La Brigata Ebraica | |
Par Roland S. Süssmann | |
La municipalité de Rome et le «Centro
di Cultura Ebraica della Comunità
Ebraica di Roma» ont organisé une
exposition remarquable sur l’engagement
de soldats juifs dans la fameuse
«Jewish Brigade» de l’armée britannique
pour la libération de l’Italie pendant
la Deuxième Guerre mondiale.
Cette présentation a un caractère unique,
car elle raconte l’histoire de cette
courageuse brigade par le biais d’une
collection d’affiches qui garnissaient
les murs d’Eretz Israël afin d’inciter
de jeunes Juifs à s’y engager. Ces
posters appartiennent à un publicitaire
juif américain, M. Micha Riss,
qui est également propriétaire de la
plus grande collection privée d’illustrations
hébraïques en dehors des
archives nationales. En plus de la collection d’affiches, des panneaux didactiques racontent l’histoire de cette brigade. Il est intéressant de constater que les divers types et styles des dessins de ces posters, notamment russes, autrichiens et britanniques, reflètent déjà le mélange disparate de la population et des différentes provenances de ceux qui allaient former le nouvel État juif. Les origines et les influences artistiques de chaque dessinateur ressortent clairement. Mais ces artistes avaient un point commun: tous étaient conscients que pour la première fois en plus de deux mille ans, ils créaient une œuvre en hébreu qui symbolisait le nouveau soldat juif. La «Jewish Brigade» est la seule unité qui a servi pendant la Deuxième Guerre mondiale dans les forces alliées en tant que formation militaire indépendante nationale juive. Ce groupe, avant tout constitué d’hommes venus d’Eretz Israël, avait son propre drapeau et un emblème indépendant était cousu sur ses uniformes. Généralement, l’implication de soldats juifs dans la Première et la Deuxième Guerre mondiale constitue un élément souvent occulté. En effet, se souvient- on que pendant la guerre 1914-1918, il y avait 1’172’000 soldats juifs à travers toute l’Europe? Lors de la guerre d’Espagne, sur 35’000 volontaires qui constituaient la Brigade internationale, il y avait 7000 Juifs venus des États-Unis, d’Angleterre, d’Allemagne et de Pologne, et 400 de la Palestine sous mandat britannique? Et qui se rappelle que 1’397’000 soldats juifs répartis dans les différentes armées des Alliés étaient unis dans le combat contre le fascisme et le nazisme, dont 30’000 Juifs de Palestine qui s’étaient enrôlés dans l’armée britannique? Il est intéressant de noter qu’au moment où une grande partie des Juifs de Palestine étaient engagés dans la lutte pour la libération de l’Italie, le Mufti de Jérusalem organisait une brigade arabe de SS islamiques dans les Balkans! Chronologiquement, il est important de souligner que dès le mois de septembre 1939, l’Agence Juive avait proposé au Premier ministre Neville Chamberlain la coopération totale de la collectivité juive qui vivait en Palestine sous mandat britannique et avait pris l’initiative de négocier la formation d’une force combattante juive. Malgré le refus très net des Britanniques, le leadership juif avait lancé une campagne de recrutement à laquelle 30’000 volontaires Juifs (sur une population de 550’000) avaient répondu positivement. Neville Chamberlain s’était opposé à la création d’une Brigade juive, craignant qu’elle ne renforce le combat pour l’indépendance juive en Palestine. Depuis la publication du Livre Blanc en 1939, la Grande-Bretagne avait mis tout en œuvre afin d’éviter que des symboles favorisant «l’indépendance juive» ne soient encouragés. Toutefois, dès 1940, des Juifs de Palestine ont été intégrés dans le «East Kent Regiment» qui était composé de trois régiments d’infanterie connus sous le nom de «Palestine Regiment». Les unités juives se sont battues en Grèce avec les Alliés. Cent Juifs sont morts dans ces combats et 1700 ont été faits prisonniers par les Allemands. Il a fallu six ans de négociations pour que Winston Churchill, qui était plus réceptif à l’idée d’une brigade juive que Chamberlain, accepte sa formation en 1944! Placée sous le commandement d’un Juif canadien, le général de brigade Ernest Frank Benjamin, la Brigade a alors été dotée de son propre drapeau frappé de l’étoile de David et de deux bandeaux azurs sur fond blanc. La création de cette brigade dépassait de loin le simple engagement militaire. Tout d’abord, elle officialisait la participation et la représentation de la lutte des Juifs contre l’Allemagne nazie. Puis la «Jewish Brigade» a servi de symbole du renouveau de la vie juive en Eretz Israël. Les soldats de la Brigade ont rencontré des survivants des camps et des personnes déplacées à qui ils ont permis de renouer avec la culture juive et le sionisme. Sur le plan italien, la Brigade a été engagée sur le front adriatique. Mais un certain nombre de ses soldats ont participé à la libération de Rome. Installés dans la capitale, ils se sont employés à insuffler une nouvelle vie à la communauté juive de la ville, dont 2000 membres avaient été déportés. Parmi ces soldats se trouvait un certain Giuliano Baroccio, bien connu des Juifs suisses sous le nom de Joël Barromi, car il a servi comme ambassadeur d’Israël à l’ONU à Genève. A la fin des hostilités, les combattants de la Brigade ont été stationnés le long de la frontière italienne avec l’Autriche et la Yougoslavie et, plus tard, en Belgique et en Hollande. Dès la fin de la guerre, un nombre important de soldats de la Brigade s’est engagé très activement dans le transport de réfugiés clandestins vers la Palestine sous mandat, les Britanniques ayant fermé les portes aux Juifs. Certains soldats ont acquis des armes pour la Haganah. L’Angleterre a officiellement dissout la «Jewish Brigade» au cours de l’été 1946. Sur les 30’000 Juifs qui ont servi dans les forces britanniques pendant la Deuxième Guerre mondiale, 700 ont été tués en service actif. A une époque où la direction politique de l’Italie est proche d’Israël et ce en dépit de nombreuses oppositions, en particulier celle du Vatican, il était très important de rappeler et de montrer l’importance de la participation juive à la libération de l’Italie et notamment que des volontaires venus d’Eretz Israël ont donné leurs vies pour que l’Italie retrouve sa liberté. |