Éditorial - Septembre 1994
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Un an après la signature de la Déclaration de Principes entre le gouvernement de Itzhak Rabin et l'organisation terroriste OLP, la grande question qui se pose est de savoir quelles sont les possibilités d'action de l'opposition de droite. Afin de traiter de ce sujet, nous avons rencontré le Dr BENJAMIN BEGIN, fils de l'ancien Premier ministre, député à la Knesset, et figure prépondérante du Likoud.
A ce jour, la première partie des accords d'Oslo et du Caire est plus ou moins mise en place sur le terrain bien que de nombreux points de litiges fondamentaux restent encore ouverts. Comment, selon vous, les prochaines étapes se dérouleront-elles ?
Le processus actuel ne mènera en définitive nulle part. A ma connaissance, aucun député de la Knesset ne pense effectivement que la seconde partie des accords ait la moindre chance d'être menée à bien. Personne ne croit qu'il soit possible de conclure un traité viable permettant d'étendre les conditions de l'accord Gaza-Jéricho à l'ensemble de la Judée-Samarie. Une grande partie des premiers accords n'a d'ailleurs pas encore pu être appliquée sur le terrain, comme par exemple la question ayant trait à la présence de policiers palestiniens sur les points de passage entre la Jordanie et Israël. Les problèmes qui restent à résoudre sont très complexes. Le Chef d'Etat-major de l'armée israélienne a récemment démontré que les arrangements militaires mis en place à Gaza et à Jéricho ne peuvent en aucun cas être appliqués en Judée et en Samarie. La topographie, les routes et les cimes de ces régions sont d'une importance vitale pour la sécurité d'Israël et aucune forme de redéploiement militaire ne saurait être envisagée sans engendrer des risques énormes. A cela s'ajoute le fait que, malgré tous les efforts du gouvernement actuel visant à repousser la question de Jérusalem pendant au moins deux ans encore, celle-ci est aujourd'hui au centre du débat. Rappelons que lors de sa première visite officielle à Gaza, Arafat s'est adressé directement aux citoyens arabes de l'Etat d'Israël en les bénissant "du Néguev à la Gallilée". Ce faisant, il n'a fait que suivre son idée première, exclamée le 13 septembre 1993: "longue vie à la Palestine libre et arabe". Il est clair que, dans son esprit, cette "Palestine" ne se limite pas uniquement à la Judée et à la Samarie, elle inclut clairement le Royaume hachémite et l'Etat d'Israël. Le deuxième jour de sa visite, Arafat s'est rendu au camp de réfugiés palestiniens de Jabalya où il a harangué la foule en chantant avec elle: "par notre âme et par le sang, nous te libérerons, Palestine". Tous ces éléments ainsi que le fait que l'intifadah n'a jamais véritablement cessé, nous mènent à la conclusion que le processus actuel n'aboutira en définitive nulle part, sauf si le gouvernement actuel continue à faire concessions sur concessions sur tous les points, ceci dans le but de nous ramener aux frontières de 1949, Jérusalem inclus. Ce n'est qu'à cette condition que les Arabes accepteront en définitive de signer un accord, mais ce n'est pas pour autant qu'il y aura la paix.
En admettant que la droite revienne au pouvoir, sera-t-elle à même de dire: "nous ne reconnaissons plus l'OLP qui n'est qu'une organisation terroriste, les accords conclus avec elle sont nuls et non avenus et Israël revient militairement au statu quo ante". Ou bien la situation actuelle est-elle définitivement irréversible?
Nous n'aurons rien besoin de dire, car l'OLP a d'ores et déjà annulé de fait l'essence même des accords d'Oslo et du Caire. A cet égard, je citerai Me Joël Singer, conseiller juridique du ministère des Affaires étrangères et architecte légal de ces accords qui, dans une interview accordée à un hebdomadaire israélien en juin dernier, a notamment déclaré que c'est Arafat lui-même qui a annulé les accords par son appel de Johannesburg au dJihad contre Jérusalem. De plus, le Commandant de la région sud du pays a déclaré publiquement que l'armée dispose de plans précis afin de réinvestir les régions aujourd'hui autonomes de Gaza si une telle nécessité se faisait jour. N'oublions pas que, malgré tous les engagements pris, la charte de l'OLP, qui appelle à la destruction d'Israël, n'a en rien été modifiée et est toujours valable et active. Récemment encore, le général Ehoud Barak, chef d'Etat-major, a souligné que les buts et les actions du Fatah, de l'OLP et du Hamas sont identiques.
Mais quelles actions la droite entreprend-elle afin d'éviter le pire ?
