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Sommaire Stratégie Automne 2006 - Tishri 5767

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La Deuxième guerre du Liban

Major Général Jacob Amidror. (Photo: Bethsabée Süssmann)

Par Roland S. Süssmann
La dernière agression arabe contre Israël s’est terminée par de nombreuses interrogations. Comment et pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Que s’est-il réellement passé ? Pourquoi Israël n’a-t-il pas totalement démoli le Hezbollah ? Comment l’État hébreu a-t-il conduit cette guerre ? Quelles sont les leçons à tirer ? Afin de nous permettre de comprendre les tenants et aboutissants de ce conflit qui, malgré un cessez-le-feu précaire n’est de loin pas terminé, nous avons été à la rencontre du Major Général JACOB AMIDROR, ancien chef des services de renseignements militaires de Tsahal.

Comment analysez-vous la deuxième guerre du Liban ?

Depuis la création de l’État, il y a toujours eu en Israël deux écoles de pensées par rapport aux questions de la défense et, selon les circonstances, l’une ou l’autre est appliquée. La première veut qu’Israël soit en permanence en danger et frappe de manière préventive au bon endroit et au bon moment, sans attendre que le danger se matérialise. Nous avons agi dans cet esprit au moins à deux reprises, la première fois lorsque David Ben Gourion a lancé la guerre du Sinaï en 1956 (dont nous célébrons les 50 ans cette année), et la deuxième quand Menahem Begin a détruit le site nucléaire irakien Osirak en 1981. Dans ces deux cas, Israël a senti le danger et décidé qu’il ne pouvait pas le laisser se développer. Ceci démontre aussi que les théories de défense sont en général indépendantes des orientations politiques du gouvernement en place. La seconde thèse veut qu’Israël ne se laisse pas influencer par son environnement direct, qu’il doit être prêt en tout temps à mener et à gagner une guerre, mais qu’il est de son intérêt de la repousser au maximum et d’éviter de prendre l’initiative. Plus le temps écoulé entre deux guerres est long, mieux c’est. Telle était la thèse adoptée par les différents gouvernements israéliens après la sortie du Liban en 2000. Avant cette date, nous avions environ 15 soldats tués par an au Liban. Nous en sommes partis pour une seule raison, obtenir la légitimation internationale pour notre frontière nord. Nous pensions éviter la guerre, bien que tout le monde savait très bien que le Hezbollah s’armait massivement. Nous connaissions exactement quel type d’armes il achetait et les services de renseignements ont rempli de très nombreux rapports à ce sujet. Il n’y avait pour ainsi dire rien de neuf, de surprenant ou de secret. Nous estimions pouvoir vivre de part et d’autre d’une frontière bénéficiant de la reconnaissance internationale et, tant que le Hezbollah ne nous attaquait pas, nous n’avions aucune raison de le faire. Nous n’avions aucun intérêt à mener une guerre au Liban et avons tout mis en œuvre pour la retarder le plus possible. Cela étant dit, il faut bien se rendre compte que sous l’ombrelle de la «reconnaissance internationale», le Hezbollah a construit une force armée totalement inhabituelle. Il s’agit probablement de la seule organisation terroriste au monde (sauf peut-être les forces antiguérilla américaines établies en Afghanistan) qui dispose d’un arsenal militaire comprenant des missiles sol-mer. Ce que le Hezbollah a construit au Sud-Liban était une véritable ligne Maginot, soit une force terroriste dotée d’une capacité militaire. Il disposait des missiles antitanks les plus modernes du monde qu’il recevait de la Syrie. Il s’agit du missile NT fabriqué par la Russie, qui nous a par ailleurs assuré qu’elle ne les vendait pas au Hezbollah. Nous en avons saisi d’importantes quantités, qui portaient encore des inscriptions écrites en russe… Cette organisation terroriste possède des missiles sol-air pouvant être utilisés contre des avions et même certains missiles ayant une portée de 200km. Quelle organisation terroriste au monde dispose d’un tel arsenal ? Nous étions donc en face d’une organisation de guérilla qui avait construit au Liban un État dans l’État, d’une armée au moins aussi forte que celle du Liban. Et c’est là que la situation était simplement absurde. Le Liban est un État souverain membre de l’ONU, la Syrie est un État souverain également membre de l’ONU et voici que l’Iran décide d’installer au Liban des hommes et un arsenal qui transitent par la Syrie, afin d’y établir non seulement un État dans l’État comme je vous l’ai dit, mais une puissante armée de guérilla. L’ONU et l’ensemble des pays du monde ont laissé faire et ce en violation flagrante de la résolution 1559 de l’ONU qui interdit très clairement l’installation armée d’organisations non-gouvernementales dans le sud du Liban.

