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Sommaire Interview Automne 2006 - Tishri 5767

Editorial
    • Editorial - Septembre 2006 [pdf]

Roch Hachanah 5767
    • Lumière et Sérénité [pdf]

Politique
    • Les arbres et la forêt [pdf]

Interview
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    • Réveil brutal [pdf]
    • Vivre sous les bombes [pdf]

Stratégie
    • La Deuxième guerre du Liban [pdf]

Reportage
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    • Un pas vers la lumière [pdf]
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Analyse
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Science et Défense
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Ethique et Judaïsme
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Vivre sous les bombes

Shaul Camisa. (Photo: Bethsabée Süssmann)

Par Roland S. Süssmann
La région est superbe, pastorale même. D’habitude les touristes y affluent pour faire des excursions dans le nord de la Galilée, sur le Golan, les bords du Jourdain et du fleuve Hazbani, pour visiter le circuit des tombeaux des grands rabbins, dont certains sont des illustres maîtres du Talmud, ou simplement pour échapper au stress et à la pollution des grandes villes. Hatzor Haglilit, petite agglomération de dix mille habitants, est le nom de cet endroit magique.
Or, en cette fin du mois de juillet 2006, il n’y a pas de touristes, pas d’excursionnistes, pas de pèlerins et même pas d’habitants dans les rues désespérément vides. La deuxième guerre du Liban fait rage et, comme partout dans le nord d’Israël, les Katiouchas de l’organisation terroriste arabe Hezbollah pleuvent sur la ville. Ce n’est pas pour autant qu’il s’agit d’une ville fantôme. Bien terrée dans leurs abris, la majorité des habitants de ce lieu charmant n’est pas partie. Sous la direction avisée de son maire SHAUL CAMISA, la vie s’est réorganisée.
Mais avant de demander à M. Camisa de nous parler de la manière dont la guerre a été vécue à Hatzor Haglilit, faisons les présentations. Shaul Camisa est né dans ce village, dont il est le maire depuis deux ans et demi. Auparavant, il a fait carrière pendant plus de 30 ans dans l’armée, qu’il a quittée avec le rang de colonel. Il était au Sud-Liban pendant 20 ans en tant que chef de l’Administration civile et comme commandant en chef adjoint des Forces israéliennes au Liban. En raison de son expérience, S. Camisa connaît parfaitement bien la population du sud du Liban et la manière dont le Hezbollah fonctionne. Après avoir quitté l’armée, il a été en poste pendant deux ans en tant qu’attaché militaire à l’ambassade d’Israël à Bucarest.

Comment Hatzor Haglilit est-elle entrée dans la guerre ?

Étant située à 22km de la frontière libanaise, notre agglomération constitue une cible de tout premier ordre. En effet, à l’est, nous sommes à côté du petit aéroport de Mahanayim qui dessert la Galilée sur le plan touristique, les avions en provenance de Tel-Aviv pouvant y atterrir après seulement 23 minutes de vol. Mais depuis notre sortie du Liban en 2000, cet aéroport sert également de base aux hélicoptères Apache. Notre ville est entourée de points stratégiques très importants, bases militaires, antennes, bunkers de tous genres, et le commandement du nord s’y est installé. Comme les Katiouchas ne sont pas une arme précise mais statistique, environ 30% des tirs dirigés vers des objectifs militaires sont tombés sur Hatzor Haglilit. Il faut savoir que depuis la fin de la Guerre des Six Jours, qui a mis un terme aux tirs de roquettes syriens lancés du Golan et de la frontière située à 5,5km, nous n’avions plus connu de violence. Nous n’avons été victimes d’aucun attentat, ni par des terroristes, ni par des tirs de Katiouchas.
Mais avant de répondre avec précision à votre question, je voudrais vous expliquer pour quelles raisons nous étions prêts pour cette guerre. Lorsque j’ai pris mes fonctions, je me suis rendu compte que les abris individuels et municipaux n’étaient pas en très bon état, pour ne pas dire négligés. Or, en raison de mon expérience militaire, je savais que lorsque Tsahal a quitté le Liban en 2000, l’infrastructure que nous y avions établie était déjà très défaillante et que le Hezbollah y prenait sérieusement pied. Il n’était un secret pour personne que cette organisation, non seulement fanatique et extrémiste, sans aucune considération pour la vie humaine en général et pour celle de civils israéliens en particulier, s’armait lourdement. Nous pouvions donc assez facilement faire une estimation de ce qui allait se passer en cas de guerre et les attaques sur Haïfa et Naharyia étaient aussi prévisibles que celles sur Hatzor Haglilit. J’ai donc organisé régulièrement des exercices de protection civile et incité la population à préparer les abris. Il faut savoir que le financement de cette opération dépend du Ministère de l’Intérieur, qui nous a fait comprendre qu’il n’avait pas de budget pour cela. Malgré tout, j’ai obtenu le financement d’un bunker central désaffecté, où j’ai installé toute l’infrastructure nécessaire afin que le jour venu, nous puissions y centraliser tous les services d’aide (police, pompiers, infirmiers, psychologues, etc.). Nous avons terminé les travaux de cet endroit fortifié une semaine et demie avant le début de la guerre. Pour moi, il était clair qu’après l’enlèvement de Gaza, le kidnapping des deux soldats au nord et l’assassinat de huit autres, l’État d’Israël n’aurait plus d’autre choix que de se lancer dans une guerre. J’ai donc demandé à tous les responsables des services municipaux de vérifier les abris et d’être disponibles en tout temps. De plus, j’ai exigé que tous les camps de vacances de jour soient annulés sur le champ, afin qu’il n’y ait pas de concentrations d’enfants exposées aux feux des Katiouchas.

