Kata | |
Par Roland S. Süssmann | |
Qu'y a-t-il de plus banal qu'une fabrique de gilets pare-balles et d'étuis pour armement ? Alors pourquoi consacrer un article à une société spécialisée dans ce genre de produits de consommation courante ? Il y a deux ans encore, une telle entreprise n'aurait certainement pas retenu notre attention. Or depuis qu'Arafat a relancé le cycle de la violence contre les Juifs en Israël, la société KATA (anagramme des noms de ses fondateurs, Kimchi et Tischler), fondée en 1983 à Jérusalem, a connu un essor remarquable et compte aujourd'hui une soixantaine d'employés. Sa spécialité: les gilets de protection pare-balles et le matériel de camouflage d'armes et de protection. Sa vaste gamme est utilisée en Israël et à travers le monde entier par des professionnels de la protection: armées, polices, équipes de secours médicales et services spéciaux chargés d'opérations clandestines, en particulier américains, français, allemands et suisses. Les différents articles de Kata sont développés et adaptés à la demande de chaque client, parmi lesquels les "forces spéciales israéliennes", à savoir les unités d'élite de l'armée, les groupes d'intervention anti-terroristes, les services de protection des personnalités. L'un des avantages des produits de Kata est qu'ils sont régulièrement testés dans des combats réels et dans le cadre d'opérations effectivement menées sur le terrain. Ainsi, des modifications pour améliorer la qualité et surtout l'efficacité du produit peuvent être apportées sur-le-champs, pratiquement dans le feu de l'action. L'une des spécificités du travail dans la clandestinité est de transporter confortablement des armes bien cachées pendant une longue période et surtout de les utiliser de manière absolument sûre et à toute vitesse. Dans un premier temps, Kata a donc mis au point deux lignes de productions: des systèmes de camouflages d'armes pouvant être portés sous les vêtements et des poches et des sacs pour dissimuler les armes. Dans le cadre de l'armée, les deux fondateurs s'occupaient du dessin et de la fabrication d'équipements de protection pour les commandos et les forces spéciales. En la quittant, ils ont décidé de commercialiser leur savoir-faire et ont créé Kata. Pendant très longtemps, leur clientèle était avant tout l'armée, mais avec l'augmentation de la violence, la vente des gilets pare-balles pour les habitants de Judée, Samarie et Gaza a considérablement augmenté. Le défi permanent auquel les ingénieurs de Kata doivent faire face est de créer des vêtements de protection à la fois légers, solides et pratiques afin que celui qui les porte puisse se mouvoir rapidement et avec souplesse lorsqu'il est doté d'un matériel souvent lourd, sophistiqué et cher. Les utilisateurs sont généralement des membres des commandos qui agissent derrière les lignes ennemies. Il est donc primordial que leur matériel de rangement soit bien fixé, qu'il ne constitue pas un obstacle et qu'il leur permette d'agir avec agilité et dextérité de manière à ne pas perdre d'armes, d'équipement militaire de haute technologie et de ne pas risquer de rester accrochés suite à une mauvaise forme ou fabrication d'un produit de rangement ou de transport. La recherche d'une adaptation parfaite entre les fonctions, les matériaux et l'utilisateur constitue l'une des priorités des équipes de recherche de Kata. A cela s'ajoute l'étude facilitant la fonctionnalité du matériel. Lorsqu'un soldat, par exemple, doit porter un appareil technique très encombrant, tout doit être mis en ?uvre afin que l'accès aux différents éléments soit direct et efficace. De plus, lorsque ce soldat doit revêtir, en plus du matériel souvent lourd et encombrant, une veste de protection balistique, il faut que l'ensemble soit parfaitement intégré à son corps. On estime généralement qu'un individu peut transporter jusqu'à 50 kilos. La mission de Kata est d'offrir à l'utilisateur de ses produits la possibilité de fonctionner et de réussir sa mission dans les meilleures conditions possibles, tout en étant à l'aise dans ses mouvements. Bien entendu, tous ces éléments existent déjà en cuir et il aurait été facile à Kata de simplement copier les pièces existantes dans un matériau plus léger et plus adéquat. Mais les ingénieurs de cette dynamique entreprise ont décidé de "faire mieux" et d'offrir aux utilisateurs des produits inédits. Les matériaux ainsi mis au point sont constitués de trois couches: la première absorbe la transpiration, la seconde évite que celle-ci, ainsi absorbée, ne passe dans le compartiment où se trouve l'arme, alors que la troisième sert d'isolation supplémentaire garantissant que l'arme ne soit pas mouillée ou glissante, et donne à l'étui sa stabilité et sa durabilité. Si ces étuis de transport constituent une partie importante de l'activité de Kata, celle-ci comporte encore deux autres volets non négligeables: les gilets de protection et les emballages de transport et de protection pour le matériel vidéo de télévision. En ce qui concerne les gilets, ceux-ci sont divisés en trois catégories: les vestes de combat simples, les vestes de combat dotées d'une protection balistique et les gilets pare-balles à proprement parler. Ceux-ci sont à nouveau sous-divisés en plusieurs catégories de protection, les plus efficaces étant à même d'arrêter des balles à haute vélocité, de M. 16 ou de Kalachnikov. Contrairement à une idée fausse, les gilets pare-balles ne constituent pas la panacée contre toutes les formes d'attaques à l'arme à feu. Selon l'importance de l'impact, les protections permettent effectivement d'arrêter les balles et donc de sauver des vies, mais elles n'empêchent pas que la victime soit blessée par l'impact qui peut provoquer des fractures, des blessures, des hémorragies internes ou simplement des hématomes. Tout cet équilibre, type de balle - distance de tir - impact, fait partie d'une tabelle