La barrière de sécurité

Photo Bethsabée Süssmann.
Par Roland S. Süssmann
Un camion arabe rempli de marchandises destinées au marché israélien s’arrête. Il présente ses papiers et, le temps qu’il les récupère, un bras électronique est passé par-dessus son camion et a scanné son contenu. Le tout a duré moins de trois minutes. Mais où sommes-nous ? A un point de passage de la fameuse barrière de sécurité qui sépare la Cisjordanie du reste d’Israël. Telle est la réalité quotidienne comme elle se déroule dans la majorité des cas, lorsque des commerçants ou des agriculteurs arabes transportent leurs marchandises vers Tel-Aviv, Haïfa ou Jérusalem. Les choses se compliquent quand les inspecteurs ont une bonne raison de suspecter un véhicule, là le contrôle est plus sévère, plus méticuleux et peut aller jusqu’au déchargement et à l’ouverture effective de toutes les marchandises chargées.
Mais rappelons brièvement le pourquoi et le comment de cette barrière qui a fait couler tant d’encre. Muraille de la honte – barrière de l’Apartheid – mur de Berlin et bien d’autres faux noms et insultes ont été proférés à l’égard de la barrière de sécurité qu’Israël a été contrainte d’installer suite aux actes terroristes des Arabes vivant en Judée et en Samarie entre 2000 et 2005, pendant cette période appelée la «Seconde intifada», qui n’était rien d’autre qu’un titre donné par l’OLP à une série d’actes de terrorisme visant à assassiner et à estropier un maximum de Juifs en Israël. Les buts visés sont les mêmes qu’en 1948: affaiblir l’État juif en obtenant par la force des concessions en tous genres, en particulier d’ordre territorial, le but ultime étant sa disparition. Ainsi, au cours de cette période fatidique, plus de 1'000 personnes ont été tuées et plus de 7'800 ont été blessées, une bonne partie handicapées à vie.
Rappelons que le terrorisme a été défini par la communauté internationale comme étant un crime contre l’humanité. Dans cet esprit, étant donné qu’Israël était et est une cible permanente pour des actes de terrorisme, il est donc de son devoir de tout mettre en œuvre pour protéger ses citoyens et limiter l’impact du terrorisme arabe. Il faut aussi se souvenir qu’avant l’établissement de la barrière, aucun obstacle, hormis les patrouilles de l’armée israélienne, n’empêchait les infiltrations de terroristes au départ des villes et villages arabes de Judée et de Samarie, alors que presque toutes les tentatives de passage au départ de Gaza étaient déjouées en raison de la barrière qui existait depuis de nombreuses années déjà. Souvenons-nous qu’entre Kalkyliah, qui compte 160'000 Arabes, et Nataniya, la distance aérienne est de 8km et qu’aucune frontière naturelle ou construite n’empêche les terroristes de passer d’une ville à l’autre.
La barrière s’est aussi avérée nécessaire du fait que l’OLP a carrément refusé de prendre les mesures nécessaires pour démanteler l’infrastructure terroriste, ce qu’en toute logique elle n’avait aucune intention de faire, étant elle-même une organisation terroriste.
Pour comprendre l’utilité et le fonctionnement de la barrière de sécurité, il faut savoir que celle-ci constitue en fait un élément majeur dans la lutte contre le terrorisme. Elle ne sert pas exclusivement à empêcher des terroristes de passer, mais aussi le transfert d’armes et d’explosifs qui seraient utilisés ultérieurement. L’historique de cette barrière est assez complexe et sa route a dû être modifiée à plusieurs reprises, en général en raison d’actions en justice menées par des villageois arabes. Mais le 30 juin 2004, la Haute Cour de Justice de l’État d’Israël a publié un arrêté disant que les questions de sécurité nationale prévalaient sur les questions humanitaires qui préoccupaient les habitants des villages arabes et que la barrière pouvait être construite en fonction du nouveau plan établi par le ministère de la Défense. Cela étant dit, il ne faut pas oublier que la barrière est une structure à caractère provisoire et que sa route a été définie avant tout en fonction des impératifs de sécurité. Toutefois, aucune terre arabe n’a été annexée à Israël et elle ne constitue pas une frontière. Il est aussi intéressant de souligner que les agriculteurs qui avaient planté des oliviers ou des citronniers sur des terres saisies provisoirement pour construire la barrière (et non confisquées, elles restent en possession du propriétaire), ont bénéficié d’une assistance pour replanter leurs arbres. L’armée a spécialement engagé des entreprises pour ces travaux et à ce jour, 90'000 oliviers et citronniers ont ainsi été replantés.
