Musique - Prière - Liberté
Par Roland S. Süssmann
Les lumières sont éteintes. Les derniers instruments sont accordés. Le silence total s'est installé. Une porte latérale du magnifique Opernhaus de Zürich s'ouvre et ION MARIN fait son entrée - remarquable et remarquée. La salle s'empreigne de sa forte personnalité - il lève sa baguette et la musique éclate de toute sa superbe, envoûtant un public subjugué. Mais qui est Ion Marin ?
«La musique et moi - on s'est rencontrés - le jour où je suis né», chante Enrico Macias. Cette affirmation pourrait tout aussi bien s'appliquer à ce chef d'orchestre qui, malgré son jeune âge (il dépasse à peine la quarantaine), a déjà derrière lui une carrière aussi riche que prometteuse. Un coup d'½il rapide sur son parcours professionnel suffit pour être impressionné par la liste des orchestres prestigieux qu'il a dirigés: le London Philharmonic Orchestra, le Leipzig Gewandhaus Orchestra, le Montreal Symphony, l'Orchestre National de France, l'Israel Philharmonic Orchestra, la Staatskapelle de Dresden, etc. La liste ne s'arrête pas là et aujourd'hui, Ion Marin dispose d'une solide réputation de chef d'orchestre tant en ce qui concerne le répertoire symphonique que celui de l'opéra. Il s'est produit sur les scènes les plus renommées du monde, au Metropolitan Opera de New York, à la Deutsche Oper de Berlin, à l'Opéra Bastille de Paris et dans diverses maisons prestigieuses en Italie. Les plus belles voix de notre temps ont chanté sous sa baguette, Jesse Norman et Placido Domingo pour ne mentionner que les plus fameuses d'entre elles. Outre ses apparitions en public, Ion Marin a une activité discographique remarquable. Entre 1990-1994, il a dirigé une série d'enregistrements avec le London Symphony Orchestra, récompensée par des distinctions internationales de tout premier ordre.
Mais outre sa carrière professionnelle qui peut être facilement retracée sur Internet, c'est l'homme, le Juif et l'artiste que nous avons souhaité vous faire découvrir aujourd'hui.
Ion Marin m'a été présenté en automne dernier à l'Opernhaus de Zürich, à l'issue d'une représentation extraordinaire de la Cenerentola de Gioacchino de Rossini, qu'il avait dirigée avec son brio habituel. Cet opéra, décrit par Rossini lui-même comme étant «brillant, drôle, émouvant et la plus mûre et la plus profondément humaine de ses partitions», résume et définit parfaitement le style de direction de Ion Marin. Le lendemain, nous nous sommes retrouvés dans les salons d'un grand hôtel zurichois où, pendant plus d'une heure et demie, nous avons parlé de sa conception de sa carrière et de l'esprit dans lequel il l'accomplit.

A ce jour, votre parcours professionnel est des plus impressionnants. Êtes-vous issu d'une famille de musiciens ?

Je suis né à Bucarest d'une mère ashkénaze et d'un père séfarade, en fait un couple qui reflétait la constellation de la communauté juive roumaine d'avant la guerre, où les deux communautés vivaient côte à côte. Après la Shoa et avec l'avènement du communisme, les deux communautés ont été forcées à la réunification, ce qui a mené à une source d'appauvrissement de la communauté séfarade. Avec le temps, et tel est encore le cas aujourd'hui, il n'y a plus eu qu'un seul type d'office, et la culture séfarade a disparu. La seule chose dont la communauté séfarade dispose et qui lui est spécifique est son cimetière. En raison de mes origines, je m'estime heureux et enrichi d'avoir pu bénéficier des deux traditions; je comprends très bien le Ladino et parle couramment le Yiddish (en plus de cinq autres langues, dont l'hébreu). Concernant la musique, mon père est directeur de ch½ur, il dirige le ch½ur madrigal de Bucarest, et la cousine germaine de ma grand-mère était la fameuse pianiste Clara Haskil. J'ai d'ailleurs commencé le piano en jouant sur des partitions lui ayant appartenu dans son enfance.