Comment le premier jour de la guerre s’est-il passé ?

J’avais convoqué tous les responsables municipaux pour une réunion de travail le lendemain matin à 10heures. Or, dès 8H30, les Katiouchas ont commencé à pleuvoir sur Hatzor Haglilit. A l’aide de porte-voix, nous avons alors demandé à la population de se réfugier dans les 300 abris que compte l’endroit, et décidé de transférer toutes nos activités dans le fameux bunker. C’est de là que nous avons répondu aux nombreuses requêtes de la population. Afin d’illustrer mes propos, je vous donnerai deux exemples. Dans certains abris, il y a eu des coupures d’électricité. Dès que nous en avons été avertis et que les bombardements ont été interrompus, nous avons envoyé une équipe d’électriciens réparer les dégâts. Dans un autre refuge, des enfants ou des adultes étaient très choqués. Nous avons dépêché une équipe de psychologues sur place qui, s’ils étaient confrontés à un cas grave, avertissaient les ambulanciers qui transportaient la personne en question à l’hôpital le plus proche. Il faut bien comprendre que nous ne sommes qu’une petite ville avec des moyens limités et qu’une telle opération demande une organisation très rigoureuse, quasi militaire. De plus, nous avons mis sur pied régulièrement des voyages de repos pour nos habitants. Grâce à l’aide du Joint et de l’Agence Juive, nous avons pu envoyer presque 3500 personnes pendant cinq jours dans un hôtel ou dans une pension dans le centre ou le sud du pays, afin qu’elles récupèrent du stress occasionné par les attaques et la vie dans les abris. Nous avons aussi organisé des excursions pour les personnes âgées. Nous avons fait un effort particulier pour nous occuper des enfants. Et là, je dois rendre hommage à toutes les personnes qui nous ont offert des jouets, à tous les artistes venus se produire volontairement en allant d’abri en abri. La solidarité était fabuleuse et je ne citerai ici que l’exemple de la Société de la protection de la nature et des jardins dont le directeur, Evi Amitaï, a dépêché dix camions chez nous avec des artistes et des chanteurs, mais aussi avec des animaux afin que les enfants les découvrent, les touchent et soient distraits tout en s’instruisant. Mon fils, qui est acteur de théâtre à Tel-Aviv, est venu avec cinq de ses collègues mobilisés faire une petite présentation pour nos habitants.

Hatzor Haglilit était donc particulièrement bien préparée à cette guerre. En était-il de même des autres villes qui vous entourent, Safed, Kiriath Shmonah, Rosh Pina, etc. ?

