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Sommaire Belgique Printemps 2005 - Pessah 5765

Éditorial - Avril 2005
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Éthique et JudaÏsme
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La Mémoire Courte
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Jérusalem et Bruxelles

Par Roland S. Süssmann
Depuis plusieurs, années, en particulier depuis que la Belgique a décidé de traîner le Premier ministre d'Israël devant ses tribunaux pour le juger pour «crimes de guerre», l'impression prévaut qu' à l'instar de la France, ce petit pays est à la tête de la politique anti-israélienne de l'Union européenne et la cheville ouvrière de tous les ennuis auxquels l'État hébreu doit faire face en Europe. Personne n'a oublié les déclarations incendiaires et provocatrices du ministre belge des Affaires étrangères de l'époque, M. Louis Michel, incitant non seulement à la haine envers Israël mais aussi envers les Juifs. Son parti ayant perdu les élections, la Belgique a retrouvé un ministre des Affaires étrangères qui, bien que n'étant pas ouvertement pro-israélien, s'abstient pour l'instant de faire des déclarations inconvenantes à l'égard de l'État juif. Afin de faire le point sur les relations entre Bruxelles et Jérusalem, nous avons été à la rencontre de S.E.M. JEHUDI KINAR, ambassadeur d'Israël en Belgique et au Luxembourg, qui nous a très chaleureusement reçus.

Comment définissez-vous l'état actuel des relations entre Israël et la Belgique, en particulier depuis qu'il a été mis un terme à ce que l'on a appelé «l'affaire Sharon» ?

Avant de répondre directement à votre question, je pense qu'il serait utile de faire un petit retour dans le temps pour comprendre l'atmosphère qui régnait ici lorsque j'ai accédé à mon poste. Je suis arrivé à Bruxelles en janvier 2003 et quelques jours plus tard, soit le 13 février, un procès contre notre Premier ministre s'est tenu à la Cour de cassation, au cours duquel il a été décidé que la plainte contre Ariel Sharon était recevable et qu'il pouvait être jugé en Belgique. A ce moment-là, mon gouvernement a décidé de me rappeler à Jérusalem pour des consultations. Ce n'est que trois mois plus tard, le 28 avril, que je suis revenu à Bruxelles. Un politicien faisant partie des parlementaires qui avait proposé, en fonction de la Loi de compétence universelle, d'incriminer Ariel Sharon, a également suggéré de traîner devant les tribunaux belges l'ancien président américain Georges Bush, Colin Powell et le général Schwarzkopf. Cette initiative a immédiatement déclenché une réaction américaine et l'administration en place a fait comprendre au gouvernement belge que le quartier général de l'OTAN, situé en Belgique, pouvait déménager dans un autre pays, que le port d'Anvers, qui vit en grande partie du commerce maritime des échanges entre l'Europe et les USA, pouvait aisément être remplacé par Rotterdam, etc. Les Belges, réalisant qu'ils risquaient de rencontrer un certain nombre de problèmes, ont très rapidement abandonné cette loi. Le 7 mai 2003, le jour de Yom Haatsmaouth, j'ai donc pu enfin présenter mes lettres de créances.
En ce qui concerne les relations entre nos deux pays, je dois vous rendre attentif à la situation particulière de la Belgique et de la constellation nationale extrêmement complexe qu'elle présente. En plus du clivage linguistique bien connu, nous assistons actuellement dans le pays au développement d'un phénomène assez intéressant: l'accroissement de l'indépendance et du pouvoir politique des régions au détriment du gouvernement fédéral. Ceci se fait plus particulièrement remarquer dans les domaines de la culture et des accords internationaux relatifs aux questions d'exportations. Il faut savoir que 62% de la population est flamande et que 90% des exportations belges vers Israël viennent de la Flandre. De plus, les matières premières telles que le charbon et le métal, qui faisaient la richesse de la Wallonie il y a 30 ans encore, ont disparu. Cet état de choses résulte dans un ensemble de tensions internes aussi bien économiques que politiques, qui ont des conséquences directes sur les relations entre nos deux pays. En Belgique, il existe trois niveaux de pouvoirs essentiels: le fédéral, le régional et celui des provinces.
Les grandes régions disposent d'énormes pouvoirs et jouissent d'une indépendance incroyable. Elles peuvent par exemple avoir une représentation officielle à l'étranger ou signer un important accord bilatéral avec un État. C'est ainsi qu'un traité commercial majeur peut être signé entre Israël et la Flandre sans avoir besoin d'être ratifié par le gouvernement fédéral ou la Wallonie. Quant aux parlements provinciaux, ils disposent à peu près des mêmes pouvoirs limités que les cantons en Suisse.
Je ne pense pas que dans l'ensemble, la population belge et la classe politique soient particulièrement anti-israéliennes, en tout cas ni plus ni moins que dans les autres pays européens. Nous avons des amis, en particulier dans certains milieux chrétiens, qui sont associés à des groupes analogues en Hollande et qui nous témoignent activement leur sympathie. Cela dit, au niveau fédéral, deux partis nous causent beaucoup de problèmes. De plus, le gouvernement soutient les ONG (Organisations non gouvernementales) dont la cible désignée n'est pas Israël, mais dont des membres influents ont un agenda anti-israélien. Par exemple, Pierre Galland est membre du Sénat et président du groupement de l'amitié belgo-palestinienne?