Vous dites que cette situation était absurde sur le plan international. Mais ne l’était-elle pas également par rapport à Israël ?

Naturellement, car nous connaissions très exactement et dans le détail tout ce dont disposait le Hezbollah: les milliers de Katiouchas, les bunkers, les missiles antitanks NT russes et les missiles à longue portée. A ce sujet, un phénomène intéressant s’est développé de part et d’autre de la frontière. Depuis quelques années, le tourisme chez l’habitant étant devenu populaire en Galilée, les gens ont rajouté des pièces dans les appartements et dans les jardins de leurs maisons afin de les louer. De l’autre côté de la frontière, les foyers se sont également agrandis, de la même façon, mais pour y installer des réserves de Katiouchas ! Il faut bien se rendre compte qu’une masse d’environ dix mille fusées de ce genre constitue un arsenal digne d’un État.
Le Hezbollah se sentait de plus en plus rassuré puisque Israël ne faisait pour ainsi dire rien pour le combattre et laissait pourrir la situation. Il a enlevé trois soldats (en 2003), tué des civils, tiré sur la frontière, sans qu’aucun des gouvernements en place, que ce soit sous l’administration Barak ou Sharon, ne réagisse. Chacune d’elle se tenait à la seconde école de pensées dont je vous ai parlé, estimant juste le fait de reporter la guerre au maximum. Puis le gouvernement Olmert est venu au pouvoir et sur ce point précis, il faut lui rendre hommage lorsqu’il a dit: «cela suffit, nous ne pouvons pas en supporter plus». A ce sujet, j’ai entendu un dirigeant du Hezbollah déclarer: «la réaction israélienne n’est pas logique. Un enlèvement de soldats mérite une réaction modérée, éventuellement quelques bombardements, mais pas une guerre !». Les membres du Hezbollah avaient pris l’habitude de croire qu’ils pouvaient continuer à kidnapper et à tuer des soldats sans que nous réagissions de manière forte, de peur que des Katiouchas ne tombent sur Haïfa et d’autres villes du nord d’Israël. De ce point de vue, le gouvernement actuel a réalisé quelque chose de très important pour Israël: il a dit au monde entier et en particulier à tous les pays de la région qu’il y a une limite au-delà de laquelle nous réagissons de manière disproportionnée. Alors, évidemment, le monde entier vient nous reprocher notre réaction. Or, ce que les groupes de guérilla veulent, c’est justement qu’en tant qu’État, nous répondions à ses provocations de manière proportionnée car ainsi, ils peuvent mener le jeu. Il faut savoir que si un État veut combattre la guérilla, il n’y a qu’un seul moyen: la réaction disproportionnée. Quelle était par exemple la réaction «proportionnée» des États-Unis après le 11 septembre ? Se sont-ils contentés de détruire deux immeubles en Afghanistan ? Non, ils ont totalement occupé ce pays, ce qui en aucun cas n’est «proportionnel». Cette façon d’agir est acceptée comme étant la réaction normale dans le monde.

