Éditorial - Printemps 2001
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Rencontre avec Effi Eytam
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Dans notre série sur les jeunes leaders en Israël, au cours des années nous avons présenté des personnalités qui ont toutes fait une carrière importante dans la vie politique israélienne, Benjamin Netanyahou, Ehoud Olmert, Benny Begin, Dan Méridor, etc. Aujourd’hui, nous avons été à la rencontre de M. EPHRAÏM FEIN, qui a hébraïsé son nom en EFFI EYTAM, un homme qui pour l’instant n’a pas encore de responsabilités politiques mais qui semble bien lancé pour devenir le prochain leader du Parti national religieux.
Qui est Effi Eytam ?
Je suis né en 1947 au kibboutz Ein Gev situé sur les rives du lac de Tibériade aux pieds des hauteurs du Golan. A l’époque, notre petit groupe d’habitations était régulièrement - pour ne pas dire quotidiennement - la cible des militaires et des tireurs isolés syriens installés sur le Golan. J’ai donc été élevé dans un environnement de profond dévouement envers la population du kibboutz et de l’État Juif. Personne n’était riche et la vie quotidienne était difficile, mais nous avons grandi en sachant que nous étions sur la ligne de front du combat juif et sioniste et que dans un certain sens, «nous portions l’avenir du pays sur nos épaules». C’est donc tout naturellement que j’ai pris très jeune mes responsabilités tant au sein du kibboutz - dans le domaine de l’agriculture - que dans le cadre de l’armée, où j’ai tout fait pour être intégré dans les meilleures unités combattantes. A l’époque, nous étions l’élite au service du pays. Il faut dire que la génération de mes parents se composait de personnes ayant une instruction et une éducation de très haut niveau; ils avaient cette notion d’excellence qui malheureusement a tendance à disparaître dans la société israélienne. Mon père, qui était pêcheur de sardines dans le lac de Tibériade, avait un doctorat en mathématiques et en astronomie de l’Université de Columbia. Quant à ma mère, elle était l’infirmière du kibboutz alors qu’elle avait terminé ses études de médecine à l’Université de Riga, en Lettonie. Sur la table de notre salon, on trouvait l’«American Scientific», le «National Geographic», etc., ils avaient pour but de nous ouvrir l’esprit. Il faut bien comprendre que tout ce foisonnement intellectuel qui peut sembler contradictoire dans un environnement de paysans, de pêcheurs et d’ouvriers, se déroulait à Ein Gev, qui était le bout du monde. Une seule route menait et partait de notre kibboutz, l’autre était un cul-de-sac à l’extrémité duquel se dressait un grand panneau jaune sur lequel étaient inscrits les premiers mots d’anglais que j’ai appris: «Danger – Frontier ahead». Nous savions que de l’autre côté de cette enseigne se trouvait la Syrie avec sa haine et sa puissance de feu. Toute cette description pour vous dire que bien qu’originaire d’un petit endroit perdu, ce n’est pas pour autant que j’ai un esprit limité.
Vous avez utilisé les termes «excellence et dévouement à la nation». Or en observant la société israélienne actuelle, on a l’impression que dans l’ensemble, ces valeurs ont laissé leur place au matérialisme et que l’idéologie qui animait les fondateurs de l’État est finalement confinée à une toute petite partie de la population. Comment expliquez-vous cela ?
Tout d’abord, je dois dire que je suis d’accord avec votre analyse. Cela dit, il est très difficile de comprendre et d’expliquer pourquoi Israël qui, de tous les points de vue est un véritable miracle de la croissance – n’oublions pas ce qui a été accompli en 52 ans –, est en train de perdre sa vitalité. Bien sûr qu’en chiffres absolus nous sommes sur la pente ascendante. Prenons l’exemple d’une ville comme Nathanya qui, il y a trente ans, comptait environ 40'000 habitants. Aujourd’hui, elle en a 160'000 et tout indique que très bientôt, il y en aura 200'000. Mais il ne s’agit pas là d’un critère de qualité. Dans l’ensemble, les Israéliens n’ont pas le moral. Je pense que cet état est dû aux motivations qui ont animé le leadership israélien et la population après la Deuxième Guerre mondiale, qui peuvent se résumer en deux points: fonder une entité juive où les Juifs du monde entier trouveront un foyer national dans lequel ils pourront vivre en sécurité sans être soumis à des pogromes ou risquer une nouvelle Shoa, et combattre l’antisémitisme en créant «le nouveau juif» (le fameux homo israelianus) qui n’aurait plus rien en commun avec ses ancêtres pourchassés et parqués dans des ghettos. Afin de réaliser ces deux buts, il n’y avait qu’un mot d’ordre: survivre – de jour en jour – de mois en mois. Aujourd’hui, ces concepts sont naturellement toujours valables, bien que l’idée du nouveau Juif se soit avérée être un échec tant en Israël même que sur le plan international. Quant à la sécurité des Juifs, il faut reconnaître que pour que cet État puisse exister, des milliers de jeunes Juifs sont tombés. Le peuple israélien s’interroge et cherche à s’identifier avec de nouvelles valeurs, de nouvelles raisons d’espérer, d’agir et de continuer. La société israélienne est donc en crise.
