La problématique de l'eau | ||
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Par le Pofesseur Haim Gvirtzman * | ||
La question de l'eau dans le conflit israélo-palestinien suscite dans le monde de nombreux jugements négatifs à l'égard de l'État d'Israël. Les Arabes palestiniens exigent la possession de l'ensemble des eaux de l'aquifère montagneux, du Jourdain et de l'aquifère côtier de la bande de Gaza; cela représente environ 65% des ressources en eau naturelle douce dont dispose Israël. Jusqu'ici, l'État d'Israël n'a pas publié les données véritables concernant la question de l'eau. Résultat: falsification de l'information et des faits, désignation d'Israël comme principal coupable de la pénurie en eau des Arabes palestiniens. Cet article présente les données concernant l'approvisionnement en eau et analyse les accusations palestiniennes à la lumière des faits. On verra que les revendications palestiniennes ne sont pas du tout fondées et qu'Israël a adopté dans ce domaine une démarche équitable, allant même au-delà de ses strictes obligations. Systèmes d'alimentation en eau en Judée et Samarie sous le gouvernement jordanien Durant toute la période de l'administration jordanienne (1948-1967), les Arabes palestiniens ont vécu avec des systèmes d'alimentation en eau primitifs, qui ont perpétué un faible niveau de vie en Judée et en Samarie. Les principales entreprises étaient des réservoirs anciens conduisant les eaux de source par la force de la gravitation vers les régions agricoles. Les seules usines pompant l'eau avec des moteurs électriques et les acheminant vers des zones habitées dataient de l'époque du Mandat britannique (1920-1948); elles fournissaient de l'eau à Jérusalem et à Ramallah, ce qui assura à ces villes un niveau de vie élémentaire. Vers la fin de l'époque jordanienne, 350 puits de faible profondeur furent forés pour l'irrigation agricole tandis que la majorité de la population palestinienne était alimentée par quelque 200 sources et réservoirs captant les eaux de pluie, qui se sont asséchés lors des années de sécheresse. L'approvisionnement en eau des Arabes palestiniens juste avant la guerre des Six-Jours s'élevait à 65 millions de m3 par an. Systèmes d'alimentation en eau en Judée et Samarie sous le gouvernement israélien Sous le gouvernement israélien (depuis 1967), le système d'alimentation en eau s'est considérablement amélioré. En l'espace de cinq ans, la fourniture d'eau aux Arabes palestiniens a augmenté de 50%, dans les zones urbaines en particulier. L'administration israélienne a aidé les Arabes palestiniens à forer de nouveaux puits, à approfondir les forages de faible profondeur et à introduire des pompes plus performantes. Les villages Arabes palestiniens voisins des nouvelles localités israéliennes construites dans la région ont été raccordés au réseau d'eau israélien, modernisant l'approvisionnement en eau et améliorant de façon spectaculaire le niveau de vie des villageois. La veille de la signature des Accords d'Oslo, l'approvisionnement en eau des Arabes palestiniens s'élevait à 120 millions de m3 par an. En 1995, un accord fut signé stipulant que les ressources existantes en eau seraient conservées et que des suppléments seraient fournis aux Arabes palestiniens, principalement à partir de l'aquifère oriental, jusque-là inexploité. On admit la nécessité de développer de nouvelles ressources d'eau (par purification et par dessalement de l'eau de mer). L'accord prévoyait qu'aucune des deux parties n'adopterait des mesures susceptibles de causer la pollution de l'environnement; il était entendu également que les eaux usées seraient traitées de façon adéquate. Afin d'appliquer les termes de l'accord, une Commission conjointe sur l'eau fut établie (JWC) qui, contrairement aux autres commissions créées suite aux Accords d'Oslo, a fonctionné sans discontinuer au cours des treize dernières années (voir Shalom Vol. X).. Cette commission préconise la planification et la construction d'usines dans le secteur de l'eau et du traitement des eaux usées. Dans ce dernier domaine, elle s'est heurtée à de grandes difficultés et jusqu'ici, seulement une usine d'épuration des eaux domestiques a été construite; par conséquent, la pollution de l'environnement ne fait que s'accroître. Le système d'alimentation en eau dans la bande de Gaza Des centaines de puits pour le pompage des eaux souterraines alimentent les besoins en eau domestique et agricole dans tout le territoire de la bande de Gaza. En 1975, le