Éditorial - Décembre 1994
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Quelle croissance économique ?
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La structure économique du marché israélien est déterminée par divers facteurs ayant leur influence sur la situation actuelle, notamment les dimensions modestes de son marché, qui rendent son développement étroitement lié à une participation accrue au commerce mondial, et la stagnation dans la croissance du PNB par habitant. Nous tenterons ici d'identifier ces données et de voir si elles ont été traitées de manière adéquate par les décideurs de la politique économique.
le gouvernement resserre le budget national en contrôlant les impôts et les prix, la Histadrout et les employeurs consentent à une réduction des salaires et des bénéfices. Du coup, l'hyperinflation qui avait atteint un taux de 450% en 1984 disparaissait. Cependant, le noyau dur de l'inflation n'a pas été éliminé et rien n'a été fait jusqu'à nos jours pour le supprimer totalement. Un taux d'inflation de 5 à 15% porte préjudice au commerce extérieur et aux exportations d'Israël, principalement avec l'Europe, le Japon et les Etats-Unis. Le marché se dirige maintenant vers une inflation annuelle de 15%, et c'est à nouveau le gouvernement qui favorise cette flambée par une augmentation de 10% en termes réels des salaires dans le secteur public, et par des bouleversements dans le taux des impôts et des prix. La Histadrout va exiger maintenant une augmentation salariale dans le secteur commercial et une indexation pleine au taux d'inflation. Au moment de la présentation du budget de 1994, le Trésor prévoyait une inflation de 8% environ; mais dès le mois de mai, on enregistrait déjà un taux annuel de 14%.
Autre grave échec: la politique d'intégration des immigrants de la Communauté des Nations. Par ses manquements, le gouvernement a laissé passer l'occasion d'encourager la poursuite de cette immigration de qualité, qui aurait pu contribuer à un essor nouveau dans le secteur industriel, condition primordiale pour l'accroissement de l'exportation et du commerce extérieur, comme on le verra plus loin. Les vagues d'immigration successives au cours de ce siècle ont apporté dans le pays des hommes qui ont dû changer de métier ou de profession et s'adapter aux conditions ambiantes. Cependant, les 400'000 personnes arrivées de l'ex-URSS dans les années 1990-1992 étaient dotées de qualifications professionnelles qui auraient pu idéalement contribuer au développement des industries exportatrices comme le métal, les machines, la chimie et l'électronique.
Cette immigration comptait une proportion d'ingénieurs et de scientifiques jamais vue dans n'importe quelle population donnée. Le nombre de scientifiques de haut niveau a été évalué à 6'000, ce qui est en soi un chiffre impressionnant. Seul un petit nombre d'individus ont été insérés dans un cadre professionnel adapté à leurs qualifications, à cause d'une dispersion géographique maladroite ou parce que la création d'emplois adéquats dans les localités où ils ont été accueillis n'a pas été prévue. Ainsi, ce capital de ressources humaines hautement qualifié a été gaspillé, portant un grave préjudice d'une part à l'économie nationale et d'autre part aux immigrants eux-mêmes. Résultat: émigration, fuite de cerveaux et suspension de l'aliya en masse de ce groupe humain de qualité. Actuellement, on estime que 6'000 personnes par mois arrivent en Israël en provenance de la Communauté des Nations, contre 30'000 au cours des mois records fin 1990 et début 1992. La composition professionnelle des immigrants s'est également modifiée. En 1990, on comptait 25% d'ingénieurs, en 1993, ils ne sont plus que 16%; les diplômés avec plus de 13 ans d'études étaient 57% et ne représentent plus que 43%. Parmi les scientifiques arrivés avec la première vague, 7,5% ont quitté le pays et si le taux actuel d'émigration n'est pas connu, on sait qu'il est élevé. Les dépenses du gouvernement ont diminué en raison du flot restreint de l'immigration et on peut également supposer que l'émigration a réduit le chômage, qui gravitait autour des 8% en janvier de cette année, taux semblable à celui enregistré avant la grande vague d'immigration (parmi les immigrants, le taux de chômage est actuellement de 20%).