Personne n’a donc rien fait pour empêcher le Hezbollah de s’installer militairement au Liban et à un moment donné, le gouvernement israélien d’Ehoud Olmert a décidé que le point de non-retour était atteint. Malgré tout, l’impression qui prévaut au sein de la population israélienne est que même l’armée a été surprise par la manière dont cette guerre a évolué. Pourquoi ?

Pour ma part, j’étais très étonné de voir que les gens étaient pris par surprise. Cela fait plus de trois ans que je dis que le jour où Israël déciderait de riposter, il se retrouverait dans une guerre longue et difficile, que des roquettes tomberaient inévitablement sur Haïfa et qu’une intervention des forces terrestres au Liban serait indispensable. Cela étant dit, il faut souligner que le coup que notre armée de l’air a porté au Hezbollah le premier jour de la guerre était un véritable coup de maître. Au cours des années, nous avons minutieusement établi une banque de données très précise et détaillée qui nous a permis d’agir avec précision. Nous avons détruit toute l’infrastructure que le Hezbollah a construite depuis l’an 2000 et qui lui aurait permis de lancer des missiles à longue portée sur l’État d’Israël. Nous n’avons pas réussi à détruire les Katiouchas de 220mm et de 302mm fabriqués en Syrie et que ce pays a transférés au Hezbollah. Toutefois, moins de cinq minutes après que chacune de ces roquettes avait atterri en Israël, son site de lancement était totalement détruit par notre aviation. Il est important de savoir que sur un plan comparatif, aucune autre armée au monde n’a la capacité de réaliser ce genre d’exploit.

Mais alors, comment se fait-il qu’un si grand nombre de Katiouchas soit tombé sur Israël et que la population du nord ait été contrainte de vivre dans les abris pendant pratiquement un mois ?

Cela est simplement dû au fait que 96% des roquettes tombées sur Israël sont petites et peuvent être mises à feu d’une cuisine, d’un toit ou d’un jardin. Il n’y a aucune technologie qui peut les stopper, mais il y a un moyen: occuper le terrain et nettoyer maison après maison, c'est-à-dire tuer les hommes du Hezbollah et détruire les Katiouchas. C’est sur ce point précis que dans cette guerre, Israël a commis une erreur.

Pourquoi ?

Nous pensions que les frappes aériennes seraient beaucoup plus effectives, parce que nous ne voulions pas détruire le Liban, ni infliger une souffrance intolérable à la population civile. A tort, nous estimions pouvoir éviter une offensive terrestre d’envergure, et surtout parce que la population, et non pas l’armée, pensait encore être traumatisée par la dernière expérience libanaise. La décision israélienne de ne pas engager les forces de terre était simplement fausse. Finalement, lorsque le gouvernement a pris la décision, il était trop tard et l’armée n’a en fait plus pu faire grand chose. Cela dit, dans les premiers 5 à 7km où l’armée a pu se déployer après quinze jours de guerre, il n’y a pour ainsi dire plus aucun Katioucha, car nous avons réussi à en éliminer plus de 95%. Ce que nous n’avons pas pu faire, c’est détruire le gros des forces du Hezbollah qui se trouvent au nord de cette zone. Ce n’est que deux jours avant le cessez-le-feu que le gouvernement a donné son feu vert pour que l’armée s’engage plus à fond vers le nord et bien entendu, elle n’a pas pu réaliser en deux jours ce pourquoi il lui aurait fallu une semaine pour réussir. Et là se pose la grande question à laquelle il est trop tôt pour répondre: pourquoi l’armée n’a-t-elle pas proposé plus tôt au gouvernement de lancer une action terrestre d’envergure et pourquoi le gouvernement ne le lui a-t-il pas demandé ? Je pense qu’avec le temps, nous aurons le fin mot de cette affaire.

