Editorial - Printemps 2007 | |
Par Roland S. Süssmann | |
Chères lectrices, chers lecteurs, Démissionnera ? Ne démissionnera pas ? Telle est la question qui est sur toutes les lèvres dès que l'on évoque Israël et sa vie politique. Mais pourquoi Éhoud Olmert est-il le Premier ministre le plus impopulaire de l'histoire d'Israël alors que la sécurité et l'économie sont solides ? La réponse réside dans la manière dont il a mené la seconde guerre du Liban, dont l'un des buts essentiels n'a pas été atteint: la libération des soldats pris en otages, Éhoud Goldwasser et Eldad Réguev. Qu'Éhoud Olmert reste ou non au pouvoir n'a dans l'immédiat qu'une importance très relative, car la situation sur le terrain est des plus complexes. La gestion catastrophique de la dernière guerre par le gouvernement Olmert a incité les Arabes à croire qu'ils avaient remporté une victoire militaire sur Israël. Par conséquent, et pour la première fois depuis 1973, ils s'imaginent qu'Israël est vulnérable et peut être détruit par la force. Il est vrai qu'un Premier ministre faible fragilise Israël, car la faiblesse invite la pression. Or aujourd'hui, Israël est confronté à une nouvelle situation politico-militaire gravissime, dont les conséquences ne pourront être mesurées qu'avec le temps: la création d'un gouvernement d'unité entre l'OLP et le Hamas ! Toute l'idée des Accords d'Oslo était de négocier avec les «éléments modérés» des Arabes palestiniens disposés à trouver une sorte de modus vivendi avec Israël. Malgré tous les mensonges d'Arafat, malgré toutes les trahisons de l'OLP, les gouvernements israéliens successifs ont continué à traiter avec cette organisation terroriste et l'euphémisme qui en a découlé, «l'Autorité Palestinienne», la fameuse AP, qui aujourd'hui s'allie officiellement avec le Hamas. Le fait que ce dernier ait été élu ne constituait en rien une obligation pour M. Abbas d'en faire un allié. Une association du Fatah avec le Hamas est un énorme pas en arrière: il s'agit de l'annonce officielle que tout ce que l'OLP a déclaré et négocié est simplement nul et non avenu, à savoir: la reconnaissance d'Israël, la renonciation à la violence et au terrorisme, l'acceptation des accords signés entre l'AP et Israël, le devoir de remplir les obligations contractées (y compris la Feuille de route), etc. Bref, l'OLP d'hier, celle d'avant les illusions meurtrières d'Oslo, a laissé tomber son masque de la modération et mis à la poubelle 14 années de concessions israéliennes unilatérales. Pour bien comprendre les fondements de cette nouvelle donne politique, il faut rappeler brièvement ce qui se passe sur le terrain. L'Iran supporte les mouvements islamistes et 40% des différentes factions combattantes du Fatah sont directement financées par le Hezbollah. Plus dangereux encore: le Premier ministre du Hamas ne s'adresse pas à la population arabe palestinienne d'un parlement, mais le vendredi, de la mosquée. Sur le plan militaire, le Hamas construit un nouveau Sud-Liban à Gaza, où il entretient des fabriques de roquettes et d'armes. Aujourd'hui, Gaza est l'endroit de la région où les gens disposent du plus d'armes, hormis la Somalie. Une estimation publiée récemment fait état de 100'000 mitraillettes et armes automatiques en tous genres et de trente tonnes de TNT qui circulent librement. Le Hamas est en train de mettre au point des systèmes pour combattre les tanks, les avions et les missiles qui, en cas d'attaque, devraient lui permettre de neutraliser les forces israéliennes. Parallèlement, le Hamas fortifie les villes de Gaza en installant tout un réseau souterrain tel qu'il existait au Sud-Liban. La question qui se pose donc pour Israël est de savoir s'il faut attaquer Gaza dès à présent ou s'il vaut mieux attendre. Souvenons-nous qu'au Liban, Israël avait décidé d'attendre, avec les résultats que l'on connaît. Quant à l'Égypte, au lendemain de l'expulsion