News Numéro courant Sondage: résultats Recherche Archives Deutsch English Русский עברית Español


Sommaire Stratégie Printemps 2002 - Pessah 5762

Éditorial - Printemps 2002
    • Éditorial

Pessah 5762
    • L’optimisme est de rigueur

Politique
    • Vers la lucidité

Interview
    • La clef de la victoire
    • Tourisme et terrorisme

Stratégie
    • La troisième force

Terrorisme
    • La nouvelle logique du terrorisme

Reportage
    • Urgences
    • Avoir le moral

Judée – Samarie – Gaza
    • La vie continue

Judée-Samarie-Gaza
    • Halte à rechelim

Médecine
    • Le laboratoire de l’espoir

Économie
    • Solidarité où es-tu ?

Croatie
    • Stjepan Mesic, Président de la Croatie
    • Jérusalem et Zagreb – Ljubljana – Bratislava
    • Juif en Hrvatska 
    • Glavni Rabinat u Hrvatskoj
    • Une bibliothèque atypique
    • La Shoa en Croatie
    • Les Oustachis
    • La survie en chantant
    • Un tournant décisif

Éthique et Judaïsme
    • Intervenir dans la vie privée ?

Envoyer par e-mail...
La troisième force

Par Roland S. Süssmann
Au moment où des Juifs sont assassinés pratiquement quotidiennement par des Arabes en Israël, les bonnes nouvelles sont aussi rares qu’appréciées. Pourtant, le 3 janvier dernier, dans les eaux internationales de la mer Rouge, à 500 kilomètres des côtes israéliennes, une opération du type de celle d’Entebbe s’est déroulée: la saisie du Karine-A. Ce bateau de 400 tonnes contenait 83 cageots remplis d’armes extrêmement sophistiquées. L’opération «Arche de Noé» constitue un exploit militaire combiné de tout premier ordre où la marine, l’aviation et les services de renseignements ont coopéré en toute discrétion. Cette intervention tout à fait remarquable a aussi rappelé l’importance de la marine dans le système de défense d’Israël. Afin d’en savoir plus, nous avons été à la rencontre de l’Amiral YEDIDYAH YAARI, Commandant en chef des Forces navales de l’État d’Israël, qui nous a reçus pour un tour d’horizon exclusif dont nous vous rapportons ici l’essentiel.
Mais avant d’écouter l’Amiral, il faut rappeler que si les armes saisies avaient atteint leur destination, les dangers pour la population civile et militaire d’Israël auraient été considérablement accrus. Le bateau transportait entre autres des roquettes RPG et des lance-roquettes de 60 mm à 122 mm, certains d’une portée de 20 km, des missiles anti-tanks d’une portée de 200 m à 3,5 km, plus de deux tonnes d’explosifs, de l’artillerie légère, des grenades à fragmentation et finalement de l’équipement militaire naval. Tout ce matériel ultramoderne était prêt à être immédiatement utilisé.

Pouvez-vous en quelques mots nous dire quelles sont les responsabilités principales de la marine israélienne ?

