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Sommaire Art et Culture Printemps 1996 - Pessah 5756

Éditorial - Avril 1996
    • Éditorial

Pessah 5756
    • Une fabuleuse leçon d'espoir

Interview Exclusive
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Politique
    • Des attentats - des élections

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    • Le point de vue de S.E.M. Meïr Rosenne
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    • Recette pour un désastre

Judée - Samarie - Gaza
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Art et Culture
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3000 ans d'histoire

Par Jennifer Breger
Voici le second article sur Jérusalem écrit à l'occasion du troisième millénaire de sa fondation comme capitale d'Israël par le roi David. Le texte précédent retraçait les diverses représentations de Jérusalem dans la documentation juive à travers les siècles. Cette fois, nous puiserons dans les innombrables sources non juives et évoquerons la riche cartographie de Jérusalem, non sans mentionner quelques liens avec la Suisse.
Sur les cartes anciennes, Jérusalem figure toujours comme le centre du monde et la ville est souvent dessinée sur une plus grande échelle que ses environs. Dans une église du VIe siècle à Madaba en Jordanie, que l'on peut visiter à partir d'Israël depuis le traité de paix entre les deux États, une carte représentant la Jérusalem du VIe siècle est dessinée sur le sol en mosaïques: la ville, esquissée dans une forme ovale, est située au centre. De nombreux détails sont identifiables, notamment la Porte de Damas, l'Église du Saint-Sépulcre, l'artère routière romaine traversant la ville du nord au sud et le fameux Cardo, dégagé par des fouilles après la Guerre des Six Jours. Jérusalem se trouve également au centre des mappemondes médiévales en forme de roue.
Depuis les débuts de l'imprimerie, de nombreux plans et cartes de Jérusalem ont été dessinés: des panoramas, des vues aériennes mais le plus souvent des représentations picturales de la Jérusalem biblique. La première vue de la ville basée sur un dessin exécuté sur place est celle datant de 1486 et effectuée par Bernard von Breydenbach, un prêtre de Mainz. Il s'était rendu en Terre Sainte en 1483, accompagné d'un artiste chargé de faire des croquis du voyage. Deux représentations importantes figurent dans la Chronique de Nuremberg de 1493: la première est une vue imaginaire de la destruction de Jérusalem avec le Temple en feu; la seconde représente la ville sous forme circulaire avec, au centre, le Temple de Salomon, mais aucun édifice ne ressemble aux bâtiments réels de la cité.
Toutes ces vues ainsi que celles du XVe jusqu'au XIXe siècle constituent des ýuvres d'art, réalisées avec des moyens luxueux. Les imprécisions cartographiques incluses dans certaines de ces ýuvres ne diminuent en rien leur beauté esthétique. Elles expriment la vision de la Ville Sainte du cartographe. Beaucoup sont des descriptions imaginaires ou idéalisées, surtout celles exécutées par des personnes n'ayant jamais vu la ville de leurs propres yeux. Souvent, les édifices représentés illustrent l'architecture et l'environnement contemporains du lieu d'origine de l'artiste. C'est particulièrement le cas pour le Temple de Salomon, qui ressemble tantôt à une forteresse, tantôt à un palais de la Renaissance. Pour les Chrétiens, le pèlerinage à Jérusalem et sur les Lieux saints a toujours été très important. Il existe une foule de manuscrits et d'ouvrages imprimés comportant des illustrations et des cartes de Jérusalem. Des plans de Jérusalem figurent dans de nombreuses Bibles et ouvrages religieux ou historiques. Sur la plupart des plans, des sites religieux sont identifiés et indiqués. La célèbre carte de l'imprimeur allemand Matthaeus Seutter, qui date du début du XVIIIe siècle, dénombre ainsi 254 sites par leur nom. Une autre carte de la fin du XVIe siècle, établie par Aldrichom, un clerc hollandais, en nomme 270 et comporte même des détails sur l'intérieur du Temple. La plupart des panoramas de Jérusalem sont pris en regardant vers l'ouest, depuis le Mont des Oliviers, qui constituait un point de vue idéal d'où l'on pouvait distinguer de nombreux sites importants. Cornelis de Bruyn, un artiste hollandais qui visita la Terre Sainte en 1682, en témoigne: "Le 6 novembre, trois jours après l'avoir commencé, mon dessin de Jérusalem était achevé. De l'endroit où je m'étais placé au sommet du Mont des Oliviers, on peut jouir d'une vue magnifique de la cité, car elle n'est entravée par aucun édifice... " Le Mont des Oliviers était un site de prédilection pour les peintres et photographes du XIXe siècle et l'est encore aujourd'hui.
On peut suivre sur certains dessins les différentes étapes de la construction des murailles de la Vieille Ville de Jérusalem, qui comprend la Cité de David et la nouvelle Jérusalem bâtie depuis l'époque des Maccabées. La plupart concordent avec la description de la ville faite par Flavius Josèphe dans ses écrits. On trouve parfois des feuillets présentant deux plans, le premier étant le plan de la ville aux temps anciens, le second celui de la cité moderne. Certaines cartes et dessins sont devenus des références et ont été copiés à maintes reprises.
