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Sommaire Politique Automne 2002 - Tishri 5763

Éditorial – Septembre 2002
    • Éditorial

Roch Hachanah 5763
    • Nouvelle vie - Nouveaux espoirs

Politique
    • L'attente d'un changement

Interview
    • Fermeté et pragmatisme
    • Démocratie et Charia

Stratégie
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Médecine
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Reportage
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Art et Culture
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Éthique et Judaïsme
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L'attente d'un changement

Par Emmanuel Halperin, notre correspondant à Jérusalem
A l'horizon des Israéliens se dessinent deux échéances probables, deux projets d'avenir concrets. Qui ne sont ni la paix - il ne faut pas rêver - ni même la cessation du terrorisme - ce serait trop beau -, mais qui sont malgré tout porteurs de quelques vagues espérances. Le premier - la chute du régime irakien - ne dépend pas d'eux. Le second - des élections anticipées - relève surtout des man?uvres des états-majors politiques. Faute de mieux cependant, ils trouvent dans ces objectifs réels de quoi alimenter le débat public, de quoi apaiser craintes et frustrations.
Les prochaines législatives sont prévues pour octobre 2003. Dans la mesure où elles pourraient déclencher un changement de politique, c'est-à-dire mettre fin à l'immobilisme actuel, cela peut sembler très loin. La popularité de M. Sharon reste assez stable, mais c'est, à certains égards, une popularité en trompe-l'?il. Il s'agit plus d'un soutien raisonné à une politique sans grand dessein, qui s'efforce de gérer le quotidien et de limiter les dégâts en attendant une embellie, que l'expression d'un enthousiasme populaire. Autrement dit, une majorité d'Israéliens estime qu'il n'y a pas d'alternative à la voie choisie et que finalement quiconque serait au pouvoir dans la conjoncture actuelle ne pourrait guère faire mieux. Les sondages indiquant un durcissement de l'opinion israélienne, un virage à droite, sont quelque peu trompeurs. En effet, si la fermeté à l'égard des palestiniens est bien vue, si le sentiment qu'il n'y a pas d'interlocuteur fiable est largement partagé, si l'opinion que dans l'état actuel des choses il n'y a pas lieu de faire de concessions tant que la violence n'est pas maîtrisée est générale, on constate parallèlement une évolution toute différente dès lors que les Israéliens se prononcent sur les conditions d'une solution du conflit. En échange de la paix, ou même d'un règlement viable, il y a actuellement une majorité favorable au démantèlement de la plupart des localités juives dans les territoires ainsi qu'à un partage de Jérusalem et à un retour aux lignes de démarcation de 1967 revues et corrigées. Il faut bien reconnaître, au vu de ces résultats, que la guerre d'usure de ces deux dernières années a été efficace et que le terrorisme a porté certains fruits. Non pas ceux escomptés par l'OLP, c'est-à-dire un effondrement de la société israélienne, une débandade morale et militaire, cela certainement pas, mais malgré tout de plus en plus d'Israéliens se disent prêts, si on leur promet un retour au calme et à la prospérité, à avaliser des concessions douloureuses auxquelles ils n'auraient certes pas consenti il y a encore quelques années.
Cette situation paradoxale fait repousser quelques ailes à la gauche israélienne. Le Parti travailliste, qui se sent prisonnier de la coalition gouvernementale, rue de plus en plus dans les brancards et menace tous les quelque jours de repasser dans l'opposition, afin d'enclencher le processus menant à des élections anticipées. C'est ainsi que la soudaine apparition, au firmament de la vie politique israélienne, d'un nouveau candidat à la direction de la gauche, le maire de Haïfa Amram Mitzna, a suscité une excitation certaine et quelques espoirs dans une partie de l'opinion. Aurait-on trouvé l'homme providentiel ? C'est fort peu probable, car l'ancien général n'a pas de grande expérience politique, ne contrôle pas l'appareil du Parti travailliste et s'est entouré d'une équipe de militaires à la retraite et de riches hommes d'affaires qui ne représentent pas, et ne sauraient prétendre représenter, les masses populaires israéliennes. La plupart des observateurs de la vie politique estiment donc que le soufflé va vite retomber, comme ce fut le cas pour la candidature de l'ancien Chef de l'état-major Lipkin-Shachak il y a trois ans. Il n'en demeure pas moins qu'il y a un véritable déficit de leadership, et donc une attente de l'opinion, car la politique a horreur du vide: on voudrait bien voir de nouvelles têtes.
M. Sharon est conscient de ces humeurs et sait bien qu'il doit se garder à droite tout autant qu'à gauche. Il a donc décidé de prendre au sérieux les menaces de départ des travaillistes et de leur lancer un défi: s'ils ne votent pas pour la loi budgétaire de l'année prochaine, qui doit être présentée à la Knesset en octobre, il se dit prêt à retourner devant l'électeur dès janvier ou février 2003. Ce qui couperait l'herbe sous les pieds de M. Netanyahou, car face à une gauche revigorée, le Likoud aurait tout intérêt à présenter une équipe dirigée par le Premier ministre sortant, bien plus consensuel que ne l'est son fringant challenger. Sharon se poserait alors en rassembleur, face à une gauche discréditée par les Accords d'Oslo et sa propension à afficher d'avance des concessions, et face à une droite que beaucoup d'Israéliens considéreraient alors comme dangereuse parce qu'irréaliste.
