News Numéro courant Sondage: résultats Recherche Archives Deutsch English Русский עברית Español


Sommaire Pologne Automne 2006 - Tishri 5767

Editorial
    • Editorial - Septembre 2006 [pdf]

Roch Hachanah 5767
    • Lumière et Sérénité [pdf]

Politique
    • Les arbres et la forêt [pdf]

Interview
    • Espoir [pdf]
    • Réveil brutal [pdf]
    • Vivre sous les bombes [pdf]

Stratégie
    • La Deuxième guerre du Liban [pdf]

Reportage
    • Renforcer le maillon faible [pdf]
    • Un pas vers la lumière [pdf]
    • Gérer la bienfaisance [pdf]

Analyse
    • L’Ennemi de l’intérieur [pdf]
    • Négationnisme - Antisionisme - Antisémitisme [pdf]
    • ONG et Terrorisme arabe [pdf]

Science et Défense
    • L’Œil de Jérusalem [pdf]

Israël-Japon
    • Shalom Sumotoris [pdf]
    • Jérusalem et Tokyo [pdf]

Pologne
    • Jérusalem et Varsovie [pdf]
    • L’autre révolte [pdf]
    • Réalité polonaise [pdf]
    • L’Union des communautés juives de pologne [pdf]
    • Combattre l’antisémitisme [pdf]
    • Juif et Polonais [pdf]
    • Yiddish [pdf]
    • Chabad en Pologne [pdf]
    • A perte de vue [pdf]
    • Le Zydowski Institut [pdf]
    • Dernière chance à Varsovie ? [pdf]

Ethique et Judaïsme
    • Les conditions élémentaires du mariage [pdf]

La Mémoire Courte
    • Les Événements du mois d'Octobre [pdf]

Envoyer par e-mail...
L’Union des communautés juives de pologne

Adrzej Zozula.

Par Roland S. Süssmann
Au cours de notre périple à travers les communautés juives dans le monde, nous avons décidé de nous arrêter cette fois-ci à Varsovie afin de brosser un tableau instantané de la vie juive en Pologne aujourd’hui. Pour ce faire, nous sommes allés à la rencontre de ANDRZEJ ZOZULA, directeur exécutif de l’Union des communautés juives religieuses de Pologne. Cet organisme faîtier des communautés juives actuelles en Pologne est la seule représentation officielle du judaïsme polonais face aux autorités.
Huit communautés juives font partie de l’Union: Varsovie, Wroclaw, Cracovie, Lodz, Szczein, Katowice, Bielsko-Biala et Legnica. Il existe bien des groupuscules parajudaïques et des associations culturelles à caractère religieux, comme le mouvement réformé Beit Warszawa, qui n’a rien en commun avec tout ce qui est authentiquement juif. L’Union, pour sa part, met tout en œuvre pour maintenir et perpétuer la vie juive traditionnelle en organisant quotidiennement de véritables offices, en offrant aux Juifs de Pologne tous les services communautaires classiques tels que cimetière, bain rituel, cantine cachère et surtout en finançant un minimum de vie juive dans de petites communautés ainsi qu’un service d’aide sociale très actif. Il faut se souvenir qu’avant la Shoa, Varsovie comptait 300'000 Juifs et qu’aujourd’hui, la communauté a 400 membres officiellement enregistrés, dont environ 200 sont des personnes âgées vivant seules.

Pouvez-vous nous décrire la vie juive en Pologne aujourd’hui ?

