Éditorial - Mars 1994
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Durant les six derniers mois, depuis la date fatidique du 13 septembre 1993, jour de la signature de l'infâme déclaration de principes Rabin-Arafat, plus de trente-trois civils juifs ont été assassinés par des Arabes en Israël et plus d'une centaine ont été blessés. Quotidiennement, partout en Israël et en particulier en Judée, en Samarie et à Gaza, des attaques à coups de pierres, à l'arme blanche, aux cocktails molotov et à la mitraillette sont perpétrées contre des Juifs. Cette situation est le résultat des nombreuses concessions du gouvernement Rabin.
Le terrorisme arabe ne frappe pas aveuglément, il choisit ses cibles: un père et son fils, une femme enceinte, un voyageur seul, un membre des services de renseignements, dont l'itinéraire avait été communiqué aux assassins par une taupe... La liste est malheureusement bien longue.
C'est la région de Benjamin (voir SHALOM Vol. XVIII), située aux portes de Jérusalem, qui a été la plus touchée, avec douze assassinats de personnes étant soit de la région, soit de passage. Afin de nous donner une vision complète des choses, nous avons demandé à PINCHAS WALLERSTEIN, président du Conseil régional de Benjamin, de nous décrire la situation telle qu'elle se présente aujourd'hui.
Quels sont les changements survenus sur le terrain entre le 13 septembre 1993 et le massacre de Hébron ?
L'inquiétude s'est installée au sein de la population, non pas au niveau collectif mais au niveau individuel. Un certain nombre de questions se sont posées: vaut-il mieux voyager dans une seule voiture ou est-il plus prudent de se déplacer à deux voitures ? Une femme enceinte peut-elle prendre le risque de se rendre à Jérusalem pour faire un ultrason ? Mais aucune modification apparente du mode de vie des adultes et des enfants n'était visible. Je dois souligner, qu'à notre grande surprise, le nombre d'habitants dans notre région a augmenté de presque 20% ces six derniers mois. Cette réalité s'explique avec peine compte tenu des tensions, des assassinats et des conditions difficiles dans lesquelles nous vivons ici.
Qu'est-ce qui a changé depuis le carnage de Hébron ?
Avant de répondre, je voudrais bien évidemment préciser que le fait de tuer des Arabes uniquement parce qu'ils sont Arabes constitue un geste abominable qui doit être condamné. Je dois toutefois souligner que, depuis le mois de septembre dernier, plus de cent Arabes, certaines statistiques parlent même de un à trois par jour, ont été assassinés par leurs frères arabes sans une quelconque forme de protestation.
En ce qui concerne la situation dans les territoires mêmes, la tension est énorme et le stress imposé à la population juive est terrible. Le lundi suivant les événements, près de 90% de la population n'avait pas modifié son mode de vie. Les parents qui commutent s'étaient rendus à leur travail et leurs enfants étaient présents à l'école. Il faut bien comprendre que tous ont peur, car les médias israéliens laissent entendre que le responsable des événements de Hébron n'est autre que le mouvement de peuplement juif des territoires. Ceci sous-entend qu'une attaque perpétrée contre un Juif des territoires est presque légitime et qu'en définitive, "il l'a bien cherché". Je dois dire que l'armée nous vient en aide, nous procurant, du moins pour l'instant, toutes les formes de protection dont nous avons besoin.
Il est évident que les Arabes vont chercher à se venger de manière puissante et spectaculaire dans tout le pays. Comment voyez-vous l'évolution de la situation ?
Malheureusement, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures extrêmement dangereuses. La première étant de pouvoir mettre en détention administrative allant jusqu'à trois mois tout Juif habitant dans les territoires et ce sans la moindre forme de procès ! Tout Juif vivant en Judée et en Samarie peut être exilé hors de ces territoires. Une fois ces mesures légitimement rentrées dans les mýurs, je ne pense pas que le gouvernement s'arrêtera en si "bon chemin". Je ne serais pas étonné de le voir prendre d'autres dispositions à l'encontre de notre population. Vous pouvez bien imaginer combien tout ces éléments augmentent le stress imposé aux Juifs des territoires. Les Israéliens dans leur ensemble trouvent cela normal, et ni le rabbinat ni les organisations des droits de l'homme n'ont élevé de protestation.