niveau des nappes phréatiques et la qualité de l'eau ont été soumis à des contrôles et il est apparu que les eaux s'étaient considérablement dégradées, subissant un processus de salinisation dû à la pénétration d'eau de mer. Une période étendue de pompage excessif avait créé une situation dangereuse. Par conséquent, l'administration israélienne interdit d'augmenter le pompage et n'autorisa pas la plantation de nouveaux vergers. Parallèlement, des compteurs furent installés sur tous les puits. Des vergers furent transférés dans des zones où la qualité des eaux souterraines était conforme aux normes. L'administration israélienne entreprit d'enseigner aux agriculteurs l'irrigation goutte à goutte pour remplacer l'arrosage par aspersion: cette optimisation des techniques permit une énorme économie d'eau. Les Arabes palestiniens interprétèrent ces nouvelles lois comme des décrets découlant de l'occupation mais en fait, elles sauvèrent les habitants de la bande de Gaza d'une catastrophe écologique. En 1995, il fut convenu d'acheminer plus d'eau d'Israël vers Gaza, au moyen d'un conduit construit par Israël. Lors du «désengagement» en 2005, les systèmes d'alimentation en eau qui desservaient les localités juives furent transférés à l'Autorité palestinienne. Application des accords sur l'eau des années 1995-2000 Au cours de la dernière décennie, le développement des systèmes d'alimentation en eau chez les Arabes palestiniens a de loin dépassé les articles prévus dans les Accords d'Oslo 2. Il avait été convenu que l'alimentation en eau aux Arabes palestiniens de Judée-Samarie augmenterait lors de la période de transition de 28 millions de m3 par an et que les «besoins futurs» des Arabes palestiniens de Judée-Samarie et de Gaza s'élèveraient à une augmentation de 70-80 millions de m3 par an. En réalité, durant la période de transition, l'approvisionnement en eau en Judée-Samarie s'est accru de quelque 80 millions de m3 par an. De plus, des forages supplémentaires ont été autorisés. Il s'avère donc qu'Israël s'est acquitté de toutes ses obligations, y compris de celles définies dans l'accord comme «besoins futurs» des Arabes palestiniens dans le secteur de l'eau. Les Arabes palestiniens enfreignent l'accord de façon grossière en pompant de l'eau de l'aquifère montagneux sans autorisation de la Commission conjointe sur l'eau (JWC), principalement de l'aquifère occidental et septentrional et non de l'aquifère oriental, comme convenu. Il en est résulté une réduction du pompage israélien dans les plaines côtières et dans les vallées du nord. De surcroît, les Arabes palestiniens se raccordent de façon pirate au réseau d'alimentation de la société Mekorot, ce qui provoque des pénuries d'eau. La consommation d'eau chez les Arabes palestiniens Une des accusations fréquentes des Arabes palestiniens contre Israël consiste à souligner que le Palestinien consomme en moyenne quatre fois moins d'eau que l'Israélien. Jusqu'en 1967, il y avait un très grand écart entre la consommation d'eau palestinienne et israélienne, qui découlait de l'état primaire du réseau d'alimentation palestinien. En 2006, cet écart s'était réduit de façon significative et était proche de l'équilibre. L'écart de la consommation d'eau par habitant est devenu insignifiant en raison de plusieurs facteurs: diminution des ressources en eau en Israël, fourniture par Israël de millions de m3 à la Jordanie et aux Arabes palestiniens, nouveaux pompages chez les Arabes palestiniens, etc. Sous le gouvernement jordanien, quatre localités seulement possédaient un réseau urbain de distribution d'eau. De nos jours, quasiment toutes les localités palestiniennes sont raccordées à un réseau de distribution. Dans les endroits où le réseau palestinien n'est pas en mesure de répondre aux besoins, c'est la société israélienne Mekorot qui fournit les suppléments nécessaires. Par conséquent, il n'y a pas de pénurie d'eau dans les villes et villages arabes palestiniens raccordés au réseau. La quasi-totalité de ces réseaux de distribution d'eau ont été construits au cours des trente dernières années, la plupart par le gouvernement israélien. L'approvisionnement en eau dans les États arabes voisins: comparaison En Syrie et en Jordanie, de très nombreuses localités ne sont pas raccordées au réseau de distribution d'eau. Dans les grandes villes qui possèdent un tel réseau, l'approvisionnement en eau est loin d'être régulier. C'est le cas même dans les capitales; Amman en Jordanie et Damas en Syrie ne