Au XIXe siècle, l'approche se modifie: la volonté de précision scientifique prend le pas sur l'instruction religieuse. Les voyages ne présentent plus autant de dangers, ils deviennent plus aisés et l'accès à Jérusalem et à la Terre Sainte en est considérablement simplifié. La résurgence de l'étude des religions au XIXe suscite un enthousiasme nouveau pour les explorations archéologiques des sites bibliques. La première carte moderne de la ville fondée sur des données géographiques et topographiques fiables est établie par l'Allemand F.W. Sieber, venu à Jérusalem en 1818. Un officier d'armée britannique, Charles Wilson, dresse en 1860 la première cartographie officielle de Jérusalem: l'ouvrage "Ordnance Survey of Jerusalem", en trois volumes, comprend des cartes, des plans et des photographies.
Parmi les voyageurs qui affluent en Terre Sainte au cours du XIXe siècle, ont trouve beaucoup d'artistes et de photographes. Une vision religieuse romantique du pays s'allie à la vogue de l'orientalisme. La Terre Sainte et Jérusalem en particulier sont les sites de prédilection pour des peintres d'Angleterre, de France et d'Allemagne, notamment David Roberts, Léon de Laborde, Edward Lear, Holman Hunt et Gustave Bauernfeind.
Certains des plus beaux exemplaires des débuts de la photographie sont précisément des prises de vue de Jérusalem et de Terre Sainte. La première photographie de la ville est faite par le photographe français Frédéric Gompil Fesquet, en 1839, année de la naissance de cet art. M.J. Diness est le premier habitant de Jérusalem à exercer le métier de photographe. Cet horloger juif d'origine russe était venu à Jérusalem en 1858 et avait été converti au christianisme par l'évêque anglican. Honni par la communauté juive, il demanda la protection du consul britannique; la femme du consul lui vendit un appareil photo. Il étudia alors la photographie, travaillant pendant quelques années au service de l'ingénieur civil de Jérusalem avant d'émigrer aux États-Unis. Certaines de ses photographies ont été prises à l'intérieur même de l'esplanade du Mont-du-Temple. Les photos de Diness ont servi d'inspiration aux lithographies du célèbre ouvrage de l'ingénieur italien Pierotti, "Jérusalem explorée", sans que son nom ne soit mentionné. En fait, de nombreux peintres copiaient carrément les photographies ou s'en servaient comme documentation pour leurs ýuvres. Au cours des années 1870, on assiste à une prolifération d'ateliers de photo dans la ville; les épreuves sont vendues à grand tirage aux voyageurs comme souvenir.
A l'intention des lecteurs suisses, nous avons pensé qu'il serait particulièrement intéressant de mentionner quelques liens suisses avec Jérusalem. Commençons par le grand explorateur du début du XIXe siècle, Johann Burkhardt. Né à Bâle, il fut celui qui redécouvrit Petra mais, curieusement, il ne se rendit pas à Jérusalem bien qu'ayant visité Tibériade et la Galilée.
Le médecin suisse Titus Tobler explora Jérusalem pour la première fois en 1835. A son retour, il écrivit combien il regrettait qu'il n'y eût pas de recherche scientifique au sujet de Jérusalem. Il y revint à trois reprises et rédigea de nombreux ouvrages sur la topographie de la ville et le contexte historique de chaque site important. Apparemment, il avait étudié à fond les rues et venelles de Jérusalem. En 1858, avec la collaboration d'un cartographe hollandais, T. Tobler dressa une carte de la ville, considérée comme fort précise.
Autre éminente figure suisse sur la scène de Jérusalem, Conrad Schick, architecte, archéologue et missionnaire, qui arriva à Jérusalem en 1846 et y demeura jusqu'à sa mort en 1901. Il accomplit un important travail d'arpentage et vécut dans une maison, rue des Prophètes, qu'il avait lui-même dessinée (elle est actuellement occupée par le Séminaire théologique suédois). Il participa au planning des quartiers et des édifices de la ville et réalisa également des maquettes de Jérusalem au temps du Second Temple et des modèles du Temple lui-même aux diverses périodes de son existence. Sur la carte de Jérusalem qu'il publia en 1894-5 figurent tous les quartiers de la nouvelle ville.
Ne pouvant, par manque d'espace, citer tout le monde, nous nous contenterons donc de mentionner encore le théologien suisse Félix Bovet de Neuchâtel qui se rendit en Terre Sainte et en Égypte en 1858. "Voyage en Terre Sainte", son livre publié à Neuchâtel en 1861, connut un grand succès: réédité sept fois en français, il fut également traduit en italien, en néerlandais, en allemand, en anglais et en russe.
Il y a enfin le plan tridimensionnel en relief de la Jérusalem moderne construit par Stephan Illes, un Catholique de Presbourg (à l'époque, partie de l'Empire austro-hongrois; aujourd'hui Bratislava en Slovaquie) qui travailla à Jérusalem pendant 12 ans en vue de l'Exposition mondiale de 1873 à Vienne. La maquette est à une très grande échelle et fourmille de détails: on y distingue les fenêtres des maisons et les enseignes des boutiques dans les ruelles de la Vieille Ville. Après 1873, la maquette fut exposée dans diverses villes d'Europe. En Suisse on put l'admirer à Zurich, Bâle, Neuchâtel, Lausanne et Genève. Une brochure explicative rédigée par Illes fut publiée à Bâle en 1878. La même année, la maquette fut achetée à Genève par un groupe de donateurs pour 10.000 francs; exposée à la "Maison de la Réformation" calviniste pendant 40 ans environ, elle disparut ensuite. Elle fut retrouvée dans un entrepôt à Genève en 1984, grâce aux efforts de David Littman de Genève et de sa fille Ariane. Transportée à Jérusalem et restaurée, la maquette est désormais exposée au Musée de la Tour de David. La maquette-sýur représentant la Jérusalem ancienne ainsi que d'autres modèles réalisés ultérieurement par Illes n'ont pas été retrouvés. Une carte imprimée par Illes, "Jerusalem aus der Vogelschau", publiée à Vienne au début des années 1870, figure dans la collection Laor à Jérusalem.

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