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Éditorial - Septembre 1995
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L'Inde à Jérusalem

Par Roland S. Süssmann
De tous les pays d'Extrême-Orient que j'ai visités, l'Inde, avec son milliard d'habitants, ses contrastes flagrants, ses multiples dialectes, castes et religions, est de loin celui qui est le plus surprenant, fascinant et intriguant. Il est également le seul qui soit aussi attachant que détestable. C'est cet ensemble d'impressions, de souvenirs et de sentiments que j'ai retrouvés en visitant la remarquable exposition "The Jews of India" au Musée d'Israël à Jérusalem... seule manquait l'odeur des épices ! Cette exposition reflète bien la société dans laquelle les Juifs de l'Inde ont évolué et survécu pendant des siècles.
L'ouverture d'esprit des Indiens envers les autres religions (hormis les troubles plus récents entre Hindous, Musulmans et Sikhs) explique pourquoi et comment les Juifs ont pu conserver leur patrimoine religieux et vivre librement en fonction de leur croyance. Ils étaient totalement acceptés par leur entourage culturel direct et avaient adopté le style de vie local ainsi que certaines coutumes. Dans l'atmosphère pluraliste qui caractérise l'Inde, les Juifs n'ont jamais été inquiétés en raison de leur foi, sauf pendant les persécutions dues à l'Inquisition portugaise.
Contrairement aux autres communautés qui se sont installées en Israël, la communauté juive de l'Inde est restée discrète et effacée si bien que son histoire et ses us et coutumes sont en grande partie ignorés du grand public. Le Musée d'Israël a comblé cette lacune en présentant, dans le cadre de son département d'Ethnographie juive, une superbe exposition, petite par sa taille mais grande par sa qualité, consacrée à divers aspects religieux et laïques de la vie des Juifs dans le sous-continent indien.
La société juive en Inde ne constituait pas un ensemble homogène, mais comprenait trois communautés géographiquement séparées et bien distinctes: les Bené Israël, les Juifs de Cochin, et les Juifs de Baghdad (Baghdadis). Chacun de ces groupes possédait son histoire et un passé socioculturel spécifique. Malgré toutes leurs différences, ces hommes et ces femmes étaient réunis par un dénominateur commun et un lien invisible: le fait d'être juifs.
Dès le début, le visiteur de cette saisissante exposition entre de plain-pied dans l'atmosphère particulière de ce que fut la vie des Juifs en Inde. En effet, il se retrouve à l'intérieur même de la synagogue de Cochin, construite en 1544 et récemment transférée à Jérusalem pour y être restaurée par les services du Musée, sous la direction de Joseph Shenav (voir SHALOM Vol.V). Cette synagogue figure dès à présent dans l'exposition permanente du Musée d'Israël aux côtés d'une synagogue italienne et d'une synagogue polonaise, toutes deux également abandonnées, retrouvées, sauvées et remises en état par le Musée. La synagogue de Cochin se distingue par son magnifique intérieur en bois sculpté, façonné selon la tradition du travail sur bois du sud de l'Inde. Riches en couleurs, les boiseries sont ornées d'images de lotus, d'animaux, d'oiseaux et de cobras mais, curieusement, certains détails présentent un côté typiquement européen. La visite de la synagogue est agrémentée par la diffusion permanente de rengaines religieuses traditionnelles enregistrées par des Juifs originaires de Cochin et ayant immigré en Israël.
L'exposition en tant que telle est le fruit d'une longe recherche menée aussi bien en Israël qu'en Inde, en particulier à Kerala, Maharashtra et dans le Bengale occidental. Les différents aspects de la vie juive en Inde sont remarquablement présentés par des reconstructions de foyers, de scènes de la vie quotidienne ou de cérémonies. De plus, une très riche variété d'objets rituels, de costumes, de bijoux, de documents, de contrats de mariages et de photos font revivre au visiteur l'atmosphère particulière et typique de ce que fut et est encore, bien que de façon très réduite, la vie des Juifs des trois communautés du sous-continent indien: les Bené Israël, les Juifs de Cochin et les Baghdadis.

LES BENÉ ISRAEL
Il s'agit de la plus grande communauté juive de l'Inde. Avant l'immigration en Israël, elle comptait environ 25'000 membres. Pendant de nombreuses générations, les Bené Israël vécurent dans la région de Bombay et dans la région de Kolaba, dans l'état de Maharashtra. Dispersés dans plusieurs villages, ils étaient somme toute assez isolés des autres Juifs et n'avaient aucune idée de la manière dont le système légal juif avait évolué après la destruction du Second Temple. Toutefois, ils avaient maintenu la stricte observance du shabbat, la circoncision, et toutes leurs prières débutaient par "Shema Israël" (Écoute Israël), l'une des phrases centrales de la liturgie juive. Le contact avec le monde juif ne fut rétabli qu'au début du XIXe siècle, lorsque des enseignants juifs de Cochin vinrent leur apprendre le judaïsme et l'hébreu. A l'époque de la colonisation britannique, les Bené Israël quittèrent leurs villages où ils vivaient avant tout d'agriculture et de la pression d'huiles pour s'installer dans les villes, notamment à Bombay. Dans les années 1950 et 1960, un grand nombre d'entre eux s'établit en Israël, où ils se sont parfaitement intégrés. En 1994, 45'000 membres avaient immigré en Israël.