sont alimentées en eau que deux ou trois jours par semaine. L'aspect juridique des accords sur l'eau Le droit international a prévu des articles pour faire face aux conflits entre États se disputant le contrôle des ressources en eau. Des critères précis permettent de déterminer le partage de l'eau. Bien qu'ils aient signé l'accord, les Arabes palestiniens prétendent que les principes d'équité du droit international ont préséance sur l'accord signé et ils revendiquent donc la propriété des eaux souterraines de l'aquifère montagneux. D'après les critères cités du droit international, il ressort que cette revendication n'est absolument pas fondée et que la démarche adoptée par l'État d'Israël a été équitable, juste et même généreuse. Les Arabes palestiniens ont aussi prétendu détenir tous les droits sur l'eau en invoquant le caractère «sacré» de l'eau. De tels arguments ne permettent pas la conduite de négociations de bonne foi et c'est pourquoi Israël s'entête à poursuivre des entretiens pratiques sur un partage quantitatif des ressources en eau. Les caractéristiques naturelles de l'aquifère montagneux Les nappes phréatiques sous les monts de Judée et de Samarie sont contenues dans des strates rocheuses de la montagne. Il s'agit de l'aquifère le plus vaste entre le Jourdain et la Méditerranée. Il se divise en trois bassins souterrains: le bassin occidental (le plus grand), le bassin septentrional et le bassin oriental. Le droit international accorde la préférence à l'usage historique de l'eau car il reflète les besoins humains; or Israël possède un droit d'usage historique sur la plus grande part des ressources d'eau de l'aquifère montagneux. Jusqu'au début du XXe siècle, toute l'eau de l'aquifère occidental s'écoulait vers la plaine côtière; c'est ainsi qu'ont été créés les grands marécages de cette région. Les pionniers du mouvement sioniste, qui asséchèrent ces marécages, pompaient l'eau des sources bien avant 1948. La situation était semblable pour l'aquifère septentrional, dont se servaient les pionniers sionistes qui s'étaient installés dans la vallée de Jezréel, et dans les vallées de Harod et de Beth Shéan. Pour ce qui est de l'aquifère oriental, les Arabes palestiniens y possèdent un droit d'usage historique majeur. Israël a exploité cet aquifère uniquement pour pomper des eaux qui étaient déjà salinisées, ou qui s'écoulaient dans la vallée du Jourdain ou dans la mer Morte et n'avaient jamais été exploitées par les Arabes palestiniens. Israël a donc également un droit d'usage historique sur environ 40% des ressources de l'aquifère oriental. Il faut par ailleurs souligner que l'aquifère montagneux fournit en eau les habitants de Jérusalem, de Tel-Aviv et d'une grande partie de la plaine côtière, ainsi que les agriculteurs israéliens de la plaine côtière, des plaines du nord et de la vallée de Beer Sheva. Ressources inexploitées Le droit international accorde la préférence à l'utilisation de sources d'eau inexploitées. L'aquifère oriental, l'unique source encore inexploitée, a été proposé aux Arabes palestiniens afin qu'ils y entreprennent de nouveaux forages et des travaux de développement. Ils s'obstinent pourtant à effectuer des forages pirates captant l'aquifère occidental et l'aquifère septentrional, ce qui porte un grand préjudice à Israël. Le droit international exige d'éviter le gaspillage de l'eau. D'après les rapports de l'Autorité palestinienne, les fuites d'eau de ses conduites se montent à 33,6%. De surcroît, l'irrigation se fait dans la plupart des cas par inondation (et non par goutte à goutte ou par aspersion comme cela se fait en Israël), ce qui représente un gaspillage d'eau considérable. Toujours selon le droit international, les États sont tenus de préserver la qualité de l'eau et d'empêcher la pollution. Dans l'Autorité palestinienne, l'absence de traitement des eaux usées provoque de graves dégâts. L'épuration des eaux usées réduirait la pollution et elles pourraient de surcroît être réutilisées pour l'irrigation. L'aquifère côtier de la bande de Gaza Contrairement aux eaux de l'aquifère montagneux, celles de l'aquifère de la bande de Gaza sont collectées des pluies qui s'y infiltrent directement. Cet aquifère est en fait un système clos et ne sert pas de «réservoir commun» selon les définitions du droit international. Depuis les Accords d'Oslo, les Arabes palestiniens en sont les propriétaires et assument la responsabilité de sa gestion et de sa maintenance. Cela n'empêche pas les Arabes palestiniens