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Israël – Syrie - Quels risques encourir?

Par Roland S. Süssmann
QUELS RISQUES ENCOURIR ?
En contrepartie d’un vague accord de paix, le gouvernement Barak est sur le point de céder le meilleur point stratégique d’Israël, à savoir tout le plateau du Golan, au dictateur syrien Hafez El-Assad. Afin de bien comprendre les implications et les dangers d’un tel acte, nous nous sommes adressés au Dr DORE GOLD, ancien ambassadeur d’Israël aux Nations Unies à New York et auteur de deux ouvrages,«U.S. Military Strategy in the Middle East» et «Arms Control in the Middle East», qui font aujourd’hui autorité dans les académies militaires américaines. Le Dr Dore Gold enseigne régulièrement en sa qualité d’expert à West Point et à l’Army War College. De plus, M. Gold entretient un large réseau de relations à travers le monde arabe, du Maroc au Qatar, et tout indique qu’à l’avenir il jouera un rôle important sur la scène politique israélienne.

Pouvez-vous en quelques mots nous dire pourquoi il serait encore utile qu’Israël maintienne une présence sur le Golan ?

Aujourd’hui, en l’an 2000, le Golan reste une barrière de défense vitale pour l’État d’Israël. Il est important de se souvenir qu’en 1973, lorsque la Syrie a déclenché une attaque surprise contre Israël, elle a déployé environ 1400 tanks dont la présence s’échelonnait du Golan jusqu’à Damas. Israël, qui pourtant venait de renforcer les unités stationnées sur le Golan, ne disposait alors que de 177 tanks ! L’avantage syrien était donc environ huit fois supérieur mais malgré tout, Israël a réussi à repousser victorieusement l’attaque syrienne. Ces problèmes fondamentaux qui existaient en 1973 sont toujours d’actualité. Toute l’armée syrienne est constituée d’une troupe de service actif, ce qui signifie qu’elle est immédiatement prête au combat et qu’elle peut se lancer dans une offensive à tout moment. Israël, largement inspiré par le modèle suisse, a structuré son armée sur un système de réservistes. Il en résulte qu’en temps de calme, le corps de l’armée est relativement petit et qu’il faut 48 heures pour mobiliser les réserves qui contiennent la majorité de nos forces militaires. La plupart des stratèges militaires arabes étudient cette asymétrie et cherchent les moyens d’en tirer avantage en exploitant leur supériorité numérique avant qu’Israël ne puisse réunir les forces de ses réservistes. Le Golan est donc vital afin de donner à une petite force permanente israélienne des conditions supérieures topographiques et sur le terrain afin de contenir une attaque syrienne.

Le Golan serait-il encore nécessaire à Israël si la Syrie réduisait ses forces armées ou si elle acceptait de les déployer ailleurs ?

Tout indique que la Syrie n’est absolument pas disposée à déplacer le plus gros de ses troupes vers ses frontières avec l’Irak ou la Turquie, mais qu’elle compte garder ses armes pointées sur Israël. Les Syriens refusent absolument de discuter d’une réduction de leur armée ou même d’un changement de leur système en une armée de réservistes, comme c’est le cas en Israël. D’autre part, il ne faut pas oublier qu’Israël est une démocratie qui préfère ne pas avoir en permanence une grande partie de sa population sous les drapeaux. La Syrie étant un régime autoritaire, le gouvernement de Hafez El-Assad a besoin d’une grande armée de métier non seulement pour combattre Israël, mais pour s’opposer à ses propres citoyens afin de pouvoir rester en place. C’est pourquoi ce régime maintient une énorme force armée, de la taille de la plupart des armées européennes. C’est en raison de cette asymétrie que le Golan reste vital pour la défense d’Israël. J’ajouterai que toute personne qui a une vague idée de ce qu’est la topographie et qui a étudié les guerres européennes et du Moyen-Orient, sait pertinemment que les conflits ne sont pas remportés en fonction de la puissance de feu, de l’artillerie ou des missiles, mais par le mouvement des armées sur le terrain. La Guerre du Golfe a été gagnée par la coalition uniquement grâce à l’intervention territoriale et non en raison des bombardements. Tant que le déplacement de formations militaires terrestres reste l’élément décisif dans une guerre, le terrain, la topographie et la profondeur stratégique, qui sont des éléments entre les mains d’Israël sur le Golan, représentent un facteur vital de la sécurité d’Israël et ce même aux temps des missiles balistiques.

Votre analyse est certainement aussi connue de M. Barak. Comment expliquez-vous qu’un homme qui a malgré tout une brillante carrière militaire à son actif, puisse envisager d’abandonner de tels avantages stratégiques contre un vague traité de paix ?