Quelle a été votre formation ?

J'ai fait mes études musicales à l'Académie musicale George Enescu de Bucarest, puis au Mozarteum de Salzburg et à l'Accademia Chiggiana de Sienne. Je joue du piano et du violon. J'ai commencé à diriger en tant que chef d'orchestre en Roumanie, tout d'abord en Transylvanie, puis à la radio de Bucarest. J'ai ensuite décidé de passer à l'Ouest. En 1986, lors de l'attribution du Prix Gottfried von Herder à Vienne, alors que je ne disposais que d'un visa de sortie d'une semaine, je ne suis pas retourné en Roumanie. La pression était devenue trop forte, elle s'exerçait à tous les niveaux et constituait une combinaison de divers types de contraintes aussi bien culturelles qu'humaines. La décision n'était pas évidente, ma femme étant restée à Bucarest. Toute ma famille a alors été soumise à un certain nombre de pressions et de représailles. Mais j'ai eu beaucoup de chance puisqu'après moins de six mois, j'ai commencé à travailler à l'Opéra de Vienne en tant qu'assistant de Claudio Abbado. Je suis devenu citoyen autrichien au bout d'un peu plus d'un an et j'ai pu faire sortir ma femme de Bucarest.

Vous nous avez parlé des pressions que vous subissiez dans la Roumanie de Ceausescu. Ressentiez-vous aussi des limitations de liberté dans votre expression musicale ou dans votre manière d'exercer votre métier ?

Absolument car, par exemple, toute la musique sacrée était totalement interdite, que ce soit le Te Deum de Bruckner ou le Kol Nidreï de Schönberg. Vous pouvez facilement imaginer ce que c'est pour un musicien d'être privé de l'accès à la musique sacrée. N'oublions pas que la musique est la forme la plus subtile de la prière, elle est entièrement ouverte et accessible à toutes les races et à tous le peuples. Si l'on supprime ce côté mystique de la musique, il ne reste plus que la technicité. C'est comme si un poète était privé du droit d'utiliser des métaphores. Ayant eu très jeune une position de directeur d'orchestre, j'ai ainsi eu la possibilité de connaître et de pratiquer de très nombreux répertoires, mais je ne me voyais vraiment pas vieillir dans un système oppressant. Curieusement, le fait d'être juif me procurait quelques petits privilèges, en particulier celui de pouvoir un peu voyager à l'Ouest. En effet, les autorités avaient réalisé que si je ne pouvais pas travailler ailleurs qu'en Roumanie, je ferais une demande d'Alya (émigration vers Israël), ce qu'elles souhaitaient éviter à tout prix.

Malgré tout, avez-vous pensé à un moment donné vous installer en Israël ?

Oui, surtout qu'une grande partie de ma famille y habite. Cela dit, je n'ai pas fait ma demande.

Pourquoi ?

De par mes traditions familiales et culturelles, mes études de philosophie et de l'histoire des religions, j'ai toujours eu le sentiment d'avoir une «mission» à accomplir au sein de la culture européenne, en particulier par rapport à la contribution juive à cette culture. En ce début du troisième millénaire, je pense qu'il est extrêmement important que nous revendiquions le crédit pour notre contribution à la médecine, à la culture, aux mathématiques, etc., bref pour tout ce que nous avons apporté au monde en général et à l'Europe en particulier pendant toute la période où nous avons vécu en dehors d'Eretz Israël, en exil et souvent dans les conditions les plus atroces. Si nous ne prenons pas ce crédit, si nous ne rappelons pas au monde quel a été notre apport, quelqu'un d'autre se l'appropriera et je pense que nous, et en particulier notre génération, n'avons pas le droit de laisser une telle chose se produire. Malgré tout l'amour que j'ai pour Israël, je ressens des liens très forts avec la culture européenne. Chacun d'entre nous doit se poser la question de savoir ce qu'il peut apporter et j'estime que ma contribution s'exprime par ce biais. De plus, curieusement, en Israël une barrière artificielle a été établie entre les artistes juifs et israéliens, ce qui crée une complication supplémentaire et inutile. Cela est d'autant plus négatif que nous ne sommes ni exclusivement une nation, ni exclusivement une religion, mais les deux.

