Éditorial - Printemps 2002
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Dans notre périple à travers les terres juives de Judée, de Samarie et de Gaza, nous avons fait halte à RECHELIM, un village de développement dont le statut juridique est une «entité civile»: ce n’est ni une nouvelle agglomération ni un poste militaire, bien que ce lieu-dit vienne de fêter son dixième anniversaire.
Le jour où Itzhak Shamir s’est rendu à la fameuse Conférence de Madrid, une grande manifestation pacifique de soutien a été organisée à Tel-Aviv pour lui demander d’être fort et de défendre les droits de la population juive des territoires. Ce jour-là, un bus rempli de manifestants partis de Shilo a été attaqué à la mitraillette, deux civils, Mme Rachela Druck et M. Itzhak Rofé, ont été assassinés et un certain nombre de personnes ont été blessées. Au retour de la démonstration, des femmes de toutes les agglomérations juives environnantes, Shilo, Eli, Maalé Levonah, ainsi que des villages juifs situés en Judée déclarèrent que la réponse juive à une telle attaque était d’établir une nouvelle localité. Le contexte politique pour la fondation d’un nouveau bourg était particulièrement mauvais, Itzhak Shamir se trouvait à Madrid et à l’époque, le monde entier considérait l’ensemble des villes et villages juifs des territoires comme étant des obstacles à la conclusion de la paix. Même le Président américain avait fait une remarque à ce sujet et après de nombreux débats, démarches et interventions, le gouvernement décida d’établir en ce lieu une base militaire, signifiant ainsi qu’aucun «nouveau village» n’avait été créé. Pour les femmes qui avaient pris l’initiative, cette solution était à la fois insuffisante et inacceptable. Elles décidèrent de s’installer sur les lieux mêmes de l’assassinat et, pendant le mois de deuil qui suivit, elles obtinrent l’autorisation de planter deux tentes, d’amener un petit générateur et de construire un mémorial. Avec le temps, une «Midrasha», soit un séminaire d’études juives fut établi et des groupes d’adolescents et d’adultes de tout le pays furent régulièrement invités à venir participer à des cours, voire à des shabbatot. Ceci avait bien évidemment pour but de faire connaître l’endroit et de lui donner progressivement une forme de légitimité ainsi qu’une existence établie.
Quelque temps après la signature des accords d’Oslo, l’inquiétude d’une dissolution et d’une évacuation par la force est née. Grâce aux efforts conjoints de l’organisation faîtière YESHA, par le biais de son département de construction «AMANA», ainsi qu’avec l’aide de différentes organisations juives internationales, les tentes furent renforcées et transformées en habitations permanentes. A cet égard, il est intéressant de dire que les bâches des tentes restaient visibles de loin, mais que sous celles-ci, des baraquements en bois renforcé avaient été aménagés. Les premières familles de pionniers s’installèrent dans ces tentes renforcées et y vécurent pendant sept ans dans des conditions que l’on peut difficilement imaginer. Tout ceci se passait alors que Rechelim avait encore le statut indéfini de «base militaire – séminaire». Il y a trois ans, le Ministère de la Sécurité accepta finalement d’accorder à ce lieu le statut de séminaire, ce qui signifiait qu’il devenait un lieu-dit pouvant accueillir des civils ayant le droit de construire des caravanes en dur, voire des maisons.
Aujourd’hui, Rechelim compte une population de 16 familles (dont une venue du Pérou), avec 25 enfants de moins de 6 ans et un petit garçon qui a déjà plus que 6 ans ! Un groupe d’une dizaine de maisons a été construit, car les responsables de Rechelim espèrent bien développer leur agglomération de façon importante.
