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Sommaire Lettonie Automne 2000 - Tishri 5761

Éditorial - Automne 2000
    • Éditorial

Roch Hachanah 5761
    • L'Humilité

Politique
    • Barak – Quitte ou double

Interview
    • Moshé Katsav Président !
    • Ma vie pour Israël

Reportage
    • Aux portes du Liban

Lettonie
    • Jérusalem et les républiques Baltes
    • «Notke» - «Riga un Latvijas Virsrabins»
    • Juif à Riga
    • Riga – Hier – Aujourd’hui – Demain
    •  «Post tenebras… lux»
    • Le Centre d’Études juives de Riga
    • Une tentative d’autobiographie
    • Le Musée juif de Riga

Suède
    • Jérusalem et Stockholm
    • «Judiska Museet I Stockholm»

Antisémitisme
    • Haine sur internet
    • Sachsenhausen

Éducation
    • Yémin Orde

Recherche scientifique
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    • Des champignons pour la vie

Art et Culture
    • Le centre d'histoire juive de manhattan

Éthique et Judaïsme
    • Charité et Indépendance financière

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«Notke» - «Riga un Latvijas Virsrabins»

Par Roland S. Süssmann
Les personnalités les plus marquantes ne sont en général pas celles qui font la une des médias électroniques et de la presse écrite, mais celles qui impressionnent par leur autorité naturelle, leur simplicité, leur cordialité spontanée et l’ampleur effective du travail qu’elles réalisent. Le rabbin NATAN BARKAN, que ses amis appellent affectueusement «Notke», fait partie de cette catégorie d’hommes et une rencontre avec lui constitue un moment privilégié.
Grand Rabbin de Lettonie très respecté, rav Barkan travaille dans des conditions extrêmement difficiles, ne disposant que de moyens limités. Réaliste, il œuvre d’arrache-pied pour mener à bien sa mission complexe. Pour lui, un bon résultat ne constitue rien d’autre qu’un encouragement pour se lancer dans un nouveau défi.
Le rabbin Barkan est né en 1923 dans un petit village situé à l’est de Riga dans une famille, véritable dynastie de rabbins, dont la généalogie remonte au XIVe siècle. Après avoir mené une carrière rabbinique et effectué un certain nombre de missions en URSS qui lui avaient été confiées par feu le Rabbi de Loubavitch szl dont il est un adepte, il a été nommé Grand Rabbin de Lettonie en 1989 et a rejoint Riga après avoir vécu pendant vingt années en Israël. Aujourd’hui, trois de ses petits-enfants détiennent des postes de rabbin en Russie.

Pourriez-vous en quelques mots nous décrire le contexte spirituel du judaïsme letton en l'an 2000 ?

Afin de vous permettre de comprendre la conjoncture actuelle, je dois tout d’abord rappeler brièvement le passé récent de ma communauté. Au cours des dernières années, la situation a changé et évolué de manière tout à fait particulière, surtout en raison de la grande émigration vers Israël. Avant cette alyiah, toute la vie juive tournait autour de la synagogue, les mouvements spirituels et sionistes, l’aide sociale, voire la nourriture casher. Aujourd’hui, nous organisons toujours un abattage rituel de poulets, mais les amateurs se font rares. Depuis le moment où un vent de liberté a commencé à souffler sur la Lettonie, deux phénomènes bien distincts se sont développés: d’une part le départ en masse vers Israël qui, pour beaucoup était la concrétisation d’un vieux rêve ou l’espoir d’une vie meilleure et, d’autre part, sur le plan strictement local, un certain abandon de la vie juive centrée autour de la synagogue et de la synagogue en soi. En effet, les personnes qui sont restées ou les nouveaux arrivants, venus en grande majorité de Russie, sont bien plus «déjudaïsés» que les fidèles qui sont partis. En fait, la culture et la conception de vie russes dominent totalement leurs personnalités et leurs façons d’agir. Par conséquent, ils ne sont pour ainsi dire pas concernés par le judaïsme et les activités qui émanent de la synagogue. Lors de mon arrivée ici en 1989, j’ai organisé le premier séder de Pessah auquel ont participé environ 200 invités. Aujourd’hui, presque plus personne ne vient hormis quelques vieillards, les gens étant décédés ou partis. Une vingtaine de jeunes seulement fréquentent la synagogue. Je dois toutefois souligner que je reçois de très nombreux visiteurs occasionnels, des personnes qui, d’une manière ou d’une autre, ressentent soudain un lien avec le judaïsme: une étincelle juive qui sommeille en eux depuis des années s’enflamme subitement et c’est là que je vois que l’âme juive ne meurt jamais. Ces visiteurs viennent à la synagogue ne sachant souvent pas eux-mêmes ce qui les attire, ce qui guide leurs pas. Une fois sur place, ils prétendent être à la recherche d’un livre, d’une citation, voire d’une idée. A l’époque de Pourim, de Hanoucah ou de Pessah, nombreux sont ceux qui se présentent à nos portes et il m’est arrivé de recevoir, étalé sur deux ou trois jours de fêtes, jusqu’à 600 personnes, dont certaines ont gardé le contact alors que d’autres ne sont pas revenues avant l’année suivante.

Comment voyez-vous l’avenir de votre communauté ?