Tout le monde parle de cette fameuse barrière, des organisations de gauche du monde entier envoient régulièrement des délégations en Israël afin de manifester devant ce qu’elles appellent «le mur» et provoquer l’armée, mais peu de gens savent comment elle fonctionne et quel est son concept opérationnel. A la fois offensif et défensif, il est doté d’un équipement électronique très sophistiqué permettant la détection de toute personne qui entre dans une zone interdite. Toutefois, un grand nombre d’Arabes vivant en Judée-Samarie continuent à travailler et à mener leurs activités commerciales dans les autres parties d’Israël situées à l’ouest de la barrière. Il en va de même pour beaucoup d’Israéliens, mais dans l’autre sens. C’est pour cette raison que de nombreux passages destinés aux piétons ou aux véhicules ont été construits et fonctionnent bien, évidemment dans les deux sens. Ces passages sont équipés d’un matériel d’inspection très perfectionné qui permet de faciliter et d’écourter les arrêts. En fait, ils ne diffèrent pas beaucoup de ceux que l’on peut voir dans des postes de frontières internationaux en Europe.
La question que tout le monde se pose est de savoir si oui ou non cette barrière est utile et efficace. Elle est l’une des composantes essentielles dans la réduction du terrorisme arabe en Israël, les deux autres étant la présence de l’armée partout en Judée-Samarie et les contrôles effectués dans les passages. Les faits sont parlants: en 2006, il y a eu 2 bombes humaines à Tel-Aviv, en 2007, une seule attaque dans une boulangerie à Eilat, le terroriste venait de Gaza, et en 2008, pour l’instant, il n’y a eu qu’une seule agression de ce genre. Israël a bien entendu un intérêt à ce que la situation économique de la population arabe de Cisjordanie s’améliore. Grâce aux contrôles réalisés aux passages, le nombre d’ouvriers arabes en provenance des territoires et qui travaillent un peu partout au centre d’Israël est passé de 11'000 à 21'000. De plus, l’économie locale se développe et des zones industrielles vont probablement être construites par des pays comme la Turquie ou l’Allemagne. Sur le plan humanitaire, pratiquement 2'000 personnes passent quotidiennement par les points de contrôle afin de se faire soigner en Israël. Malgré tous ces «bienfaits», les motivations pour le terrorisme n’ont pas disparu et de loin pas. Il n’est pas rare que les inspecteurs trouvent des fertilisants et des acides dans des camions en partance pour l’une ou l’autre ville d’Israël, dont l’utilisation est destinée à la fabrication d’explosifs. Mais il existe aussi un autre moyen de nuire à Israël, en y introduisant des produits agricoles avariés afin d’empoisonner des Israéliens. Chaque transfert de ce type de marchandises de Cisjordanie vers l’intérieur d’Israël doit être autorisé et visé par le ministère de la Santé israélien, qui doit y apposer son sceau. Des techniques très poussées de fabrication de sceaux falsifiés ont été mises en place en Cisjordanie. Là encore, les passages de la barrière ont démontré leur utilité et leur efficacité. En effet, des experts ayant la capacité de détecter ce genre de faux sont présents aux côtés des soldats qui, eux, peuvent facilement reconnaître une fausse carte d’identité, un faux permis ou un faux laissez-passer.
Afin de nous permettre de mieux comprendre les tenants et les aboutissants du fonctionnement des points de passage, nous avons été à la rencontre de BEZALEL TRAIBER, directeur de l’administration des points de passage.