La communauté juive en Pologne est d’une certaine manière à l’état de renaissance. Bien entendu, elle n’est en rien comparable avec celle qui existait ici avant la guerre et ne le sera certainement plus jamais. Cela dit, la communauté va en grandissant, nous assistons à une sorte de réveil de la jeunesse. Régulièrement, de jeunes Juifs qui, jusqu’à présent n’étaient absolument pas concernés par leur identité juive, se présentent à nous. Ces personnes savent qu’il existe un endroit où elles peuvent venir, trouver un interlocuteur, assister à un office ou simplement tenter de découvrir leurs racines et, si elles s’y sentent bien, revenir aussi souvent qu’elles le souhaitent. Cette simple présence, qui d’une certaine manière est le premier but de notre existence, va bien au-delà des programmes classiques qu’offrent les communautés à travers le monde.
La question que l’on me pose régulièrement est de savoir combien il y a de Juifs en Pologne aujourd’hui. En fait, personne n’en sait rien et les spéculations varient entre dix et trente mille. Il faut bien comprendre que dix-sept ans après la chute du Mur de Berlin, les craintes profondément implantées dans les esprits par le régime communiste n’ont pas totalement disparu. Nous avons des cas où les parents apprennent à leurs enfants sur leur lit de mort qu’en fait ils ne sont pas leurs enfants, qu’ils sont juifs, qu’ils les ont cachés et sauvés pendant la guerre parce que leurs parents biologiques avaient été déportés. Les «enfants» en question ont aujourd’hui environ 60 ans, ils se sont mariés et ont élevé leurs enfants en bons catholiques. Quels choix s’offrent à eux ? Doivent-ils communiquer ces révélations à leurs enfants en leur disant qu’en définitive, ils sont juifs ? Doivent-ils ignorer la chose ? D’autres personnes, par contre, ont toujours su qu’elles étaient juives, mais n’ont jamais eu le courage ou la volonté de révéler leur identité à leurs familles. Certains, anciens communistes ou membres de l’armée polonaise de métier, laissent une lettre disant qu’ils souhaitent être enterrés en tant que juifs. D’autres ont attendu que leur conjoint soit décédé, d’autres encore apprennent cette réalité directement de leurs grands-parents et décident d’assumer leur identité juive. La question est donc aussi dramatique que complexe, et nous avons dû ouvrir un département d’aide psychologique pour les personnes confrontées à ce genre de dilemme. Une évaluation juste du nombre de Juifs vivant en Pologne aujourd’hui est donc impossible. Récemment s’est tenu un colloque de prêtres catholiques qui, tous, savaient qu’ils étaient des enfants juifs cachés par les églises. Au cours de cette rencontre, ils ont évoqué la question de savoir combien de fois ils avaient entendu des hommes et des femmes venir se confesser en disant: «vis-à-vis de mon mari et de mes enfants, je vis dans le mensonge et donc dans le péché car en réalité, je suis juive mais je ne l’ai jamais révélé». Il s’est avéré que chacun de ces prêtres avait entendu des dizaines et des dizaines de cas similaires et que le chiffre cumulé arrivait à pratiquement 50'000 personnes. Je ne sais pas ce que vaut cette estimation, mais elle est malgré tout très révélatrice. Je ne pense pas que le potentiel de développement de la communauté atteigne des chiffres aussi importants mais, comme je vous l’ai dit, nous avons une politique de porte ouverte et à ce point, nous ne pouvons pas prévoir de quelle manière la situation va évoluer. Cela dit, à ce jour, nous comptons dans l’ensemble des organisations juives, communautés et associations culturelles réunies, environ 5'000 Juifs qui se sont officiellement enregistrés.

Pourquoi les Juifs sont-ils restés en Pologne après la Shoa, après le communisme et finalement après la chute du Mur de Berlin ?

Le nombre de ceux qui sont demeurés est très petit. En général, ils ne sont pas partis pour deux raisons: soit parce qu’ils croyaient vraiment aux bienfaits du communisme et à l’espoir dont il était soi-disant porteur; soit parce qu’ils avaient construit une vie familiale et/ou professionnelle ici et que leurs attaches personnelles étaient plus fortes que tout.

Comment voyez-vous l’avenir de votre communauté ?

Je pense qu’il y a un avenir pour les Juifs en Pologne. Comme je vous l’ai dit, je ne crois pas que nous allons devenir une grande communauté, mais que nous resterons une petite minorité, dont une partie des membres seront inscrits sur les registres communautaires et d’autres pas, mais qui vivront sans cacher leur identité juive. A mon avis, la vie juive sera plus orientée vers un ensemble d’activités culturelles dans le cadre duquel des personnes qui ont un passé, un avenir et un sort communs voudront se retrouver. Je ne pense pas que le désir d’augmenter la pratique religieuse jouera un rôle déterminant, bien qu’un bon nombre de personnes participent aux offices. Malgré tout, nous sommes confrontés à un nouveau phénomène assez intéressant. De plus en plus de gens s’intéressent à la pratique religieuse et nous avons constaté une augmentation dans la demande de conversions de la part de personnes dont uniquement le père était juif. Il faut savoir que pour être membre de nos communautés, il n’est pas nécessaire d’être halakhiquement juif, mais ceci est indispensable pour participer activement aux offices, être appelé à la Torah, se marier, etc. Comme je vous l’ai dit, j’ai toutes les raisons d’être optimiste puisqu’au cours des deux dernières années, le nombre de nos membres a sensiblement augmenté et que nous avons eu plus de mariages que d’enterrements !

