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Sommaire Analyse Automne 1994 - Tishri 5755

Éditorial - Septembre 1994
    • Éditorial

Roch Hachanah 5755
    • Le son du silence

Politique
    • Les fanatiques sont là
    • Le règne de la discorde

Interview
    • Et maintenant...?
    • Les gardiens de l'espoir

Hommage
    • Le Rebbe de Loubavitch s.z.l.

Judée - Samarie - Gaza
    • Une présence vitale pour Israël
    • Les femmes juives de la Bande de Gaza

Art et Culture
    • L'art de Souccoth
    • Le marché de l'art en Israël
    • Mela Muter (1876-1967)

Analyse
    • L'islam et la politique au Moyen-Orient
    • Les meilleurs amis du monde...

Israel - Thailande
    • Excellente coopération
    • Madame l'Ambassadeur !

Économie
    • Progression constante

Éthique et Judaïsme
    • Mais laquelle exactement ?

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L'islam et la politique au Moyen-Orient

Par le Professeur Moshé Sharon *
Nombreux sont les soi-disant experts du Moyen-Orient et du monde arabe qui, pour définir l'intense activité des mouvements politiques inspirés de l'idéologie islamique, emploient les termes de "radical", "intégriste", voire de "groupes marginaux". Pareilles descriptions ont fini par donner au lecteur occidental l'image d'un monde arabe et d'un Moyen-Orient parfaitement séculiers et modernes, dans lesquels les activistes musulmans ne sont rien d'autre que des groupes de fanatiques qui ne représentent qu'une très petite - bien que fort bruyante - minorité sans réel pouvoir politique ni assise populaire.
Même l'avènement de l'Ayatollah Khomeiny et la mise en place d'un Etat islamique en Iran, ou le grand retour en force de l'Islam dans l'ensemble du monde musulman, n'ont pas réussi à amener les Occidentaux à remettre en question l'image qu'ils se sont forgée du Moyen-Orient ou de l'Islam en général.
L'Occidental - comment pourrait-il en être autrement - issu d'une culture née de la combinaison de l'héritage romain et du Christianisme, voit la société et la politique du Moyen-Orient à travers le prisme de sa propre culture, et se sert du vocabulaire issu des dictionnaires occidentaux pour décrire le monde arabe islamique. Même les Israéliens, qui vivent pourtant au Moyen-Orient, commettent la même erreur que les Européens et les Américains. Il y a plus de 25 ans, le Professeur Bernard Lewis mettait en garde les Américains contre le piège de comparer la personne qui se sert de la terminologie occidentale pour décrire le monde musulman à un reporter sportif parlant d'un match de baseball avec les termes du cricket. Non seulement les notions d'élections libres, de parlementarisme, de démocratie, de la droite et de la gauche ne peuvent s'appliquer au système politique et social du Moyen-Orient, mais le terme de "fondamentalisme", qui revient si souvent pour qualifier l'activité des Musulmans, n'a absolument rien à voir avec l'Islam.
En effet, l'idée du fondamentalisme est le produit direct de la théologie chrétienne. Ce terme décrit une religion fondée sur la foi, une religion pour laquelle la définition de l'article de foi est indispensable au salut de chaque croyant. Ainsi, pour les mouvements chrétiens fondamentalistes, il importe d'accepter telle quelle la parole de l'Evangile comme l'authentique parole du Seigneur. L'Islam, lui, ne connaît pas ce genre de problème. Aucun Musulman qui se dit croyant (et rares sont ceux qui ne le sont pas) ne mettra jamais en doute le fait que le Coran est la retranscription exacte de la parole d'Allah. Des centaines d'"études" sur l'Islam contemporain sont parues, qui donnent la "preuve" irréfutable que le Coran est tout à fait compatible avec l'ensemble des progrès scientifiques, avec les théories sociales et politiques qui ont cours aujourd'hui, avec la philosophie moderne, et même avec l'exploitation de l'énergie nucléaire et la conquête de l'espace.