Pouvez-vous en quelques mots nous expliquer l’esprit et le fonctionnement de la barrière de sécurité et quelles sont ses conséquences directes sur les populations juive et arabe qui vivent de part et d’autre de cette structure ?

Dès le début de la construction de la barrière, qui n’est muraille que sur environ 6% de sa longueur, il était évident que celle-ci impliquerait des changements importants dans la vie des passants, aussi bien Juifs qu’Arabes. Parallèlement, au fur et à mesure que la barrière se développait, l’importance des points de passage devenait de plus en plus évidente. Avec le temps, trois problèmes majeurs se sont présentés: la sécurité, l’économie et la justice. A ce jour, du point situé le plus au nord de la barrière, à Gilboa, jusqu’à sa fin dans le sud à Har Hevron, il y a 35 points de passage ouverts qui fonctionnent 24 heures sur 24 et qui constituent un élément essentiel du trafic entre les deux côtés. Ceux-ci servent à trois types de circulation: marchandises, piétons et véhicules. En ce qui concerne les marchandises pour lesquelles nous avons construit 6 points de passage, il s’agit de transports de produits qui vont des zones sous contrôle de l’Autorité palestinienne (OLP) vers des villes israéliennes situées à l’ouest de la barrière, vers les ports israéliens ou vers Gaza et vice-versa. Concernant les piétons, il faut savoir que les habitants arabes de Cisjordanie n’ont pas le droit de passer la barrière en voiture. Quant aux véhicules, il existe actuellement 17 passages qui leur sont ouverts: ils servent aux Israéliens vivant en Judée-Samarie ou ailleurs en Israël qui veulent se rendre ou passer par la Cisjordanie, aux diplomates et à tous ceux munis d’un laissez-passer de passage de sécurité, comme il en existe sur toutes les routes ailleurs en Israël. De plus, une douzaine de passages sont ouverts aux piétons arabes, ouvriers, commerçants, etc. A Jérusalem, en raison de la disposition particulière de la barrière qui contourne certains quartiers, ce qui fait que des Arabes israéliens habitent de l’autre côté, nous avons construit 13 points de passage. Il faut savoir que ces points ont été conçus pour permettre à un nombre croissant de véhicules ou d’individus de les traverser. Nous devons être à même de faire face à toutes les situations. En moyenne, un passage reçoit aujourd’hui 750 à 800 véhicules par jour et par direction. Si demain l’économie se développe et que ce nombre passe à 2'500 ou 3'000 véhicules par jour, nous pourrons encore et toujours procéder aux contrôles sans que des queues énormes ne se forment et ce grâce aux technologies très modernes d’inspection dont nous disposons. Bien entendu, malgré tout, ces inspections prennent du temps et doivent être prises en considération par les populations concernées dans le temps prévu pour leurs déplacements.

Quelles sont-elles ?

Nous disposons aujourd’hui des techniques les plus modernes qui existent au monde dans ce domaine et ce afin de permettre un passage des marchandises aussi fluide que possible. Un camion qui se présente à un point passe sous un bras électronique installé sur un camion. Ce bras est en fait un scanner qui en quelques minutes nous permet de voir tout ce qui se trouve dans le camion et s’il y a des marchandises suspectes. Nous utilisons aussi des chiens spécialement entraînés pour découvrir des explosifs.
En ce qui concerne les piétons, nous les scannons de manière automatique. Ces scanners ne nous montrent pas les détails anatomiques des gens, mais nous donnent une image holographique. Nous voyons si quelqu’un cache un couteau, une boîte suspecte ou autre chose. Cette opération prend entre deux ou trois secondes. Récemment, un homme était très étonné lorsque nous lui avons dit qu’il cachait quelque chose dans son caleçon; il y avait dissimulé un paquet de dollars. L’image holographique nous avait montré que dans ce caleçon se trouvait quelque chose en plus de la normale. Nous sommes les premiers au monde à utiliser ces technologies, qui seront progressivement installées dans les passages douaniers et les aéroports du monde. De plus, nous sommes en permanence à la recherche de nouveautés qui permettront de faire les inspections de manière plus rapide et efficace. Il faut aussi savoir que nous n’utilisons pas de chiens pour inspecter les gens ou la nourriture.

Ne pensez-vous pas que la présence de l’armée dans les points de passage a un effet psychologique négatif sur la population arabe ?

