Dans notre périple à travers le monde, nous avons décidé de nous arrêter cette fois-ci à La Haye, capitale de la Hollande, afin d’y rencontrer l’ambassadeur d’Israël. Nous avons été très chaleureusement reçus par S.E.M. HARRY KNEY-TAL, grand diplomate de carrière en poste aux Pays-Bas depuis un peu plus de deux ans.
L’histoire des relations entre la Hollande et Israël est assez mouvementée et rappelle un peu la fameuse comptine: «Je t’aime un peu, beaucoup, passionnément, à la folie… pas du tout». Avant de brosser un tableau des relations actuelles entre les deux pays, pouvez-vous rapidement rappeler les étapes essentielles des rapports entre les deux États ?
Les Pays-Bas n’ont reconnu Israël que très tard, dans le courant de l’année 1950. Ils ont probablement été le dernier pays d’Europe à le faire. Engagés dans une guerre dans l’une de leurs colonies, en Indonésie, grand pays doté d’une très large population musulmane, les dirigeants hollandais craignaient qu’en reconnaissant l’État juif, ils ne soient confrontés à des problèmes supplémentaires là-bas. Telle était la position officielle du gouvernement, mais pas celle de l’opinion publique après la Deuxième Guerre mondiale qui, dans l’ensemble, était assez positive à notre égard. Dès que la reconnaissance officielle a eu lieu, l’opinion publique et la position du gouvernement se sont trouvées réunies dans un élan de sympathie. Cela s’explique surtout du fait de la souffrance des Juifs et des problèmes de culpabilité des Néerlandais en ce qui concerne leurs actes face à leur population juive pendant la Shoa. De plus, la classe politique était déterminée à se racheter pour son retard dans la reconnaissance formelle d’Israël. C’est ainsi que les années 50 et 60 constituent véritablement l’âge d’or des relations entre nos deux pays. A cet égard, je rappellerai que les Pays-Bas étaient le seul État européen à avoir maintenu une ambassade à Jérusalem jusqu’en 1981. Pendant cette même période, un nombre incalculable de délégations officielles, telles que la famille royale, des ministres de tous les niveaux, etc. se sont rendus en Israël afin de découvrir cette nouvelle réalité. Les relations se sont également développées sur le plan économique. Leur point culminant était probablement en 1967 lorsqu’au soir de la première journée de la Guerre des Six Jours, une manifestation de masse a réuni à Amsterdam plus de 500’000 personnes venues exprimer leur solidarité avec Israël. Les syndicats hollandais ont alors décidé de donner un demi pour cent de leur revenu mensuel national à Israël et une campagne nationale de don du sang pour Israël a été lancée. A cela s’ajoutait une coopération militaire remarquable. Ce type d’action s’est d’ailleurs répété en 1973, pendant la Guerre du Kippour, lorsque le ministre de la Défense, un socio-démocrate et membre du Parti travailliste, a décidé d’ouvrir les armureries nationales afin de couvrir les besoins essentiels de l’État juif et ce sans en informer préalablement le gouvernement. En 1991, alors que les Scuds iraquiens tombaient sur Tel-Aviv, la Hollande a pris l’initiative d’envoyer des batteries anti-missiles Patriotes en Israël. La sécurité d’Israël s’avère être une préoccupation profondément ancrée au sein de la population et du gouvernement hollandais.
Pourquoi, quand et comment la détérioration des relations est-elle intervenue ?