Officiellement, vous représentez la communauté juive de Pologne avec un total d’environ 5'000 Juifs inscrits dans l’ensemble des organismes juifs confondus. Par la même occasion, vous nous dites qu’il y a plusieurs dizaines de milliers de Juifs (jusqu’à 30'000) qui vivent en Pologne et qui ne sont pas connus. Dans ces conditions, pouvez-vous vraiment dire que vous représentez les Juifs de Pologne aujourd’hui ? Combien votre pouvoir de représentativité est-il pris en considération par les autorités polonaises ?

Si vous nous demandez si oui ou non nous avons le mandat de représenter les dizaines de milliers de Juifs qui vivent en Pologne, la réponse est non. Toutefois, nous représentons nos membres et nous défendons une position dont nous pensons qu’elle sauvegarde les droits des Juifs. Face aux autorités, les chiffres n’ont pas beaucoup d’importance. Ce qui compte, c’est notre position légale. De ce point de vue, nous faisons partie des minorités ethniques, comme il en existe un grand nombre en Pologne, où il y a d’ailleurs un conseil des minorités ethniques, dont nous faisons partie. A ce titre, nous avons les mêmes obligations, droits et privilèges que tous les autres membres. En tant que communauté religieuse, nous faisons partie du groupe des dix organismes religieux (l’église catholique romaine, l’église orthodoxe russe, l’église protestante, etc.), dont le statut privilégié est réglementé par des lois particulières. Bien entendu, il y a la totale liberté de religion en Pologne, mais le fait d’être admis dans le groupe des dix donne un statut légal renforcé.

Qu’en est-il de la question de la restitution des biens juifs volés par les Allemands et les communistes polonais ?

Une partie des objets spoliés concerne aussi d’autres religions, comme par exemple l’église catholique. Dans le cadre de la restitution des biens communautaires juifs, la procédure porte le titre de «règlement des avoirs», ce qui signifie que nous ne pouvons pas réclamer chaque bien immobilier ayant appartenu aux communautés avant la guerre. Dans l’ensemble, il s’agit d’une législation et d’une comptabilité assez complexes qui peuvent aussi réserver des surprises. Par exemple avant la guerre, à Varsovie où vivaient près de 300'000 Juifs, seules quelques synagogues appartenaient à des communautés, les autres étaient des propriétés privées. Si les choses sont relativement simples en ce qui concerne les cimetières et les synagogues, elles sont nettement plus compliquées pour les immeubles. Ainsi, un centre communautaire qui existait avant la guerre doit encore exister le jour où la loi de restitution est appliquée, ce qui est très rare à Varsovie. Dans chaque cas, nous devons prouver que l’immeuble appartenait à la communauté, que c’est bien du même bâtiment dont il s’agit et qu’à l’époque, il était utilisé pour des activités communautaires de toute sortes. Dans ces conditions, nous ne pouvons pas vraiment parler de restitution étant donné que nous ne pouvons légalement réclamer qu’un tiers des anciens avoirs. De plus, tout ce processus est très lent et à ce jour, nous ne sommes péniblement arrivés à résoudre qu’une centaine de cas par an. Mais ce n’est pas qu’un problème juif, l’église catholique réclame aussi certains de ses biens depuis 1989. Je ne voudrais en aucun cas comparer la puissance de cette église avec la nôtre…

Qu’en est-il des spoliations individuelles des biens juifs ?

Là, il s’agit de s’attaquer à la question de la privatisation et il n’y a pas de spécificité concernant les biens juifs. Aucun gouvernement polonais n’est disposé à s’attaquer à ce problème.

Aujourd’hui, la Pologne a un ministre de l’Éducation ouvertement antisémite et le gouvernement a fait entrer deux partis antisémites dans sa coalition. Comment voyez-vous cette évolution et que faites-vous pour la combattre ?

Comme vous l’imaginez, nous suivons ces événements d’un très mauvais œil. Sur le plan politique, certains partis souhaitent perpétrer les traditions antisémites d’avant la guerre. Comme dans le reste de l’Europe, dont il ne faut pas oublier que c’est un continent antisémite, en Pologne aussi il y a des individus ayant des sentiments antisémites. Cela dit, je ne pense pas que la Pologne d’aujourd’hui soit plus antisémite que les autres pays européens. Sur le plan politique, je ne crois pas que dans un pays démocratique, des alliances politiques, même si elles nous déplaisent, peuvent être évitées. Nous avons fait savoir notre mécontentement aux autorités et utilisons nos contacts à tous les niveaux pour limiter les dégâts, ce qui n’est pas gagné d’avance.


Contacts
Redaction: edition@shalom-magazine.com   |  Advertising: advert@shalom-magazine.com
Webmaster: webmaster@shalom-magazine.com

© S.A. 2004