Éditorial - Septembre 2003
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Prof. Zvi Laron
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Par le professeur Zvi Laron
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Au début de l’existence d’Israël,
l’image caricaturale décrivait l’Israélien
classique comme un «paysan
muni d’un doctorat», ce qui correspondait
à une certaine réalité. Mais
depuis, les choses ont bien changé,
les paysans sont devenus des experts
en agriculture biologique, et les médecins
des chercheurs parmi les
meilleurs au monde. En effet, quel
autre petit pays, en guerre depuis sa
création, peut se vanter d’avoir une
recherche scientifique et technologique
aussi intense, avancée et inventive
qu’Israël ? Aujourd’hui, nous
avons décidé de nous intéresser à un
domaine qui touche le monde entier,
un fléau qui pénalise le coût de la
santé publique, le diabète juvénile.
Pour nous en parler, nous avons
demandé à une autorité mondiale en
la matière, le professeur ZVI LARON,
de nous expliquer l’état actuel de la
recherche dans ce domaine.
Le diabète sucré est une maladie causée par une
insuffisance de la sécrétion ou de l’activité de l’insuline.
Il existe plusieurs types de diabète sucré (diabetes
mellitus ou DM). Le diabète de type I est causé
par un processus auto-immunitaire qui détruit progressivement
les cellules bêta qui sécrètent l’insuline
dans le pancréas. Le diabète de type II, une forme de
résistance à l’insuline, est le plus souvent accompagné
d’obésité; le diabète de gestation, qui apparaît au
cours de la grossesse, est également de type II. On
dénombre encore une variété de maladies génétiques
moins fréquentes, qui affectent soit la sécrétion d’insuline
soit son action. Les diabètes de type I comme
ceux de type II sont liés à des gènes qui prédisposent
certains individus au développement de la maladie
au cours de leur vie ou qui, au contraire, les en protègent.
Nous allons donc passer en revue les divers diabètes
juvéniles qui, dans la plupart des pays (sauf aux
États-Unis), sont du type causé par un processus
auto-immunitaire (c.-à-d. DM de type I), en mettant
l’accent sur la contribution israélienne à la recherche
dans ce domaine.
Jusqu’à la première moitié du XXe siècle, les enfants
et adolescents étaient traités par des diabétologuesendocrinologues
généraux et on ne possède donc pas
de données précises concernant le diabète juvénile.
Les premiers rapports statistiques datent du début
des années 60 et ont été présentés au Symposium
International de Beilinson en Israël, organisé par le
professeur Zvi Laron: ce congrès rassemblait des
pédiatres du monde entier qui traitaient des enfants
diabétiques. Les débats ont abouti à la conclusion
qu’il fallait approfondir les connaissances concernant
le diabète juvénile, dans le but d’améliorer le traitement
des enfants atteints.
A partir de cette date, on s’est mis à rédiger des rapports
nationaux et régionaux, on a assisté à la création
de la Société internationale pour le diabète juvénile
et adolescent, dirigée par un comité où siègent
H. Lestradet (Paris), A. Loeb (Bruxelles) et Zvi
Laron (Petah-Tikva/Tel-Aviv). L’Institut d’endocrinologie
pédiatrique et adolescente de l’hôpital
Beilinson (depuis 1991, intégré au Centre Médical
Schneider pour enfants) est devenu l’un des principaux
centres de recherche et de traitement du diabète
juvénile. D’autres centres importants se sont développés
à Pittsburgh et à Helsinki.
Le registre national en Israël, tenu par le groupe du
Pr Laron, a révélé une augmentation de l’incidence
de la maladie entre les années 1965-1993. Des résultats
surprenants apparaissent lorsqu’on compare l’incidence
dans les divers groupes ethniques de la population:
l’incidence la plus élevée de la maladie est
constatée chez les Juifs yéménites tandis que la plus
faible se trouve chez les Arabes israéliens. Dans
d’autres pays, on constate également une incidence
plus grande du diabète juvénile. La Finlande et les
pays scandinaves en général sont particulièrement
touchés, de même que la Sardaigne. Étant donné que
les facteurs génétiques n’ont pas beaucoup varié, on
en a conclu que l’augmentation de l’incidence doit
être due à des facteurs environnementaux.
Les études cliniques et les examens de laboratoire
ont montré que sauf chez les nourrissons, le diabète
de type 1 est une maladie progressive. Une fois la
maladie auto-immune déclenchée, un processus destructif
est engagé qui peut être surveillé en mesurant
les anticorps anti-îlots (ICA). Dès le moment où 70-
80% des îlots de cellules pancréatiques ont été détruites,
les symptômes cliniques (perte de poids, polyurie,
polydipsie) apparaissent pendant la décompensation métabolique, le résultat étant une hyperglycémie.
L’absence de traitement mène à la kétoacidose
(acidose du sang due au catabolisme des
graisses) et même au coma (perte de conscience et
décès).
Étant donné que la seconde moitié du siècle dernier
a été marquée par une urbanisation croissante et des
changements radicaux du mode de vie, l’hypothèse
des facteurs environnementaux comme responsables
de l’augmentation rapide de l’incidence du diabète
semble plausible. La question qui se pose est de savoir
quelle est la nature exacte de ces facteurs. S’agitil
des toxines chimiques de la pollution, de certains
aliments (le lait de vache), d’additifs alimentaires ou
d’agents infectieux?