Concrètement, que faites-vous pour promouvoir votre «mission» ?

Depuis quelques années, je fais partie du Bnaï Brith, et j'ai tenu à fixer ma loge d'origine à Bucarest dans le cadre de la loge Moïse Rosen nommée d'après l'ancien Grand Rabbin de Roumanie. Cette loge constitue un point de départ pour promouvoir l'apport juif à la culture européenne. Je ressens également un certain devoir de faire un peu revivre la culture juive en Roumanie. Lors du recensement de 1938, la communauté juive de Roumanie comptait près d'un million de membres. Aujourd'hui, il en reste 5600, dont la majorité fait partie du troisième ou du quatrième âge. Ce million de Juifs qui vivait en Roumanie a façonné l'histoire et la culture roumaines de manière riche et resplendissante. Ma démarche dans le cadre de cette loge s'inscrit donc dans mon action d'éviter que notre contribution à l'histoire du pays ne soit pas reconnue et oubliée.
De plus, je travaille actuellement sur un nouveau projet d'enregistrement d'une série de disques de musiques sacrées, y compris les musiques chrétiennes écrites par des compositeurs juifs comme Saint Sens, Mahler, Mendelssohn, etc. Nous vivons dans un monde judéo-chrétien qui doit être perçu comme un tout sur le plan philosophique et moral et nous ne pouvons pas permettre que l'antisémitisme vienne détruire cette réalité. Je pense enregistrer cette série avec l'orchestre de chambre que j'ai fondé à Berlin avec des musiciens de l'Orchestre philharmonique. Comme il s'agit d'un projet éducatif, je compte inclure un narrateur pour expliquer l'esprit, les circonstances historiques et les intentions du compositeur relatifs à chacune des ½uvres enregistrées.


Vous nous avez parlé de l'importance de la musique sacrée. Lorsque vous dirigez une ½uvre de ce type, notamment à thème juif, ressentez-vous quelque chose de plus particulier, de différent ou de supplémentaire que pour une composition à caractère laïc ?

Je ne suis pas un Juif pratiquant au sens propre du terme, mais je suis très croyant. Je fais de mon mieux pour assumer ce double état: un être créé par l'Éternel et un individu qui existe par lui-même. C'est dans cet esprit que j'accomplis mon travail. Il ne fait aucun doute que lorsque je dirige une ½uvre de musique sacrée, je développe une sensibilité particulière. L'un des piliers de ce que j'appellerai mon «temple intérieur» est Gustav Mahler et lorsque j'interprète l'une de ses ½uvres, tout comme une grande partie de celles des compositeurs juifs de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, je ressens un sentiment profond d'indentification. En effet, dans la plupart de leurs ½uvres, je retrouve des chants hassidiques qui sont à la base de certains thèmes. Pour moi, Mahler est un phénomène vivant et non une simple partition. Toute l'approche des symphonies de Mahler a une composante sacrée.

Vous avez dirigé une série de concerts avec l'Israel Philharmonic Orchestra, qu'avez-vous retiré de cette expérience ?

Effectivement, il y a environ neuf ans, j'ai fait une série de dix concerts avec cet orchestre en Israël même, où nous avons surtout joué le Concerto de Rachmaninov et la Cinquième symphonie de Schostakowitsch. Ce qui m'a fait particulièrement plaisir par la suite a été de jouer avec le «Yung Israel Philharmonic» dans le cadre du Festival de Verbier. C'était une rencontre formidable. Bien que j'aille régulièrement en Israël rendre visite à ma famille, la programmation n'a pas permis pour l'instant que cette expérience soit renouvelée.

Comment percevez-vous vos relations avec le public ?

