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Sommaire Société Printemps 1998 - Pessah 5758

Éditorial - Pintemps 1998
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Pessah 5758
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Jewish Care

Par Roland S. Süssmann
"Mourir, la belle affaire.... mais vieillir !" s'exclamait Jacques Brel dans l'une de ses plus belles chansons. Aujourd'hui, alors que tout est fait pour prolonger la vie au maximum et réduire les années de travail au minimum, cette phrase prend plus que jamais tout son sens. Les problèmes sociaux ne concernent plus uniquement les plus âgés d'entre nous, mais pratiquement toutes les couches de la société. La collectivité juive n'étant pas épargnée par cette problématique, nous avons décidé de vous présenter une organisation unique en Europe, qui déploie son activité à Londres et dans le sud-est de l'Angleterre et qui se nomme tout simplement "JEWISH CARE" - "Sollicitude Juive".
Jewish Care sous sa forme actuelle n'a en fait vu le jour qu'en 1990, suite à la fusion entre le "Jewish Wellfare Board", créé en 1859, et la "Jewish Blind Society", fondée en 1819. Depuis 1990, plusieurs petites ýuvres caritatives juives se sont jointes à Jewish Care qui est devenue ainsi la plus grande organisation de services sociaux juifs en Grande-Bretagne, comptant 1500 employés pour lesquels elle dispose d'un programme de formation également destiné aux 2500 volontaires. Pour 1997, le budget annuel de fonctionnement, d'environ 32 millions de livres, a été financé par les autorités locales et centrales, l'Union européenne et des donations (la collecte de fonds est patronnée par les plus importantes personnalités juives de Grande-Bretagne, industriels, politiciens, banquiers et artistes confondus).
Jewish Care regroupe 14 homes pour personnes âgées, 5 centres journaliers, 5 centres journaliers accueillant les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer (ces centres constituent en outre une grande source de soulagement pour les familles et les personnes s'occupant de ces malades à leur domicile), 8 foyers pour personnes en convalescence atteintes de maladies mentales, 5 équipes d'assistants sociaux, 2 centres spécialisés pour les survivants de la Shoa victimes de troubles mentaux, une agence pour l'emploi, un centre pour jeunes handicapés (18-40 ans), un très grand service d'aide à domicile, un service pour des personnes handicapées ou souffrant de problèmes de vue (mise à disposition d'appareils spéciaux pour faciliter la lecture, de fours spécialement aménagés pour que les malvoyants puissent cuisiner sans se brûler, de l'enseignement du braille, même en hébreu, d'enregistrements sur cassettes audio de livres juifs, etc.), un centre de communication pour aveugles ainsi que des centres pour veufs et veuves, des clubs pour personnes victimes d'infarctus et finalement un centre de jeunesse pour des adolescents issus de familles à revenu modeste. Toutes les activités sont strictement cachères, chaque home dispose d'une synagogue et les shabbatoth et les fêtes y sont célébrés de façon traditionnelle (construction d'une souccah, etc).
Il est impossible de présenter ici en détail ou même de façon succincte chacun des différents services dont s'occupe Jewish Care. Lors de notre visite, nous avons entendu de nombreuses anecdotes, toutes aussi étonnantes qu'émouvantes. On nous a parlé de cette dame paralysée qui a créé une ligne téléphonique d'entraide, de conseils, de contacts et d'informations pour handicapés qu'elle dirige installée dans un home spécialisé de Jewish Care depuis son lit, munie de son ordinateur mis à disposition par l'organisation. Décorée par la Reine, elle s'est rendue à Buckingham Palace en ambulance... et en chemise de nuit ! Nous avons donc choisi de traiter certains aspects qui distinguent spécifiquement Jewish Care des autres grands services sociaux à travers le monde. Il faut souligner que l'aide à domicile constitue l'un des très grands chantiers de Jewish Care, le but étant de laisser les personnes âgées le plus longtemps possible dans l'environnement qui leur est familier. En effet si, il y a quelques années encore, l'aide à domicile se limitait aux tâches ménagères ou à accompagner les personnes à faire leurs courses, aujourd'hui, nous parlons d'une véritable prise en charge, souvent 24h sur 24, et près de mille foyers bénéficient de ces services. Jewish Care n'est pas seulement actif dans les grands quartiers à forte population juive de Londres, mais aussi dans des régions telles que l'East-End de la capitale où vivent encore près de quatre mille Juifs. On les appelle souvent "les Juifs oubliés", ce sont des personnes très âgées, sans famille et très pauvres, qui vivent dans des appartements gouvernementaux, totalement isolées, souvent au 25e étage d'un immeuble sans ascenseur. Elles ne sortent pour ainsi dire jamais et il leur est impossible de se procurer de la nourriture cachère.