Certains faits permettent d’attribuer le DM de type 1
à une origine virale. On sait depuis 1972 que les
symptômes cliniques initiaux de la maladie apparaissent
plus souvent en automne et en hiver, alors que
sévissent des épidémies virales; le dernier déclic
semble donc provoqué par une infection virale. On
peut se demander si le déclencheur initial du processus
auto-immunitaire est également causé par un
virus. L’apparition du diabète chez des enfants suite
à une épidémie de rubéole aux États-Unis a semblé
confirmer cette hypothèse. D’autres faits vont également
dans ce sens, comme la présence inhabituelle
de virus (CMV, le cytomégalovirus ou coxackie B4)
dans les cellules pancréatiques bêta d’enfants morts
de diabète aigu. La question de savoir ce qui
déclenche le DM de type 1 est cruciale pour le développement
d’essais de prévention. En analysant le
groupe des 1865 enfants souffrant du type 1 en Israël,
nous avons constaté le fait suivant: alors que les
symptômes cliniques initiaux de la maladie apparaissent
plutôt en automne et en hiver, la naissance des
enfants ultérieurement atteints de diabète a eu lieu
surtout au printemps et en été. Ces données (présentant
en quelque sorte un effet miroir) peuvent être
interprétées de la façon suivante: les mères enceintes
transmettent des virus pathogènes à leur fœtus en
automne et en hiver, ce qui déclenche le processus
auto-immunitaire; les enfants en cause naissent pour
la plupart au printemps ou en été et ceux qui ont une
prédisposition génétique finiront tôt ou tard par
développer la maladie.
Pour confirmer la validité de nos observations, nous
avons effectué des études épidémiologiques dans
d’autres pays, d’abord en Europe (en Sardaigne où il
y a une grande incidence du DM de type 1, dans le
sud de l’Allemagne, à Berlin, en Belgique et en
Irlande), où les constatations étaient similaires. Ensuite,
nous avons étudié la Nouvelle Zélande dans
l’hémisphère sud, avec les mêmes résultats. Dans les
pays à faible incidence du DM de type 1, il n’y avait
pas de caractéristique saisonnière du mois de la naissance
par rapport à la population générale (à Cuba,
en Chine et au Japon). Dans les régions à population
mixte, avec grande et faible incidence à la fois (États-
Unis, Sidney), les résultats n’étaient pas statistiquement
significatifs.
Des études effectuées en Suède et en Finlande prouvent
que les virus sont capables de traverser la barrière
placentaire et d’atteindre le fœtus. En conservant
des échantillons sanguins de mères après la délivrance
et de leurs nouveau-nés, on a pu démontrer
que les mères d’enfants ayant ultérieurement développé
le diabète de type 1 avaient plus d’anticorps
antiviraux que les mères d’enfants n’ayant pas développé
la maladie.
Lors d’une récente étude à laquelle ont collaboré
plusieurs centres, dont notre groupe, on a analysé le
sang de femmes dans leur 20e semaine de gestation
au cours des mois d’hiver. Des virologues finnois ont
été à même de montrer une relation inverse entre
l’incidence du DM de type 1 et des infections à entérovirus
au sein de la population générale. Ces données
signifient que les mères infectées peuvent également
transmettre des anticorps antiviraux à leur
fœtus, qui acquiert ainsi une protection contre l’agent
infectieux.
Israël est un petit pays avec une variété de groupes
ethniques; on y constate à la fois une grande incidence
du DM de type 1 (Juifs yéménites), une incidence
moyenne (Juifs ashkénazes) et une incidence faible
(Arabes israéliens). C’est donc un pays idéal pour
poursuivre l’étude de la cause première du DM de
type 1, pour découvrir quelles conditions prédisposent
à une protection contre la maladie et quels sont
les facteurs environnementaux (infections répétées,
facteurs alimentaires, toxines comme les fertilisants,
nitrites dans l’eau, etc.) qui causent le dernier déclic
une fois le processus auto-immunitaire engagé.
Obtenir les réponses à toutes ces questions pourra
mener aux moyens de prévention primaire face à
cette maladie qui affecte le patient durant toute sa
vie et dont on est incapable, en dépit des progrès thérapeutiques
de ces dernières années, de freiner les
complications chroniques débilitantes et les décès
prématurés.
Les essais de prévention secondaire en Europe (Nicotinamide)
et aux États-Unis (insuline) ont échoué.
Entre-temps, l’incidence augmente et la maladie
affecte des enfants de plus en plus jeunes. La
recherche en vue d’une prévention primaire (vaccin
ou intervention immunitaire précoce) et d’une identification
des facteurs environnementaux principaux
est devenue une priorité de santé publique. Parmi
ceux qui tentent de trouver les bonnes réponses,
l’Unité de Recherche pour l’endocrinologie et le diabète
dirigée par le professeur Zvi Laron du Centre
Médical Schneider pour enfants est un leader en la
matière. Seul le manque de fonds pour la recherche
empêche les progrès de l’équipe. Le diabète juvénile
est une maladie qui peut toucher chacun de nos
enfants. Cette recherche primordiale mérite donc
d’être soutenue et financée. Si vous souhaitez y participer,
vous pouvez contacter le professeur Zvi Laron
au Centre Médical Schneider à Petah-Tikva, e-mail:
laronz@clalit.org.il.
Le professeur Zvi Laron dirige l’Unité de Recherche pour
l’endocrinologie et le diabète au Centre Médical Schneider à
Petah-Tikva.
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