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Sommaire Interview Automne 2002 - Tishri 5763

Éditorial – Septembre 2002
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Roch Hachanah 5763
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Démocratie et Charia

Par Roland S. Süssmann
Le 8 juillet dernier, une information discrète est passée sur les télescripteurs disant que l'OLP avait décidé que le futur "état palestinien" serait démocratique et doté d'une constitution basée sur la "charia", la Loi canonique islamique qui régit la vie religieuse, politique, sociale et individuelle. Afin de nous permettre de comprendre les implications réelles d'une telle déclaration, nous avons interrogé le professeur MOSHÉ SHARON, grande autorité mondiale de la langue et de la civilisation arabes et professeur d'Histoire islamique à l'Université hébraïque de Jérusalem.

Les termes "charia" et "démocratie" sont-ils compatibles ?

Avant de répondre à votre question, je voudrais préciser que le mot "charia" signifie en fait "route", la route de vie et de conduite juste à suivre. C'est donc ce nom que porte la législation islamique qui est basée sur une interprétation totalement libre du rite sacré par des experts qui n'ont jamais été élus, mais qui sont désignés par le règlement de ce même rite sacré. Cet état de choses ouvre la porte à tous les excès et à toutes les atrocités.
Cela dit, "démocratie" et "charia" sont deux concepts totalement paradoxaux, car les lois de la charia telles qu'elles existent ne peuvent contenir aucun élément de démocratie. Je prendrai l'exemple de la position de la femme qui, selon les lois de la charia, ne peut pas divorcer. Seul l'homme peut la répudier, elle n'a aucun moyen de sortir d'une union malheureuse. Les épouses sont considérées comme étant dans une position inférieure par rapport à leur mari, comme la femme, en général, est estimée comme étant plus basse que l'homme. Parallèlement, les docteurs de la Loi, les "oulémas", disposent d'un pouvoir absolu qui, au nom de la loi divine, peuvent dicter, sans jamais être contestés, n'importe quelle ordonnance affectant directement la vie familiale, la société ou l'État.
Dans le cadre d'une démocratie, les élections libres servent justement à permettre le changement de dirigeants, de choix de sociétés et de lois. Rien de tel dans la charia. Les imams (dignitaires religieux) et les oulémas ont leur position grâce à la loi de la charia et non par la volonté du peuple. Il faut bien comprendre que si la démocratie est l'expression de la volonté populaire, la charia est considérée comme la représentation de la volonté divine et donc considérée comme étant supérieure à la démocratie. Par conséquent, il est impossible de vouloir établir un état "démocratique et doté d'une constitution basée sur les lois de la charia". Une société doit donc opérer un choix radical, être régie par un système démocratique ou selon les lois de l'islam.
De plus, il faut souligner que les oulémas sont de véritables dictateurs d'une théocratie et que leurs décisions ont un caractère définitif, fermées à toute interpellation. Contrairement à une démocratie où les institutions et les autorités sont choisies et désignées par le peuple, les oulémas détiennent leur légitimité par la loi de l'islam. Ceci implique non seulement qu'ils ne sont pas élus et donc non sujets à une éventuelle réélection, mais qu'ils ne représentent aucune institution d'État. Ces hommes sont formés dans les écoles coraniques et nommés par leurs supérieurs.

Lors de son fameux discours sur le Moyen-Orient, le président Bush a émis le souhait de promouvoir la démocratie dans le monde arabe. En fonction de ce que vous venez de nous expliquer, cela semble être "mission impossible". Pensez-vous qu'un processus de démocratisation pourrait voir le jour dans les pays arabes ?

Vous venez d'évoquer l'erreur classique et si souvent répétée des Occidentaux qui utilisent des termes puisés dans leur propre dictionnaire afin de les appliquer à une autre société, à une autre civilisation et en particulier au Moyen-Orient. Le fameux professeur Bernard Lewis a d'ailleurs très bien résumé cette attitude en disant: "Nous sommes face à un reporter spécialisé dans le cricket qui commente un match de base-ball en utilisant la terminologie propre au cricket." En Orient, les relations entre le gouvernement et les citoyens ne sont pas celles d'une autorité élue face à son électorat, mais celles d'un gouvernement auquel le peuple doit faire preuve d'allégeance. En arabe, cette relation porte le nom de "bay'ah", qui signifie que le dirigeant s'attend à ce que ses sujets qui vivent sous son autorité lui réaffirment leur allégeance de temps en temps, en moyenne tous les cinq ans. Ce que nous, Occidentaux, appelons des élections dans le monde arabe n'est rien d'autre que le renouvellement du serment d'obéissance et de fidélité inconditionnelle à un souverain ! C'est en raison de cette manifestation de soutien et de soumission que les dirigeants arabes obtiennent en moyenne 99,6% des "voix". Tout résultat inférieur à ce type de score est considéré par ces leaders comme étant catastrophique. Lorsqu'il y a des élections dans un pays arabe, il n'y a pas de choix de candidats permettant à chaque citoyen de voter librement en fonction de ses convictions. Donc, lorsque le président Bush parle de démocratie en Orient, il parle de deux choses totalement contradictoires et incompatibles, la démocratie au sens américain et européen du terme, et le système "bay'ah" en vigueur dans le monde arabe. Afin de pouvoir établir une véritable démocratie dans les pays arabes, il faudrait changer tous les systèmes de gestion nationale, ce qui est totalement exclu.
A cet égard, il faut aussi souligner que dans le monde arabe, les changements politiques n'interviennent que par la force et le sang. Là où nous utilisons le terme "élection", eux parlent de "révolution". Le nouvel homme fort reçoit ensuite les manifestations d'allégeance du peuple. Ceci se passe dans une cérémonie de "bay'ah", ce que nous appelons faussement "des élections", qui ont d'ailleurs toujours lieu après les coups de force. Je dois aussi rappeler que l'islam est une religion née avec une épée à la main et qui n'est porteuse d'aucun message de paix. Son but est de conquérir le monde et l'action d'une organisation comme al-Kaédah démontre bien qu'elle ne recule devant rien pour atteindre ce but. Parallèlement, aujourd'hui, un effort particulier de la propagande arabe porte sur le fait de faire croire que l'islam est la meilleure religion au monde, ce qui n'est qu'une continuation de son message initial qui en fait la seule religion véridique.

