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Sommaire Art et Culture Automne 1997 - Tishri 5758

Éditorial - Automne 1997
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Roch Hachanah 5758
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Yiddishkeit

Par Roland S. Süssmann
C'est en passant un soir devant la Galerie George V se trouvant sur l'avenue King George, cette artère bruyante trop polluée de Jérusalem, que j'ai remarqué pour la première fois une ýuvre de HENRI ZVI SILBERSTEIN. La force et le caractère à la fois moderne et nostalgique ainsi que la richesse intérieure et le rayonnement que dégagent ses tableaux m'ont immédiatement frappé.
Je dois avouer que les premiers moments passés avec Zvi Silberstein m'ont laissé assez perplexe. A ma grande surprise, je me suis trouvé face à un véritable "titi parisien", un peu hâbleur mais chaleureux et fort sympathique, qui s'exprimait en français avec l'accent de son quartier natal de Vaugirard et qui, phénomène extraordinaire, parlait avec une délectation toute particulière le yiddish. Cette langue, que son père ne lui a enseignée que vers la fin de sa vie, constitue pour lui le lien qui le rattache au judaïsme et qui caractérise son identité juive. Il la réserve d'ailleurs aux entretiens privés avec ses meilleurs amis.
Rien d'étonnant donc à ce que ce "jeune peintre" qui vient de fêter ses 70 printemps ait intitulé sa première série de 17 tableaux et son album de lithos "Yiddishkeit". Ce terme si profondément significatif et qui ne supporte aucune traduction, décrit avec vigueur l'être juif, sa philosophie, sa manière de vivre, sa façon d'agir, de fonctionner et de réfléchir.
L'histoire de la famille de Zvi Silberstein ne peut bien évidemment pas être résumée en quelques lignes. Ses parents, établis à «MDNM»Paris avant la Première Guerre mondiale, étaient totalement assimilés. Sa mère a été déportée 19 jours avant la libération de Paris. Elle a été arrêtée avec 107 enfants, rue Secrétan, où elle enseignait dans une école juive; aucun d'eux n'est revenu. Quant au père de Zvi, il a survécu et a été assassiné par des voyous à son domicile parisien le 25 février 1981, à l'âge de 92 ans. A 65 ans, il s'était lancé dans la sculpture et le façonnage d'objets cultuels juifs tels que hanoukioth, couronnes de Torah, mezouzoth et menoroth.
Vétéran de la Deuxième Guerre mondiale où il s'était engagé au Maroc dans la Première armée française, Zvi Silberstein a fait son alyiah en 1947 et a participé à la Guerre d'Indépendance de 1948. Les hostilités terminées, il a vécu pendant cinq ans dans le Kiboutz Hulata, travaillant comme pêcheur et chauffeur de poids lourds. En 1952, il s'est installé à Tel-Aviv comme maquettiste et architecte-décorateur, deux professions dans lesquelles il a fait carrière avant de les abandonner et de se lancer dans la peinture fin 1995.


En regardant vos tableaux, on a l'impression que vous suivez un peu la démarche entreprise par Roman Wishniac qui, dans ses fameux albums de photos noir et blanc, fait revivre le "Shtetl" et un monde disparu. Or vous n'avez pas connu cet univers d'hier. Comment procédez-vous ?

Il est exact que je n'ai jamais vécu dans ce que j'appelerais le "Yiddishland", ce monde où le livre était roi, où pauvreté rimait avec dignité, où les idéologies juives comme le sionisme, le bundisme ou encore le hassidisme bouillonnaient et où le savoir, le "lernen", constituait la plus importante lettre de noblesse. Je regrette de ne pas avoir connu ce monde, mais feu mon père, qui était un fabuleux conteur, m'a raconté son "Shtetl" que, grâce à ses histoires, je connais comme si j'y avais vécu. D'ailleurs, tous mes tableaux portent des noms yiddish.


Votre désir de faire revivre un monde disparu est évident, mais comment faites-vous pour choisir vos sujets ?

Les personnages que je reproduis ne sortent pas de mon imagination ni même des histoires de mon père. La réalité est plus simple. Je me rends régulièrement à Bné Beraq et à Jérusalem, dans le quartier de Méa Shéarim, où je photographie les hommes et les femmes que je vois dans la rue. J'esquisse ensuite ces personnages que j'inclus dans des collages de journaux yiddish. Après le décès de mon père, j'ai retrouvé des photos de lui et de sa famille datant d'avant son installation en France. J'ai décidé de reproduire ces photos de façon esquissée dans une nouvelle série de cinq tableaux que je suis en train de réaliser.

Quelle est votre technique de travail ?

Je commence par peindre mes personnages, je prends ensuite un papier transparent sur lequel je les détoure, puis je colle les journaux yiddish et les éléments que je souhaite intégrer dans le collage.


Quels sont vos projets d'avenir ?

Je viens de faire une grande exposition dans la rue des Rosiers, le fameux "Pletzl" de Paris, qui a rencontré un certain succès, et j'en prépare une qui se tiendra en février 1998 à New York. Quant à l'avenir, je vais bien entendu continuer à peindre car, d'après la tradition juive, j'ai encore 50 belles années devant moi. Selon un proverbe yiddish, je n'ai à ce jour accompli que la partie facile de mon existence, car cet adage dit: "Die ersten 70 Your sennen nich schwer..." ("Les 70 premières années ne sont pas difficiles"). C'est donc dans cet esprit que je m'attelle à la nouvelle tâche que je me suis fixé et que je me lance, en tant qu'aventurier que je suis dans l'âme, dans cette nouvelle expédition.

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