Après avoir passé cinq ans à l'Opéra de Vienne, j'ai pris deux décisions: la première a été de ne pas me lier avec une seule organisation d'opéra ou symphonique, parce que je ressentais ce besoin de connaître le monde et le public en contact direct. Il faut bien comprendre qu'après vingt-cinq ans sous le régime de Ceausescu, j'avais vraiment une grande soif de découvrir le monde et de tenter de le comprendre. De plus, je ne pense pas non plus qu'à l'époque où nous vivons il soit utile et bénéfique d'investir trop de temps, d'efforts et d'énergie en un seul et même endroit. J'ai quitté Vienne volontairement car, curieusement, j'y ai ressenti un début de limitation de mon indépendance dans mon travail. J'ai constaté qu'en fait, après la chute du mur de Berlin, lentement, progressivement mais de manière constante, l'Empire des Habsbourg était sur le point d'être reconstitué en Europe et ce avec tous ses aspects négatifs. La seconde décision a été de m'établir avec mon épouse en Suisse et nous nous sommes installés à Lugano il y a onze ans. Là, j'ai trouvé cette indépendance totale concernant mon métier et je bénéficie de cette forme de liberté dont très peu d'artistes jouissent aujourd'hui car ils sont souvent liés à une institution, une ville, voire à un système politique. Je suis donc devenu un «indépendant de haute gamme» et j'ai dirigé les meilleurs orchestres du monde. En ma qualité de «jeune» chef d'orchestre, il n'est évidemment pas concevable que je prenne la direction permanente de l'un ou l'autre de ces orchestres prestigieux. Afin d'illustrer ma réponse à votre question, je vous citerai une expérience que j'ai vécue en automne 2004 à Moscou. C'était la première fois que je retournais derrière ce qui avait été le rideau de fer. J'ai dirigé Le Songe d'une nuit d'été dans le cadre du festival Alfred Schnittke dans le grand hall d'orchestre de Moscou, où Tchaïkovski avait travaillé. J'ai été émerveillé par l'ouverture d'esprit et la participation du public moscovite. Le public fait partie du phénomène musical. Je considère que la musique est une forme de langage sacré, et le fait de pouvoir réunir le public et l'orchestre dans la prière de l'interprète constitue quelque chose de majestueux. D'une certaine manière, c'est comme si, lors d'un office à la synagogue, le mynian (quorum de dix hommes requis pour la célébration d'un office religieux juif en commun) participe à la prière à l'unisson avec le ministre officiant. Il existe bien entendu différents types de publics: le snob, le froid et celui exclusivement orienté vers les mondanités mais aujourd'hui, je rencontre un public de plus en plus jeune, qui se laisse emporter par la magie de la musique classique ou contemporaine. L'idée que l'opéra et les grands concerts de musique symphonique sont réservés exclusivement à un public d'élite est progressivement considérée comme un mythe véhiculé par une politique gauchisante et dépassée. La culture ne s'ingurgite pas comme le gavage des oies pour la fabrication du foie gras. C'est une question d'éducation et d'effort personnel. Dans cet esprit, je vous dirai que le texte, souvent incompréhensible, n'a pas beaucoup d'importance, et d'ailleurs, je suis opposé à l'idée du sous-titrage comme il existe dans certains opéras en Suisse, parce que celui-ci coupe une grande partie de l'accès de la transcendance que peut apporter la musique. N'oublions pas que la véritable écoute musicale constitue une certaine forme de renoncement à soi-même, et si une partie du cerveau est mobilisée pour lire des sous-titres, l'écoute est simplement désacralisée. Imaginez que dans le cadre d'une prière une personne se contente de lire le texte sans impliquer son c½ur et son esprit, il ne lui sera pas possible d'accéder à la dimension sacrée et de ressentir l'ouverture vers la divinité.

Vous déployez une grande partie de votre activité en Allemagne, en particulier avec la fameuse Staatskapelle de Dresden, le Bayrische Rundfunk de Münich et à Berlin. Êtes-vous totalement à l'aise lorsque vous travaillez dans ce pays ?