Dès 1967, ce qui s’est passé dans le reste de l’Europe s’est aussi déroulé en Hollande, à savoir un changement progressif mais fondamental de l’opinion publique à l’égard d’Israël. Les éléments socialistes, sociaux-démocrates et libéraux ont tout mis en œuvre afin que la version historique dite «palestinienne» du conflit soit de plus en plus prise en considération. Pendant que la présence israélienne en Judée-Samarie-Gaza se prolongeait, la jeune génération européenne, dans l’ensemble de tendance centre gauche, s’est de plus en plus identifiée avec la cause palestinienne. Cette évolution reflète aussi un changement dans la société israélienne, tant sur le plan économique que diplomatique. En effet, les États-Unis ont progressivement été considérés comme étant le seul partenaire vraiment valable pour Israël et parallèlement, l’Europe a été un peu délaissée, ce qui a eu pour résultat qu’elle s’est très fortement distancée de nous et ce de manière accélérée. De plus, la mutation opérée en Israël, qui s’est départi d’une économie socialiste dominée et réglementée par le gouvernement pour établir un modèle économique néolibéral, a également contribué au processus d’éloignement de l’Europe, où l’importance des partis socialistes dans la vie politique et diplomatique était primordiale. Les socio-démocrates européens estimaient, certainement à tort, qu’ils n’avaient plus vraiment d’affinités avec leurs partis-sœurs en Israël. De plus, la jeune génération de leaders et d’hommes d’affaires israéliens n’est pas née en Europe, ils sont très pragmatiques et estiment que le monde est finalement divisé en deux parties, les pays avec lesquels ils peuvent s’entendre et réaliser des choses en commun et les autres qui ne sont finalement pas intéressés par Israël et qui lui sont plutôt hostiles. Il y a encore un autre aspect qu’il ne faut pas négliger, l’écroulement du système des partis politiques traditionnels en Israël. En effet, les relations entre les partis d’un même type à travers le monde, tel l’internationale socialiste, constituaient un réseau de soutien en particulier en Europe. Ceci n’a pas totalement disparu mais a été considérablement affaibli. Ce phénomène ne concerne pas seulement les relations interpartis, mais aussi les contacts de la Histadrouth avec les autres syndicats européens. Cette réalité génère des résultats tangibles négatifs non négligeables. Ainsi, l’initiative prise en Grande-Bretagne appelant au boycott du monde académique israélien provient évidemment de la gauche. Aujourd’hui, en Israël, il n’existe personne ayant un contact direct suffisant avec les responsables de telles idées qui, par un simple coup de fil amical, pourrait y mettre un terme. Tous ces éléments réunis expliquent d’une certaine manière comment et pourquoi les relations de l’Europe avec Israël en général et en particulier de la Hollande avec Israël ont subi une transformation profonde au cours de la dernière décennie. Cette réalité est dominée par quelques facteurs déterminants: le contrôle des territoires par Israël, considéré en Europe comme la continuation d’une injustice et l’obstacle majeur à la paix; la profondeur des relations avec les USA mais aussi la nouvelle génération, évidemment peu concernée par la Shoa et qui estime que le petit David est en fait devenu le grand, puissant et méchant Goliath. Ceci est aussi dû au fait que les palestiniens et leurs amis ont su réduire la nature du conflit à leur problème, alors qu’en regardant l’image de manière plus large et plus générale, tout le monde comprend que les facteurs fondamentaux qui alimentent le conflit arabo-israélien n’ont pas changé depuis 1948. C’est vrai que le monde a changé, les Arabes ont aussi changé… de tactique. Ils sont devenus plus efficaces pour faire valoir leur cause sur le plan international. Ce qui est juste pour le monde entier et pour l’Europe trouve bien entendu aussi son application en Hollande.
Les relations publiques du monde arabe sont bien plus efficaces que celles déployées par Israël. Concrètement, que peut-on faire pour contrer ces offensives ?
Il est vrai qu’objectivement, les Arabes disposent de budgets très importants pour faire avancer leur cause, ils bénéficient d’une presse qui leur est favorable et l’ONU multiplie les résolutions propalestiniennes ! Mais qu’ont-ils véritablement gagné ? Ont-ils un état palestinien ? – Non ! Les relations arabo-israéliennes se sont-elles améliorées de manière à faire avancer la cause de la coexistence ou de la paix ? Non ! Et les exemples sont nombreux. Ceci démontre que l’action de la diplomatie israélienne déployée depuis 60 ans constitue en fait un énorme succès, ce qu’à ce jour personne n’a reconnu. Tout le monde parle des réussites technologiques, militaires et économiques d’Israël, mais la diplomatie est la grande oubliée de cette liste. En effet, le but de la diplomatie israélienne est de donner aux dirigeants du pays de l’espace de manœuvre sur le plan international. En cela, elle a très bien réussi puisqu’à ce jour aucune décision irréversible sur des questions cardinales touchant directement à Israël n’a été prise ou imposée. Par exemple, la qualité exceptionnelle des relations avec les USA, dont l’armée est la première à en bénéficier, est certainement due au travail remarquable de notre service des Affaires étrangères. Cela est également vrai en Europe, où la presse crucifie Israël en permanence et de manière systématique. Malgré tout, la position d’Israël auprès des chancelleries européennes est nettement meilleure que par le passé. En juin dernier, nous avons pu annoncer un accord passé avec l’Union européenne concernant une revalorisation de nos relations avec l’ensemble des pays de l’UE. Si les fameuses relations publiques et la presse hostile avaient eu véritablement un impact, je ne pense pas que les États de l’UE auraient accepté de réévaluer nos relations à la hausse, mais bien au contraire, les auraient gelées et même éventuellement envisagé un boycott. Aujourd’hui, les pays de l’Union mettent tout en œuvre pour développer les contacts avec nous, les visites des délégations se multiplient et les échanges commerciaux sont en progression. Ceci démontre aussi que l’Europe a compris qu’elle doit avoir de bonnes relations de travail avec Israël afin de gagner notre confiance et de pouvoir éventuellement un jour avoir une certaine influence sur nous et ainsi jouer un rôle dans la résolution du conflit. Cette évolution constitue indéniablement un succès de la diplomatie israélienne, dont les budgets ont été considérablement réduits. Il faut aussi savoir que le budget des relations publiques d’Israël est plus petit que l’ensemble des fonds attribués à la publicité de la société de laitages israélienne Tnuva !