Sur le plan de la vie quotidienne, ces endroits n’étaient dans l’ensemble pas organisés comme nous. Cela dit, nous avons mis en place avec la soupe populaire de «Meïr Panim» un service de repas à domicile pour les personnes âgées. En temps normal, ces cuisines préparent environ 250 repas par jour. Pendant la crise, elles en ont préparé 1500, nous en avons distribué une partie dans les villes environnantes que vous venez de citer, dans plusieurs autres villages, sur les hauteurs du Golan et même dans un village arabe proche de Hatzor Haglilit. Là encore, la solidarité a joué de manière extraordinaire. Vous imaginez facilement qu’une telle quantité de préparation et de distribution de nourriture exige une somme de travail énorme. Nous avons accueilli des dizaines et des dizaines de volontaires venus nous aider, non seulement des gens de la région, mais aussi des personnes habitant dans le centre du pays. Elles étaient issues de tous les milieux professionnels: mathématiciens, gestionnaires de fortune, etc. Comme je faisais partie de la brigade des Golani lorsque je servais à l’armée, d’anciens généraux, commandants de cette brigade, ont fait acte de solidarité et sont venus me dire: «nous venons pour éplucher les patates et laver les salades dans les cuisines de Meïr Panim. Inutile de nous trouver un lit, nous avons apporté nos sacs de couchage». De plus, ils ne débarquaient pas les mains vides, à chaque visite ils apportaient des cadeaux pour les enfants et les adultes, souvent des objets de première nécessité. Les exemples sont nombreux, mais je voudrais encore citer cette société de haute technologie installée à Yavné, qui nous a envoyé vingt ouvriers équipés afin de nous aider à améliorer les abris et à les préparer pour une éventuelle nouvelle attaque. Nous avons tenu un mois, notre bunker de coordination locale fonctionnait tous les jours de sept heures du matin à minuit. La population a fait preuve d’énormément de courage et de détermination. Bien évidemment, personne n’était psychologiquement préparé à vivre une situation de guerre aussi longue et pénible. Nous avions l’habitude des guerres courtes et dans le souvenir de chacun, la plus longue était celle de Kippour. Nous avons appris comment nous installer, vivre et réagir dans cette nouvelle situation. A Hatzor Haglilit, nous avons reçu 130 roquettes, mais les dégâts ne sont pas trop importants: une cinquantaine d’immeubles a été touchée, dont deux ont été démolis; 5 véhicules ont brûlé et finalement, comme les habitants ont suivi nos ordres, nous n’avons eu que quelques blessés légers et personne n’a été profondément choqué au point d’avoir des séquelles.

Vous nous parlez de la solidarité de la population israélienne. Qu’en est-il de celle de la Diaspora ?

C’est le cœur lourd que je vais vous répondre. Comme vous le savez, nous avons eu de nombreuses victimes et chaque jeune soldat mort ou blessé nous affecte très profondément. Le prix exigé par cette guerre est donc très élevé. Parallèlement, nous avons vécu un moment intense de fraternité, de solidarité et de rapprochement entre les différentes factions de la société israélienne où, en un instant, les divergences gauche/droite, religieux/non religieux ou ethniques ont été totalement gommées, y compris celles entre les Juifs de la Diaspora et les habitants d’Israël. Tous ont compris l’importance de l’aide au nord du pays, l’importance d’un nord fort et bien équipé, l’importance du nord sur le plan stratégique et son rôle primordial dans la victoire finale.

Vous avez consacré 32 ans de votre vie au service de l’armée, dont 26 dans les services des renseignements militaires. Il y a peu de personnes en Israël qui connaissent le Liban, en particulier la région sud, aussi bien que vous puisque vous y avez servi depuis 1977 et que vous étiez directement impliqué non seulement dans l’ensemble des opérations militaires qui s’y sont déroulées, mais aussi dans les projets de nature civile que l’armée israélienne y a réalisés. Quelle est votre appréciation de la guerre qui vient de se terminer ?