Pensez-vous que le processus de paix tel qu'il a été engagé par la déclaration de principes Rabin-Arafat est véritablement en danger ?
Non, car notre gouvernement fera probablement de nombreux gestes et concessions afin de maintenir la dynamique de ces négociations. L'une des premières dispositions étant la libération de 500 terroristes cinq jours seulement après les événements. Toute personne de bon sens comprend les implications que peut engendrer une telle décision.
Malgré cela, la vie continue. Qu'en est-il de l'évolution de la construction ?
Le gouvernement ne fait rien pour développer le bâtiment ou terminer les habitations en cours de construction. De plus, les maisons finies ne sont pas raccordées en eau et en électricité. Il faut donc avoir recours à des entreprises privées pour débloquer la situation, ce qui naturellement coûte cher.
Si un Juif israélien souhaite s'installer aujourd'hui dans les territoires, quels arrangements financiers immobiliers peut-il obtenir ?
C'est très simple, il doit être à même de payer son appartement en intégralité, car aucune banque ne lui accordera d'hypothèque. A cet égard, je dois souligner le fait que le gouvernement dispose d'environ douze mille appartements vides en Judée-Samarie et à Gaza qu'il refuse de mettre en vente ! Or, ces projets immobiliers ont été payés par le contribuable israélien. Le gouvernement ne fait rien pour récupérer ou faire fructifier ces fonds immobilisés sous prétexte qu'il ne s'agit pas là d'une question économique, mais politique. Dans notre région, nous avons environ sept cents appartements vides et inutilisés. Naturellement, je ne dispose pas actuellement d'une liste de sept cents acheteurs potentiels mais, compte tenu des demandes systématiquement refusées par le gouvernement, nous pourrions facilement trouver acquéreurs pour une partie de ces unités.
Le plan d'autonomie prévoit la construction de routes de contournement afin d'éviter aux Juifs de passer par des secteurs qui seront contrôlés par la police palestinienne. Où en sont les travaux ?
Il n'existe aucun plan pour la construction de telles routes, et bien entendu aucun travail de ce genre n'a été entrepris depuis le 13 septembre 1993. En ma qualité de responsable de la région de Benjamin, je n'ai pas été approché et n'ai pas non plus rencontré de planificateurs ou de corps de métiers chargés de la mise en place de tels plans. Je peux aussi vous dire qu'à ce jour, malgré nos nombreuses demandes, le gouvernement ne nous a pas encore fourni de réponse à la question fondamentale: comment les Juifs pourront-ils continuer à vivre ici une fois l'autonomie en place, alors qu'ils devront passer par les griffes de la police palestinienne pour se rendre à leur travail ? La conduite du gouvernement nous fait penser que certaines rumeurs parues dans la presse sont fondées. Shimon Peres aurait promis aux Arabes de rendre la vie des Juifs vivant en Judée, en Samarie et à Gaza si difficile pendant la période de transition qu'en fin de compte, plus personne ne voudrait ou ne pourrait vivre dans ces régions. Le gouvernement n'entreprend et ne construit rien, même pas le minimum, qui pourrait nous donner l'impression qu'il met tout en ýuvre pour nous protéger. L'armée fait tout ce qui est en son pouvoir pour nous aider et nous rendre service, mais son action reste limitée.
Vous n'envisagez donc pas de circuler dans les zones autonomes placées sous la protection de la police palestinienne ?
Aujourd'hui, les Palestiniens, qui ne disposent encore que de très peu d'armes, se lancent quotidiennement dans des attaques contre des Juifs, tuant et blessant hommes, femmes et enfants. Qu'adviendra-t-il lorsque dix mille d'entre eux auront été officiellement armés par Israël pour la mise en place de cette fameuse "police palestinienne" ? Quelle sera leur conduite ? Actuellement, la plupart de leurs armes proviennent de vols effectués en Israël même ou de la contrebande avec l'Egypte. Cela se passe alors que l'armée d'Israël contrôle toutes les frontières. Mais qu'adviendra-t-il lorsque, dans les zones autonomes, plusieurs milliers d'armes circuleront librement entre les mains de ceux qui nous tirent dessus aujourd'hui ?