Ne pensez-vous pas que des relations publiques intensifiées ainsi qu’une présence accrue des représentants d’Israël dans les journaux télévisés contribueraient à faire avancer notre cause ?
Comme je viens de vous le démontrer, je pense que l’effort des diplomates doit avant tout se porter sur un travail en profondeur effectué au niveau des chancelleries et des parlements, ce qui nous a apporté des résultats tangibles. Les médias ne doivent pas être négligés mais ne doivent pas constituer l’essentiel de nos préoccupations. La diplomatie doit remplir son devoir qui est de donner au gouvernement et à l’armée la possibilité de mener à bien les actions qu’ils estiment nécessaires, sans courir le risque de subir de pressions internationales.
Un rapide coup d’œil au leadership européen d’aujourd’hui permet de constater qu’en France, en Allemagne, en Italie et même en Grande-Bretagne, les présidents et premiers ministres sont dans l’ensemble moins anti-israéliens que leurs prédécesseurs, certains se disant même amis d’Israël. Selon vous, dans quelle mesure cette réalité va-t-elle influencer positivement l’évolution des relations entre l’UE et Israël ?
Il ne fait aucun doute que cette nouvelle donne a une influence qui s’installe progressivement. A votre liste, je rajouterai sans hésiter la Hollande, dont la coalition gouvernementale est amicalement disposée à notre égard. Les cas ne sont pas rares où en Europe, les Hollandais prennent des initiatives en notre faveur et ce de manière bien plus importante que certains des gouvernements que vous venez de citer. Souvent, les grand pays européens nous disent que bien entendu ils nous supportent, mais que les intérêts nationaux leur dictent une politique différente. Pour illustrer mes propos, je vous dirai qu’il sera intéressant de voir comment le gouvernement italien, sur le plan de la rhétorique très amical à notre égard, agira face à l’Iran lorsque l’on sait combien ses intérêts économiques dans ce pays sont considérables. Autre exemple, la visite empreinte de chaleur et d’amitié du président Sarkozy en Israël. En écoutant son discours à la Knesset d’un peu plus près, l’on constate qu’il demande à Israël de prendre des décisions très dures sur des questions fondamentales, telles les implantations juives, Jérusalem, etc. Il faut donc faire une distinction entre le contenu et la forme, ce qui d’ailleurs ne peut pas être dissocié. L’une des erreurs que commettent les dirigeants israéliens réside dans le fait que lorsqu’ils pensent à l’Europe, cela ne concerne en fait que les quelques très grands pays. Or aujourd’hui, l’Europe est constituée de 27 membres dont une bonne partie d’États plus petits qui contribuent de manière significative à faire avancer l’idée très réaliste que l’Europe a avantage à avoir de très bonnes relations avec Israël. Je dois dire que la Hollande détient indéniablement une position de leader dans cette évolution. A cet égard, je citerai l’action du Premier ministre, mais bien plus encore celle du ministre des Affaires étrangères, Maxime Verhagen du Parti démocrate-chrétien, qui a fait de l’amélioration des relations avec Israël une partie essentielle de sa stratégie politique. Au cours des 18 derniers mois, il s’est rendu trois fois en Israël et a pris la direction du renforcement des relations bilatérales et ce dans des domaines dont les ministres des Affaires étrangères ne s’occupent généralement pas, comme le commerce, la recherche, les échanges culturels, etc. Pour lui, il s’agit de dire par l’exemple, tant à ses collègues de l’UE qu’à ceux de l’OTAN, qu’Israël est une démocratie et que les États membres de ces organisations partagent avec lui un certain nombre de valeurs fondamentales et que, par conséquent, il faut travailler main dans la main avec nous. Ceci ne signifie évidemment pas que nous soyons d’accord sur tout.
