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Sommaire Politique Automne 1998 - Tishri 5759

Éditorial - Automne 1998
    • Éditorial

Roch Hachanah 5759
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Politique
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Interview
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On connaît le coupable

Par Emmanuel Halperin, notre correspondant à Jérusalem
Un Juif, un rabbin, est assassiné fin août à Hébron. Réaction d'un grand journal israélien: il faut au plus vite expulser les Juifs qui se sont installés dans la ville. "Expulser", tel est le mot choisi, et non par exemple "convaincre de s'en aller" ou bien "évacuer"; car on tient absolument, au lendemain du meurtre, à brandir haut ses opinions: les "colons" sont des fauteurs de troubles, c'est clair, on ne les tuerait pas s'ils n'étaient pas là.
Un peu plus tard, une charge explosive fait plusieurs blessés au centre de Tel-Aviv. Faut-il "expulser" les éventuels passants des jours à venir ? Ou les "évacuer" ? On n'en est pas là, bien sûr, mais le coupable est quand même désigné: c'est ce gouvernement d'irresponsables, qui refuse les conditions de Yasser Arafat pour une nouvelle évacuation de Judée-Samarie. Les poseurs de bombes sont sans doute des palestiniens "désespérés" par les manýuvres dilatoires de ces incapables, qui ne veulent pas admettre que les Accords d'Oslo ont été une éclatante victoire de la pensée sioniste.
Les roquettes de Katyoushas, tirées peu après par les milices chiites au Sud-Liban, atterrissent à Kiriath Shmona, faisant de nouveau quelques blessés. Là, c'est on ne peut plus clair: quelques heures plus tôt en effet, l'armée israélienne a tué l'un des chefs de ces milices. Que vouliez-vous alors que fissent Amal et Hezbollah ? Ils devaient bien sûr réagir car c'était de la provocation pure et simple, Israël cherche l'escalade. Encore une fois, l'identité du coupable est évidente.

On peut critiquer - et souvent très légitimement critiquer - certaines décisions du gouvernement Netanyahou, et même son approche politique. Mais la réprobation quasi universelle dont il fait l'objet - un journal parisien modéré est allé récemment jusqu'à mettre le Premier ministre israélien sur le même plan que le président serbe Sloodan Milosevitch, accusé de graves crimes de guerre - relève d'une totale mauvaise foi. Simple et passager phénomène de mode, ou grossière manipulation, facile à éventer ? On verra bien. Quoi qu'il en soit le manque de sérieux, le refus d'examiner les problèmes dans leur complexité, le caractère superficiel, automatique, presque épidermique de cette dénonciation appelle à la réflexion. Et si tout cela était plus grave qu'il n'y paraît ?

Prenez l'affaire des Katyoushas. Si l'on isole une séquence d'événements survenus en quelques heures, on peut en effet facilement aboutir à la condamnation d'Israël. Mais l'opération décidée contre un des chefs militaires d'Amal intervenait dans le cadre d'une guérilla qui dure depuis des années et qui, chacun le sait, pourrait cesser du jour au lendemain si la Syrie et l'Iran retiraient leur appui aux milices chiites, ou simplement leur donnaient l'ordre de cesser le feu.

Israël manifeste pratiquement tous les jours sa volonté de quitter le Sud-Liban et n'a, sur ce théâtre, aucune revendication territoriale, mais ne peut pas - de l'avis de ses principaux experts militaires - se retirer unilatéralement, sans accord garantissant la sécurité de ses citoyens en Haute Galilée. Quel État au monde pourrait, raisonnablement, agir autrement ? Et c'est là une politique constante des gouvernements israéliens, de gauche comme de droite. Or les ennemis d'Israël spéculent cyniquement sur la crainte de nombreux Israéliens de voir leurs enfants périr dans cette guerre stupide et espèrent ainsi faire plier le gouvernement. Qui l'ignore ? Qui songe à le reprocher à ceux qui arment et encouragent les milices islamiques ? C'est Israël, et plus particulièrement l'équipe actuellement au pouvoir, qu'il faut clouer au pilori.