Rien ne dit cependant qu'il s'agit là d'autre chose que d'une stratégie de café du Commerce. Une donnée nouvelle, beaucoup plus intéressante que toutes ces man?uvres à la petite semaine, conduit à considérer la réalité sous un jour différent. Le troisième parti israélien, le Shas (17 députés), qui pourrait craindre un tassement de son électorat, vient de prendre un très net virage à droite. Son chef spirituel, son fondateur, l'ancien grand-rabbin séfarade Ovadia Yossef, a manifesté pour la première fois et très publiquement son soutien aux Israéliens installés dans les territoires. En visite dans la petite ville d'Immanuel, en Samarie - cité ultra orthodoxe endeuillée par deux terribles attentats - il ne s'est pas contenté de dire sa solidarité. Il a exprimé le v?u "qu'un million d'Israéliens" s'établissent dans cette localité, vouée par les tenants des Accords d'Oslo à une rapide disparition. C'est là un propos étonnant de la part d'un leader religieux qui passait pour politiquement modéré et que l'on disait conciliant à l'égard des palestiniens, en vertu de la fameuse recommandation, enracinée dans la tradition juive, de ne pas "irriter les Nations". Les dirigeants du Shas rejoignent donc l'opinion de leurs électeurs et se positionnent résolument à la droite du Likoud.
Ce tournant est d'autant plus significatif que le Shas recrute essentiellement au sein de la population des quartiers défavorisés et des villes de développement. Or la gauche israélienne s'efforce depuis des années de convaincre cet électorat - apparemment sans grand succès - que les budgets alloués aux implantations le privent d'une manne d'argent public qui serait mieux employée si elle était investie à son profit. Désormais M. Sharon pourra donc plus facilement compter sur les leaders du Shas et ne pas craindre comme ce fut le cas dans un passé récent - sous le gouvernement Barak - que ce parti n'essaye de jouer un rôle d'arbitre entre la gauche et la droite.
Mais les perspectives électorales sont relativement peu de chose comparé à l'attente d'une opération militaire décisive en Irak. L'opinion israélienne suit de très près les préparatifs de l'administration américaine et se réjouit, presque autant à gauche qu'à droite, de la résolution manifestée par l'administration Bush, en dépit des réserves et des réticences des Européens comme d'une partie du Congrès. A tort ou à raison, les dirigeants israéliens pensent que le renversement du régime de Bagdad porterait un coup décisif à l'OLP et au Hamas comme à l'ensemble des mouvements extrémistes arabes. Une nouvelle donne au Proche-Orient permettrait, croit-on, d'éliminer dans la foulée la mainmise d'Arafat et de ses séides sur les palestiniens et de promouvoir ainsi, à moyen terme, des interlocuteurs valables. Ce choc salutaire pourrait aussi convaincre l'Iran et la Syrie de cesser leur soutien au Hezbollah libanais. Même si ces espoirs sont quelque peu illusoires - car rien ne garantit que la chute de Saddam Hussein débouchera sur une démocratisation de l'Irak et sur une stabilisation de la région - Israël ne cache pas son impatience de voir les Américains agir. M. Sharon et M. Peres se sont même allés à encourager publiquement le Président Bush, donnant ainsi le sentiment qu'Israël poussait à la roue et jouait la mouche du coche, ce qui n'est peut-être pas d'une grande sagesse. Mais cette attitude des dirigeants israéliens signifie que cette fois-ci il n'est pas question d'adopter un profil bas comme il y a onze ans. Les armes de destruction massive dont l'Irak s'est dotée - même s'il n'est pas prouvé que ce pays soit parvenu à se procurer des armes nucléaires - sont une menace directe au moins autant pour Israël que pour les États pétroliers du Golfe. Pendant la guerre de 1991, la retenue tant vantée du gouvernement Shamir, s'abstenant de toute réaction malgré les 39 fusées SCUD qui ont atterri sur le territoire israélien, était due surtout à un interdit absolu de Washington. Un oukase. Cette politique du dos rond à laquelle l'armée et le ministre de la Défense Arens s'étaient vivement opposés, a très certainement porté atteinte à la capacité de dissuasion d'Israël, en créant trois précédents, à la fois sur le terrain et dans les esprits: pour la première fois, Israël n'a pas réagi à une agression violente contre sa population; pour la première fois, Israël a confié sa sécurité aux bons soins d'une puissance étrangère; pour la première fois, l'arrière israélien a été directement touché. Il ne fait guère de doute que dans le monde arabe on a pris note de ces précédents et qu'on a vu là le signe d'un affaiblissement, d'une mollesse, d'une vulnérabilité. Conscients de cet effet nocif, les dirigeants israéliens veulent revenir au mode de comportement "traditionnel" de l'armée israélienne, et ont fait savoir aux Américains que cette fois-ci toute atteinte à Israël se solderait aussitôt par une riposte cinglante. Et c'est sans hystérie que la population civile israélienne se prépare à accuser le coup, sachant, ou espérant, que les jours du régime irakien sont comptés.
Nous n'avons pas le choix, explique l'administration Bush à ceux qui contestent sa politique de force. Ce n'est peut-être pas tout à fait exact, répondent certains spécialistes militaires israéliens. En revanche, il ne fait pas de doute à leurs yeux qu'Israël se trouve placé dans une situation sans alternative, et que tout doit être fait, patiemment mais avec constance, pour effacer les graves erreurs du processus d'Oslo. A cet égard, et malgré toutes les critiques et toutes les réserves, force est de reconnaître, comme l'estime la majorité des Israéliens, que l'équipe dirigeante en place fait relativement bien son travail.

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