Le premier rôle de notre marine est de protéger les différentes lignes côtières du pays, qui en fait constituent également notre plus longue frontière, et d’assurer le libre passage naval, la sécurité de la navigabilité des lignes de communications maritimes et de maintenir la souveraineté israélienne sur la mer tant en Méditerranée qu’en mer Rouge, partout où cette nécessité se fait jour.
Géographiquement parlant, nous sommes une île car, depuis la création de l’État, nous sommes en fait entourés d’un front hostile. Sur le plan pratique, pendant de très nombreuses années, notre seule ouverture vers le monde était celle qu’offrait la mer. Il est vrai que nous avons des traités de paix avec l’Égypte et la Jordanie mais, comme nous sommes au Moyen-Orient, je ne peux qu’espérer qu’il s’agisse d’accords qui tiendront la route à long terme. Nous vivons dans une région où les incertitudes et les ambiguïtés sont nombreuses et c’est pourquoi nous devons être prêts à faire face à toute situation dont il résulterait que notre seule ouverture sur le monde serait de nouveau exclusivement procurée par la mer. En raison de l’évolution de la situation au Proche-Orient, certaines considérations en rapport direct avec notre sécurité, qui n’étaient pas primordiales dans le temps, ont gagné de l’importance et sont devenues contraignantes. Je pense que les tirs à longue distance des missiles et des roquettes à longue portée constituent une option qui devient de plus en plus actuelle et dominante. Ceux-ci permettent à nos ennemis de nous attaquer de très loin, sans avoir à confronter directement nos forces qui leur sont supérieures sur le terrain même. De plus, en lançant ce genre d’attaques à distance, ils échappent également à la supériorité de notre aviation militaire; une attaque massive d’ogives simples peut toucher nos forces sur le front, notre infrastructure située derrière les lignes de front et le front arrière. Le fait que les Arabes puissent déclencher leurs attaques depuis toute l’enveloppe territoriale qui encercle Israël crée une situation où un certain nombre des atouts les plus importants de notre défense sont menacés. Nous devons donc mettre au point des solutions de rechange au cas où nous vivrions un scénario dans lequel nous ne pourrions pas totalement déployer nos forces. Je pense par exemple à une situation où nous serions confrontés à des attaques de guérilla conjointement effectuées avec des missiles à longue portée. Une telle combinaison risquerait de nous rendre les choses très compliquées et une riposte militaire classique s’avèrerait très difficile. De nos jours, la marine offre à Israël une profondeur stratégique supplémentaire vers l’Ouest (la Méditerranée) capable d’apporter une compensation au cas où les capacités de l’IDF ne seraient pas utilisables de manière optimale. Il s’agit de disposer d’un espace qui ne soit pas confiné à la toute petite et fine empreinte territoriale qu’est aujourd’hui Israël où, finalement, tous les lieux sont à portée de feu, tant à distance que par le biais d’actes de guérilla. La mer est libre de toutes ces contraintes qui existent à terre, y compris celles touchant à l’aviation militaire. En plus de notre rôle traditionnel de protection des côtes et de garant de la liberté des voies de navigation, nous devons être également à même de développer des capacités afin d’être plus efficaces, non seulement en garantissant une nouvelle profondeur stratégique occidentale, mais en la rendant opérationnelle pour l’ensemble de la «colonne vertébrale» de notre armée.

La saisie du Karine-A a démontré que l’OLP met tout en œuvre pour acquérir des armes. De quelle façon tentez-vous de l’en empêcher ?

Dans le cadre de la réflexion stratégique que je viens de vous expliquer, nous jouons un rôle de plus en plus important, qui est d’intercepter toute la gamme des activités de la terreur. Le monde entier se souvient des différentes attaques terroristes perpétrées en Israël par des assaillants venus par la mer. Or cela fait très longtemps qu’ils n’ont plus réussi ce genre d’opérations et qu’ils n’ont plus été à même de pénétrer en Israël par la ligne côtière. Au cours des vingt dernières années, il y a eu de nombreuses tentatives que nous avons toutes pu déjouer. Toutefois, la mer offre de nombreuses possibilités pour la contrebande d’armes. De toutes les routes qui permettent d’amener illégalement des armes en Judée, en Samarie et dans la bande de Gaza, c’est la mer la plus efficace. Il est toujours possible de faire passer de petites quantités d’armes dans une voiture ou par un tunnel, mais un bateau permet, comme c’était le cas pour le Karine-A, de réaliser de grands coups en une fois. Nous avons donc pour mission d’intercepter et de stopper tout ce qui risque de faire son chemin illégalement vers la Judée, la Samarie et Gaza.

Est-ce que l’OLP dispose aussi d’une branche navale de ses forces et si oui, quelle est son importance ?

Il existe effectivement ce que l’on appelle «la police maritime palestinienne». D’ailleurs, Omar Achawi, le capitaine du Karine-A, n’est personne d’autre que le chef de l’Administration maritime palestinienne. Ce lien entre les armes trouvées sur le bateau et leur destination finale «l’Autorité palestinienne» est donc indéniable. Lors de la conférence de presse qui a suivi la saisie du bateau, notre Chef d’état-major, le Major général Shaoul Mofaz (voir SHALOM Vol.35) a notamment déclaré: « … les interrogatoires menés par nos services de sécurité nous ont appris que le capitaine du bateau et d’autres membres de la police navale palestinienne sont directement impliqués dans le terrorisme. Des membres de l’Autorité sont directement actifs dans l’achat et la contrebande d’armes. Celles-ci sont destinées à verser du sang et à créer une menace stratégique contre les citoyens d’Israël et contre les membres de l’IDF.»