LES SERVICES POUR LES SURVIVANTS DE LA SHOA

Ce centre offre tout un programme d'activités sociales et récréatives où les survivants se retrouvent afin de se soutenir mutuellement. Outre des classes d'art, de théâtre et des ateliers d'écriture (l'un d'eux vient de publier son premier livre), ces centres proposent des groupes de discussion, d'enregistrement des témoignages, etc. Environ 1000 personnes ayant vécu le même genre de drames et de cauchemars s'y retrouvent afin de partager leurs souffrances et participer aux diverses activités. Il existe également un centre de thérapie qui porte le nom de "Shalvata" (paix de l'esprit) dans lequel des survivants ou des descendants directs de victimes de la Shoa sont soignés; anxiété et traumatismes émotionnels y sont traités régulièrement. Les personnes atteintes ont en général été cachées pendant leur enfance, séparées à jamais de leurs familles ou encore des épouses de survivants. "Shalvata" reçoit aussi des personnes ayant perdu un proche suite à un suicide ou d'autres, très isolées, ayant des difficultés à communiquer avec leur entourage. Aujourd'hui, 120 réfugiés bosniaques fréquentent également ce centre qui est partiellement financé par le "World Jewish Relief".

LES CENTRES JOURNALIERS

"La moyenne d'âge de nos membres se situe autour de 82 ans" me dit, avec un sourire complice, Ann Paul, la directrice du centre journalier "Michael Sobell Community Center", l'un des cinq centres de Jewish Care. Près de 250 personnes s'y rendent quotidiennement pour déjeuner (il y a deux services), participer à l'une des nombreuses activités ou simplement pour rompre leur solitude. Un service de bus et de taxis de Jewish Care transporte environ 120 personnes, les autres utilisent leurs propres moyens. Le centre a 280 employés plus une équipe de 90 volontaires dont certains se dévouent jusqu'à 4 jours par semaine. Les personnes qui fréquentent le centre doivent en devenir membres. En arrivant le matin, elles s'inscrivent et paient une petite redevance journalière comprenant un thé avec encas à dix heures ainsi que le repas de midi et la participation à l'ensemble des activités. La palette de celles-ci est très large et comprend aussi bien des ateliers de travaux manuels, de peinture et de cuisine que la chorale, l'expression yiddish et hébraïque, du Tai Chi et des cours de gymnastique gériatrique. L'une des activités les plus fréquentées est nommée la "chambre du souvenir". Il s'agit d'une pièce aménagée dans le style des années 1900-1930 où les membres peuvent se rendre afin de partager leurs souvenirs. L'environnement ainsi créé active la mémoire et des discussions souvent animées s'y déroulent. L'heure du repas constitue quotidiennement un événement heureux, car chacun se sent convié à une petite fête où l'on se retrouve entre amis, où l'on fait de nouvelles connaissances et où, de temps en temps, naissent de petites idylles. Il y a plusieurs menus au choix, car il ne s'agit pas simplement de "nourrir" les membres. Tout est entrepris afin de faire régner une atmosphère agréable. N'oublions pas que la plupart des personnes qui se rendent dans ces centres sont très seules et vivent souvent dans des situations dramatiques. Leur venue constitue une véritable sortie et nous avons d'ailleurs remarqué que la majorité s'habille spécialement pour l'occasion. Les après-midi sont généralement consacrés à des jeux de société, cartes, bingo, quiz, etc.
Le centre va bien au-delà du simple lieu de rencontres et de distractions. En effet, il dispose d'une boutique de produits cachères, de plats précuits prêts à être réchauffés, d'un coiffeur et d'une manucure pour messieurs et dames, d'une boutique de vêtements spécialisée dans la mode du 3e âge, etc. Sont également distribués ou vendus des articles de soutien pour des personnes légèrement handicapées, malvoyantes ou malentendantes telles, par exemple, des pinces à rallonges permettant de ramasser des objets sans se baisser, etc. Le centre offre également un service d'aide et de conseil que les membres peuvent consulter pour résoudre des problèmes personnels ou de la vie quotidienne.
Le "Michael Sobell Community Center" dispose également d'un secteur réservé aux activités récréatives pour des personnes mentalement légèrement handicapées, dirigé par un personnel spécialisé.

En conclusion, nous pouvons dire que "Jewish Care" porte bien son nom et que son slogan "Nobody cares like Jewish Care" est parfaitement juste et adapté. Il s'agit d'une organisation remarquable qui sait faire face aux innombrables problèmes qu'elle rencontre avec efficacité et surtout en faisant appel à des professionnels de haut niveau dans chacun des domaines respectifs qu'elle traite. Il faut souhaiter que son action soit largement imitée.

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