Quels sont les intérêts hollandais pour agir de la sorte ?
La Hollande a une longue tradition d’aider à résoudre des conflits par des moyens pacifiques. Ceci ne date pas d’hier et je citerai la fameuse convention de La Haye qui remonte à la guerre russo-japonaise du début du XXe siècle. De plus, de nombreux traités internationaux relatifs aux droits de la mer, aux droits de l’homme, etc., ont été établis ici, à La Haye. Aujourd’hui, le ministre des Affaires étrangères estime que si dans le passé, la critique et les pressions sur Israël se faisaient avec beaucoup de bruit et de publicité, aujourd’hui, le moment est venu de changer d’approche et d’engager un dialogue serein et mature avec les Israéliens. Par ce biais, ils veulent nous faire comprendre qu’il est dans leur intérêt de tout mettre en œuvre afin de résoudre le conflit qui nous oppose aux Arabes. Bien que son action soit souvent critiquée au parlement et même au sein de sa coalition, il reste ferme sur ses positions et met tout en œuvre tant en Hollande que dans le cadre européen, pour se départir de la politique de répression à notre égard et pour trouver des moyens de coopération avec Israël. D’ailleurs, les différents domaines dans lesquels nous coopérons, comme la recherche scientifique et le commerce, sont aussi très bénéfiques pour la Hollande. Je dois dire que cette ouverture positive a été très bien comprise en Israël. Les relations commerciales entre la Hollande et Israël sont plus importantes que celles que nous entretenons avec la France puisqu’elles atteignent 2,6 milliards d’euros. Ainsi, la Hollande est en troisième position après l’Allemagne et la Grande-Bretagne et le commerce touche un peu à tous les domaines, en particulier aux produits chimiques et au plastique. Les affinités culturelles ainsi que la solidarité entre petits États font que de nombreux Israéliens viennent ici pour les affaires, mais aussi pour le tourisme, surtout de randonnée, ce qui fait de la Hollande un lieu privilégié pour les vacances en famille. Je peux donc dire que les relations entre nos deux pays sont bonnes, voire excellentes, bien que la presse nous soit encore et toujours hostile.
Dans les relations bilatérales, quel est le problème qui constitue aujourd’hui votre priorité et votre plus grande source de difficultés ?
J’ai des préoccupations négatives et positives. Sur le plan négatif, je dois dire que je ne vois toujours pas comment je pourrai convaincre la presse de se départir de son obsession propalestinienne ou du moins obtenir qu’elle garde un certain équilibre, ne serait-ce qu’en relatant des faits historiques. Ses citations qui ont trait à l’histoire sortent pratiquement toujours d’un seul manuel, celui écrit par les Arabes palestiniens. Notre version des faits n’est simplement pas du tout prise en considération. La presse publie tous les jours un grand nombre d’articles sur Israël qui vont du sujet sérieux, par exemple les affaires étrangères et l’armée, à des thèmes plus légers, comme la polémique de la Gay parade de Jérusalem. La difficulté réside dans le fait de briser les stéréotypes qui reviennent de manière récurrente, à savoir: «Israël est agressif avec les palestiniens – Israël est bourré de gens orthodoxes imprévisibles – en Israël, les soldats sont partout». Les articles sont toujours assaisonnés d’opinions israéliennes d’extrême gauche qui font tout pour dénigrer l’État. La presse hollandaise est très fortement représentée en Israël, souvent par des coreligionnaires.