LES JUIFS DE COCHIN
Il s'agit de la plus ancienne communauté juive de l'Inde. Elle était établie dans les plaines vertes et fertiles de la région côtière de Malabar dans le sud-ouest indien, autrefois la propriété du Raja de Cochin et qui, aujourd'hui, font partie de l'état de Kerala. Dans l'Antiquité, la région de Malabar était connue pour la qualité et la variété de ses épices. Bien qu'il existe de nombreuses légendes quant à l'origine de cette communauté, le plus ancien document écrit connu date de l'an 1000: une plaque en cuivre relatant les privilèges religieux et économiques que le dirigeant local hindou avait accordés à un notable communautaire, Joseph Raban. Au XVIe siècle, des Juifs expulsés d'Espagne vinrent s'installer à Cochin, que les Malabari locaux surnommèrent "Pardesi" (les Juifs blancs ou étrangers). Au XVIIe siècle, il y avait des Juifs dans cinq localités de la région et huit synagogues avaient été construites. La région de Malabar fut successivement dirigée par une série d'Européens. Tout d'abord par les Portugais qui importèrent l'Inquisition et la persécution des Juifs locaux; puis ce fut le tour des Hollandais, sous l'administration desquels la communauté juive fut florissante. A l'époque de la colonisation britannique, la communauté continua de se développer et de nombreux Juifs trouvèrent un emploi dans l'administration coloniale. Dans les années 1950, alors que la communauté comptait environ 2'500 âmes, la grande majorité partit pour Israël.

LES BAGHDADIS
Au début, l'expression "Baghdadi" faisait allusion exclusivement aux Juifs en provenance d'Iraq et de Syrie. Plus tard, celle-ci fut étendue à l'ensemble des Juifs originaires du Yémen, d'Iran et d'Afghanistan. Les premiers Juifs qui arrivèrent de Basra, de Baghdad et d'Alep étaient des hommes d'affaires directement affiliés à la "British East India Company". Il s'installèrent tout d'abord dans la ville portuaire de Surat, puis à Calcutta et à Bombay. Un autre groupe de Juifs d'Iraq arriva au début du XIXe siècle suite à une vague de persécutions. La communauté "Baghdadi" fut dominée par un certain nombre de personnages légendaires, fondateurs de véritables dynasties juives et d'empires commerciaux avec des agences dans le monde entier. Parmi eux, David Sasson, qui contribua très généreusement au développement de la communauté juive de Bombay en créant des centres éducatifs, médicaux, des institutions de bienfaisance ainsi que les deux synagogues "Magen David" et "Knesset Eliahou". La seconde communauté "Baghdadi" fut établie à Calcutta par Moses Dwek ha-Cohen, originaire d'Aleppe. Il fonda trois synagogues: "Magen David", "Beth El" et "Neveh Shalom". Dans l'ensemble, les Juifs "Baghdadi" étaient des hommes d'affaires et des banquiers. Peu d'entre eux choisirent des professions libérales. Il est intéressant de constater qu'ils participèrent très activement au développement de l'industrie du cinéma indien. Tout en gardant une forte identité juive, ils adoptèrent le mode de vie anglais, s'éloignant ainsi de la population locale juive et non juive. Avant l'ouverture d'écoles juives, leurs enfants fréquentèrent des écoles privées ou de missionnaires dans lesquelles des cours particuliers d'hébreu leur étaient donnés. Lors de l'indépendance de l'Inde en 1947, la plupart des membres de la communauté "Baghdadi" s'établirent dans des pays anglophones, très peu d'entre eux se rendirent en Israël. En outre, l'exposition présente un côté fort attrayant de cette communauté: l'édition et la presse juives en Inde.

Une visite à l'exposition "The Jews of India" est très enrichissante. Il est frappant de constater que la grande majorité des pièces exposées, malgré leur origine lointaine, nous sont très familières: les objets cultuels ressemblent étrangement à ceux d'origine européenne. Cette exposition, probablement ouverte jusqu'au mois de décembre, est le résultat d'une longue et minutieuse recherche de plus de dix années menée par le conservateur Mme Orpa Slapak, qui mérite d'être félicitée. La planification et les arrangements ont été réalisés par Elishéva Yarhi. Quant au financement, il a été assuré parallèlement par le Musée d'Israël, M. Martin Gruss de New York et les Amis du Musée d'Israël en Suisse romande.




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