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Sommaire Turquie Printemps 2007 - Pessah 5767

Editorial
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Pessah 5767
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Politique
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Turquie
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Reportage
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Ethique et Judaïsme
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Jérusalem - Istanbul

Mordechaï Amihai, consul d'Israël en Turquie. Photo: Bethsabée Süssmann

Par Roland S. Süssmann
Bulgarie - Grèce - Géorgie - Arménie - Iran - Irak - Syrie - mer Noire au nord et Méditerranée au sud avec une présence territoriale à Chypre. Voici la réalité qui entoure directement la Turquie qui aujourd'hui, peut-être plus que jamais, est un pays clé par rapport à l'évolution de la situation politique dans cette région du monde étant donné le jeu d'influences auquel s'adonnent les puissances en place. Située à quelques centaines de kilomètres seulement d'Israël, ses relations avec l'État hébreu ont une importance capitale. Jérusalem ne s'y trompe d'ailleurs pas et les échanges au plus haut niveau tant ministériel que militaire sont fréquents. De plus, au minimum deux vols quotidiens relient Tel-Aviv et Istanbul, indépendamment du tourisme israélien en Anatolie.
A Istanbul, nous avons été à la rencontre du consul d'Israël, MORDECHAÏ AMIHAI, diplomate de carrière en poste depuis 2005, afin qu'il nous brosse un tableau des rapports entre les deux pays.

Quels sont les points essentiels qui caractérisent les échanges entre les deux États ?

Il est important de se souvenir que la Turquie est le premier État musulman, certes laïc et kémaliste, à avoir reconnu Israël dès le lendemain de son indépendance. Pendant très longtemps, en fait pratiquement jusqu'au début des années 90, les relations ont été maintenues à un niveau très bas pour ne pas dire minimaliste. Au début de la dernière décennie du XXe siècle, le gouvernement turc en place a décidé de procéder à un changement radical et de donner un élan aux relations entre les deux pays. C'est aussi à ce moment-là que les traités de coopération militaire et de défense ont été conclus. A l'époque, les échanges commerciaux s'élevaient à environ cent millions de dollars par an. Aujourd'hui, ils atteignent deux milliards et demi sans compter le domaine militaire et le tourisme, dont les montants ne sont pas publiés ou difficilement chiffrables. N'oublions pas qu'environ 400'000 Israéliens se rendent annuellement en Turquie. A cela s'ajoutent les investissements directs qui se font dans les deux pays et ce à un niveau très élevé.

A première vue, tous ces échanges ont l'air de progresser dans la bonne direction, mais quelle est la position politique de la Turquie par rapport à Israël ?

Après l'élection du Hamas, le dirigeant de cette organisation, Ismaïl Haniyé, a été officiellement invité en Turquie, bien que cette invitation ait été assortie d'une subtilité puisqu'elle n'avait aucun caractère gouvernemental. Ce geste n'a pas seulement déplu à Israël mais aussi aux États-Unis. Pendant la Seconde guerre du Liban, l'atmosphère en Turquie était très anti-israélienne, tant au niveau de la presse (en particulier dans le cadre des reportages télévisés) que de la population. A aucun moment les considérations israéliennes et les souffrances des gens condamnés à vivre dans les abris n'ont été mentionnées, même à titre indicatif. Des manifestations se déroulaient quotidiennement devant le consulat, visiblement encouragées par les rapports de presse très tendancieux, unilatéralistes, et par les propos anti-israéliens des dirigeants arabes, en particulier égyptiens, jordaniens et saoudiens. Mais ce qui a certainement été déterminant, ce sont les déclarations du Chef de l'État turc, nettement plus virulentes que celles exprimées par les dirigeants arabes que je viens de citer.

Comment expliquez-vous cela ?

