Éditorial - Automne 1998
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Pratiquement, tous les avis convergent, la communauté juive de Roumanie s'éteint lentement mais sûrement ! Mais qu'en est-il de la jeunesse ? Pour nous en parler, nous avons rencontré celle que certains appellent "la reine de Bucarest", Mme TOVA BEN NUN, directrice générale de l'Agence juive en Roumanie. Belle, jeune et dynamique, Mme Ben Nun "croque" la société juive roumaine à pleines dents. Présente partout là où il le faut et quand cela est nécessaire, elle a en fait plusieurs "casquettes " qu'elle regroupe pudiquement sous le chapeau de "l'Activité de l'Agence Juive pour Israël en Roumanie".
@tn:En plus de l'Agence Juive, Tova représente deux organisations juives de toute première importance, la "World Jewish Restitution Organization" et la "Lauder Foundation". Depuis peu, elle s'occupe également de la fondation chargée de distribuer les fonds en provenance de Suisse destinés aux survivants de la Shoa vivant en Roumanie.
Parlons tout d'abord de l'activité la plus importante, celle de l'Agence Juive. Tova Ben Nun est arrivée en Roumanie en 1993 avec pour principale mission de convaincre un maximum de jeunes de venir s'établir en Israël, de faire leur Alyiah. Sa première action a été de constituer un groupe de jeunes leaders capables de l'aider à accomplir sa tâche. Pour ce faire, elle a sillonné la Roumanie de long en large, faisant précéder sa visite dans toutes les communautés par une annonce en roumain dans le programme en roumain de la radio israélienne "Kol Zion La-Golah" qui, curieusement, est écouté dans les coins les plus reculés de Roumanie. Partout où elle se rendait, elle était très chaleureusement reçue par les jeunes. Tous lui posaient immanquablement la même question, quel était le but de sa présence et ce qu'elle attendait d'eux. Dans chaque communauté, Tova a choisi deux ou trois jeunes, chargés d'établir une liste complète de tous les Juifs de leur communauté et des villages avoisinants. Deux mois plus tard, elle a organisé les premières élections démocratiques afin d'élire les "leaders" du nouveau mouvement qu'elle a fondé en Roumanie, "Tnuat Aliya Romania". Par le biais de nombreuses activités sociales, cette organisation promeut l'Alyiah avec une très grande efficacité. Celles-ci consistent en des rencontres sportives (Maccabi), des groupes de danses folkloriques israéliens, un club d'internet, des séminaires, des débats, des voyages, des sorties, un journal du club, des cours d'hébreu, la célébration des fêtes juives, etc. Toutes ces animations sont regroupées dans un seul organisme, "Tnuat Aliya Club". Ce genre de club existe maintenant un peu partout en Roumanie et nous avons visité celui de Bucarest où nous avons rencontré les jeunes leaders locaux. Notre surprise a été aussi agréable que totale. Nous nous sommes retrouvés face à un groupe de jeunes Juifs fabuleusement dynamiques, motivés, visiblement dotés d'une intelligence brillante et vivace, mais surtout très dévoués à la cause pour laquelle ils ont décidé de s'engager, la multiplication des contacts entre Juifs, le renforcement de l'amitié et surtout le départ en commun vers une nouvelle vie en Israël.
Depuis que Tova est entrée en fonctions en 1993, 1139 jeunes ayant entre 0 et 45 ans sont partis s'installer en Israël.
RONALD S. LAUDER FOUNDATION
Comme nous le voyons, Tova Ben Nun sait motiver et encourager tous ceux qu'elle rencontre et c'est dans cet esprit qu'en sa qualité de représentante de la "Lauder Foundation", elle a inauguré le premier jardin d'enfants juif de Bucarest avec 57 enfants juifs et non-Juifs. Sont considérés comme Juifs ceux qui le sont selon les critères de la Loi du retour en Israël et non selon ceux de la législation juive (Halakha). Rappelons que M. Ronald Lauder, le fils d'Estée Lauder, a créé cette fondation dans le but de promouvoir l'éducation juive dans les pays de l'Est. L'enseignement y est dispensé en anglais, le roumain étant considéré comme deuxième langue et l'hébreu comme troisième. La première classe de la nouvelle école primaire juive de Bucarest vient d'ouvrir pour la rentrée scolaire 1998-99.
WORLD JEWISH RESTITUTION ORGANIZATION
Cette organisation, communément appelée la "W.J.R.O.", a pour but de récupérer les biens immobiliers tant communautaires que privés qui ont été volés aux Juifs par les fascistes dans les années 40 et par les communistes dès 1947. Le travail de Tova Ben Nun dans ce domaine réside tout d'abord dans l'établissement d'une liste des biens spoliés. Pour ce faire, elle a mis en place une équipe de chercheurs qui se sont rendus partout en Roumanie afin de trouver dans les archives des communautés et les cadastres les relevés des biens répertoriés ayant appartenu à des Juifs, à des communautés ou à des organisations juives. Il s'agit d'un travail long, compliqué, fastidieux et à ce jour, six propriétés seulement ont été rendues aux Juifs. La gestion de ces immeubles ainsi que leur rendement est soumis à un organisme spécialement fondé à cet effet, la "Charity Foundation", composé de représentants de la Fédération des communautés juives de Roumanie et de la "W.J.R.O.". Cette fondation est dirigée par Tova Ben Nun qui est également chargée de toutes les questions administratives qui y ont trait.
Quant à la question de la récupération des avoirs privés, il s'agit d'un problème nettement plus complexe. De nombreux propriétaires ne sont pas revenus de déportation et ceux qui ont survécu n'ont aucun document. La plupart du temps, il n'y a plus d'archives, voire même plus d'immeubles, juste un terrain. Souvent, on trouve des documents datant de 1941 portant la mention "Appartient à un Juif". Cette phrase était ajoutée au cadastre de propriétés appartenant à des Juifs qui étaient sur le point d'être expulsés. Cette indication empêchait les propriétaires de vendre leurs immeubles, les Juifs étaient ainsi retenus dans le but d'être dépouillés de leurs biens puis déportés. La lecture de ces documents est aussi édifiante que bouleversante. En les lisant, on se rend compte combien les Juifs ont contribué à l'essor économique du pays et ce uniquement par leur activité dans le domaine immobilier. Ils avaient acheté des centaines et des centaines d'immeubles et d'appartements. Dans certains cas, Tova Ben Nun a même retrouvé des documents officiels avec photos. L'une d'elles représente l'immeuble d'une école juive. Le bâtiment est toujours là, il est probable que la "Charity Foundation" le récupérera, mais tous ceux qui ont fréquenté cet établissement ont disparu à tout jamais...
Concernant la distribution des fonds suisses aux survivants de la Shoa, Tova Ben Nun a préparé une liste de près de 6000 noms de Juifs qui ont vécu en Roumanie pendant la Deuxième Guerre mondiale et qui recevront, si tout va bien, la somme ridicule de 400.- dollars. Ces fonds ne seront pas uniquement alloués aux Juifs roumains qui sont revenus de déportation, mais à tous ceux qui ont des documents prouvant qu'ils ont vécu en Roumanie pendant la guerre et qui y résident encore aujourd'hui.
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