En admettant que le gouvernement belge décide d'établir un embargo des exportations vers Israël, serait-il possible à l'une ou l'autre des régions de ne pas s'y soumettre, je pense en particulier aux fameuses usines d'armements belges ?

Théoriquement et d'un point de vue strictement légal, ce serait envisageable. En réalité, je ne pense pas qu'une telle situation puisse se produire, le gouvernement fédéral ayant les moyens de stopper ce genre de manifestation d'indépendance.

Une observation rapide de la politique menée par la Belgique au sujet du conflit arabo-israélien démontre clairement une tendance pro-arabe. Celle-ci est-elle due à la forte population musulmane en Belgique ou à des pressions économiques des pays arabes ?

La démarche politique que vous mentionnez n'est pas une spécialité belge, elle s'inscrit dans la lignée d'autres États membres de l'Union européenne. La Belgique justifie d'ailleurs sa politique moyen-orientale en répétant inlassablement qu'elle ne fait que s'aligner sur la ligne de l'UE. Cela dit, il ne fait aucun doute que la présence d'une population autochtone musulmane forte de plusieurs centaines de milliers de membres (et par conséquent d'électeurs) joue un rôle dans la politique envers Israël. Il faut bien reconnaître que les quarante mille Juifs qui vivent ici pèsent peu dans cette balance. Ce phénomène existe aussi dans d'autres pays européens. A mon avis, il n'y a pas de pressions économiques de la part du monde arabe, puisque les relations commerciales sont remarquables et à un niveau très élevé. Israël est le 14e partenaire économique de la Belgique.

Vous estimez que la population belge, dans son ensemble, n'est pas particulièrement anti-israélienne. Malgré tout, on entend de plus en plus parler de la multiplication d'incidents antisémites. Comment évaluez-vous cette nouvelle réalité ?

Je voudrais rappeler que pendant la Shoa, la Belgique a sauvé pratiquement 50% de sa population juive, ce qui n'est de loin pas le cas d'un grand nombre d'autres pays européens. En ma qualité d'ambassadeur d'Israël, je remets annuellement en moyenne plus de vingt Médailles des Justes de Yad Vachem à des personnes qui ont sauvé ou caché des Juifs pendant l'occupation allemande. Ceci me touche d'autant plus que j'ai moi-même été un enfant caché, en tant que bébé, et que d'une certaine manière, je revis à chaque fois ma propre histoire. Je ne dis pas cela pour minimiser la portée des événements dont vous parlez. La présence d'une population musulmane de plus d'un demi million d'individus et la résurgence de l'extrême droite sont des sources sérieuses d'inquiétude, qui sont traitées de manière efficace par le leadership communautaire.

Qu'en est-il des échanges économiques entre les deux pays ?

En raison du commerce du diamant, ceux-ci sont très importants et avoisinent pratiquement un milliard de dollars par an. La Belgique est le partenaire économique le plus important d'Israël dans le cadre de l'UE.

Quelle est votre préoccupation principale concernant l'évolution des relations entre les deux pays ?