L'Islam est un système juridique et non pas une religion fondée sur des articles de foi. Le Musulman n'a pas droit au "salut" parce qu'il croit en quelque chose; il trouve sa crédibilité religieuse en adhérant à la pratique de l'Islam et en faisant de l'Islam l'objet de son identité et de sa loyauté. Un Musulman se doit bien sûr de croire en D' et en la vérité de la prophétie de Mahomet, mais il n'a pas besoin de ces deux principes très simples qui s'imposent d'eux-mêmes pour définir son identité islamique. L'Islam, c'est une culture, une histoire, une littérature, un mode de vie, une source de fierté, un droit, un système social, un Etat, donc une religion. L'Islam ne fait pas la distinction entre le sacré et le profane, entre la politique et la religion, entre l'Eglise et l'Etat. Tous ces termes, qui constituent l'essence même de la pensée occidentale et représentent des opposés fondamentalement incompatibles, ne font qu'un dans l'Islam. Source d'identité, objet de toute loyauté, la pensée islamique reste le noyau autour duquel gravite la pensée de tout Musulman, même de celui qui se dit "socialiste" ou "athée". Lewis a bien su exprimer cette idée, lorsqu'il soutenait que même un Musulman dirait "D' n'existe pas et Mao est son prophète".
Le Moyen-Orient est une région qui regroupe de nombreuses identités, dont la plus répandue aujourd'hui est le nationalisme arabe. Mais avant d'examiner de plus près cette notion, il convient de passer en revue quelques autres identités. Au Moyen-Orient, l'individu peut donner différents points de référence à son identité, tous acceptables socialement. La première définition qui s'impose est sans doute celle du lien de parenté, qui joue un rôle clé dans la société orientale dans la mesure où il donne son assurance à l'individu et définit sa position sociale. A la différence de la plupart des sociétés occidentales où la parenté n'a plus qu'une valeur sentimentale, la société arabe en fait toujours un objet d'identité très concret et utile. Par ailleurs, une personne se définira également volontiers en fonction de son lieu de naissance ou de résidence, qu'il s'agisse d'un village, du quartier d'une ville ou d'un district. Souvent la "nisbah", c'est-à-dire la référence à un lieu ou à l'appartenance à un clan, fait partie intégrante du nom de la personne.
Un autre élément d'identité réside dans la citoyenneté d'un des Etats arabes. L'individu se verra alors comme un Syrien, un Iraquien, un Egyptien, un Tunisien, un Koweitien, etc. Il s'agit là de la définition la plus récente, née au lendemain de la Première Guerre mondiale, qui, dans la plupart des cas, est venue remplacer les définitions régionales plus anciennes prévalant depuis l'instauration des Etats islamiques.
A l'exception de l'Egypte, qui a connu une certaine indépendance sous la domination turque dès le milieu du XIXe siècle, tous les Etats arabophones du Moyen-Orient sont les créations artificielles des puissances impériales, qui se sont partagé les restes de l'Empire ottoman. La Grande-Bretagne et la France furent les principaux acteurs de ce découpage du Moyen-Orient. La première, craignant de se voir bloquer la route vers l'Inde, établit sa suprématie sous diverses formes sur le Golfe persique, l'Arabie, l'Irak et la Palestine - qui comprenait les deux rives du Jourdain et l'Egypte. La France, pour sa part, s'adjugea la Syrie et le Liban. Les frontières finales tracées au Moyen-Orient avant la Première Guerre mondiale donnèrent naissance, entre les deux guerres et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à la carte politique actuelle de la région ainsi qu'à la Ligue arabe, une ýuvre du génie politique des Britanniques. Par cette invention, il s'agissait en effet d'entretenir l'idée de l'unité du nationalisme arabe, tout en veillant à maintenir une certaine division entre la dizaine d'unités politiques représentées par les Etats modernes: une démonstration magistrale de l'application de la règle romaine "il faut diviser pour régner", version anglaise! En même temps que la Ligue devait servir les intérêts des Anglais, il importait de l'affaiblir constamment par les luttes intestines entre ses membres.
