Éditorial - Septembre 1996
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Un hassid au service de la nation
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La grande surprise des dernières législatives israéliennes réside moins dans la victoire de Benjamin Netanyahu que dans la percée spectaculaire des partis religieux. L'un des représentants du parti orthodoxe "United Torah Judaism", le rabbin MEIR PORUSH, 41 ans, père de onze enfants, hassid de la dynastie de Gour, dirige l'important Ministère de la construction et de l'habitat. Jusqu'à son entrée en fonctions, M. Porush était vice-maire de Jérusalem, chargé des questions du bâtiment.
Au sein du Gouvernement israélien, il est assez inhabituel de rencontrer des ministres hassidiques qui, de plus, ont la responsabilité d'un portefeuille aussi important que celui dont vous avez la charge. Comment voyez-vous votre mission ?
Je suis avant tout un Juif croyant et pratiquant qui vit en fonction des lois de la Torah et qui exécute les mitsvoth. Je dois dire que la politique en tant que telle ne constitue absolument pas une question prioritaire dans mon travail. J'estime être au service du public. Je déteste la "politique politicienne" qui se résume finalement à un ensemble de petites intrigues. Mon travail au quotidien réside dans le contact sur le terrain avec les responsables municipaux, l'étude des projets de développement, etc.
Cela dit, la question de l'habitat en Israël est très grave, notamment en raison de la flambée des prix de ces dernières années due, entres autres, à une spéculation immobilière immodérée. L'un de mes principaux mandats est de faire en sorte que chaque famille puisse acquérir unlogement décent à un prix abordable. Je crois aussi qu'en tant que Juif orthodoxe, je suis plus qu'un autre tenu à démontrer au monde non-religieux que nous sommes à même de nous investir à fond pour le bien du pays. Pour moi, il s'agit là d'un élément essentiel de ma mission.
Nombreux sont ceux qui pensent que l'arrivée en grand nombre de députés religieux à la Knesset comporte le danger de voir Israël se transformer en une théocratie, du style des Républiques islamiques. Le fait est que de nombreuses inquiétudes sont ouvertement exprimées aussi bien en Israël que dans la diaspora. Qu'en est-il en réalité ?
Nous sommes confrontés à deux genres de critiques: celles qui prônent la peur parce que les gens ne nous connaissent pas et parlent donc en toute ignorance, et celles propagées par les mouvements réformé et libéral (ce dernier se faisant curieusement appeler conservateur...) avec lesquels nous avons un débat légitime et constant. Nous estimons que ces deux groupements constituent un grave danger pour la survie même du peuple juif. Aujourd'hui, nous nous trouvons dans une position de force, nous pouvons jouer un rôle important et influent au sein du gouvernement. Nous allons donc nous y employer. Tout le monde trouvait "normal" que le Parti d'extrême-gauche Meretz, avec ses douze sièges à la Knesset, ait réussi à faire mener aux administrations Rabin et Peres la politique que lui, Meretz, considérait comme juste et ce dans pratiquement tous les domaines, aussi bien sur le plan des affaires étrangères, de la sécurité que des affaires religieuses. Aujourd'hui, nous sommes vingt-trois députés représentants des partis religieux qui avons l'intention d'user de notre influence afin que les affaires de l'Etat soient menées dans la voie que nous considérons juste et bonne pour Israël, celle du judaïsme authentique. Nous sommes conscients que nous ne pourrons pas obtenir satisfaction dans tous les domaines, mais nous agirons en fonction de notre croyance, de notre âme et conscience. Cela dit, nous avons tous un souci majeur, celui de maintenir l'unité et l'harmonie du peuple juif. Si D' nous guide dans la bonne direction et que nous pouvons déployer notre activité au sein d'un ministère ou du gouvernement en général en démontrant à tous que nous prenons très au sérieux notre mission au service de la nation, cela contribuera bien évidemment à faire diminuer ces craintes qui ne sont bien entendu pas fondées, qu'il s'agisse de l'établissement d'une théocratie ou de la pratique forcée de la religion.
Comment expliquez-vous le magnifique succès des partis religieux à qui 19,2% de l'électorat a choisi de faire confiance ?
Ceci démontre très clairement que, contrairement aux affaires étrangères, à la sécurité, à l'économie et aux grands problèmes de société du moment, la question de la religion ne constitue pas un élément clé de la politique israélienne. Il existe bien des politiciens qui souhaiteraient en faire une pomme de discorde mais, pour la plupart des Israéliens, cette question ne constitue pas une source de confrontations. Aux dernières législatives, 600 000 personnes ont voté en disant: nous allons installer à la Knesset des hommes qui portent des kipoth crochetées ou noires et qui, en grande majorité, sont barbus. Chacun de ces électeurs savait très bien pour qui il votait et connaissait parfaitement les valeurs chères aux candidats à qui il accordait sa confiance.
L'un des grands chevaux de bataille du gouvernement précédent était le gel de la construction dans les villes et villages juifs de Judée, de Samarie et de la Bande de Gaza. Rappelons que des centaines de maisons, construites avec l'argent du contribuable, sont restées vides sur décision des administrations Rabin/Peres. Malgré cette interdiction, la population juive de ces régions a augmenté de près de 50% sous l'égide du régime sortant qui lui était pourtant hostile. Quelle attitude comptez-vous adopter face à ce problème ?
Tout le monde connaît la plate-forme du Likoud à ce sujet et le Premier ministre est également le chef de ce parti. Il est évident qu'il s'agit d'une question délicate et que toutes les décisions seront prises en fonction des recommandations du Premier ministre, qui détient tous les paramètres pemettant d'agir avec justesse et au moment opportun. Cela dit, il est absolument certain que ce n'est pas au Gouvernement israélien d'interdire à un Juif de s'installer là où il le souhaite en Israël. Le gel en tant que tel a d'ailleurs été levé le 2 août 1996. A ce stade, je suis totalement incapable de vous dire combien de Juifs s'établiront en Judée-Samarie dans les années à venir. Toutes nos prévisions concernant l'évolution du bâtiment risquent d'être bouleversées si une nouvelle vague d'immigrants se présente aux portes d'Israël. Nous devrons alors faire face et construire en masse, comme nous l'avons fait au début des années 90.
Un peu partout à Jérusalem, on constate que les Arabes construisent sans permis, en toute impunité. Comptez-vous entreprendre quelque chose afin de mettre un terme à cette situation ?
Bien entendu, chaque habitant doit se conformer aux lois et tout ce qui est illégal sera combattu. Je dois malgré tout agir en fonction de l'importance de ces "délits" et je ne pense pas qu'il soit utile de mettre tout le Moyen-Orient "à feu et à sang" en raison de l'extension illégale d'une mosquée ou d'une maison familiale. Nous serons fermes, mais réalistes.
Pour conclure, une question personnelle. Si un désaccord de taille se présente entre votre parti et une décision de votre Rabbi, quelle sera votre position ?
A ce jour, ce problème ne s'est pas posé, mais je pense qu'avec un parfait esprit de coopération et de la bonne volonté, ce genre de contradictions peut être balayé. En tant qu'homme public, je dois savoir faire la part des choses et prendre les décisions qui me semblent justes et auxquelles je peux faire face en toute âme et conscience.
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