Les médias belges, qui disposent d'une grande influence, jouent malheureusement un rôle néfaste dans la diffusion de l'image d'Israël. L'une des activités auxquelles je consacre le plus de temps est la promotion et surtout l'amélioration de l'image d'Israël au sein de la population. J'ai le privilège de pouvoir lire la presse aussi bien en français qu'en flamand et je peux vous dire que les articles anti-israéliens frisent l'antisémitisme, pour ne pas dire qu'ils sont carrément antisémites. Une vieille boutade pose la question suivante: «De quoi s'agit-il ? Cela marche comme un chien, a l'aspect d'un chien et aboie ?». Il ne peut s'agir que d'un chien. Il en est de même avec la presse locale et ses publications dites uniquement anti-israéliennes, qui ne veulent pas être considérées comme antisémites? bien qu'elles y ressemblent curieusement. En novembre 2004, le Knack (l'équivalent de l'Express en France) a publié un article sur la «mafia israélienne d'Anvers». Cet article relativement bien documenté, était truffé de citations antisémites écrites sous l'anonymat le plus complet ce qui, au nom de la liberté d'expression, est légal en Belgique. Ce genre de publications à répétition, dont le seul but est de noircir l'image d'Israël et des Juifs, a progressivement un effet néfaste sur nous tous. Les politiciens et les parlementaires lisent quotidiennement cette presse totalement déséquilibrée et anti-israélienne et en subissent l'influence ce qui, en définitive, ne peut avoir que des conséquences négatives dans le développement de nos relations. Je suis donc en contact permanent avec les différentes rédactions qui, lors de nos réunions, me donnent souvent raison? mais ne font rien pour améliorer la situation.

En plus de votre mission auprès du gouvernement belge, vous êtes aussi le lien entre Israël et la communauté juive. Comment percevez-vous celle-ci ?

Avant de répondre avec précision à votre question, je voudrais souligner un problème auquel nous sommes confrontés et qui est en rapport direct avec ce que je vous ai dit au sujet de la question de l'image d'Israël au sein de l'opinion publique. Chaque fois qu'un journaliste veut entendre une voix juive par rapport à un événement qui s'est déroulé en Israël, il s'adresse toujours au même groupuscule, une association ouvertement anti-israélienne qui porte le nom de l'Union des Juifs Progressistes. Cela dit, la communauté juive dans son ensemble est proche d'Israël et nous apporte son soutien.

La question qui se pose en fait est de savoir quelle est l'implication de la communauté juive dans la promotion de l'image d'Israël, en particulier dans le combat contre la propagande anti-israélienne ?

Il ne s'agit pas d'une manifestation homogène. La majorité de la population juive a de la famille en Israël et est outrée par les excès de la presse. Malheureusement, comme partout, nous assistons à une sorte d'apathie générale et je dois dire que dans les faits, les réactions actives et effectives sont pour ainsi dire inexistantes. Il y a à Bruxelles le Centre laïc juif, qui est très actif? dans la promotion des intérêts de l'extrême gauche israélienne. Yossi Beilin et Yasser Abed Rabo y sont invités régulièrement mais pour le reste? Si la communauté voulait agir pour changer les tendances anti-israéliennes, je pense qu'elle pourrait le faire. A Anvers, il existe un petit groupe actif, le Forum, qui entreprend un certain nombre de démarches auprès des maires et des politiciens afin de tenter d'améliorer la situation. Je dois reconnaître que la communauté juive anversoise est engagée différemment envers Israël. Cela provient du fait qu'elle dispose d'un véritable pouvoir économique au sein de la ville même, ce qui n'est pas le cas à Bruxelles. De plus, la motivation religieuse étant plus forte à Anvers qu'à Bruxelles, cela joue peut-être aussi un rôle.

Qu'en est-il des relations avec le Luxembourg ?

Depuis le premier janvier 2005, ce pays préside l'Union européenne. Son ministre des Affaires étrangères est issu de la nouvelle coalition gouvernementale sortie des urnes en juin 2003 et il ne s'est pour l'instant pas encore rendu en Israël. Nous entretenons des relations bilatérales du même type que celles que nous avons avec d'autres petits pays européens. Il y a une minuscule communauté juive d'environ mille âmes dont la grande majorité vit à Luxembourg même et quelques familles à Esch-sur-Alzette, où il y a aussi une synagogue. La balance commerciale entre Israël et le Luxembourg montre un surplus de 25.4 millions de dollars en faveur du Luxembourg. En fait, les exportations israéliennes atteignent 4.3 millions alors que le Luxembourg a exporté pour 29.7 millions de biens vers Israël. Il ne s'agit pas d'un volume important. Israël exporte surtout des machines, des équipements électriques, des instruments scientifiques et médicaux, et achète au Luxembourg divers métaux de base, certains types d'équipements électriques, des perles, des pierres précieuses et des bijoux. Il faut savoir qu'aussi bien la Banque Leumi que la Banque Hapoalim ont des bureaux au Luxembourg.


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