutien exprimées à l’égard
d’Israël, je suis très satisfait. J’aimerais signaler que
l’année dernière, nous avons organisé une journée
pour Israël en coopération directe avec la communauté
et un certain nombre d’organisations nonjuives,
à laquelle 15’000 personnes ont participé et
défilé en ville avec des drapeaux d’Israël.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les relations
entre Malte, l’Albanie, San Marino et Israël?
Le rôle de Malte réside surtout dans sa position
géographique et stratégique, car l’île est située face
à la Libye. De plus, ce pays sera bientôt membre de
l’Union européenne. Je m’y rends le plus souvent
possible car, pour les raisons que je viens d’évoquer,
il est important pour nous de maintenir de
bonnes relations avec ce petit État qui compte une
petite communauté juive très active.
En ce qui concerne l’Albanie, il s’agit d’un pays
musulman en Europe qui joue un rôle non négligeable
dans la question des relations avec les pays
Balkans. Je pense qu’avec le temps, l’Albanie
rejoindra aussi l’Europe. A ce jour, les relations ne
sont pas très importantes, mais nous nous employons
à les renforcer. Pendant la Shoa, de nombreux
Albanais ont sauvé des Juifs et j’ai d’ailleurs
déjà remis deux Médailles des Justes de Yad
Vachem à des villageois albanais ayant sauvé leurs
voisins juifs. A cet égard, il est intéressant de rappeler
que l’Albanie est l’un des seuls pays en Europe
où, à l’issue de la Shoa, il y avait plus de Juifs
qu’au début de la guerre. Cela signifie qu’un bon
nombre de Juifs y avaient trouvé refuge. Aujourd’hui,
il n’y a plus que quelques Juifs qui vivent à
Tirana.
Quant à San Marino, la plus ancienne démocratie
d’Europe, c’est certes un petit État mais avec
lequel nous entretenons des relations diplomatiques
normales. Il n’y a pas de Juifs dans le pays.
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