Tout en restant modeste dans mon évaluation, je pense que nous avons réussi, dans des conditions très difficiles, à semer un doute très sérieux dans l'esprit de nombreux Israéliens quant aux chances de succès du processus actuel. La gauche a beau jeu, il est assez simple et facile de présenter une situation rose qui débouchera, selon ses dires, à une paix définitive, au calme et à un avenir optimiste. Par contre, il est nettement plus difficile de convaincre les gens que la situation actuelle mènera inévitablement à un avenir sombre et dur. Il est facile de traiter la droite de "va-t-en-guerre qui ne souhaite pas la paix", mais il est très difficile pour nous de dire "non, les choses ne seront pas en ordre". En Europe, pendant vingt ans, un groupe dirigé par Winston Churchill n'est pas parvenu à convaincre le public que le Traité de Versailles n'était rien d'autre qu'une armistice provisoire. Pour notre part, en moins de vingt mois, nous avons réussi à changer le caractère de l'opinion publique: de l'euphorie initiale à l'égard des accords d'Oslo, elle est progressivement passée à une suspicion et à une appréhension très profondes envers l'ensemble de ce processus.
Pensez-vous que le gouvernement prenne en considération ce genre d'inquiétudes populaires ?
Début juillet, une manifestation réunissant plus de 150'000 personnes de tout bord s'est déroulée à Jérusalem. Je pense qu'actuellement, aucune action n'a d'effets directs. Une manifestation comme celle du 2 juillet a des implications indirectes très importantes qui ne se mesurent qu'avec le temps. C'est ainsi qu'un mouvement politique déviationniste, intitulé "la troisième voie", vient d'être créé par 13 députés du Parti travailliste. Bien que nous ayons de sérieux différents idéologiques avec cette nouvelle tendance, elle constitue un signe très net à l'égard du public, du gouvernement, du Parti travailliste et de Itzhak Rabin. Ses adeptes mettent en garde en disant: "Stop, pas si vite, réfléchissez et ne vous jetez pas aveuglément dans les bras des bandits terroristes de l'OLP." Cette initiative n'est apparue au grand jour de la vie politique qu'une fois qu'il a été clairement établi que le grand public ne supportait pas l'ouverture, les négociations et les accords avec l'OLP. Ceci démontre bien que les réactions se passent de manière indirecte. Le fait de convaincre un cercle externe assez éloigné de la vie politique à proprement parlé a progressivement une influence sur un cercle plus rapproché qui aura ensuite la possibilité d'exercer des pressions politiques précises tout d'abord dans le cadre du parti, puis sur les ministres. Je pense qu'aucun effort, aucune manifestation ne sont vains. Rien n'est perdu et toute énergie ainsi investie porte ses fruits à un moment donné.
Malgré toutes les manifestations de mécontentement en Israël, il semble que le gouvernement a les mains libres pour mener son plan à bien, c'est-à-dire retourner aux frontières de 1949. Ceci dit, l'un des grands arguments tentant à justifier le processus actuel réside dans le fait de dire qu'il n'y avait pas d'alternative. Dans l'hypothèse où la droite reviendrait au pouvoir, que proposeriez-vous ?
Notre offre envers le monde arabe se limite à une seule formule qui est très clairement définie dans les Accords de Camp David. Il s'agit du seul procédé pratique qui combine à la fois générosité et prudence. Il permet aux populations arabes de Judée, de Samarie et de Gaza de gouverner leur vie quotidienne de façon indépendante par le biais d'un Conseil administratif disposant de la juridiction sur les habitants. Israël, pour sa part, garderait la juridiction sur le sol et serait l'unique responsable des questions de sécurité. L'accord d'Oslo est diamétralement opposé à cette conception. En effet, une partie de notre sécurité a été cédée à la sous-traitance de l'organisation terroriste OLP. En ce qui nous concerne, nous restons fidèles à deux principes: le droit des Juifs à leur pays et foyer national et le droit de l'Etat Juif à sa sécurité. Nous insistons sur le fait que ces deux éléments sont intimement liés. Aujourd'hui, nous vivons une expérience qui tente de les séparer et d'abandonner des terres de notre foyer national à des mains étrangères qui ne sont en fait que des organisations terroristes. Dans ces conditions, aucune sécurité ne saurait être garantie à Israël. Nous voyons d'ores et déjà que Gaza et Jéricho sont progressivement transformées en des sanctuaires de refuge pour des criminels qui peuvent y vivre en toute impunité. Il s'agit de terroristes condamnés par Israël puis libérés suite aux accords, et de personnes suspectées d'avoir récemment commis des actes terroristes. Israël ne peut plus les poursuivre ni les arrêter en raison de l'autorité militaire conférée à la faction armée de l'OLP dans ces régions. Dans ces conditions, tant que le gouvernement fait concessions sur concessions, une certaine forme d'accalmie sur le front des activités terroristes est éventuellement envisageable bien que, presque toutes les semaines, des Juifs sont victimes d'attentats meurtriers au couteau ou par balles. L'intifadah n'est pas morte, je crains même qu'elle ne soit ravivée bien plus tôt que nous nous y attendons, non pas seulement de la part des Palestiniens, mais également des Arabes israéliens.
De quel oeil voyez-vous la récente rencontre entre Itzhak Rabin et le roi Hussein ?
Il s'agit d'un geste positif de la part de la Jordanie et la Déclaration de non-belligérance constitue également un pas significatif dans la bonne direction. Le fait que le roi Hussein ait accepté de rendre publiques ses relations avec Israël doit être attribué aux toutes premières négociations ouvertes et directes entre la Jordanie et Israël qui se sont déroulées le 31 octobre 1991 à Madrid à l'initiative du gouvernement du Likoud, alors dirigé par Itzhak Shamir. Quant à savoir si la Déclaration de Washington mènera en définitive à un traité de paix, il est un peu tôt pour le dire. Le Ministre des Affaires étrangères de Jordanie a clairement déclaré qu'une paix doit être "globale", ce qui signifie qu'elle ne saurait se faire sans la Syrie.
