Au cours de mes périples à travers le monde juif, il m’arrive de faire une brève halte et de découvrir un petit bijou particulièrement intéressant et sympathique. C’est le cas du Musée Juif de Stockholm, le «Judiska Museet», qui, tout en étant simple et discret, est riche et informatif. Un musée tente toujours de délivrer un message, et j’ai eu l’impression que celui de Stockholm venait dire à ses visiteurs: «Le judaïsme suédois a un passé riche qui a largement contribué au patrimoine de notre peuple et à celui de l’évolution de la Suède…, en voici les témoins.»
Le Musée, fondé et financé en 1987 par son directeur actuel M. Aron Neuman et son épouse Viola, est unique en son genre dans les pays nordiques et est membre de l’Association des musées suédois. Il traite de trois grands thèmes, à savoir: l’histoire des Juifs de Suède; l’adaptation des Juifs à la société suédoise et leur contribution à la culture, à l’art, à la littérature, au commerce et à l’industrie; la religion, les traditions, les coutumes, la synagogue et le foyer juif.
Bien que petit par sa taille, il offre une masse d’informations intéressantes aux dix mille visiteurs qui se rendent annuellement dans ses locaux. L’une des salles détient une exposition permanente, l’autre est destinée à des présentations temporaires, la troisième sert de grande salle de lecture et de bibliothèque où des volontaires, notamment des survivants de la Shoa, se tiennent à disposition pour fournir des renseignements complémentaires et raconter leur histoire.
L’exposition permanente s’ouvre sur un mémorial de la Shoa, qui indique bien au visiteur que, malgré tous les terribles crimes commis contre le peuple juif, nous continuons à exister de façon traditionnelle et dynamique, mais que nous n’oublions pas. Suit immédiatement une réplique de la statue dédiée à Raoul Wallenberg, érigée à Budapest. Derrière la sculpture, dans un cadre, quelques exemplaires des «Schutzpass» établis par le diplomate suédois kidnappé à tout jamais par les Soviétiques. Le visiteur est ensuite emmené graduellement à travers les diverses étapes de la vie juive, de la naissance (circoncision) à la mort (hevra kadisha), en passant par la célébration du shabbat et des fêtes. Tous ces éléments sont présentés à l’aide de magnifiques objets anciens et récents en rapport avec chaque occasion, disposés dans des vitrines remarquablement bien aménagées et illuminées, accompagnées de plaques explicatives brèves mais informatives.
Vient ensuite le monde de la vie communautaire et de la synagogue où des objets de culte sont exposés soit dans des vitrines, soit à l’air libre. Ce secteur offre aussi une brève évocation historique rappelant que les premiers contacts entre Juifs et Suédois datent de l’époque où les Vikings commerçaient avec les Khazars, dont la majorité de la population était juive. Il souligne également que des années 1000 à 1500, il n’y avait pas de Juifs en Suède. L’évocation historique se termine en 1972 avec l’arrivée de 3500 Juifs en provenance de Hongrie, de Tchécoslovaquie et de Pologne.
La salle réservée aux expositions temporaires montre toujours des sujets spécifiques. La première rétrospective, qui a eu lieu en 1988, retraçait la vie juive en Suède au cours des 200 dernières années et était illustrée par des dessins et des photos. En 1994, le Musée présenta des textiles et des broderies réalisés par des Juifs en Suède. En 1995 suivit une exposition intitulée «50 ans après l’Holocauste», dédiée à quelques rescapés qui racontaient comment ils avaient réussi à survivre et de quelle manière ces événements affectaient leur vie actuelle. En 1996, un flash-back consacré aux colporteurs juifs en Suède, montrant leur vie de 1780 jusqu’au début de la Deuxième Guerre mondiale, connut un très grand succès.
Cette année, le Musée a ouvert ses portes à une petite présentation remarquablement bien faite, intitulée: «In the Shadow of the War: Sweeden’s Jews 1933-1945» - «A l’ombre de la guerre: les Juifs de Suède 1933-1945». Le visiteur est progressivement amené vers la guerre tout en restant à l’abri derrière une fenêtre d’où il voit et observe les horreurs et les crimes commis par les Allemands et leurs complices. Un petit catalogue extrêmement bien présenté rappelle les étapes les plus importantes de la Shoa, depuis l’élection au pouvoir d’Hitler jusqu’à la libération d’Auschwitz. Cette exposition, réalisée par Amy Simon, a pour but de mieux faire comprendre ce qui s’est passé en Suède pendant la Deuxième Guerre mondiale et quelle fut l’histoire des Juifs suédois pendant cette période. Une exposition courageuse qui met en lumière un sujet peu ou pas recherché ni débattu, qui rappelle certaines réalités déplaisantes vécues par les Juifs de Suède entre 1939 et 1945. Amy Simon termine l’introduction du catalogue de son exposition en disant: «Le but de cette exposition est de tenter d’expliquer une époque inexplicable de notre histoire… L’historique des Communautés juives de Suède pendant cette époque n’a pas encore été narrée à ce jour… il s’agit d’exposer une autre façon de survivre dans l’insécurité, l’incertain et à la limite du désespoir. Il n’est pas question de tirer des conclusions, d’établir des évaluations ou de donner des réponses. Cette présentation veut éveiller plus de questions sur un sujet sans fin, visiblement non résolu et qui se rapporte à l’histoire des Juifs en Suède.» Parallèlement à l’exposition, dans une salle polyvalente et de cinéma, on peut voir un petit film de témoignages de survivants qui racontent comment ils ont vécu et ce qu’ils ont subi en tant que Juifs vivant en Suède pendant la guerre.
En conclusion, nous disons un grand Bravo et Mazal Tov à M. et Mme Neuman ainsi qu’à toute l’équipe du Musée et les remercions de permettre à un grand public de découvrir des aspects inconnus de la réalité suédoise. Nous leur souhaitons beaucoup de succès pour le développement du «Judiska Museet».
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