de prétendre qu'Israël a foré des dizaines de puits pour capter les eaux souterraines coulant du Néguev vers la Bande de Gaza. Ces accusations sont dénuées de tout fondement: la limite orientale de l'aquifère coïncide pratiquement avec la frontière entre Israël et Gaza et il n'y a donc aucun captage d'eau possible. Au nord de la Bande Gaza, les eaux arrivent à l'aquifère côtier israélien de l'est, sans traverser la frontière avec Gaza. Accroissement de la consommation d'eau des Arabes palestiniens: solutions futures Comme c'est le cas pour l'État d'Israël, l'approvisionnement en eau des Arabes palestiniens pourra être augmenté par l'optimisation et le développement. En mettant un terme aux fuites dans les conduites urbaines, une énorme économie d'eau sera constituée, qui permettra d'alimenter les endroits souffrant de sévères pénuries. De même, des techniques d'irrigation plus performantes permettront aux agriculteurs d'accroître de façon significative les terres arables. La collecte et le traitement des eaux usées urbaines produiront une considérable quantité d'eau qui pourra être réutilisée pour l'irrigation, économisant ainsi l'eau douce. Par ailleurs, des usines de dessalement d'eau de mer pourront fournir d'abondantes quantités d'eau. La côte le long de la Bande de Gaza se prête parfaitement à une telle entreprise et pourrait abriter plusieurs usines. Le jour où l'eau de mer sera utilisable, on pourra procéder à des mesures d'assainissement de l'aquifère pollué de la Bande de Gaza. D'après le plan de développement de l'Office israélien de l'eau, une usine de dessalement sera construite à Hadera. L'Office propose que dans le même temps, une seconde usine soit édifiée sur le même site pour les Arabes palestiniens; l'eau douce produite par l'usine sera acheminée par une conduite spéciale. Un autre plan, à l'intention des agriculteurs Arabes palestiniens de la vallée du Jourdain, prévoit l'écoulement dans cette région des eaux épurées excédentaires de Naplouse et de Ramallah. De cette façon, l'eau douce pourra être conservée pour les besoins domestiques. Renoncer à l'eau pour éviter la guerre ? Certains milieux politiques laissent entendre que pour la cause de la paix, Israël doit renoncer à l'aquifère montagneux et compter uniquement sur les usines de dessalement. L'analyse des données montre cependant qu'il s'agit là d'une démarche politique irresponsable et même dangereuse. Sur le plan technologique, le processus de dessalement de l'eau de mer n'est pas si simple: bien qu'on s'y applique depuis dix ans, la crise de l'eau en Israël est plus aiguë que jamais. D'après les prévisions, en 2013, Israël disposera de cinq usines de dessalement. Toutefois, en raison de la grave pénurie d'eau actuelle et de l'accroissement de la consommation future, nul ne peut garantir que ces usines suffiront pour sortir de la crise. Les conditions climatiques dans la région sont telles qu'on doit prendre en compte des années de sécheresse consécutives. Par conséquent, l'aquifère montagneux constitue une sorte de réservoir naturel et vital, permettant un pompage accru lorsque le lac de Tibériade se vide. Sans l'aquifère montagneux, il faudrait huit usines de dessalement en plus des cinq prévues. Une dépendance quasi exclusive du dessalement d'eau de mer provoquera une augmentation du prix de l'eau, l'effondrement de l'agriculture israélienne et la perte des poumons verts du pays. De surcroît, les usines de dessalement seront très vulnérables (guerre, attaques terroristes, séismes). En revanche, l'aquifère, dont les eaux se renouvellent et se conservent sans problème, constitue une source stable. Les trois principales ressources en eau d'Israël se trouvent aujourd'hui compromises: l'aquifère montagneux est revendiqué par les Arabes palestiniens, le lac de Tibériade se trouve également sur la table des négociations avec la Syrie et l'aquifère côtier souffre de pollution. On peut résumer la position palestinienne ainsi: «Donnez-nous toute l'eau dont nous avons besoin aujourd'hui et demain ! Quant à vous, prenez les eaux usées que nous produisons et procédez au dessalement de l'eau de mer.» En étudiant les paramètres prônés par le droit international pour le partage des ressources en eau, il s'avère que les revendications palestiniennes sont totalement dénuées de fondement. Renoncer à l'aquifère montagneux équivaut à mettre l'existence d'Israël en péril. * Le professeur Haim Gvirtzman, Institute of Earth Sciences, Université hébraïque de Jérusalem. |