En tant que Juif croyant, je suis bien évidemment optimiste. Si je regarde derrière moi, je constate que malgré toutes les difficultés auxquelles nous avons été confrontés, notre communauté existe toujours, qu’elle compte de nombreux membres qui, d’une certaine façon, se sentent concernés par le judaïsme, leurs origines et leurs racines. Qui aurait pu imaginer que la puissante URSS s’écroulerait en un clin d’œil, comme un château de cartes ? Il est vrai qu’en raison des conséquences directes de l’éducation soviétique, un grand nombre de nos frères sont perdus pour nous. Toutefois, je mène en coopération directe avec mon assistant et successeur, le rabbin Aryeh Bekker, un vaste programme d’éducation juive qui commence dès le berceau, qui continue à l’école juive et se poursuit dans le cadre universitaire. Notre principal souci est de renforcer et de maintenir l’identité juive de nos membres. Nous nous efforçons de leur donner suffisamment de fierté juive afin qu’ils soient capables de résister à toutes formes d’agressions et même de tentations intellectuelles qui, en définitive, mèneraient à l’abandon de leur véritable identité. J’organise régulièrement une table ronde d’intellectuels juifs, de professeurs d’université et d’étudiants où nous débattons de sujets philosophiques et d’actualité traités à la lumière des enseignements du judaïsme. Nous y recevons aussi des orateurs étrangers ou de passage. Parmi les habitués, il y a un monsieur qui à chaque réunion vient me dire: «Savez-vous, Rabbin, je suis un bon Juif». Je sais très bien que son épouse n’est pas juive et qu’il n’est pas pratiquant. Mais je lui prodigue des paroles d’encouragement et de rapprochement, car un jour peut-être souhaitera-t-il avoir une vie plus conforme à nos traditions. Pour moi, cet homme a un cœur juif et est effectivement, dans la mesure de ses moyens, un bon Juif. Les exemples de ce type sont nombreux, et c’est du maintien de cette petite flamme juive qui sommeille en chacun de mes fidèles que je tire la majeure partie de mon optimisme.

En votre qualité de ce que les Lettons appellent «Riga un Latvijas Virsrabins», vous représentez la communauté juive face aux autorités nationales et municipales. Quelles sont vos relations et comment la communauté juive est-elle perçue ?

J’entretiens d’excellentes relations avec toutes les instances gouvernementales. Je suis convié à chaque célébration officielle et à chaque événement diplomatique. Lorsque le Président de l’État s’est rendu en visite officielle en Israël, il m’a invité à faire partie de la délégation officielle et pour mon 75ème anniversaire, il m’a fait parvenir un message de félicitations avec un cadeau. Officiellement donc, les contacts sont chaleureux et les autorités nous rendent le respect que nous leur témoignons. Bien entendu, je ne connais pas le fond de leurs pensées et je ne sais pas s’ils me respectent à cause de ma fonction et de la communauté que je représente… ou simplement en raison de mon âge et de ma barbe blanche. En définitive ce qui compte c’est le fait qu’à tous les niveaux gouvernementaux, je rencontre compréhension et disponibilité lorsque des problèmes sérieux surgissent, ce qui est fort appréciable après avoir connu des périodes où les autorités nous étaient ouvertement hostiles.

Qu’en est-il de vos rapports avec l’Église ?

Je fais partie du conseil inter-religieux mais, comme la majorité des sujets qui y sont traités ne me concernent pas, je participe très rarement aux réunions de travail. Au niveau individuel, j’entretiens des relations très correctes avec chacun des prélats.

En conclusion, pouvez-vous nous dire d’où vous tirez le courage de continuer à diriger une communauté qui, d’une part, semble en voie de disparition et, d’autre part, paraît revivre ?

J’ai toujours eu pour principe de ne pas mentir, ni à mes fidèles et surtout pas à moi-même. Or, si nous ne sommes pas fiers de notre judaïsme, si nous ne mettons pas tout en œuvre pour renforcer en toute connaissance de cause notre identité sans laquelle nous ne sommes rien, à long terme notre avenir sera compromis. Je ne veux pas être complice de cette défaite, surtout dans une communauté qui a d’abord été décimée physiquement par la Shoa puis spirituellement par le communisme. C’est pourquoi je m’accroche de toutes mes forces afin d’encourager toute personne en qui je perçois une minuscule flamme juive qui en définitive ne demande qu’à être animée.


Rencontre avec le Rabbin Arye BEKKER
Jeune, dynamique et entreprenant, le rabbin Bekker se prépare tout doucement à prendre la succession du Grand Rabbin Natan Barkan, qui va tranquillement sur ses 78 ans. Originaire d’Odessa où sa famille vit toujours, il a obtenu ses diplômes rabbiniques en Israël mais a aussi étudié à la Yeshiva University de New York. Pour lui, il ne fait aucun doute que la Communauté juive de Lettonie est en plein essor, connaît un regain de vitalité juive et est appelée à avoir un avenir actif. Il estime avoir une énorme responsabilité. «De nos jours, il est important de parler un langage moderne et de créer un environnement dans lequel la jeunesse se sente à l’aise. Nous devons aussi lui expliquer le judaïsme et l’y amener par le biais de ses centres d’intérêts», nous a-t-il confié. Le Rabbin a créé un noyau d’une trentaine de jeunes couples juifs intéressés par des questions juives, qui progressivement diffusent le message du judaïsme. Il donne aussi des cours d’histoire et de philosophie juive à l’Université qui sont suivis par de nombreux jeunes Juifs et non juifs. Comme pour le Grand Rabbin, son but n’est pas de former des Juifs pratiquants, mais de raviver la «flamme» de ceux qui se souviennent de leurs origines.


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