Il n'y a pas d'amélioration significative dans le commerce international d'Israël, pourtant vital pour son petit marché. On assiste en 1994 à une progression des importations, tandis que les exportations augmentent à peine. Le déficit de la balance commerciale mensuelle a fait un bond, passant de 350 millions de dollars en 1993 à un demi-milliard de dollars en 1994. Si le déficit de la balance commerciale n'a pas eu d'effets néfastes sur l'état des réserves, c'est grâce à l'adjonction d'un emprunt d'un milliard de dollars garanti par le gouvernement des Etats-Unis en mars 1994; il s'agit d'un premier emprunt obtenu de cette façon sur une somme globale de trois milliards de dollars. En étudiant les chiffres des exportations sur plusieurs années, nous constatons qu'entre 1976 et 1985, le total des exportations représentait entre 37 et 51% de la production annuelle de ces années, tandis qu'entre 1986 et 1993, elles ne constituent plus que 33 à 41% de cette production. Il s'agit là d'une détérioration importante compromettant la poursuite de la croissance économique, qui se fonde essentiellement sur un élargissement du marché international d'Israël, notamment par une plus grande participation au commerce mondial, programme difficile à réaliser dans les conditions prévalant actuellement. Au climat d'optimisme qui régnait vers la fin de 1993, suscité par les développements politiques dans la région et les négociations de paix, a succédé une période d'incertitude ou une prise de conscience plus réaliste quant aux retombées économiques éventuelles d'un accord de paix. La signature des accords du Caire entre Israël et l'OLP en mai dernier n'a pas réussi à modifier ces sentiments mitigés. On n'a pas enregistré une augmentation du commerce ni une réduction du budget de la Défense. La politique qui doit déterminer les relations entre les zones autonomes et Israël est encore fort imprécise et soulève beaucoup de questions. Quel type de rapports peut-il y avoir entre un marché où le PNB annuel se monte à 12'000 dollars par habitant et un marché où il n'est que de 1'700 dollars par habitant ? Selon les estimations de la Banque mondiale, si l'autonomie obtient toutes les subventions internationales promises, si tous les projets d'infrastructure et de développement économique de l'ordre de 2,5 milliards de dollars sont mis en route et si Israël emploie 120'000 travailleurs palestiniens, on pourra espérer une croissance de 3% du PNB par habitant: ainsi, en l'an 2003, le revenu annuel se montera à 2'300 dollars par tête. Il s'ensuit que les deux marchés devront se concurrencer à l'extrême dans le domaine des produits et des services internationaux pour l'exportation. Dans un premier stade, le marché israélien se concentre sur la production d'articles fondés sur l'exploitation de sa richesse en ressources humaines, tandis que le marché de l'autonomie offre surtout des produits exploitant sa force de travail. La seule coopération possible réside dans d'éventuelles opérations internationales communes. L'ouverture mutuelle ne pourra qu'être désavantageuse pour les deux marchés. Les travailleurs de l'autonomie seront employés en Israël à des tâches subalternes, ce qui freinera leur progression professionnelle. En Israël, le développement technologique dans certains secteurs comme le bâtiment sera retardé. Pour qu'il y ait une chance réelle de combler le profond fossé qui sépare les deux économies, il faudrait que le revenu par tête dans l'autonomie progresse de 5 à 6% par an. Ce qui ne sera possible que lorsque ce marché adoptera une politique de spécialisation très pointue dans l'industrie et l'agriculture pour l'exportation. Une séparation économique n'implique pas nécessairement une séparation politique.
En conclusion, on peut dire que les problèmes auxquels l'économie doit faire face n'ont pas été correctement cernés: ainsi le noyau dur de l'inflation a subsisté, devenant permanent, et dans l'absence d'une intégration efficace de l'immigration, on n'a pu en faire l'instrument d'un essor économique qui aurait déterminé les relations futures entre l'autonomie et le marché israélien. Toutes ces difficultés se reflètent dans la balance des paiements, mais ont été "couverts" par des transferts quasi sans contrepartie comme des subventions, des prêts à conditions avantageuses et les garanties. Cependant, au cas où certains changements interviendraient, la balance des paiements d'Israël risque d'en subir les conséquences. Afin de prévenir une telle situation, il faut avant tout prendre conscience de la petitesse du marché israélien et reconnaître que sa croissance dépend de sa compétitivité sur le marché mondial, dans la production et dans les services. L'augmentation du commerce international d'Israël est susceptible de réduire le noyau dur de l'inflation, de donner un élan nouveau à l'intégration des immigrants et d'intensifier le processus de l'aliya, à la fois sur le plan qualitatif et quantitatif. Israël doit vigoureusement soutenir et encourager les forces économiques de l'autonomie et les pousser à se spécialiser dans l'exportation, l'industrie, l'agriculture, et à accroître son commerce international.
En 1993, à la demande d'Itzhak Shamir, le Professeur Herman Branover a présenté un plan détaillé pour l'intégration des immigrants hautement qualifiés dans des entreprises fondées sur la production pour l'exportation. Le Professeur Branover avait été nommé à la tête d'une commission établie par le Premier ministre, avec pour objectif la mise au point d'un programme de base pour l'emploi des immigrants et la stimulation de l'économie. Dans le cadre de ce plan, il préconisait l'établissement de cinq zones franches d'exportation à travers le pays, qui devaient générer 130'000 emplois nouveaux. Toutefois, ces projets n'ont pas été réalisés et le gouvernement a proposé la création d'une seule zone franche d'exportation. La législation a été achevée en juin dernier. La spécificité d'une telle zone est d'attirer les investisseurs possédant capitaux, technologie et marchés pour leurs produits, et de les encourager à établir des entreprises industrielles ou des services dans des conditions d'activité économique libre tout en contournant la lourde bureaucratie israélienne. Ce processus permet d'exploiter librement les avantages relatifs du marché israélien, notamment la qualité des ressources humaines et une infrastructure financière bien développée. L'établissement de zones franches d'exportation représente un des instruments essentiels pour une participation israélienne accrue à l'économie mondiale. Les mesures conventionnelles adoptées jusqu'ici en Israël -- subventions au moyen de "la loi pour l'encouragement des investissements de capitaux", aide à la recherche et au développement par l'intermédiaire du directeur scientifique, subsides variés, directs ou indirects, à l'exportation et au marketing -- n'ont pas été suffisamment performantes pour se traduire par une croissance économique continue, une balance des paiements favorable et un excédent en devises étrangères.
Attirer des investisseurs détenant la clé des marchés internationaux est donc la solution de choix pour remédier aux problèmes brûlants de l'économie israélienne: l'inflation, l'intégration de l'aliya, la balance des paiements et les relations avec l'autonomie.
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