Progressivement, toujours sous l’égide du ministère de la Défense, nous commençons à engager des sociétés civiles pour effectuer certaines tâches d’inspection. Bien entendu, les responsables des questions de sécurité restent des fonctionnaires de l’État. Notre idée est de remplacer progressivement les soldats là où c’est raisonnablement faisable et ce dans les trois types de passages. Il faut aussi savoir que comme nous sommes une agence de l’État, nos inspections ont aussi un aspect douanier, et nous demandons des factures officielles pour toutes les marchandises qui transitent. Malheureusement, certains Israéliens tentent de faire passer des articles au noir (souvent en provenance des zones palestiniennes). Nos inspections ne sont donc souvent pas très appréciées par ces gens-là.

Nous avons visité l’un des passages de marchandises et avons été frappés par le fait que les camions arabes sont certes inspectés, mais passent gratuitement. Or il ne faudrait peut-être pas oublier que si Israël a été contraint de construire cette barrière, c’est uniquement en raison du terrorisme arabe perpétré contre la population israélienne. Comment se fait-il que le passage ne soit pas payant ?

En raison de diverses considérations juridiques, ce n’est pas le cas pour l’instant. Toutefois, nous pensons effectivement faire payer les transports de marchandises dès l’année prochaine. Quant aux piétons, nous n’avons pas l’intention de les taxer. Il faut savoir que le fonctionnement d’un seul point de passage nous coûte entre 15 et 25 millions de shekels par an.

Quelle est la différence entre les points de passage en Judée-Samarie et ceux situés à Gaza ?

La différence est énorme. Tout d’abord, Gaza est un territoire totalement ennemi et en tant tel, tout ce qui entre ou sort de Gaza est intégralement vérifié, descendu des camions et ouvert paquet après paquet. Il en va de même des quelque 200 personnes qui passent quotidiennement et qui, pour la majorité, sont des cas humanitaires et des hommes d’affaires. Depuis un an, rien ne sort de Gaza, pas même un clou. Depuis que le Hamas a pris le pouvoir, nous n’avons aucune coopération avec les fonctionnaires qui se trouvent de l’autre côté. Lorsque nous laissons passer une marchandise, nous la déposons chez eux sans nous préoccuper de savoir ce qu’il en adviendra. Il en va de même des personnes que nous laissons passer. Nous travaillons dans ce que l’on appelle un «système aveugle». En Judée-Samarie, le système est libre et nous n’intervenons pas dans le transport des marchandises. Après avoir été inspectés, les camions passent librement. La seule chose, c’est que les cabines de conduites changent. Comme c’est le cas dans de nombreux pays, y compris entre le Canada et les USA, le camionneur qui arrive à la frontière quitte la cabine de conduite par exemple canadienne et prend une cabine américaine. Au retour, il retrouve sa cabine canadienne. Il en va de même pour les camions en provenance des zones palestiniennes qui se rendent à Haïfa ou à Tel-Aviv, etc.
A Gaza, tel n’est pas le cas. Toutes les marchandises sont déchargées et inspectées scrupuleusement, aussi bien de manière technologique qu’à la main ou avec des chiens. Ceci est valable pour tout ce qui entre à Gaza et encore plus pour tout ce qui en sort. Nous devons faire très attention car il y a quelques mois, un camion rempli de quatre tonnes et demi de fertilisants a explosé au passage d’Erez. Nous ne pouvons pas laisser passer des articles qui, à première vue, sont totalement innocents. C’est ainsi que des tuyaux destinés à des conduites d’irrigation sont utilisés pour faire des roquettes Kassam, que des ordinateurs pour les écoles servent à publier de la propagande anti-israélienne sur internet, etc. Depuis quelque temps, nous avons autorisé l’entrée à Gaza de boissons gazeuses et de chaussures. Mais ceci peut changer du jour au lendemain.

En conclusion, nous pouvons dire que la barrière de sécurité, qui ne limite en rien le flot d’aide humanitaire, le développement du commerce et le passage d’employés arabes vers le centre d’Israël, a prouvé son efficacité. Les infiltrations de terroristes, en particulier les bombes humaines, ont été réduites de pratiquement 90%. Au vu des derniers attentats qui se sont déroulés à Jérusalem, on peut toutefois se poser la question de savoir si cette situation n’a pas, d’une certaine manière, accru la motivation et les activités terroristes des Arabes israéliens, dont l’action des frères installés de l’autre côté de la barrière a été sérieusement entravée.