de standardisation internationale qui quantifie les différents niveaux de protection. Kata, qui fait de la recherche ergonomique et procède au choix des matériaux et aux tests balistiques, utilise les différentes substances artificielles mises sur le marché par les grandes compagnies internationales spécialisées dans le développement de ces produits. Il est intéressant de constater que par exemple, des plaques en céramique intégrées dans les gilets pare-balles peuvent, en raison de leur poids, provoquer des blessures internes plus importantes que d'autres matériaux de protection plus légers comme le polyéthylène. Toutefois, la céramique permet d'arrêter les balles de M. 16 et de Kalachnikov, ce qui n'est pas le cas des autres matières de protection. Le port des vestes de combat combinées avec une protection pare-balles s'est en fait avéré nécessaire lorsque l'armée israélienne était présente au sud-Liban et par la suite, leur utilisation est devenue de plus en plus fréquente. Depuis qu'Arafat a relancé les hostilités, le port du gilet pare-balles est devenu l'une des options de protection pour les civils qui voyagent en voiture en Judée, Samarie et Gaza. Un autre type de clientèle s'intéresse à l'achat de ce genre de vestes de protection, les sociétés civiles de service. Par exemple, un département d'après-vente pour machines à laver peut décider de doter de ce genre de vestes ses techniciens qui se rendent à travers les territoires. Il en va de même pour les grandes sociétés d'électricité, de téléphone, de certains services médicaux, de livreurs de denrées alimentaires et même pour.. des bergers. Le Ministère de l'Éducation a également fourni ce type de protection à un certain nombre de professeurs. Cela dit, il faut bien comprendre que la veste ne peut être portée que pendant la station assise en voiture, tant au niveau conducteur que passager, et qu'il ne saurait évidemment être question d'aller faire ses courses, de se rendre à la banque ou de travailler en étant harnaché. Le poids d'une veste de protection varie entre trois et six kilos et, bien que les dessinateurs de Kata mettent tout en ?uvre afin que celles-ci s'inscrivent harmonieusement dans les formes du corps, elles restent encombrantes, sans parler de la question du prix qui, selon la qualité de protection, varie entre US$.300. -- et US$.1'200.--. Au cours des derniers mois, la société Kata a donc connu un développement impliquant non seulement l'agrandissement de son unité de production mais aussi l'augmentation du nombre d'heures de travail, elle a même dû confier certains travaux à des sous-traitants. Il est intéressant de constater que les accords d'Oslo, malgré tous leurs défauts, ont généré deux conséquences bénéfiques pour Kata. La première est qu'il y a environ six ans, lorsque "la paix" semblait à portée de mains, la direction de la société a décidé de développer une nouvelle ligne de produits. En effet, tout indiquait que la demande pour du matériel de protection allait progressivement s'estomper, même l'armée avait commencé à réduire ses achats. Kata a alors choisi d'utiliser son savoir-faire pour lancer une nouvelle ligne de produits fonctionnels, faciles à porter, réalisés suite à une recherche ergonomique poussée et offrant une protection maximale: les étuis pour matériel vidéo professionnel. La particularité de ses sacs porte sur le fait qu'ils ne sont pas uniquement dessinés pour être parfaitement adaptés au matériel technique qui doit y être rangé, mais étudiés pour s'intégrer de manière harmonieuse et fonctionnelle à la personne qui doit transporter cet ensemble. La protection des éléments rangés est extrêmement bien pensée et permet l'enregistrement des caméras ou du matériel technique très sophistiqué dans les soutes à bagages des avions. De plus, Kata met régulièrement au point un certain nombre de petites astuces et de gadgets dont l'utilisateur découvre les avantages lors du maniement des différents sacs et étuis. Il s'agit de la dimension, de la qualité ou des formes spéciales des fermetures éclair, des crochets, des boucles, des poignées, des attelages, etc. Ceci est aussi vrai pour la qualité de la protection interne, des arrondis, du renforcement des coins, des absorbeurs de chocs, etc. La seconde conséquence des accords d'Oslo provient de leur échec total et du fait que la "nouvelle Intifada" a redonné un essor à la demande des vestes de protection. Kata ne se contente pas de vendre ses vestes à des individuels, comme on vend des paquets de lessive. La société offre un service de conseil pour guider chaque personne dans son achat et lui enseigner comment et surtout quand utiliser la veste de protection. Pour terminer, il est intéressant de savoir qu'aux États-Unis, le "One Israel Fund", une organisation privée, s'est fixé pour but d'offrir des vestes pare-balles aux habitants de Judée-Samarie-Gaza. Ils ont ainsi procédé à un premier achat de 550 vestes de tous les types. Dans une conversation avec les responsables de Kata, ceux-ci nous ont notamment confié: "Bien entendu, nous préférons que nos vestes pare-balles soient portées sans être mises à l'épreuve. Cela dit, récemment, nous avons eu écho de plusieurs vies civiles sauvées grâce au port de nos vestes. Notre mission de protection a donc été pleinement accomplie, ce qui constitue une source de satisfaction et nous encourage à continuer dans notre activité. Le Talmud ne nous enseigne-t-il pas, dans le traité de Sanhedrin (IV-V): "Celui qui sauve un Juif est considéré comme avoir sauvé le monde entier ?" (traduction libre). C'est dans cet esprit que nous travaillons et que nous comptons développer notre compagnie tout en espérant que très rapidement, nous pourrons réduire le secteur de la défense et de la protection pour nous consacrer pleinement à des applications civiles, à savoir le marché du transport et de la protection de la vidéo et de la photo." |