Les sources de l’espoir | |
Par Roland S. Süssmann | |
Le début et la fin d’une année constituent toujours un temps d’arrêt, une minute de réflexion et de préparation en vue de cette nouvelle page blanche du livre de notre vie qui s’ouvre devant nous. En ce Roch Hachanah 5762, outre nos problèmes personnels, le centre de nos préoccupations se situe en Israël. L’activité permanente du terrorisme arabe et les assassinats réguliers de Juifs partout dans le pays nous sont difficilement tolérables, et chacun d’entre nous souhaite être aidé et guidé afin d’être à même de trouver un minimum de sérénité face aux inquiétudes qui nous rongent. Dans ce but, nous nous sommes adressés à l’ancien Grand Rabbin séfarade d’Israël, Rav MORDEHAÏ ELIAHOU, le Richone-Le-Tsion, l’une des plus grandes autorités religieuses de notre temps. Son savoir juif encyclopédique n’a d’égal que sa grande sagesse, et sa riche expérience de vie n’a d’égale que sa modestie et sa proximité avec les gens. La fête de Roch Hachanah qui se présente devant nous s’inscrit dans un contexte national particulièrement difficile. Pensez-vous que l’on puisse raisonnablement craindre pour la survie de l’État d’Israël ? Malheureusement, nous vivons à une époque où notre relation avec Eretz Israël, la terre d’Israël, est totalement faussée. En effet, dès les premiers chapitres de la Bible, que les chrétiens et les musulmans lisent également, D’ nous apprend qu’il a créé le monde - et par la même occasion la terre sainte - et qu’il a décidé de donner définitivement cette dernière à Abraham et à ses descendants juifs. Toutes les accusations disant que nous avons «volé cette terre par la violence» ou que «celle-ci revient partiellement à quelqu’un d’autre», sont des affirmations qui nous affaiblissent. Or, D’ nous a implicitement donné toute la légitimité pour défendre nos droits sur Eretz Israël, comme il est dit dans les Psaumes CXI-VI: «La puissance de ses hauts faits, il l’a révélée à son peuple, en lui donnant l’héritage des nations.» Si nous ne sommes pas convaincus de notre bon droit sur notre terre, qui la défendra pour nous ? Certes, envers tout étranger vivant chez nous, nous avons des obligations et des devoirs, y compris face à la population arabe. Toutefois, aucun de ses membres n’a le droit d’élever la main sur nous sinon il deviendra notre maître sur les terres juives d’Israël, ce qui est intolérable. Notre confiance en l’avenir, et je dirai même le développement de la situation, dépendent de notre niveau d’assurance en nous, de la manière dont nous sommes déterminés à défendre notre droit exclusif sur Eretz Israël et de notre habilité à assumer les devoirs qu’implique la responsabilité dont D’ nous a chargés en nous donnant cette terre. Ce discours est valable pour défendre nos droits sur Israël face aux accusations fallacieuses des nations. Mais qu’en est-il de nos coreligionnaires qui ne croient pas en les écrits de la Torah et qui ne sont absolument pas touchés par de tels propos ? Il faut leur poser la question de savoir si oui ou non ils croient en l’existence d’un D’ et d’une Torah qui nous confèrent nos droits de propriété sur le pays sans parler de la sainteté de la terre. Si leur réponse est négative sur tous les points, ils n’ont pas leur place ici et à plus ou moins long terme, ils quitteront le pays. Mais il est intéressant de noter que la grande majorité des personnes qui ne se disent pas concernées par les questions religieuses n’ont aucun doute sur la légitimité du droit des Juifs sur Eretz Israël, car au fond d’elles-mêmes vibre une âme juive. Celle-ci trouve son expression directe par leur présence ici et leur dévouement à la nation. Il faut savoir qu’en tout Juif il y a une forte croyance en D’, mais dans de nombreux cas, celle-ci est recouverte par ce que j’appellerai des «couches de poussière» qu’il faut nettoyer. Je m’explique: chaque Juif a une âme sainte, mais le manque d’instruction et d’éducation juives font que dans de nombreux cas, leur cœur et leur esprit sont fermés aux traditions et aux valeurs de notre patrimoine religieux. C’est notre responsabilité à nous les rabbins et à ceux d’entre nous qui ont le privilège d’avoir la connaissance d’offrir un accès à ceux qui ne l’ont pas encore à la Torah, au judaïsme, à la moralité juive et par conséquent à la signification de peuple et de terre d’Israël. Il nous est interdit de les laisser dans leur ignorance et nous n’avons aucun droit de fuir cette énorme responsabilité. Nous devons aller de maison en maison, de village en village et de ville en ville afin d’approcher nos coreligionnaires qui n’ont pas reçu d’éducation juive. En quoi le Roch Hachanah 5762 est-il différent du précédent et quel est le message de cette fête du Nouvel An ? Comme vous le savez, en hébreu, chaque lettre de l’alphabet a une valeur numérique. Pour l’année 5762, l’addition des lettres Taph 400, Shin 300, Samech 60 et Beth 2 constitue le chiffre qui désigne l’année en cours, le millénaire étant sous-entendu. Mais ces lettres indiquent aussi les initiales de l’esprit qui dominera l’année et pour la nouvelle année qui s’ouvre devant nous, ce sont les deux dernières lettres qui sont déterminantes, soit le Samech et le Beth, qui commencent les mots «Sof