J’ai eu l’occasion de parler avec de nombreux réservistes d’infanterie qui m’ont tous dit la même chose: l’armée ne prenait pas de décisions cohérentes. C’est ainsi qu’un soldat est parti huit fois en mission avec son unité et a été rappelé à chaque fois avant d’engager le combat; un autre onze fois, etc. Comment expliquez-vous cet état de choses ?

Pendant toute la période qui a précédé le lancement effectif de l’offensive de terre, les ordres étaient effectivement très peu clairs. Un jour l’on faisait entrer une force dans un endroit, puis on la retirait avant même qu’elle n’ait atteint son objectif; le lendemain, c’était le tour d’une autre unité, etc. Ce n’est pas ainsi que l’on peut mener la guerre. Dans les premières classes de toute académie militaire, nous apprenons que la décision de partir en guerre n’est pas simple et doit être bien évaluée avant le début des hostilités. Mais une fois que la décision est prise, la guerre ne peut pas être menée au jour le jour et à la petite semaine. Dès ce moment-là, il faut attaquer avec toutes les forces disponibles et faire ce qu’il faut pour gagner. Les débats et les hésitations n’ont de place qu’avant le lancement d’une guerre, pas pendant. Là aussi, les enquêtes qui seront menées nous diront avec le temps à quel niveau ces graves erreurs ont été commises: à l’échelon politique ou militaire; il est possible que ces deux corps soient mutuellement responsables. Cela étant dit, il faut souligner que partout là où l’armée est intervenue, elle a battu le Hezbollah à plates coutures. Toutefois, la décision d’agir de manière correcte et globale n’a jamais été prise.

Au vu de ce que vous venez de dire, la question qui se pose donc est de savoir si nous avons gagné ou si nous avons perdu la guerre ?

Sur le plan purement militaire, il ne fait aucun doute que nous n’avons pas perdu, puisque nous avons détruit l’infrastructure du Hezbollah et que nous avons tué un grand nombre de ses combattants. Malgré cela, cette organisation est sortie de cette guerre en existant toujours et en étant capable d’agir. Nous l’avons vu le dernier jour de la guerre, où elle a fait un effort particulier pour lancer un grand nombre de roquettes sur le nord d’Israël. Cela dit, il n’est pas possible d’évaluer la fin d’une guerre uniquement par le biais militaire, il faut aussi tenir compte de l’aspect politique. Là encore, comme pour la question militaire, la réponse n’est pas noire ou blanche. Il faut bien comprendre que si nous avions remporté une victoire claire et fulgurante, le monde nous aurait applaudis et la communauté juive à travers le monde aurait été plus fière de nous. De plus, le fait que nous n’ayons pas détruit totalement le Hezbollah sur le plan militaire lui permet de dire qu’il a gagné la guerre, ce qui n’est absolument pas le cas.
Mais il faut savoir que le gouvernement Olmert a fait comprendre à l’ensemble des pays de la région que nous réagissons de manière extrêmement vigoureuse si l’on dépasse les limites du tolérable. Il faut bien comprendre aussi que nos voisins avaient oublié cela étant donné que nous n’avions pas réagi avec une telle vigueur depuis de nombreuses années. Sur ce plan, les pendules ont été remises à l’heure juste. Malheureusement, d’un autre côté, du fait que nous n’avons pas remporté une victoire fulgurante et que le Hezbollah existe toujours, certains pays arabes de la région pourraient penser que Tsahal n’est pas aussi fort qu’ils le craignaient. Cette illusion est très dangereuse car elle peut éveiller de mauvaises idées dans l’esprit de certains dirigeants arabes. Or le fait est que Tsahal n’a de très loin pas utilisé la totalité de sa puissance, l’aviation a engagé environ 30% de ses forces et l’armée de terre à peine 20%. Ceci est avant tout dû à une question de décision et non de capacité et de pouvoir. Mais ce n’est pas de cette manière que le monde extérieur à Israël ressent et évalue la situation. En ce qui concerne la politique sur le plan international, je voudrais tout d’abord dire que la résolution de l’ONU n’est pas claire du tout et n’offre en fait aucune solution; par exemple, sur la question de savoir si la force internationale doit ou peut empêcher la Syrie de continuer à fournir des armes au Hezbollah, etc. Mais sur le plan politique, ce conflit a amené un changement important. Avant la guerre, personne n’estimait utile de s’occuper du Hezbollah, bien qu’il constitue une armée indépendante installée dans un pays souverain. Aujourd’hui, tout le monde parle du Hezbollah, les Libanais en parlent, le gouvernement libanais se préoccupe de cette question et les dirigeants du Hezbollah comprennent très bien qu’ils sont face à un problème. C’est pour cette raison qu’ils se sont d’abord opposés à une force internationale, avant de l’accepter; qu’ils se sont opposés au déploiement de l’armée libanaise au sud du Liban, avant de l’accepter en définitive. Nous pouvons regretter que la résolution de l’ONU ne soit pas bien plus claire et précise mais d’un autre côté, il y a aujourd’hui une situation au Liban où un certain nombre de forces en place, à commencer par l’armée libanaise, ne veulent plus faire les frais d’une guerre menée par l’Iran sur leur territoire. Elles souhaitent se débarrasser de l’influence iranienne. L’un des côtés les plus négatifs de cette résolution réside dans le fait qu’elle est placée sous la coupe du secrétaire général de l’ONU, M. Koffi Annan, à qui nous ne pouvons en aucun cas faire confiance, et qui se permet de juger Israël en fonction d’un certain nombre de clichés. Nous devons aussi attendre de voir quelle sera l’attitude des Libanais, des Américains et des Européens. Bien entendu, les choses auraient été tout à fait autrement et nettement plus simples pour tout le monde si nous avions détruit 2/3 du Hezbollah. Mais ce n’est pas le cas et nous devons jouer le jeu diplomatique tel qu’il se présente sur l’échiquier aujourd’hui.