La différence entre des élections libres dans une démocratie et l'acte d'allégeance à un souverain est connue et comprise par les spécialistes de la langue et de la civilisation arabes des différentes chancelleries. Pourquoi acceptent-ils l'amalgame "démocratie - charia" ?

Il s'agit d'une démarche très dangereuse pour l'État d'Israël. Malheureusement, les pays européens sont arrivés à la conclusion que l'établissement de l'État juif était une erreur qui doit être rectifiée. L'existence même d'Israël constitue une aberration aussi bien morale que politique, dont il faut débarrasser le monde. Toutefois, l'élimination d'Israël doit se faire de manière élégante car, après la Shoa, l'utilisation de la force et de la brutalité à l'égard des Juifs ne constitue pas une option acceptable. C'est pourquoi l'idée de démontrer au monde combien les régimes arabes en général et l'OLP en particulier sont de véritables démocraties, qui tiennent des élections libres, etc., ouvre la porte à l'acceptation de toutes les exigences arabes les plus extrêmes. Dans cet esprit, les Européens soutiennent activement la demande d'évacuation de terres juives en Israël et surtout l'invasion pacifique du pays par un retour de "réfugiés" civils arabes qui seraient intégrés dans cette nouvelle démocratie... dotée d'une constitution basée sur les lois de la charia, etc. Pour obtenir le but fixé, à savoir la disparition progressive d'Israël, les Européens sont disposés à accepter et à apporter leur concours politique et financier à n'importe quelle proposition émanant de source arabe, inclus la plus irréaliste comme par exemple la mise en place d'une démocratie... islamique. Heureusement, pour l'instant, les Américains ne les suivent pas dans cette voie.

Les voisins immédiats d'Israël sont donc des dictatures plus ou moins théocratiques. Dans ces conditions, comment l'État juif peut-il signer des traités de paix avec ces États ?

Le monde islamique en général et les pays arabes avoisinant Israël en particulier n'ont qu'un seul but: la destruction de l'État juif. Il n'existe aucun moyen pour que cet îlot juif et démocratique soit accepté dans le cadre des États musulmans qui vivent dans cette région du monde. Afin d'atteindre leur objectif, toutes les méthodes sont bonnes: agression militaire, terrorisme ou, à défaut, diplomatie. Ceci inclut le fait de mener des négociations de paix ou même de signer des traités de paix qui ne sont rien d'autre qu'un instrument de destruction supplémentaire. Il faut bien comprendre que pour les musulmans, l'existence d'un État juif constitue un revers pour l'islam, une erreur du cours de l'Histoire qui doit absolument être corrigée par tous les moyens disponibles. Sur le plan diplomatique, leur action se divise en deux volets. Le premier est de tenter d'isoler Israël sur la scène internationale, le second réside dans un travail de fond mené à l'intérieur d'Israël afin que l'État hébreu soit obligé, en raison de pressions populaires internes, de signer des traités mettant son existence même en danger en réduisant sa superficie nationale et sa profondeur stratégique.

Estimez-vous que lors de la signature des traités de paix avec Israël, les États arabes n'étaient pas de bonne foi ?

Entre eux, les Arabes ne parlent jamais de "traités de paix", pour la simple raison que ceux-ci ne peuvent pas être conclus avec un pays non islamique. Le seul type d'accord qui peut être signé est la "houdnah", un traité entre des musulmans et des non-musulmans, dont la validité est limitée à une période n'excédant pas dix ans. De plus, la "houdnah" peut être annulée unilatéralement par l'État musulman si celui-ci se sent assez fort pour reprendre les hostilités armées. Le traité n'a pas pour but d'accepter l'ennemi ou de vivre en paix avec lui, mais uniquement de l'affaiblir.

Pensez-vous qu'une révolution fondamentale, comme nous l'avons vécue en URSS, puisse être envisagée dans le monde musulman et qu'un écroulement total des théocraties islamiques puisse se produire ou être provoqué ?

Absolument pas, car le communisme était imposé aux populations alors que l'islam vient du tréfonds de chaque musulman. Ce serait comme demander à un chrétien fondamentaliste de supprimer le christianisme par un mécanisme de révolution. Cela dit, le christianisme dirige la vie religieuse des individus, mais les lois qui régissent la vie du pays sont laïques. Rien de tel dans l'islam qui est une religion qui gouverne la vie de l'individu, de la famille, de la société, de l'économie, de la culture et de l'État. De plus, il s'agit d'une religion qui ne tolère aucun questionnement sur le comment et le pourquoi des choses, c'est ce que l'on appelle le "beylah Keifah".
En conclusion, je dirai que dans tous les États arabes, l'islam est la religion d'État et la charia constitue la source du système législatif, ce qui signifie que seules les lois qui ne vont pas à l'encontre de la charia et qui en sont inspirées peuvent être promulguées. Tel est le cas en Égypte et en Jordanie alors qu'en Arabie Saoudite, la charia est la seule législation du pays. Si les pays occidentaux et en particulier Israël ne comprennent pas ce que cela signifie, ils commettent une très grave erreur dont les conséquences seront très lourdes.

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