Nombreux sont ceux qui se posent la question de savoir quelle est l’utilité d’un tel endroit. Vaut-il vraiment la peine d’investir tant de temps, d’efforts et d’énergie pour que quelques familles juives puissent concrétiser leur idéal ? La réponse est très simple. Outre les liens religieux, historiques et idéologiques qui lient les habitants de Rechelim à leur lieu-dit, leur présence est d’une importance stratégique de tout premier plan. En effet, elle met une fin à toute forme de continuité territoriale qui pourrait être établie entre une très grande zone totalement contrôlée par l’OLP qui comprend de nombreux villages arabes d’où sont partis une multitude d’attaques terroristes, et la ville de Sikhem (Nablouse), également l’un des centres majeurs du terrorisme. Afin de comprendre l’importance de cet endroit, il faut bien étudier la carte. Le gouvernement israélien construit actuellement une nouvelle route de 4 km qui mènera de Rechelim à la ville d’Ariel, capitale de la Samarie, où se trouve notamment l’une des universités israéliennes. De plus, en observant la carte, on comprend que la région de Eli–Shilo–Maalé Levonah, qui est pratiquement reliée à Jérusalem et qui regroupe environ 700 familles, et la ville d’Ariel, qui est en fait connectée à Tel-Aviv et qui compte environ 4000 familles, sont séparées par un vide. Or Rechelim comble ce vacuum, raccordant entre eux ces deux centres de population, ce qui n’était pas le cas avant sa création.
A Rechelim, nous avons rencontré un groupe d’hommes et de femmes aussi courageux que déterminés. Parmi eux, KATIEL BEN DAVID, dit «Kouty», qui était parmi les premières familles à s’installer sur ces lieux qui, à l’époque, n’étaient que des roches vides. Kouty m’a montré la tente-cabane dans laquelle il a vécu pendant sept ans et m’a dit en riant: «Nous avons emménagé dans cette tente comme jeunes mariés et l’avons quittée en étant les parents de deux enfants.»
Dans la situation actuelle, n’avez-vous pas peur d’habiter ici ?
Nous faisons un effort particulier pour continuer à vivre de la manière la plus normale possible. Lorsque la situation sécuritaire l’exige, nous restons chez nous. Nous sommes en relation permanente avec l’armée et les services de sécurité. Mais nous organisons une vie familiale et communautaire normale, ce qui n’est pas facile. Nous sommes venus pour vivre ici, et pour y vivre décemment. Si nous voulons que d’autres Juifs se joignent à nous, il est indispensable que nous donnions l’exemple. Le monde entier n’a qu’un seul désir, nous voir déguerpir d’ici et laisser la place aux Arabes. Que tous ceux qui pensent ainsi abandonnent leurs illusions ! Non seulement nous ne partirons pas, mais nous continuerons à nous développer en construisant et en installant de plus en plus de Juifs ici. Cela prendra du temps, mais nous disposons de toute l’énergie et de toute la détermination nécessaires pour réussir. N’oubliez pas que nous avons déjà subi de nombreuses souffrances, ce qui ne nous a jamais découragés.
Quels sont vos plans d’avenir ?
Nous avons un projet de développement territorial s’étendant sur 3000 dounams qui doivent être urbanisés (1 dounam = 1000 m2). A ce jour, seuls 1200 dounams ont été construits et nous travaillons jour après jour à la réalisation de ce but. Sur le plan de la sécurité, nous allons mettre en place des systèmes de protection. Nous envisageons de développer l’agriculture et d’installer des plantations à ciel ouvert et sous des serres. Finalement, nous mettons un accent particulier sur l’instruction et l’éducation. Pour l’instant, nous n’avons qu’un jardin d’enfants et une pouponnière et n’avons pas prévu d’ouvrir d’école primaire. Nous allons devoir décider très bientôt où envoyer les enfants. Plusieurs options s’offrent à nous dans les agglomérations environnantes. Pour terminer, nous allons construire un certain nombre de bâtiments d’utilité publique, comme par exemple un centre communautaire, une mikvé (bain rituel), un petit centre médical, etc.
Nous le voyons, les hommes et les femmes qui ont choisi de vivre à Rechelim sont non seulement courageux, mais ont la tête pleine d’idées et savent exactement quel essor ils veulent donner à leur lieu-dit. Ils font partie de cette minorité «qui fait la différence». C’est au sujet de ce genre de pionniers qu’un jour Itzhak Shamir m’a dit : «Lorsque l’on écrira l’Histoire d’Israël de notre temps, ces bâtisseurs, ces héros, seront vénérés comme le sont les pères fondateurs de l’État d’Israël !»
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