Les médias ont véhiculé l’image de la destruction par Israël du Liban et en particulier de Beyrouth. Qu’en est-il en réalité ?

La fameuse «destruction du Liban» à laquelle nous aurions soi-disant procédé est simplement un mythe. Alors que nous bombardions le quartier de Dahya à Beyrouth, au nord de la ville, les citoyens se rendaient en toute quiétude à la plage, sachant pertinemment qu’avec nous, ils ne risquaient rien. Le quartier de Dahya est situé sur un périmètre d’un kilomètre carré et est tenu totalement par le Hezbollah au point que si le président libanais veut s’y rendre, il doit avoir une autorisation de Nasrallah. De plus, nous avons bombardé un camp de l’armée libanaise, qui avait donné des informations au Hezbollah afin qu’il puisse tirer sur l’une de nos vedettes, et quelque peu dans la région de l’aéroport. A Beyrouth, la vie continuait, les cafés étaient ouverts, nous n’avons pas touché à l’eau ni à l’électricité et très rapidement, les habitants de la ville ont compris que nous ne nous en prenions qu’au Hezbollah. Toute personne qui dit que nous avons détruit Beyrouth ou le Liban ment. En détruisant ce dont le Hezbollah se servait, nous avons agi en fonction de la Convention de Genève qui stipule clairement que toute chose civile qui sert d’objet de combat à l’ennemi peut être détruit. Il en est de même de la malheureuse affaire de Caana. De la cour de la maison qui a été détruite, 150 Katiouchas ont été tirés sur Israël. Si les habitants civils de cet immeuble en étaient sortis comme nous le leur avions demandé, personne n’aurait été tué. D’ailleurs, si nous avions détruit le Liban, où sont donc les morts ? Cette guerre a fait environ un millier de victimes au Liban, dont 500 membres connus du Hezbollah, et nous ne savons pas combien il y avait de terroristes parmi les autres 500 victimes. Le chiffre des victimes civiles est donc particulièrement faible lorsque l’on sait que le Hezbollah mène la majorité de ses actions au départ de régions densément peuplées. Nous avons tout fait pour éviter de frapper les populations civiles, mais évidemment les médias, les photos et les films truqués, bidouillés dans les ordinateurs, etc., ont terni notre image. Je suis persuadé que dans cette affaire, Israël a eu une conduite correcte.