Il apparaît donc clairement que la mise en place des différents Etats arabes au Moyen-Orient s'opposait radicalement aux idéaux du nationalisme arabe. Il n'est pas difficile d'imaginer non plus qu'étant donné que ces Etats n'étaient que des créations artificielles de puissances étrangères européennes, leur premier réflexe, après la libération de leur tutelle, fut de renoncer à leur identité individuelle pour s'unir en une seule unité politique et raviver l'esprit de l'empire arabe du Moyen-Age.
Car l'unité des Arabes n'était-elle pas, après tout, le rêve des pères du nationalisme arabe? Le Moyen-Orient ne connaissait pas le concept de nationalisme, pas plus que l'Europe jusqu'au lendemain des guerres napoléoniennes. Dès son avènement en Europe, le nationalisme allait cependant en forger le visage. La notion de l'identité fondée sur un même territoire, une même langue et sur une même culture conduisit à l'unification des peuples et des territoires européens pour former les Etats modernes. L'Unification de l'Allemagne et de l'Italie inspira non seulement ceux qui évoluaient au cýur du processus, mais également les intellectuels du Moyen-Orient, notamment des étudiants chrétiens arrivés en France depuis l'Orient et marqués du sentiment d'infériorité qui caractérise le Chrétien ou le Juif vivant dans un Etat musulman.
Sous l'Empire ottoman musulman, comme le voulait la coutume perpétuée tout au long de l'histoire de l'Islam, le critère de définition des sujets de l'Empire était la religion. Le système, appelé système du "millet", définissait chaque individu en fonction de sa communauté religieuse. Ainsi un Musulman sunnite pouvait-il théoriquement se prévaloir du plus haut rang social et politique, alors qu'un Musulman appartenant à un groupe autre que les sunnites se trouvait en position d'infériorité; un "dhimi", un Juif ou un Chrétien, jouissait de moins de droits encore et était soumis à davantage d'obligations. Le droit islamique définit le rang inférieur des Juifs et des Chrétiens en leur interdisant expressément de participer à la vie de l'Etat islamique sur pied d'égalité avec les Musulmans sunnites.
Ces Chrétiens, désireux d'échapper à leur éternelle position d'infériorité sociale et politique, furent fascinés par l'exemple européen du nationalisme moderne. Ils décidèrent d'importer cette idée en Orient en la présentant dans le contexte de l'Empire ottoman comme un idéal permettant aux peuples arabophones de se libérer du joug turc. Ils reprirent donc les mêmes arguments que l'Allemagne et l'Italie. Ainsi, un vent de nationalisme arabe se mit-il à souffler sur le Moyen-Orient, dont l'idée était que l'Islam et le Christianisme en tant que critères de définition de l'individu devaient être remplacés par un élément nouveau: l'arabisme. Si l'arabisme ne pouvait être défini de manière aussi rigoureuse et juridique que l'Islam, il constituait cependant le seul moyen de permettre à chacun de participer au renouveau de l'activité politique, et surtout de libérer les Chrétiens de leur statut d'infériorité. Nombreux furent les intellectuels musulmans qui acceptèrent l'idée du nationalisme arabe, bien qu'ils n'eussent pas tous les mêmes raisons de le faire. Comme ce nouveau nationalisme se fondait sur une langue arabe littéraire commune à tous les peuples arabophones, les nouveaux nationalistes arabes se fixèrent pour priorité de faire renaître la gloire de la langue et de la littérature arabes. Il n'est guère surprenant que, dans leur soif de ressentir la nouvelle liberté que promettait le nationalisme arabe, de nombreux Chrétiens se consacrèrent sans retenue à l'étude des origines de l'Islam, mettant en exergue l'influence arabe au détriment des contributions islamiques.
Ces nationalistes arabes s'étaient fixé pour objectif final d'unifier les peuples des territoires arabes "du Golfe (persique) jusqu'à l'Océan (atlantique)" sous un seul droit et dans un vaste empire caractérisé par la séparation entre la religion et le gouvernement. Bien que le rêve existe encore aujourd'hui, l'idée chrétienne de la concrétisation du nationalisme arabe est loin de s'être imposée. En effet, en lieu et place d'un empire arabe unifié, la réalité politique née des restes de l'Empire ottoman se traduisit en un manque total d'unité entre les Etats arabes modernes. De plus, le nationalisme arabe aurait nécessité une définition plus solide que la seule communauté de langue. Qu'était-il par exemple advenu de l'héritage historique, de la littérature, des héros nationaux? Quoi qu'ils fissent, les théoriciens du nationalisme arabe se heurtaient chaque fois à l'Islam; aussi durent-ils finalement admettre que ce à quoi ils s'efforçaient d'échapper ne faisait que s'imposer avec plus de force encore. Tout dans cette conception du nationalisme arabe est emprunt de l'Islam. Même Qustantin Zuraiq, l'un des plus éminents théoriciens chrétiens du nationalisme arabe, se rend ouvertement à cette évidence.