Des négociations territoriales et de coopération sont en cours entre Israël et la Jordanie. A votre avis, quel est le point d'achoppement le plus dur à traiter ?
Il existe un aspect sur lequel les Jordaniens ont purement et simplement refusé d'entrer en matière. Il s'agit de toutes les questions relatives à l'emplacement exact et définitif des frontières entre les deux Etats de la région située le long de la rivière du Jourdain, au nord de la mer Morte, jusqu'à la vallée de Beth Shean. Bien que les motivations ne soient pas très claires pour l'instant, on peut supposer que les Jordaniens ont encore quelques velléités d'établir une sorte de confédération entre ces territoires et les terres situées à l'Est du Jourdain. Il serait inconcevable de signer un traité de paix avec la Jordanie en laissant une telle question ouverte bien que, dans l'esprit de certains de nos dirigeants actuels, ce qui compte est de signer un traité de paix, même si celui-ci comprend un point d'interrogation qui, en réalité, est un héritage empoisonné pour la prochaine génération. Il ne fait aucun doute que les négociations avec les Jordaniens se feront étape par étape, elles seront longues et ardues.
Que pensez-vous du paragraphe qui confère à la Jordanie une certaine autorité sur les lieux saints musulmans de Jérusalem ?
Je pense que cet aspect de l'accord peut avoir des conséquences très graves. Jusqu'alors, il ne s'était jamais vu qu'un gouvernement israélien reconnaisse officiellement un rôle formel à l'entité politique qu'est le Royaume Hachémite sur des lieux saints musulmans de Jérusalem. Ceci est inadmissible, même s'il est vrai que de fait, les Jordaniens y ont joué et y jouent encore un certain rôle. C'est ainsi par exemple que nous avons autorisé que la coupole du Dôme du Roc soit redorée par le biais d'un financement jordanien. Il est également vrai que le Whakf, conseil religieux islamique qui contrôle les lieux saints musulmans de Jérusalem et en particulier le Mont du Temple, est financé par la Jordanie. Le paragraphe qui a trait à cet accord est en contradiction avec un engagement pris par notre gouvernement actuel à l'égard de l'OLP. Dans une lettre, Shimon Peres s'engage notamment à ce que l'OLP, en tant qu'entité politique, joue un rôle non négligeable quant à l'autorité sur les lieux saints musulmans... et chrétiens. Il semblerait donc qu'il y ait là une contradiction pour laquelle le gouvernement Rabin devra trouver une solution. Mais ce qui est choquant et dangereux dans toute cette affaire, c'est le fait que le gouvernement israélien ait pu concevoir que certaines parties de Jérusalem sont négociables ! Les lieux saints devraient être administrés et gardés exclusivement par des entités religieuses et non politiques. Le fait de transférer cette autorité à une entité politique confère automatiquement à celle-ci une position légale à Jérusalem, ce qui entame directement la souveraineté d'Israël sur sa propre capitale !
Après les récents attentats de Buenos Aires et de Londres, tout le monde s'est empressé de montrer du doigt le Hezbollah, l'Iran et la Syrie. L'OLP étant encore et toujours une organisation terroriste, pensez-vous qu'elle ait pu jouer un rôle dans ces attentats ?
D'une manière générale, il faut se souvenir que ces attaques s'inscrivent dans la Guerre Sainte, le Djihad, contre les Infidèles et les Juifs. Dans cet esprit, les organisations juives en tant que telles constituent donc une cible légale. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier que c'est Yasser Arafat lui-même qui, depuis le 13 septembre 1993, à deux reprises (une fois le 13 septembre 1993 à la TV jordanienne puis dans la mosquée de Johannesburg en février 1994), a lancé un appel au Djihad à l'ensemble des Musulmans du monde entier afin qu'ils se joignent à lui dans sa lutte pour Jérusalem. Je ne sais pas si les attentats récents sont le résultat direct de ses appels, mais le fait est que les deux formes de Djihad ne peuvent être dissociées l'une de l'autre. A cela s'ajoute le fait que les terroristes fondamentalistes qui ont fait exploser les deux tours du World Trade Center à New York, portaient sur eux un important manuel traitant de l'utilisation des explosifs dans le terrorisme écrit et signé par une personne connue sous le nom de "Ataïeb", qui n'est autre que le commandant de la fameuse Force 17, l'aile dite opérationnelle de l'OLP. On peut donc dire sans se tromper qu'il y a bien une implication de l'OLP au niveau mondial du terrorisme fondamentaliste. Cela dit, il n'y a pas de preuves quant à une implication directe et active de l'OLP dans les attentats de Buenos Aires et de Londres. Peut-être n'y en a-t-il pas. Mais il ne faut pas perdre de vue les relations globales qu'entretiennent les organisations terroristes et le rôle qu'y joue l'OLP.
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