Sur le plan positif, le défi est de savoir comment transformer le «réservoir de bonne volonté gouvernemental» dont nous disposons actuellement en actes concrets, comme par exemple en augmentant le volume des échanges commerciaux. Après la révolution industrielle, post industrielle et l’économie de service, la Hollande, comme Israël, entre de plain-pied dans la troisième phase de l’économie promue et dominée par la science. Dans ce domaine, nous avons une place prépondérante à prendre. S’il est vrai que d’une part nous sommes encore encombrés par une bureaucratie très lourde, en ce qui concerne les découvertes et les innovations scientifiques, nous sommes en avance sur de très nombreux pays. L’une des missions de mon ambassade est de faire comprendre à mes collègues en Israël, mais aussi aux différentes sociétés que, bien que la Hollande ne soit ni l’Amérique, ni l’Allemagne, la France, l’Angleterre ou l’Italie, il existe ici un potentiel de coopération très important dans les domaines scientifiques et commerciaux que nous n’avons pas le droit de négliger. Pour cela, il faut aussi que les Israéliens apprennent à traiter les affaires selon les règles en vigueur en Europe, ce qui n’est pas encore tout à fait acquis au niveau du travail quotidien. Dans l’ensemble, je dirai que nous sommes sur la pente ascendante, car la Hollande commence à prendre une place plus importante dans la conscience des entreprises et de la communauté scientifique en Israël. C’est bien entendu insuffisant, mais le progrès est malgré tout tangible.
En général, l’ambassadeur d’Israël dans un pays représente certes l’État auprès duquel il est en poste, mais il est aussi l’envoyé auprès de la communauté juive du pays où il se trouve. Quelles sont vos vues sur la communauté juive de la Hollande d’aujourd’hui ?
Il s’agit d’une petite communauté qui a subi le plus grand taux d’extermination en Europe puisqu’avant l’invasion allemande, il y avait presque 140’000 Juifs en Hollande dont 104'500 ont été assassinés à Mauthausen, Sobibor, Treblinka et Auschwitz. Environ 5’000 déportés sont revenus. Cette situation relevait du fait que tous les Juifs étaient enregistrés en tant que tels et ce même dans les lieux les plus reculés. Dans tous ces endroits, aujourd’hui, à défaut de Juifs, il y a des monuments. Actuellement, il reste environ 30-35’000 Juifs hollandais plus un nombre estimé de 10’000 Israéliens, qui ne sont pas vraiment intégrés dans la vie communautaire, bien qu’ils souhaitent bénéficier de ses services sans vouloir y contribuer financièrement. L’esprit et la vie communautaire sont très dominés par la Shoa, chaque famille ayant été traumatisée d’une manière ou d’une autre. Le passé est donc très présent. La vie juive est très organisée. Il y a un petit groupe qui s’appelle «The Jewish Voice», qui fait beaucoup de bruit et met tout en œuvre pour convaincre le gouvernement hollandais de changer de politique à l’égard d’Israël et d’accepter d’établir des sanctions et un boycott envers l’État juif. Bien que très actif et vocal, il n’a pas de succès. Ce qui est curieux, c’est qu’il compte des survivants de la Shoa dans ses rangs qui proclament haut et fort et sans la moindre gêne que Gaza est Auschwitz.
Sur le plan politique, l’impact de la communauté juive en général reste malgré tout assez limité et ce avant tout en raison de son petit nombre de membres. Les Juifs, qui dans le temps étaient assez présents dans la vie politique, s’en retirent progressivement. Cela est aussi dû aux changements intervenus dans la vie professionnelle. Dans le temps, beaucoup plus de Juifs avaient des professions libérales alors qu’aujourd’hui, la jeune génération est de plus en plus employée, souvent à haut niveau, dans des grandes sociétés hollandaises ou multinationales.
Pensez-vous que la communauté juive souffre de la forte présence islamique en Hollande ?
Si la communauté juive vit dans la mémoire de la Shoa, elle est aussi préoccupée par le nombre des immigrants musulmans qui deviennent un facteur de plus en plus prépondérant puisqu’ils sont environ un million. Les musulmans sont présents à tous les échelons de la société, y compris dans l’administration et au gouvernement. De plus, ce sont des électeurs et les partis les courtisent pour bénéficier de leur vote. Ce qui préoccupe la communauté juive, c’est bien plus la question de l’intégration des musulmans dans la société que l’influence qu’ils peuvent avoir sur la politique hollandaise à l’égard d’Israël. Je ne vous cacherai pas qu’aujourd’hui, il n’est plus tout à fait évident de se promener avec une kippa dans certaines rues d’Amsterdam ou de Rotterdam. De plus, ils ont des exigences malgré tout importantes concernant la vie quotidienne, comme le fait qu’une femme musulmane ne se laisse pas toucher par un médecin masculin, la création de banques fonctionnant selon la loi coranique et bien d’autres revendications encore. Face au développement de ce phénomène, je pense que la communauté juive aurait avantage à resserrer ses liens avec les organismes chrétiens qui sont fondamentalement pro-israéliens. Une réflexion commune serait certainement très utile et bénéfique aux deux parties.
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