Il est possible qu'il s'agisse là de l'expression ouverte du fond de la pensée de la classe dirigeante du pays. Il ne faut pas oublier que les affinités de la population turque avec la mouvance islamiste et la cause palestinienne sont très profondes et que nous sommes dans une année électorale? Toutefois, les contacts n'ont pas été interrompus et notre Premier ministre s'est entretenu avec le Chef de l'État turc. De plus, il est intéressant de constater que toute cette atmosphère difficile et hostile n'a en rien influencé le commerce entre les deux pays. La Turquie a aussi proposé ses bons services dans une médiation au sujet de nos soldats kidnappés, qui n'a pas abouti. La communauté des hommes d'affaires a très bien compris que les deux économies ont tout à gagner d'un essor mutuel des échanges. Aujourd'hui, nous sommes de retour au statu quo ante qui prévalait avant la guerre et je peux affirmer sans hésiter que cette situation a démontré qu'il existe une séparation très nette entre les politiciens et le monde économique. Cela dit, le monde politique est bien conscient du fait qu'il y a un certain nombre de points communs très importants entre la Turquie et Israël. Tout d'abord, il s'agit des deux seules démocraties au Moyen-Orient; la Turquie fait partie de l'OTAN et elle souhaite être intégrée dans la Communauté européenne avec laquelle elle a déjà conclu un certain nombre d'accords importants. La situation n'est donc pas totalement noire ou blanche. Malgré l'existence dans ce pays d'une élite pro-occidentale, l'atmosphère est dans son ensemble très anti-américaine et par conséquent anti-israélienne. L'anti-américanisme est avant tout promu, en permanence, par la présence américaine au nord de l'Irak, là où se trouvent les Kurdes et leur pétrole. Les Turcs souhaitent que les Américains agissent contre le PKK (l'opposition armée kurde) ou encore mieux qu'ils leur laissent le champ libre pour intervenir militairement, ce qu'ils ne font simplement pas. D'ailleurs, pendant la guerre du Liban, il n'était pas rare d'entendre des commentateurs poser la question suivante: «pourquoi les USA autorisent-ils Israël à intervenir au Liban alors qu'ils interdisent à la Turquie d'agir contre les Kurdes ?». Il faut aussi comprendre que l'une des grandes craintes des Turcs est de voir la naissance d'un État kurde au nord de l'Irak, alors qu'environ 15 millions de Kurdes vivent en Turquie, soit près de 25% de la population. A cela s'ajoutent un ou deux autres éléments non négligeables. Il faut se souvenir qu'en Irak, les grandes réserves de pétrole sont au nord entre les mains des Kurdes et au sud entre celles des Chiites. Au centre, là où se trouvent les Sunnites, il n'y a pratiquement rien. De plus, environ un million de Kurdes vivent en Iran, ce qui d'une certaine manière renforce aussi les relations de la Turquie avec l'Iran. Celles-ci ont de tout temps été ambiguës, variant entre l'alliance et la belligérance.

Quelle est la position d'Israël dans tout ce jeu politique et géopolitique, dont l'affaire kurde n'est finalement qu'une composante ?

Il faut bien comprendre que depuis quelques années, pour la Turquie, Israël représente avant tout un élément pro-occidental de poids au Moyen-Orient avec lequel elle est intéressée d'avoir d'aussi bonnes relations que raisonnablement possible, surtout dans les domaines de la défense. La Turquie estime que la clé qui ouvre les portes essentielles à Washington passe par Jérusalem et par la puissance du lobby juif américain. Les bons rapports avec Israël permettent de démontrer aux Européens que la Turquie est appréciée au Moyen-Orient tant par les Israéliens que par les Arabes ce qui, à moyen terme, peut permettre de faire avancer son dossier de l'intégration au sein de l'Europe. Celle-ci est très souhaitée par la Turquie, car elle n'est pas tellement appréciée dans le monde arabe qui n'a pas pardonné d'avoir été partiellement colonisé par l'Empire ottoman. Pour terminer ce chapitre, je dirai que les relations avec Israël sont le résultat d'un calcul politique très savant qui, en définitive, est bénéfique aux deux pays et ceci sur de nombreux plans.

Un envoyé d'Israël, qu'il soit consul ou ambassadeur, n'est pas seulement délégué auprès du pays où il est en poste, mais aussi auprès de la communauté juive. Comment voyez-vous la communauté juive de Turquie ?

Le fait est que nous sommes en présence d'une communauté vieillissante et qui va en diminuant. Comme dans toute la Turquie, les classes moyennes et supérieures ont peu d'enfants et de nombreux jeunes Juifs quittent le pays. Aujourd'hui, il y a environ 25'000 Juifs en Turquie, dont près de 20'000 à Istanbul, 2'000 - 2'500 à Izmir et le reste est disséminé dans d'autres villes. Cela étant, toute l'activité religieuse peut s'exercer librement dans la mesure où elle n'a pas de caractère officiellement sioniste. Bien qu'il n'y ait pas d'éducation sioniste à l'école et jamais de drapeau d'Israël à la synagogue ou dans le bureau d'un officiel communautaire, la communauté juive de Turquie est très profondément liée à Israël et nous entretenons des rapports très chaleureux. En ce qui concerne l'antisémitisme, il y a plusieurs éléments intéressants à savoir. Tout d'abord, pendant la Seconde guerre du Liban, la presse et tous les promoteurs de l'atmosphère anti-israélienne dont je vous ai parlé ont allègrement mélangé les Israéliens et les Juifs. Mais il n'y a pas eu d'actes d'antisémitisme à proprement parler, du moins pas d'agressions physiques. Toutefois, des caricatures antisémites ont fait leur apparition dans les librairies et, en raison de l'existence d'une grande tradition de la crainte de la conspiration, de nombreux livres du type des Sages de Sion expliquant l'hégémonie juive sur le monde sont ouvertement vendus. De plus, Mein Kampf traduit en turc est un best-seller et ce depuis de nombreuses années.
En conclusion, je dirai que la communauté juive est bien intégrée dans la vie turque, dont elle connaît suffisamment bien les rouages pour éviter les pièges qui risqueraient de lui créer des difficultés inutiles.


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