Il demande: "Le prophète Mahomet a-t-il un rapport avec le nationalisme arabe? Quel message lui adresse-t-il? Mahomet est avant tout le prophète de l'Islam... une religion qui a influencé notre culture arabe dans tous ses aspects. En effet, nous ne pouvons aujourd'hui comprendre notre patrimoine historique arabe sans... nous livrer à une étude approfondie des principes et des règles de la religion musulmane et sans bien en saisir l'esprit et la structure... C'est pourquoi tout Arabe, quelle que soit la secte ou la communauté à laquelle il appartienne,... devrait s'efforcer de connaître l'Islam et d'en comprendre les réalités; il devrait en outre louer la mémoire du grand prophète qui a eu la révélation de l'Islam." (Sylvia G. Haim, Arab Nationalism, University of California Press, 1976, p. 169). La majorité des écrivains chrétiens qui ont traité la question se sont ralliés à Qustantin Zuraiq pour reconnaître les fondements islamiques du nationalisme arabe. Autrement dit, le nationalisme arabe trouve en réalité son identité dans l'Islam. C'est pour cette raison que la propagande de l'OLP prônant la "création d'un Etat arabe de Palestine séculier et démocratique" dans lequel Musulmans, Chrétiens et Juifs vivraient sur pied d'égalité, une propagande qui est tombée en terrain fertile aussi bien en Israël qu'en Occident, est une contradiction dans les termes.
L'instauration des Etats arabes modernes s'avère contraire à l'idée d'unité nationale arabe à de nombreux égards. Les différents Etats n'ont en effet pas tardé à développer leur propre caractère avec leurs propres institutions militaires et politiques. Aucun de ces pays ne définit la nationalité de ses citoyens comme "arabe" dans ses documents officiels (le seul Etat du Moyen-Orient dans lequel le terme "Arabe" désigne une nationalité est Israël). Dans chacun de ces pays, l'Islam est défini comme la "religion d'Etat" ou (comme c'est le cas en Syrie) comme la religion du Président de l'Etat. Cependant, le phénomène le plus frappant reste que tous ces Etats s'efforcent de justifier leur existence séparée et propre par des faits historiques antérieurs à l'instauration de l'Islam. Aussi se rapporte-t-on à l'histoire antique pour prouver que les Syriens d'aujourd'hui ne sont autres que les descendants et héritiers directs des anciens Araméens, que les Iraquiens sont par là même les descendants des Sumériens, des Assyriens et des Babyloniens, que les Egyptiens sont les fils des pharaons (ce qui vient contredire l'image négative qu'ont les pharaons dans le Coran), que les Jordaniens descendent des Moabites et des Ammonites, alors que les Palestiniens clament depuis un certain temps déjà qu'ils sont les véritables héritiers des Amorites, des Cananéens et des Jébusiens, auxquels les Israéliens font aujourd'hui subir le même sort qu'à leurs ancêtres des temps bibliques.
Ce n'est pas par hasard que l'histoire a été inventée de la sorte. Il existe deux explications à ce phénomène: tout d'abord, il s'agissait de prouver que les Arabes qui vivent au Moyen-Orient aujourd'hui ne sont pas des nouveaux arrivés, que toute l'histoire des civilisations de la région est en fait une histoire arabe, et que pour cette raison personne n'a le moindre droit historique sur la région. Les Juifs ne peuvent en aucun cas exiger un tel droit parce qu'à l'époque de Josué et de David, ce sont eux qui ont chassé les Palestiniens. Le fait que ces "Palestiniens" apparaissent sous divers noms, et que les véritables Palestiniens sont les Philistins qui avaient envahi la plaine côtière de la Terre sainte depuis la Crête, n'a aucune importance aux yeux des inventeurs d'une nouvelle histoire antique du Moyen-Orient. Etant donné que les historiens arabes du Moyen-Age avaient déjà totalement ignoré la période du Second temple, il n'est guère étonnant d'entendre Yasser Arafat professer, comme il l'a fait il y a quelques années devant une foule de 300 journalistes européens à Genève - qui l'ont d'ailleurs tous applaudi - que Jésus était un combattant palestinien de la liberté ayant mené la révolte palestinienne contre les Romains.