Avant de vous répondre, un bref rappel historique s’impose. En ce qui concerne le Liban, Israël n’a qu’un seul intérêt, maintenir une vie tranquille et sûre pour tous les habitants de la région, à savoir: les Libanais chrétiens ou chiites qui vivent au Sud-Liban et bien évidemment, la population israélienne de la Galilée en général, en particulier au nord dans les villages proches de la frontière. Nous connaissons bien l’histoire et la situation du Liban, qui ne dispose pas d’un appareil étatique fort. Je ne veux pas répéter ici l’histoire longue et extrêmement complexe de ce pays qui a été envahi par les palestiniens chassés par Hussein de Jordanie pendant le fameux Septembre noir et qui s’est terminée, pour l’instant, avec l’installation du Hezbollah. Je dirai simplement qu’au cours des années, de nombreuses organisations terroristes ont vu le jour au Liban, dont le Fatah. C’est du Sud-Liban qu’un certain nombre d’attentats plus ou moins graves ont été perpétrés en Israël. Entre le 14 et le 21 mars 1978, nous avons mené l’opération Litani, au cours de laquelle nous avons éliminé la plupart des bases terroristes. Puis nous nous sommes progressivement retirés et avons créé une zone de sécurité en fait contrôlée par les milices chrétiennes que nous avions établies. En 1982, nous avons été contraints de mener l’opération «Paix en Galilée», guerre difficile que nous avons gagnée. Il est important de savoir qu’au Sud-Liban, nous avons construit des routes, des hôpitaux, des écoles, une infrastructure d’eau potable et courante qui n’existait pas ainsi qu’un développement agricole. Nous avons même formé leur police et leurs unités de pompiers. Sous mon contrôle, nous avons apporté une aide à plus de 120'000 personnes. Cette aide nous permettait aussi de nous assurer la coopération de l’armée chrétienne du Sud-Liban. Nous espérions qu’ainsi le Hezbollah ne pourrait pas prendre pied et que le nord d’Israël pourrait vivre en paix. Or ceci a fortement déplu à l’Iran et au Hezbollah, qui ont progressivement commencé à injecter de fortes sommes d’argent et à prendre pied. De plus, puisque dès son arrivée au pouvoir Ehoud Barak avait déclaré qu’il voulait retirer toutes nos forces du Liban, les membres de l’armée chrétienne, craignant d’être considérés comme traîtres après notre départ, avaient progressivement rejoint les rangs du Hezbollah. Cela dit, j’estime que le retrait du Liban de 2000 était justifié, mais pas dans les conditions dans lesquelles nous avons quitté les lieux. Cette précipitation a été interprétée par nos ennemis comme étant une preuve de faiblesse de notre part. Tout ce que nous avons fait, construit et établi au Liban, nous ne l’avons réalisé que dans un seul but: assurer le calme au nord d’Israël. Or nous sommes partis en catimini, ce qui a renforcé le moral du Hezbollah et encouragé l’OLP à lancer la deuxième intifada.
En ce qui concerne la guerre qui vient de se terminer, je pense que nous avons démoli toute la stratégie iranienne qui visait à installer aux portes d’Israël, en particulier au Sud-Liban et à Gaza, mais éventuellement aussi avec le temps en Judée-Samarie, une force fanatique, islamisée, à même de nous attaquer simultanément de toutes parts. Les maîtres de cette stratégie, dirigée par l’axe du mal de la région, soit l’Iran, la Syrie, les forces du Hezbollah et du Hamas, n’ont pas prévu que nous allions mettre un terme violent à leurs plans. Ceci ne signifie pas que nous sommes débarrassés de ces plans, mais qu’ils ont reçu un coup sévère dans leur application immédiate. Si nous avions attendu encore deux ans avant d’agir, je pense que les Katiouchas, peut-être même à têtes chimiques, auraient été tirées des territoires contrôlés par le Hamas et du sud du Liban, et nous nous serions retrouvés dans une situation extrêmement précaire. Sur le plan militaire, je pense qu’il faut tout d’abord rendre hommage au travail magnifique accompli par notre aviation. Quant à l’infanterie et aux hommes qui ont participé à l’invasion terrestre, ils ont réalisé en très peu de temps, soit dans les 48 heures précédant le cessez-le-feu, tout ce qu’ils pouvaient faire, infligeant ainsi une certaine défaite au Hezbollah. Malheureusement, pour des tas de raisons qui dépendent directement de la direction politique et aussi certainement de la direction de l’armée, cette offensive si nécessaire n’a pas été lancée plus tôt. Aujourd’hui, nous tirons déjà les leçons de certaines erreurs qui ont pu être commises. En conclusion, je dirai que nous avons certainement remporté une victoire politique et militaire «aux points» et non par «k.o.». Aujourd’hui, le « second État», celui du Hezbollah, qui était installé au sud du Liban, a disparu et c’est le gouvernement libanais qui prend la responsabilité de la région qui se trouve à notre frontière nord. J’espère qu’avec notre détermination et l’aide des forces internationales, celle-ci pourra ainsi rester calme pour longtemps.

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