Aujourd’hui, l’armée libanaise est en train de s’établir au sud du Liban. Pensez-vous qu’il s’agit là d’un pas sérieux ou que c’est en fait une porte ouverte à la réinstallation du Hezbollah ?

L’armée libanaise est bien plus forte et plus nombreuse que le Hezbollah. Elle dispose d’un armement solide mais pas extraordinaire. Ce qui est important dans cette question, c’est le fait que le gouvernement libanais ait pris la décision politique de disloquer le Hezbollah. Il faut se souvenir qu’au Liban, il y avait d’autres milices, qui toutes ont disparu de l’échiquier: Amal, les druzes, les maronites et d’autres. Il n’y a donc aucune raison de penser que le Hezbollah ne peut pas être démantelé. C’est justement sur ce point que la force internationale a un rôle à jouer. Il faut que cette force s’installe avec un mandat très clair sur deux points: aider l’armée libanaise à remplir son rôle, ce qui signifie que les soldats de la FINUL devront agir de concert et activement avec l’armée libanaise (ce qui démontrera qu’elle a le soutien du monde entier et non seulement du gouvernement libanais); d’autre part, elle devra être très fortement installée sur la frontière entre la Syrie et le Liban, afin d’interdire aux chargements d’armes destinés au Hezbollah de passer. Je ne pense pas que la Syrie tentera de forcer le passage avec son armée, car elle devra s’attaquer militairement à la FINUL. A ce sujet, je dois encore souligner qu’Israël doit continuer à refuser que des soldats en provenance de pays n’ayant pas de relations diplomatiques avec Israël, comme la Malaisie ou le Bengladesh, participent à la force internationale. En ce qui concerne la souveraineté du Liban, j’estime qu’en raison des liens historiques qui lient ce pays à l’Europe en général et à la France en particulier, il est de la responsabilité de l’Union européenne de tout mettre en œuvre afin qu’elle soit maintenue et renforcée. Ce serait l’occasion pour l’UE de démontrer qu’elle est à même de faire autre chose que de condamner Israël.

Existe-t-il un risque que le Hamas établisse une forteresse militaire égale à celle que le Hezbollah a construite au sud du Liban ?

Cela dépend de trois éléments: l’état des relations entre le Hezbollah et le Hamas, les points idéologiques qu’ils ont en commun et finalement l’avenir du Hamas à Gaza. Tout d’abord, il faut se rappeler que les deux factions représentent l’Islam radical, bien que l’une soit chiite et l’autre sunnite, et qu’elles s’entretuent en Irak. Toutefois, elles partagent cette idéologie qui veut mettre un terme à la démocratie libérale et ce dans le monde entier. Dans cet esprit, en plus d’être un État juif, Israël constitue le premier bastion de cette démocratie au Moyen-Orient et doit donc disparaître. Quant aux relations entre les deux factions, il faut savoir que depuis de nombreuses années, le Hezbollah libanais et iranien donne des armes et de l’argent au Hamas, que des membres du Hamas, bien qu’étant sunnites, se sont entraînés en Iran. Ce triangle Iran-Hamas-Hezbollah entretient donc des liens très étroits et forts. De plus, un grand nombre des attentats qui ont eu lieu en Judée et en Samarie étaient perpétrés par des hommes du Hezbollah et non du Hamas. Quant à savoir si oui ou non le Hamas peut atteindre le niveau militaire du Hezbollah au Liban, la réponse est oui – en principe. Du moment où Israël a abandonné le contrôle de la frontière entre le Hamas et l’Égypte, cela dépend uniquement de ce pays. Récemment, le chef des renseignements en Israël m’a dit que ces derniers temps, d’énormes quantités d’armes de tous genres sont entrées à Gaza. Si toutefois des petits Katiouchas, ceux-là même que nous n’avons pas pu détruire au Liban, sont installés à Gaza, ils pourront atterrir au-delà d’Ashdod, presque jusqu’à Beer-Sheva, puisqu’ils ont une portée de 40km. Israël est bien conscient de cette réalité et devra très prochainement prendre une décision politique, qui sera d’agir selon l’une ou l’autre des deux écoles de pensées que j’ai citées au début de notre entretien. Les faits parlent pour eux-mêmes: à Gaza, où l’armée n’est pour ainsi dire pas présente, le Hamas lance tous les jours des Kassam sur Israël; à Kalkilya, située à 700 mètres de Kfar Saba où nous sommes installés, jamais aucune roquette n’est mise à feu. Si nous ne voulons pas que le Hamas se renforce et décidons de mettre un terme aux lancements de Kassam, nous devrons réinstaller l’armée à Gaza.