Quelles sont vos relations avec la police maritime de l’OLP ?

Cette unité dispose de petits bateaux qui, selon les Accords d’Oslo, devaient servir, en coopération avec nos vedettes de patrouille, à contrôler les activités de pêche sur les lignes côtières de la bande de Gaza. Curieusement, nous avions établi une assez bonne coopération jusqu’en septembre 2000, date à laquelle Arafat a lancé ce qu’il appelle l’Intifada El-Aksa et que nous considérons comme un conflit armé de basse intensité. En fait, il s’agit d’une guerre d’usure asymétrique entre les forces d’Arafat et nous-mêmes. Il faut bien comprendre que dans le terme «forces d’Arafat» sont inclus le Hamas, le Djihad, les Tanzim, le Fatah, toutes les forces de sécurité et la police de l’Autorité palestinienne. Tous sont sous son contrôle, son influence et son inspiration, même si ce n’est pas lui qui finance toutes les opérations. Il ne fait aucun doute que c’est Arafat qui a choisi de commencer cette guerre. Notre coopération était d’ailleurs bénéfique pour tous et la police maritime en était consciente. Une fois l’Intifada lancée, les membres de cette unité ont participé à des agressions contre des Juifs tant en Judée-Samarie qu’à Gaza et un bon nombre de leurs marins se sont engagés directement dans des activités terroristes. Malgré tout, nous avons maintenu des relations «polies» jusqu’à l’éclatement de l’affaire du Karine-A qui, en fait, nous a révélé qu’ils avaient brisé toutes les formes d’arrangements que nous avions avec eux. Nous n’avions pas d’illusions ou d’attentes à leur égard, mais nous avons tenté de laisser la police maritime palestinienne en dehors du conflit. En effet, elle était efficace dans le contrôle de l’importation de la plus importante source de nourriture dans la bande de Gaza, la pêche. Il faut savoir qu’il y a en moyenne mille barques de pêcheurs en activité dans la région. Il faut bien comprendre que la ligne côtière est grande et que nous devons être à même d’y contrôler la contrebande. Par conséquent, afin de pouvoir être efficaces, après chaque tentative, nous avons été obligés de réduire la superficie des zones de pêche.

Sur terre, il y a eu des incidents lors des patrouilles conjointes entre la police de l’OLP et Tsahal au cours desquelles des membres de cette «police» ont attaqué leurs collègues de ronde juifs. Ya-t-il eu de tels incidents en mer ?

Avec la police maritime palestinienne, nous n’avons eu aucune agression de la sorte. Toutefois, un membre du Hamas a tenté de lancer une attaque suicide, que nous avons pu empêcher.

Pensez-vous que l’OLP prépare actuellement d’autres opérations et tentatives d’infiltration d’armes du type de celle du Karine-A ?

Cela ne fait aucun doute. Il faut bien comprendre que la saisie du Karine-A constitue pour eux un coup majeur. En raison de l’importance de l’opération, ils étaient absolument convaincus de réussir. Pour notre part, la préparation de notre intervention était une tâche qui nous a occupés pratiquement 24h/24. Les services de renseignements, en particulier de la marine, ont joué un rôle déterminant. L’aviation a dû s’entraîner pour un type d’intervention dont elle n’a pas l’habitude. Le pivot central de toute l’action étaient les commandos marins qui ont dû faire preuve de flexibilité, de capacité d’adaptation rapide et d’audace pour réussir. Mais toutes ces unités se sont préparées ensemble pendant des semaines. Les hommes ont appris à se connaître et à travailler conjointement afin que le court instant que dure l’intervention, à 500 km de leur base, soit couronné de succès.
Ceci dit, il y a eu d’autres tentatives d’infiltrations, notamment celle du bateau «Santorini» en provenance du Liban que nous avons intercepté mais, avec le Karine-A, c’est la première fois que nous avons été confrontés à une opération d’une telle ampleur. Avant le «Santorini», il y a eu trois essais de contrebande d’armes par la mer qui ont échoué et dont les cargaisons n’ont pas atteint leur destinataire qui était l’OLP.

En raison de la situation, pensez-vous que l’idée de la construction d’un port palestinien à Gaza a été abandonnée ?

