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Sommaire Reportage Décembre 1993 - Hanoucah 5753

Éditorial - Décembre 1993
    • Éditorial

Hanoucah 5754
    • Le devoir de mémoire

Interview exclusive
    • L'État juif vidé de son essence ?

Politique
    • Les négociations: balbutiements
    • Rencontre avec Jack Kemp

Interview
    • Juif - Blanc - Africain

Jérusalem-Judée-Samarie-Gaza
    • Juifs ou parias en Israël ?

Analyse
    • Une comparaison erronée
    • Diplomates et Juifs

Art et Culture
    • L'identité par l'objet
    • Les 25 ans du Petit-Palais
    • C'est une fille !

Reportage
    • La Haute Cour de Justice d'Israël

Portrait
    • De Karola au Dr Ruth

Éducation
    • Des armes pour la vie

Société
    • Femmes... le combat continue !

Stratégie
    • L'arsenal stratégique de la Syrie

Souvenir
    • Portrait d'un maître et d'un ami

Éthique et Judaïsme
    • Danger et responsabilité

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La Haute Cour de Justice d'Israël

Dans la nuit, une dizaine de bus roulent sous lourde escorte militaire vers la frontière libanaise. Les hommes assis dans les autocars les yeux bandés sont silencieux. Soudain, le convoi s'arrête et reste immobilisé pendant quelques heures qui semblent interminables à tous les acteurs de ce drame. Non, il ne s'agit pas d'un scénario de fiction, mais des faits tels qu'ils se sont déroulés lors de l'expulsion par le gouvernement Rabin de 400 terroristes arabes. Cette expulsion devait être entérinée par la Haute Cour de Justice d'Israël. Suite à la décision de la Knesset, les 400 Islamistes fondamentalistes ont été embarqués dans des bus, mais n'ont pu franchir la frontière qu'après le verdict final de la Haute Cour de Justice.
Un premier juge avait donné un avis favorable aux expulsés, ce qui avait motivé l'arrêt net des bus. Puis, en raison d'un appel, la Cour s'était réunie une seconde fois et ce n'est qu'après dix heures de délibérations qu'elle s'est finalement rangée aux vues du gouvernement et a ratifié la décision gouvernementale. C'est cette même cour qui a récemment acquitté Ivan Demanjuk.
La Haute Cour de Justice est la plus haute autorité judiciaire en Israël et ses sentences ont préséance sur tous les autres verdicts rendus par d'autres cours, tant en ce qui concerne les individus que les institutions d'État. Avec la Knesset et le Gouvernement, la Haute Cour de Justice constitue l'un des trois piliers qui forment les institutions de l'État. D'une certaine manière, elle peut être comparée en Suisse au Tribunal fédéral de Lausanne. Toutefois, l'un des rôles principaux de la Haute Cour de Justice d'Israël réside dans sa fonction de Cour administrative, c'est-à-dire que tous les recours contre l'administration sont portés directement devant elle et ce en premier et dernier ressort. En fait, tout ce qui est considéré comme recours pour excès de pouvoir est soumis immédiatement à la Haute Cour de Justice. C'est par ce biais que son rôle s'est beaucoup développé. Elle a peu à peu étendu son champ d'activités à des domaines auxquels elle ne touchait pas il y a encore vingt ans. Elle intervient par exemple directement dans le travail même de la Knesset, lorsqu'elle considère que la majorité ne respecte pas les règles du jeu. Alors que dans certains pays on estime que la justice n'a pas à s'ingérer dans le travail du Parlement, en Israël, la Haute Cour de Justice agit quand elle le juge nécessaire. Ceci touche avant tout les questions relatives au travail intérieur de la Knesset, tel le contrôle de la levée de l'immunité parlementaire. Une autre intercession marquante de cette institution, qui dernièrement a particulièrement frappé les esprits, consiste en son action concernant une proposition de loi ayant trait au financement des partis politiques. La majorité alors au pouvoir ne désirant visiblement pas que ce projet soit discuté, le débat était régulièrement repoussé. La Cour est intervenue en précisant que la Knesset était obligée d'adopter ce règlement et n'avait pas le droit de retarder son application. Parmi ses nombreuses attributions, la Haute Cour de Justice peut également agir en matière religieuse. Récemment s'est posée la question de savoir si les municipalités pouvaient interdire l'ouverture des cinémas le shabbat. Les pouvoirs du maire sont définis en vertu d'une loi sur les municipalités. Celle-ci stipule que c'est au maire de réglementer l'ouverture et la fermeture des lieux de divertissement le shabbat. Toutefois, ce pouvoir ne touche pas les lieux dans lesquels se déroulent des activités culturelles. Le maire de Nathanya, par exemple, avait ordonné la fermeture des cinémas le shabbat. La Haute Cour de Justice estimant que les cinémas ne sont pas des lieux de divertissement, mais des endroits culturels, le maire n'a pas pu imposer la fermeture totale de ces lieux le shabbat.