Il faut faire la différence entre une évaluation militaire et une opinion civile. L’argument militaire que j’ai présenté reprend la doctrine classique et permanente de l’État d’Israël qui n’a pas varié depuis les temps de Moshé Dayan et qui a été reprise par Itzhak Rabin. M. Barak a même dit qu’il ne voit plus simplement les choses avec l’œil d’un chef d’État major, mais qu’il tient compte de considérations diplomatiques élargies. Il est possible qu’il dispose d’une alternative permettant de remplacer les avantages de sécurité qu’offre le Golan qui serait par exemple basée sur une aide américaine. Celle-ci serait constituée de milliards de dollars qui permettraient à Israël d’acheter des technologies militaires ultramodernes afin de compenser la perte du Golan. Le Premier ministre a donc peut-être de bonnes raisons de vouloir courir le risque. J’ai des raisons de douter sérieusement que cette démarche soit réalisable. En effet, nous ne sommes plus à la période de la guerre froide au cours de laquelle l’Amérique était disposée à vilipender sans compter des dollars pour une aide étrangère. Je ne suis donc pas persuadé que les dollars sur lesquels M. Barak compte soient à disposition et que son objectif alternatif si onéreux puisse être atteint. De plus, rien n’indique pour l’instant que la Syrie soit disposée à conclure le même traité de paix que celui souhaité par les Israéliens. Il semblerait plutôt qu’il s’agit pour eux de signer un genre de traité d’armistice évolué pouvant éventuellement inclure un échange d’ambassadeurs, mais qui ne serait en aucun cas accompagné d'une normalisation des relations entre les deux pays. Aujourd’hui en Europe, il n’est pas nécessaire de craindre un revers de situation et de voir un contexte conflictuel se développer entre la France et l’Allemagne, ces deux pays étant actuellement tellement interdépendants sur de nombreux plans qu’un déclenchement d’hostilités entre eux est simplement impensable. Mais si la Syrie refuse de normaliser ses relations avec Israël, cela signifiera que l’État juif aura abandonné son bouclier de défense mais n’aura pas de nouvelle relation constructive en vue qui permettrait par exemple à chacun de voyager de Jérusalem à Damas comme on peut le faire aujourd’hui entre Paris et Berlin. Les Syriens souhaitent délibérément maintenir une forme d’hostilité résiduelle.

Ne croyez-vous pas qu’en disposant d’une supériorité technologique, Israël puisse prendre le risque d’abandonner le Golan surtout si ceci devait mener à une période de paix avec la Syrie ?

Le terrain, la topographie, la profondeur stratégique et la population constituent des constantes dans une équation militaire. L’avantage technologique représente un élément qui peut changer du jour au lendemain. Il est vrai que pour son acceptation de la cession du Golan, Israël obtiendra un avantage technologique… et que cinq ans plus tard la Syrie sera équipée de la même manière. N’oublions jamais qu’après l’évacuation par Israël du Sinaï, Israël a été doté de matériel militaire américain ultramoderne. Peu de temps après, les États-Unis ont totalement modernisé l’armée égyptienne, ses pilotes volent aujourd’hui sur les mêmes F-16 qu’Israël et sur les hélicoptères Apache dotés de missiles. De plus, ses divisions blindées sont armées des tanks américains Abrams, qui sont les plus modernes du monde. Finalement, l’armée égyptienne mène des manœuvres conjointes avec l’armée américaine et apprend les techniques des doctrines de combat américaines. Tous les avantages militaires qu’Israël a obtenus pour abandonner le Sinaï ont été réduits à néant quelques années après le retrait israélien. Quelles garanties avons-nous qu’un tel scénario ne se reproduira pas avec la Syrie ? Aucune !

Sur un plan plus large, comment voyez-vous qu’un accord avec la Syrie, incluant l’abandon du Golan par Israël, pourrait trouver sa place ?

Ehoud Barak espère que le retrait du Golan changera toute la situation stratégique d’Israël. Il pense que cela mènera à une paix élargie à l’ensemble du monde arabe, à l’exception de l’Irak et de quelques autres pays comme la Libye. Il croit que les pays qui constituent un danger pour Israël et pour l’Occident en général se retrouveront ainsi totalement isolés. Il est convaincu que cet accord générera un flux massif d’investissements en Israël, car le monde des affaires sera intéressé à investir dans une zone pacifique plutôt que dans une région d’hostilités. Sur tous ces points, j’ai de bonnes raisons d’avoir de sérieux doutes. En effet, je crains qu’Israël ne doive se préparer à faire face à une situation où l’Irak et l’Iran seront sur l’échiquier du Moyen-Orient des facteurs nettement plus puissants qu’aujourd’hui. Il est connu que le Conseil de Sécurité de l’ONU est divisé sur la question de l’Irak, ce qui donne de bonnes raisons à Saddam Hussein de penser que très bientôt, il sera débarrassé de toutes formes de surveillance et de sanctions. Depuis 1996, l’Iran, pour sa part, reçoit de la Russie des missiles et toute la technologie qui y est rattachée. Il ne s’agit pas d’une mince affaire, car il ne faut pas oublier que la Russie est une puissance spatiale. Il faut donc bien se rendre compte que l’alliance occidentale a échoué en ce qui concerne l’Irak et qu’elle n’a pas non plus réussi à stopper le transfert de la technologie des missiles de la Russie vers l’Iran. Pour toutes ces raisons, j’estime qu’Israël devrait essayer de convaincre ses alliés et le monde occidental de consolider la sécurité au Moyen-Orient afin d’éviter le renforcement de ces deux puissances moyen-orientales. Il en découle logiquement que l’abandon du Golan ne fortifiera pas Israël si jamais l’Iran et l’Irak devaient devenir des facteurs plus importants dans la balance militaire régionale.

Pour terminer, comment pensez-vous que l’abandon du Golan pourrait se faire sur le plan pratique ? Aujourd’hui, plusieurs milliers de Juifs vivent sur ces terres, pourront-ils être simplement expulsés ?

M. Barak espère que si l’accord avec la Syrie est accepté par la population israélienne dans un référendum qui lui apporte un large soutien, il sera à même de régler la question des habitants du Golan par des moyens pacifiques. Je suis certain que si jamais il lance l’armée pour déloger les habitants devant les caméras du monde entier, cela mènera à de larges divisions dans le pays qui laisseront de profondes blessures, comme ce fut le cas pour l’évacuation de Yamit qui n’a toujours pas été oubliée. Or sur le Golan, nous parlons de l’évacuation d’une population bien plus importante que dans le Sinaï.

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