La deuxième raison qui permet d'expliquer ces inventions historiques tient davantage à la région: il s'agissait de légitimer les frontières strictement gardées de chaque nouvel Etat pour éviter de céder à la tentation de créer un empire arabe.
Les inventions historiques, qui semblent ridicules à quiconque étudie l'histoire antique du Moyen-Orient, ont deux sources. Dans les années trente du présent siècle, une théorie - démentie depuis longtemps - avait cours, selon laquelle la population du Moyen-Orient était issue de migrations successives au cours de l'histoire, en provenance d'Arabie. Les déserts d'Arabie étaient décrits comme des réservoirs inépuisables, qui ne cessaient de déverser leur vague humaine vers les régions situées plus au nord. Ainsi donc, toutes les civilisations du Moyen-Orient seraient des civilisations arabes. Il n'est pas difficile de s'imaginer pourquoi les écrivains arabes continuent d'adhérer à cette théorie réfutée depuis très longtemps.
La seconde source de ces inventions, l'élément islamique, est bien plus importante encore. L'Islam ne se considère pas comme la dernière des trois religions monothéistes, mais au contraire comme la PREMIERE et seule vraie religion. D' étant un, Il n'a qu'une seule religion authentique: l'Islam. "La religion d'Allah est l'Islam", dit le Coran dans les paroles d'Allah Lui-même (Sourate III, verset 19). Forts de ce principe, les Musulmans considèrent l'histoire humaine et l'histoire de l'Islam comme une seule et même chose. Le Prophète Mahomet fut le dernier des prophètes, le prophète principal, mais Allah avait envoyé le message de l'Islam avant lui par d'autres prophètes. Adam, comme Noé, étaient certainement des prophètes musulmans. Quant à Abraham (Ibrahim), il fut le prédécesseur de Mahomet dans la mesure où il renouvela l'Islam qui était pendant longtemps tombé dans l'oubli après Noé. Ainsi, en devenant un grand prophète musulman, Abraham devient-il l'ancêtre de Mahomet (par Ismaël). Il est suivi de Moïse, qui se fit révéler le Coran. Jésus fut lui aussi un prophète musulman porteur d'un livre des révélations pareil au Coran. Mais des Juifs et des Chrétiens sans foi falsifièrent les livres de Jésus et de Moïse, de sorte qu'Allah dut donner à l'humanité une dernière chance en lui envoyant la véritable révélation dans la Langue sacrée de D' Lui-même, à savoir l'arabe, en la personne de Mahomet, qu'Il avait choisi entre toutes ses créatures. Enfin, le Coran cite encore David, Salomon et quelques autres comme prophètes musulmans.
C'est ainsi que l'on aboutit à l'islamisation de l'histoire, et par là même à l'islamisation de la géographie. Abraham ayant été un prophète musulman, il s'ensuit que tout lieu qui a un rapport quelconque avec lui devient un sanctuaire musulman. Et puisque l'Islam revendique l'exclusivité de la vérité divine, un sanctuaire islamique ne peut être que musulman. Pour des raisons identiques, tous les sites liés à l'histoire de Moïse, David, Salomon, Jésus, Joseph, et autres deviennent des sanctuaires exclusivement musulmans. Le fait que les Juifs se soient rendus maîtres d'endroits tels que le Sanctuaire arabe d'Hébron constitue un revirement dans l'histoire qui pose d'énormes problèmes théologiques à l'Islam.