des Juifs de Gaza, elle avait dépêché sur place 100 experts militaires pour garantir un semblant de stabilité et éviter l'armement excessif des organisations terroristes. Cette présence est aujourd'hui réduite à deux généraux qui, pour assurer leur sécurité personnelle, passent le plus clair de leur temps à? Tel-Aviv ! Dans ces conditions, l'idée de créer un État palestinien au c?ur même d'Israël est de plus en plus absurde. Aujourd'hui, il existe d'ailleurs deux situations dans les zones palestiniennes bien distinctes: Gaza, où le Hamas contrôle les armes et les fonds, et la Judée-Samarie, où l'OLP a toujours son mot à dire. Éhoud Olmert a été élu sur un programme de retrait unilatéral. La seconde guerre du Liban - résultat direct du désengagement de Gaza -, comme la seconde Intifada - conséquence du retrait unilatéral du Liban sous Barak en 2000 -, a mis fin au mythe des bienfaits de la politique unilatéraliste. L'Occident a compris que le Hezbollah et le Hamas ne sont pas simplement «d'autres organisations terroristes», mais bien une armée «par procuration» qui mène la guerre de l'Iran contre l'Occident, une armée qui reçoit ses ordres, ses fonds et ses armes de Téhéran en collaboration directe avec Damas, les insurgés chiites d'Irak, etc. Curieusement, c'est cette réalité qui fait qu'Israël partage certains intérêts objectifs avec l'Arabie saoudite qui, malgré une réception chaleureuse réservée par le roi Abdullah à Riad à Mahmoud Ahmadinejad, craint par-dessus tout une attaque iranienne, ce qui est loin d'être exclu, ne serait-ce qu'en raison de la décrépitude de l'infrastructure pétrolière iranienne. L'Arabie saoudite en profite pour relancer son plan dit de paix, moribond depuis 2002 et fermement rejeté alors par A. Sharon. Ce plan comporte deux étapes. La première: le retrait total d'Israël de frontières défendables comme les hauteurs du Golan, la Judée, la Samarie et Jérusalem, et l'acceptation par Israël de l'installation de millions d'Arabes hostiles se disant être des «réfugiés palestiniens», nés dans les camps de réfugiés maintenus délibérément depuis 1948 en Jordanie, en Syrie et au Liban. La seconde: après qu'Israël ait accompli ces actes suicidaires, un accord dit de paix impliquant des relations normales (mais pas diplomatiques) avec un État juif indéfendable serait signé. Le plan saoudien ne mentionne pas l'abandon du terrorisme et de la violence contre des civils israéliens. Dans ces conditions, quelles cartes Israël peut-il jouer ? Il dispose de nombreux atouts et, sur le plan régional, un développement intéressant est en train de s'opérer: le renforcement de l'association stratégique formée pour combattre l'Iran, soit l'axe militaire Bakou-Istanbul-Jérusalem-Washington. L'État juif étant mondialement reconnu comme une puissance militaire et économique, il est appelé à jouer un rôle capital dans cette coalition, qui renforcera également sa position tant sur le plan militaire que politique, économique et énergétique. Israël n'a peut-être pas le gouvernement qu'il mérite, mais bien la population qu'il mérite. Des hommes, des femmes et des enfants remarquables et exemplaires. Pendant des années, des slogans disaient que les Israéliens étaient fatigués de se battre, fatigués de mourir pour le sionisme et pour leur pays. Or la population a prouvé au monde entier qu'elle est plus que jamais déterminée à lutter et à souffrir pour défendre les valeurs justes d'un authentique État juif et démocratique. Inspirés de cet exemple, nous, Juifs de la Diaspora, sommes appelés à faire face à nos responsabilités, à savoir: renforcer le judaïsme par le biais de l'éducation juive et lutter contre l'assimilation et les mariages mixtes afin que les générations à venir ne puissent rien nous reprocher. C'est dans cet esprit que toute l'équipe de Shalom vous souhaite d'excellentes fêtes de Pessah. Roland S. Süssmann Rédacteur en chef |