Apparemment, le gouvernement ne vous accorde même pas l'aide humanitaire essentielle dont bénéficient les autres citoyens d'Israël, tels les services du Magen David Adom, la "Croix Rouge" israélienne. Comment cela se passe-t-il réellement dans les faits ?
C'est absolument juste. Nous pouvons obtenir tout le matériel médical que nous souhaitons, à condition de le payer ! Il faut savoir qu'il n'y a aucune station de premier secours du Magen David Adom dans les territoires. De telles stations, opérées par des volontaires et du personnel payé par le gouvernement, existent dans tout le pays, sauf en Judée, en Samarie et à Gaza. Mais ceci va bien plus loin. Si une municipalité située à l'intérieur de la Ligne verte a besoin d'acheter une ambulance et qu'elle n'en a pas les moyens, le gouvernement lui donne l'argent. Nous ne bénéficions pas de ces mesures. De plus, le Magen David Adom ne nous vend que des ambulances de seconde main. A cela s'ajoute le fait que nous sommes totalement dépendants du bon vouloir d'un personnel médical constitué exclusivement de volontaires. Si un médecin vivant dans nos régions s'est rendu à son travail et que nous avons besoin de ses services, nous devons le localiser et attendre qu'il puisse se libérer avant d'être à même de venir en aide au malade ou au blessé.
En était-il de même lorsque le Likoud était au pouvoir ?
Malheureusement oui. Je ne sais pas vraiment pourquoi il en est ainsi. Ceci dit, à l'époque du Likoud, nous bénéficions de certaines facilités pour obtenir, par exemple, des assistantes sociales. Aujourd'hui, tout est bloqué.
Quels sont les changements pratiques, sur le terrain, auxquels vous vous attendez après la signature des accords Peres-Arafat du Caire ?
Ce traité est terrifiant et soulève un grand nombre de questions. Afin d'illustrer mes propos, je citerai l'un des nombreux problèmes. Un accès quasiment libre vers tout Israël depuis les ponts du Jourdain sera accordé aux Palestiniens vivant à l'étranger. Aujourd'hui, environ 80'000 Palestiniens viennent chaque année de Jordanie rendre visite à leur famille habitant en Israël et repartent à la fin de l'été. Après l'application de ces accords, qui contrôlera leur départ ? Pouvons-nous véritablement faire confiance à la police palestinienne pour qu'elle les fasse repartir ? La taille et la frontière de la région autonome de Jéricho ne sont pas encore tout à fait définies. Il semble toutefois que les Palestiniens auront un accès à la mer Morte. Sur le terrain, cela signifie que la police palestinienne contrôlera la route principale qui relie Massada, Ein Guédi et Jérusalem, et qu'elle pourra la bloquer quand bon lui semblera. Sur le terrain même, rien n'a encore changé pour l'instant, mais les perspectives sont à la fois floues et terriblement sombres.
Si vous comparez l'époque actuelle aux jours les plus noirs de l'Intifadah, estimez-vous malgré tout être en meilleure position aujourd'hui ?
Absolument pas, bien au contraire. La situation est bien pire. Aujourd'hui, vous réfléchissez à deux fois avant de prendre la route. Rouler dans une voiture munie de vitres spéciales vous protégeant contre les jets de pierres est une chose, risquer d'essuyer un feu de mitraillette à chaque tournant en est une autre !!!
Le gouvernement connaît la situation aussi bien que vous et sait qu'une femme enceinte et l'enfant qu'elle porte ne sont pas des "ennemis de la paix". Comment réagit-il devant tout ce sang juif versé ?
Cela peut sembler absurde, mais notre gouvernement estime que c'est là le prix à payer pour gagner la paix.
Avez-vous des raisons d'être optimiste aujourd'hui ?
Oui, mais il faut bien comprendre que notre situation est très difficile et que ce gouvernement nous a pratiquement ramenés à la case départ. Beaucoup d'acquis ont disparu, tels les crédits immobiliers, les facilités administratives, etc. Nous tirons un énorme encouragement et optimisme du fait que notre population a augmenté de près de 20% depuis le 13 septembre 1993, et ce malgré toutes les difficultés et incertitudes que je viens de vous décrire. Néanmoins, nous allons probablement vers des temps très difficiles avec une augmentation du terrorisme, mais je suis confiant dans l'avenir et persuadé que nous trouverons la force pour faire face et faire triompher notre cause.
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