Pensez-vous que si Israël n’avait pas quitté le Liban, la dernière guerre aurait été évitée ?

Le Hezbollah se serait malgré tout renforcé, mais nous aurions pu détruire son infrastructure bien plus tôt.

Le sentiment prévaut que le cessez-le-feu est intervenu alors que «le travail n’était pas terminé». Selon vous, la prochaine guerre contre le Hezbollah est-elle pour bientôt ?

Bien que le Hezbollah n’ait pas été complètement détruit, Tsahal lui a malgré tout infligé un coup sérieux. Il doit donc se refaire, recruter et former de nouveaux hommes, fourbir ses armes et rétablir une infrastructure militaire. A mon avis, un nouvel affrontement ne devrait pas être déclenché dans les deux à trois prochains mois. Cette évolution dépend malgré tout de l’efficacité de la force multinationale, de l’attitude de la Syrie et des décisions qui seront prises à Téhéran.

Comment cette deuxième guerre du Liban a-t-elle affecté la société israélienne ?

Je crois qu’elle a vécu un réveil très brutal et a été sortie de ses illusions. Dans la société israélienne, il y avait ce mythe qui voulait que toutes nos misères ne découlaient que d’un seul fait: notre présence en Judée et en Samarie, ce que la gauche appelle «l’occupation», et qu’il suffisait de quitter ces terres pour que tous les problèmes que nous avons avec nos voisins s’arrangent. Or nous avions quitté le Liban jusqu’au dernier mètre. D’ailleurs, près du Kiboutz Manara, il y a un tombeau tenu d’un côté par un soldat israélien, au centre par un militaire de la FINUL et de l’autre côté par un homme du Hezbollah, parce que la frontière internationale passe pile par ce tombeau; ailleurs, la frontière passe en plein milieu d’un village, etc. Malgré tout, le Hezbollah n’a jamais accepté notre existence en tant qu’État. Les Israéliens ont commencé à se rendre compte que c’est notre droit à l’existence en tant qu’État juif au Moyen-Orient qui est en jeu et ce quel que soit le territoire sur lequel nous voulons vivre. Les Israéliens ont compris que nous ne sommes pas acceptés par notre environnement et que le temps de déposer les armes n’est pas encore venu. En fait, cela signifie que nous devons accepter de vivre encore longtemps l’épée à la main. La dernière guerre a également démontré clairement que les initiatives unilatérales ne tiennent pas la route. Ceci n’exclut pas qu’à l’avenir nous menions des négociations avec notre environnement direct dans la mesure où celles-ci débouchent sur des accords viables, réciproques et réalisables sur le terrain. Pour terminer, je dirai que l’idée d’un retrait unilatéral disant «nous ici – eux là-bas» n’est aujourd’hui plus acceptée par la population israélienne dans sa grande majorité.

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