Je ne crois pas, mais ceci dépend des pays qui se sont engagés à financer ce projet. Toutefois, j’estime pouvoir dire que le début des travaux est reporté à une date qui, pour l’instant, n’est pas encore définie. La construction de ce port fait partie intégrante d’un traité de paix et ne peut donc pas être réalisée tant que la partie adverse nous tire dessus.

On parle de plus en plus de l’implication de l’Iran dans le conflit. Est-elle tangible en mer ?

Non, et je crois pouvoir dire que les activités iraniennes ne sont actuellement perceptibles que sur terre.

Votre marine est également présente sur les côtes de la mer Rouge, où Israël a une frontière commune avec l’Arabie Saoudite. Y a-t-il eu des incidents avec le Royaume ?

Jamais, la seule chose qui nous soit arrivé, c’est que l’un de nos porte-missiles s’est retrouvé par erreur bloqué sur une île saoudienne. En réalisant qu’il s’agissait d’Israéliens, les quelques soldats saoudiens présents ont pratiquement fait une crise cardiaque. Les autorités ont décidé d’ignorer l’incident et, après trois jours, nous avons pu récupérer le bateau sans problème.
Cela dit, dans la mer Rouge, notre activité est en fait celle d’une force de police évoluée et nous avons une excellente coopération avec les Jordaniens afin de faire du golfe d’Eilat un endroit touristique calme et apprécié. Nous n’avons pas de problèmes avec l’Égypte. Si la nécessité devait se faire jour, nous entreprendrions alors les démarches qui s’imposent pour renforcer notre présence et garantir la sécurité de nos citoyens. Par contre, si l’Arabie Saoudite devait devenir une République islamique, les données seraient bien entendu différentes.

Depuis peu, votre marine dispose de sous-marins. Pourquoi ?

Toute marine digne de ce nom doit être dotée d’un sous-marin. Notre action étant finalement confinée à un bassin assez petit, qui est celui de l’Est de la Méditerranée, tout ce qui se passe à la surface est donc facilement repéré. Or il y a un grand nombre d’activités de notre marine qui ne doivent pas l’être et nous faisons beaucoup de choses pour lesquelles nous voulons être totalement invisibles…
Nous avons trois sous-marins qui sont tout neufs. Ils ont été construits en Allemagne sur base de dessins israéliens et disposent de certaines options tout à fait particulières. Je pense pouvoir dire qu’aujourd’hui, ils sont parmi les meilleurs sous-marins de type conventionnel au monde.

Comment voyez-vous le développement des forces navales israéliennes dans les années à venir ?

Je vous ai expliqué notre rôle principal. Cela dit, nous devons envisager de nous adapter aux différentes actions entreprises par les autres marines à travers le monde. Nous voyons régulièrement que des bateaux ou des sous-marins tirent des missiles et interviennent directement dans les conflits sur terre. Toutes les télévisions du monde ont montré la marine américaine en train de lancer des missiles Tomahawk à très longue portée d’un navire croisant dans le golfe Persique sur des objectifs en Irak. Je pense que l’on peut raisonnablement prévoir qu’avec le temps, nous serons amenés à nous développer dans ce sens, mais uniquement dans le cadre des besoins spécifiques de la défense d’Israël. Nous devrons donc être à même de jouer un rôle dans une bataille majeure qui se déroule sur terre et ne pas limiter nos activités à des interventions purement maritimes. Je suis convaincu que progressivement, la marine aura un rôle accru à jouer sur l’échiquier militaire du Moyen-Orient. D’ailleurs, si nous voulons optimiser l’efficacité, même simplement sur le plan des coûts et du rapport efficacité/dollar (ou shekel), nous devons diversifier nos capacités et nos risques. De plus, des changements rapides peuvent intervenir sur le plan militaire, rendant l’un ou l’autre des atouts soudainement moins utile. Il faudra alors qu’une autre unité puisse immédiatement intervenir. Il faut donc établir un équilibre et, dans le cadre des forces armées d’Israël, cela signifie aujourd’hui de donner un nouvel essor à la marine. En conclusion, je pense que nous verrons progressivement une force navale israélienne très consolidée. Aujourd’hui déjà, nous intervenons partout où la sécurité d’Israël l’exige et lorsque cela est nécessaire…, comme nous l’avons fait pour le Karine-A.


Contacts
Redaction: edition@shalom-magazine.com   |  Advertising: advert@shalom-magazine.com
Webmaster: webmaster@shalom-magazine.com

© S.A. 2004