A ce sujet, j'ai des sentiments très ambigus. Souvent, lorsque je suis dans les rues allemandes, surtout en Allemagne de l'Est (en raison de son passé communiste et de ma vie sous le joug de ce type de régime), je ne peux m'empêcher d'être gagné par le souvenir et un certain nombre de pensées sur le passé récent de l'Allemagne me viennent à l'esprit. Mais là aussi, et peut-être plus qu'ailleurs, je me rappelle ce que nous, Juifs, avons apporté à travers les siècles à l'essor de l'Allemagne et le rôle primordial que nous avons joué dans ce pays sur tous les plans, celui de la culture en particulier. Cesser toute relation avec l'Allemagne risque de nous déposséder de ce crédit que nous y avons accumulé à travers les siècles et nous ne pouvons certainement pas permettre qu'en plus de tout ce qu'il a commis, le nazisme nous prive de cet acquis. D'ailleurs, il existe aujourd'hui une tendance, certes encore faible et timide, qui s'active afin que notre apport historique soit progressivement oublié. Dans cet esprit, lorsque j'évoque la Shoa, je ne parle jamais des Nazis mais des Allemands, parce qu'il faut qu'ils assument leur histoire et celle que nous avons vécue dans ce pays. A cela s'ajoute le fait que je suis intimement convaincu que la musique est un élément qui favorise la meilleure entente entre les peuples. Dans mes relations avec l'Allemagne, bien que la mémoire soit très présente dans mon esprit, je me refuse à couper les ponts avec ce pays car je crois qu'en définitive, cela aurait également des conséquences négatives pour nous. L'oubli de notre contribution s'installerait très vite et nous n'aurions pratiquement aucun moyen de rétablir la situation.

Dans le cadre de votre travail, avez-vous rencontré l'antisémitisme au point d'être empêché d'accéder à une performance ou à un poste parce que vous êtes juif ?

Oui et ceci ne s'est pas produit en Allemagne ! Toutefois, je dois malheureusement dire aussi que j'ai été discriminé par des coreligionnaires parce que j'étais un Juif en provenance d'un pays de l'Est et que je n'étais ni Américain, ni Russe, ni Israélien.

Quels sont vos projets d'avenir ?

Dans l'immédiat, je pense prolonger mes «errances», c'est-à-dire que je souhaite continuer à diriger le plus d'orchestres possibles dans une multitude d'endroits à travers le monde. En plus de mon plan relatif à la musique sacrée dont je vous ai parlé, j'ai quelques projets discographiques en cours.

Pensez-vous former de jeunes chefs d'orchestres ?

Non. Voyez-vous, la technicité de la direction musicale en tant que telle peut s'apprendre dans n'importe quel conservatoire. Mais le chef d'orchestre est un générateur de musique et non pas un monsieur vêtu d'un frac noir muni d'un petit bâton qu'il agite devant l'orchestre. Il est le seul à disposer de la partition entière alors que chaque instrument n'a devant lui que les notes de sa voix. Toute la direction se déroule dans le cadre d'un tempo et de la respiration. En fait, le chef d'orchestre a toujours un temps d'avance sur la note qui va être jouée par le reste de l'orchestre. Cette avance est de moins d'une seconde, dans un certain sens, il s'agit d'une proposition acceptée par l'orchestre, les chanteurs ou les ch½urs. La note jouée que le public entend a été dirigée une seconde plus tôt. Or ceci ne s'enseigne pas, il ne s'agit pas d'une technique que l'on peut apprendre. En fait, le chef d'orchestre est le cerveau et le c½ur du concert ou de l'opéra. De manière imagée, on pourrait dire qu'il demande à une centaine de personnes de mettre leurs battements de c½ur à l'unisson avec le sien. Cette démarche semble être aussi impossible que fabuleuse.
C'est ce que je ressens à chaque fois que je dirige, je perçois les vibrations de l'orchestre et du public avant d'entrer dans la salle. L'art alchimique du chef d'orchestre réside notamment dans sa capacité de s'adapter à la situation par rapport à l'orchestre et au public, tout en respectant la partition. Il s'agit de savoir improviser, adapter le tempo, la dynamique et l'intensité en fonction de la réalité du moment. C'est là le secret de ce que l'on appelle généralement le grand art de la direction musicale.