Il est intéressant de noter que la juridiction de la Haute Cour de Justice s'étend également à l'ensemble des territoires de Judée, de Samarie et de Gaza. Il n'y a pas d'autre exemple au monde où les tribunaux acceptent de soumettre à leur juridiction les activités de l'armée dans un territoire placé sous administration militaire (elle ne peut toutefois pas intervenir contre des sentences prononcées par les tribunaux militaires d'exception). Ceci permet aux populations arabes de faire recours contre toute décision de l'administration dans les territoires, telle par exemple une expulsion. Cette omniprésence juridique incite les autorités militaires à la réflexion et à orienter leurs activités en fonction de ce qu'ils croient pouvoir tenir devant la Cour suprême. Les militaires s'abstiennent donc de certains actes s'ils estiment être censurés par la Haute Cour. Ceci démontre, si tel est nécessaire, combien une soi-disant "occupation" a un visage profondément juste et humain lorsqu'elle est placée sous une autorité juive. En Judée et en Samarie, il existe des tribunaux civils arabes qui fonctionnent selon la loi jordanienne d'avant 1967 et qui disposent d'une Cour d'appel située à Ramallah. Les Juifs vivant dans ces régions sont totalement soumis à la loi israélienne, celle-ci s'appliquant à titre personnel et non territorial.
Il y a encore peu de temps, on pouvait dire qu'Israël n'avait pas de constitution. Aujourd'hui, ce n'est plus tout à fait vrai dans les faits. Il existe onze lois fondamentales parmi lesquelles s'en trouvent un certain nombre qui sont supérieures à la loi ordinaire: si une loi adoptée par la Knesset contrevient à l'une de ces lois fondamentales, la Haute Cour de Justice peut annuler sa ratification. Cette procédure s'applique notamment en matière électorale où le principe d'égalité est extrêmement important. C'est de là que découlent les règles relatives à l'égalité des chances des partis, du financement et de la répartition du temps d'antenne. Parmi ces lois supérieures, il y a également celle ayant trait à la liberté professionnelle. On ne peut pas limiter l'accès aux professions de façon arbitraire. Actuellement, une loi fondamentale supplémentaire est à l'étude, mais la Haute Cour de Justice n'a pas encore pris de décision définitive quant à son statut de loi supérieure. Il s'agit de la loi sur la dignité et la liberté de la personne humaine.
Le système juridique en Israël dispose en fait de trois niveaux: le Tribunal d'instance (Beit Mishpat Shalom), le Tribunal de grande instance, de district (Beith Mishpat Mekhosi), et la Haute Cour à laquelle on peut faire appel en tout dernier recours. Les affaires importantes à caractère pénal ou civil vont directement devant le Tribunal de district ou la Cour suprême, mais les démarches sont très longues. La Haute Cour de Justice déploie son activité principale en matière administrative et va très très loin dans ses interventions. C'est ainsi que lorsqu'un citoyen attaque l'administration, il n'est pas rare qu'un verdict soit rendu dans l'heure ! A ce sujet, Me Claude Klein, professeur de droit à l'Université Hébraïque de Jérusalem, nous a notamment déclaré: "La Haute Cour de Justice en Israël est l'une des plus activistes au monde. Elle n'hésite pas à intervenir contre l'administration. Ceci dit, en matière constitutionnelle, comme il n'y a que quelques lois constitutionnelles supérieures à la loi ordinaire (toutes les lois fondamentales ne sont pas supérieures à la loi ordinaire), son champ d'activité en cette matière est encore limité."
La Haute Cour fonctionne 24 heures sur 24 avec un système de permanence et il n'est pas rare d'obtenir par le juge de garde, même en pleine nuit, un sursis à statuer avant un examen approfondi. Il arrive souvent que des députés de la Knesset saisissent la Haute Cour afin d'empêcher le gouvernement de débattre d'un sujet. En Israël, lorsqu'une affaire est "sub-judice" (entre les mains de la Cour), il est interdit d'en discuter et d'en parler. Or il est bien connu qu'en politique, certaines affaires n'ont d'intérêt que si elles sont traitées immédiatement. Un délai de quelques heures peut donc avoir des conséquences importantes aussi bien pour le gouvernement que pour l'opposition.
La Haute Cour est facile d'accès et ne nécessite pas le concours d'un avocat pour y faire appel. Elle compte douze juges qui ne siègent jamais au complet, mais en formations impaires. Ceux-ci sont nommés par une commission présidée par le ministre de la Justice et constituée de trois juges à la Cour suprême, deux membres du barreau, deux ministres et deux députés. La population israélienne porte un très grand respect aux juges. Ces derniers prennent leur retraite à l'âge de 70 ans.
Le système juridique israélien est très influencé par l'Angleterre et non par la Turquie, comme le veut une vieille légende. Il est plus souple qu'en Suisse ou en France et les juges disposent de beaucoup plus de pouvoir que dans ces pays. Les juges de la Haute Cour de Justice sont d'importantes personnalités qui jouissent d'un énorme prestige et l'Israélien moyen peut facilement citer quelques noms. En Suisse, rares sont ceux qui connaissent le nom du président du Tribunal fédéral...

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