L'islamisation du territoire n'est pas seulement une conséquence naturelle de l'islamisation de l'histoire, mais également la principale victoire de la conquête islamique. Un territoire conquis par les Musulmans change de statut pour intégrer le "Foyer de l'Islam" (dar al-islam en arabe), l'objectif final des Musulmans étant d'étendre au monde entier le dar al-islam. Ces derniers sont cependant conscients que, pour l'instant du moins, de nombreuses régions de la planète échapperont à leur influence. Ils qualifient ces régions de "Foyer de la guerre". La perte d'un territoire ayant appartenu, à une époque ou à une autre, au foyer de l'Islam au profit de non-Musulmans constitue toujours un grave problème théologique pour les Musulmans. Et ce problème se trouve encore exacerbé lorsque l'ennemi est un Juif, pour lequel Allah n'avait, selon ses propres termes dans le Coran, prévu d'autre sort que l'humiliation et la dégradation éternelles.
On impute par ailleurs une règle islamique précise au prophète lui-même, selon laquelle "l'Islam est toujours supérieur, et rien ne peut lui être supérieur". Autrement dit, aucun Juif ou Chrétien n'a le droit d'épouser une femme musulmane, et aucun Juif n'est autorisé à commander un Musulman. Aux yeux des Musulmans, la création de l'Etat d'Israël viole donc toutes les règles de l'Islam dans la mesure où cet Etat gouverne des territoires musulmans, qu'il reprend des sanctuaires musulmans et qu'il ne tient pas compte de la position juridique des Juifs sous le droit islamique. Israël s'étend sur un territoire appartenant au dar al-islam, qui comprend des sanctuaires musulmans rattachés aussi bien au nom de Mahomet qu'à ceux de prophètes aussi nobles que David et Salomon. Les Juifs, loin d'être dégradés comme ils auraient dû l'être, dirigent même les Musulmans! Comment tolérer pareille situation?
Le problème que l'existence d'Israël cause à l'Islam, sous cette forme ou sous une autre, apparaît souvent dans les pamphlets du mouvement du Hezbollah Hamas ou dans d'autres organisations politiques ou militaires. Vu que nous avons considéré le caractère central de l'Islam comme l'élément principal de l'identité au Moyen-Orient, le dilemme qu'Israël pose aux Musulmans est ressenti de la même manière à tous les niveaux de la vie politique arabe et musulmane. Accepter la légalité d'Israël revient à nier tous les principes à la base de l'Islam et du nationalisme arabe. L'existence de l'Etat hébreu constitue une catastrophe incommensurable. Les Juifs sont considérés comme les ennemis d'Allah; comment donc imaginer qu'un Musulman souhaite le succès d'un tel ennemi? La guerre contre Israël, disent les politiques arabes et musulmans (y compris l'actuel Secrétaire général des Nations unies), peut se traduire par une combinaison d'activités militaires et d'actions diplomatiques dont l'objectif devrait toujours être d'affaiblir l'Etat hébreu pour le rendre vulnérable.
L'Islam n'exclut pas d'envisager une longue période de trêve avec l'ennemi dans le cadre de sa politique de guerre à long terme, trêve que l'ennemi pourrait interpréter comme la paix. Mais pour en arriver là, les Musulmans doivent trouver une excellente raison de mettre un terme à la guerre (dans le débat qui nous préoccupe, le fait que cette guerre soit menée activement ou non n'a aucune importance). Or, le seul alibi justifiant la cessation des hostilités et l'octroi d'une sorte de légitimité de facto à l'ennemi est que ce dernier est trop puissant. S'il veut un semblant de paix, l'ennemi doit donc être fort, tout signe de faiblesse étant perçu par les Musulmans comme une invitation à reprendre les armes.
Israël ne pourra tirer avantage de la montée de l'esprit islamique au Moyen-Orient qu'à partir du moment où les Israéliens et l'Occident comprendront que les Musulmans ont besoin d'un alibi pour faire la paix. Cet alibi réside dans un Etat d'Israël très puissant, et non pas faible. Un nombre croissant de Juifs en Israël, une économie plus forte, le soutien international, et enfin une armée toute puissante contraindront les Arabes et les Musulmans à signer la paix avec l'Etat hébreu. Pour les Musulmans, il ne s'agirait toutefois pas de conclure la paix au sens traditionnel du terme, mais plutôt de remettre à une date ultérieure la destruction de l'ennemi. Un ajournement qui pourrait bien se prolonger jusqu'à la fin des temps pour autant que la raison de ne pas reprendre les hostilités perdure. Le prophète lui-même a créé un précédent.



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