Comment comptez-vous remédier à cette situation ?
Je pense que nous vivons une époque extrêmement prometteuse, car les Israéliens sont munis d’une arme formidable: l’âme juive. Dans de nombreux cas, elle ne demande qu’à être ravivée et ce pas uniquement par le biais de la pratique religieuse, mais par la mise en application des valeurs morales et humaines de notre patrimoine religieux. Les idées juives et la conduite profondément juive sont ancrées en chacun d’entre nous et ne demandent qu’à être rallumées.
Ce que nous vivons en Israël aujourd’hui s’inscrit dans l’esprit de cet éveil de l’âme juive. L’idéologie de gauche est sur le point de s’écrouler, de perdre son énergie et sa vitalité, parce que nous assistons à l’éveil national de l’âme juive. J’en veux pour preuve que depuis Roch Hachanah, la majorité de la nation se bat pour… une petite colline située au centre de Jérusalem qui n’a aucune valeur stratégique, pas d’eau ni même de synagogue et qui, de plus, est surplombée d’une énorme mosquée. Pour ce petit bout de terrain sacré et cher à chaque Israélien, aussi éloigné soit-il de la pratique religieuse, nous sommes prêts à abandonner tous les accords signés, les rêves de paix, à nous faire tuer et à tuer ce qui, du point de vue moral, est très dur pour un Juif. N’est-il pas curieux qu’une société laïque se batte pour ce qui en définitive n’est qu’un symbole ? En fait, elle lutte, probablement sans le savoir, pour son identité juive et pour le maintien de son âme juive.
Dans cette mouvance, tous ont compris que la question des villes et villages juifs de Judée-Samarie-Gaza, dont le maintien était au centre des débats il y a encore quelques mois en Israël, ne constitue pas un problème fondamental car nos ennemis, ceux qui veulent détruire l’État juif et par la même occasion annihiler l’âme juive, ne font pas de différence entre Tel-Aviv et Hébron. Depuis le mois de septembre dernier, le peuple d’Israël a démontré qu’il ne se laisse pas intimider dans son combat pour l’éveil de son âme. Il a soif d’identité et ne demande qu’à être abreuvé.
Est-ce la conclusion de cette analyse qui constitue le catalyseur de votre nouvelle activité que l’on peut d’ores et déjà qualifier de politique ?
J’étais un général de brigade dans l’Armée de défense d’Israël, et j’ai obtenu de très nombreuses décorations. J’ai fait la guerre du Kippour et commandé de multiples unités spéciales, dont l’une des forces qui ont participé au raid sur Entebbé. Dans mon dernier poste, j’étais à la tête des forces israéliennes au Liban avant que l’armée ne soit forcée de se retirer unilatéralement au milieu de la nuit par décision d’un gouvernement désorienté et effrayé. C’était frustrant, car je savais combien nos hommes travaillaient bien et de quelle manière remarquable les opérations étaient menées. Je dirai aussi que la conduite de notre armée face à l’une des forces de guérilla les plus vicieuses et agressives du monde était exemplaire lorsque je la compare à celle de l’armée russe en Tchétchénie, des Français en Indochine ou des Américains au Vietnâm. J’ai compris que le gouvernement Barak n’avait plus confiance en Tsahal et j’en ai conclu que ma place n’était plus en son sein. J’ai donc décidé de me retirer. Mais toujours animé par cet esprit du devoir de «servir la nation du mieux possible», j’ai résolu de participer à la constitution d’un nouveau leadership pour le pays. J’estime qu’il est de ma responsabilité de donner un nouveau souffle, une nouvelle vague de courage et un nouvel espoir en notre avenir basé sur nos valeurs à mes concitoyens en crise. J’ai quitté l’uniforme, car je ne voulais pas devenir un général qui fait «briquer les canons sur un navire qui sombre». Oui, mon action est politique. Oui, je me prépare à jouer un rôle dans les prochaines élections, car c’est le seul moyen pour moi de servir mon pays et le peuple juif dans son ensemble. Toutefois, pour l’instant, je ne suis pas disposé à me lier avec l’un ou l’autre des partis existant.
En conclusion, je dirai que je suis sur le point de créer un groupe avant-gardiste de jeunes leaders qui veulent faire d’Israël non pas une pâle copie de l’Amérique et de sa société de consommation, mais un pays où les valeurs juives morales et humaines constitueront la base de toutes les activités. J’ai un programme, une plate-forme et surtout un écho au sein du public qui me font penser que le temps est venu pour qu’Israël devienne un véritable État juif, je dis bien juif et non halakhique. Je suis encouragé dans mon action par le résultat des dernières élections, où les Israéliens ont entres autres rejeté massivement la révolution laïque proposée par Ehoud Barak. L’âme juive du peuple a parlé !
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