Le problème s'aggrave quand on constate qu'une partie de l'opposition israélienne joue le jeu de cette dénonciation immédiate, sans vouloir admettre que lorsque son équipe était au pouvoir, la situation au Liban n'était guère plus brillante (c'est sous les gouvernements Rabin et Peres qu'ont été menées deux opérations de représailles massives au Sud-Liban, dont la deuxième s'est soldée par la catastrophe de Cana, la mort de plus de cent villageois libanais). Le rôle de l'opposition est sans doute de critiquer, mais il faudrait y mettre un peu de pudeur.
Le même schéma apparaît à propos de la négociation avec les palestiniens sur le second redéploiement. Alors que le gouvernement Netanyahou négocie pied à pied pour limiter les dégâts, ce qui est le výu des électeurs et donc son devoir tout autant que son droit, les critiques d'Israël occultent systématiquement tout ce qui, dans la position palestinienne, est répréhensible ou inquiétant.

Il ne s'agit pas seulement de la lutte contre le terrorisme - inexistante, ni des violations aux accords conclus - patentes. L'Autorité d'Arafat refuse toujours d'amender, comme il se doit, la fameuse Charte niant le droit d'Israël à l'existence. Elle affirme l'avoir déjà fait. Or ce n'est que très récemment qu'un des artisans israéliens des Accords d'Oslo a pour la première fois publiquement admis que la Charte n'avait pas été amendée, qu'Arafat avait jeté de la poudre aux yeux de tout le monde. Jusqu'alors, les leaders de l'opposition affirmaient qu'on leur avait livré de la bonne et solide marchandise, et accusaient le gouvernement actuel de chercher la petite bête pour faire capoter la négociation. Mais est-ce chercher la petite bête que de constater combien la haine d'Israël est inculquée tous les jours aux enfants des écoles palestiniennes à Gaza ou à Naplouse ? Combien les slogans jusqu'au-boutistes, et l'affirmation renouvelée que le sionisme est pire que tout impérialisme et que tout racisme sont rabâchés dans les manuels scolaires ? Et le tout répercuté par la télévision palestinienne ? Or force est de constater que ces faits graves et parlants sont ignorés par les médias dans le monde entier et souvent même en Israël.
Cet éclairage partial s'inscrit dans un contexte de propagande et de délégitimation plus vaste. Tout observateur des médias arabes constate à quel point le discours anti-israélien n'a rien perdu de sa virulence, même en Égypte avec laquelle une situation de paix est supposée régner. Mais ce discours s'accompagne de plus en plus souvent, avec la montée des forces islamistes, d'imprécations contre les Juifs, que tout lecteur honnête ne saurait qualifier autrement que d'antisémitisme primaire. C'est contre les Juifs qu'on en a aujourd'hui au Caire ou à Damas comme à Téhéran ou à Bagdad ou même parmi les Arabes israéliens de la mouvance islamiste: citations tronquées du Talmud, Protocoles des Sages de Sion, mise en avant des versets antijudaïques du Coran, tout est bon, jusqu'à l'affirmation stupide que l'affaire Lewinsky a été concoctée par la juiverie internationale. D'où la réaction prévisible des Talibans et du Soudan aux tirs des Tomahawks américains: c'est bien évidemment une entreprise due au "sionisme américain".

Tout cela peut faire sourire. Or il ne s'agit pas de folklore car il y a, au bout, le langage des bombes. Dans ces conditions complexes, on se prend à formuler un výu simple: que les critiques lancées à tout bout de champ contre Israël et contre la politique de son gouvernement élu dans les grandes démocraties et dans le monde juif, s'appuient désormais plus souvent sur une analyse serrée des faits, sur une recherche honnête de la vérité, et ne relèvent plus du slogan haineux, de l'invective gratuite, proférés dans le seul but de désigner automatiquement le coupable. Le seul coupable.


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