Bagalouth», soit la fin de l’exil. Dans le judaïsme, il existe deux sortes d’exils, celui du corps et celui de l’esprit. Il s’agit d’une part du Juif qui vit physiquement à l’étranger mais dont le cœur et l’esprit sont en Israël, et d’autre part de celui qui vit en exil tant physiquement que mentalement et intellectuellement, s’identifiant ainsi totalement avec son environnement non-juif. En d’autres termes, celui dont l’âme se trouve en exil présente une grande difficulté alors que notre coreligionnaire dont seul le corps se trouve en exil est en réalité très proche d’Israël. Cela signifie aussi que celui qui aime Eretz Israël, dont l’âme sainte est préoccupée par le pays et qui met tout en œuvre pour aider la nation dans le but de progressivement venir s’y installer ne vit en réalité pas si loin du lieu où il aurait aimé résider. Il s’agit d’un exil facile et provisoire, car ce n’est que l’exil du corps. Il en va tout autrement de l’exil de l’âme, qui est dur et profondément ancré, phénomène également présent au sein d’une certaine couche de la population israélienne. Or tout indique que la nouvelle année s’annonce sous d’heureux auspices et qu’il sera mis fin aux deux sortes d’exils. Certes, il s’agit là d’un bon présage, mais insuffisant pour faire renaître l’espoir. En quoi réside le message d’espoir de ce Roch Hachanah ? Comme vous le savez, cette fête se déroule au mois de Tichri alors que la constellation des astres de ce mois est celle de la balance, d’où est issu le signe de l’horoscope. Or la balance est également le symbole de la justice. Le mois de Tichri, mois de la balance, est celui au cours duquel l’être humain, soit chacun de nous, est jugé au ciel. Pendant cette période, chacun peut se montrer sous son meilleur jour et rattraper les erreurs commises durant l’année écoulée, car D’ juge sur l’état d’esprit de chacun pendant le moment présent et ce bien que nous ne soyons pas parfaits. Ainsi, le jugement serait-il basé sur un leurre ? Non, car D’ a la volonté déterminée de nous juger avec bonté et miséricorde, forme unique de pardon accordée exclusivement par Sa bonté et non par la mesure de la sévérité. Ne s’agit-il pas là d’une source fabuleuse d’espoir ? Dans nos prières de Roch Hachanah ne disons-nous pas dans la prière de Moussaph: «C’est aujourd’hui l’anniversaire de la création du monde, et toutes les créatures des mondes sont appelées devant le tribunal de D’, soit comme enfants soit comme serviteurs. Oui, Seigneur, si nous sommes comme tes enfants, aie donc pitié de nous comme un père a pitié de ses enfants. Si nous sommes comme des serviteurs, nos yeux sont fixés sur toi, dans l’attente de ta grâce et d’un jugement éclatant au grand jour comme la lumière, ô D’ redoutable et saint !» Cette phrase éclaire bien dans quel esprit nos prières se déroulent et surtout met en exergue la force de la prière. En effet, si la supplication pour l’indulgence et le pardon paternels sont clairs, les termes «nous élevons nos yeux vers toi jusqu’à ce que tu aies fait éclater notre justice» nous enseignent que D’ est sensible à la multiplication de nos prières et à notre manière d’insister car, en définitive, il ne souhaite qu’une chose: nous venir en aide. Selon cette idée, D’ nous jugerait sur le moment présent alors que nous avons eu tout un mois pour nous préparer au jugement, soit en participant aux différentes prières (selikhot, etc.), soit en multipliant les bonnes actions et la bienfaisance. La réalité de la vie nous montre que toutes les bonnes intentions et résolutions du début de l’année ne sont en réalité que très rarement suivies des faits. Or D’ en est tout à fait conscient. Pensez-vous vraiment qu’il puisse être manipulé de la sorte ? Bien sûr que non, mais ce n’est pas moi qui vais vous répondre sur ce point précis, mais les Psaumes où il est dit dans les Psaumes LXXVIII-35-38: «Alors ils se souvenaient que D’ était leur roche, le D’ suprême, leur libérateur. Ils l’amadouaient avec leur bouche, en paroles ils lui offraient des hommages menteurs, mais leur cœur n’était pas de bonne foi à son égard; ils n’étaient pas sincèrement attachés à son Alliance. Mais Lui, plein de miséricorde, pardonne les fautes, pour ne pas consommer des ruines; bien souvent, il laisse sa colère s’apaiser, et n’a garde de déchaîner tout son courroux.» D’ n’est pas dupe, mais il faut bien comprendre que ce qui compte pour Lui, c’est la reconnaissance des fautes, le regret et le repentir sincère qui ne s’effectuent que lorsque les paroles expriment ce que le cœur ressent. D’ sait très bien que nous avons nos mauvais penchants et que l’être humain a ses faiblesses, mais lorsque quelqu’un reconnaît ses erreurs et tente de s’engager à ne plus recommencer, D’ a pitié de lui et lui pardonne avec générosité. Cette démarche est à double effet, car la personne qui se repentit reconnaît ses torts et se dit qu’en fait, elle mériterait une punition. Or voici que non seulement D’ lui pardonne mais le comble de ses bienfaits (santé, travail, famille, bonheur, etc.) ce qui, en général, mène la personne à se dire: « Je n’ai pas mérité toutes ces bonnes choses qui m’arrivent, D’ est bon avec moi, par conséquent je dois renvoyer l’ascenseur et tout mettre en œuvre afin d’avoir une conduite irréprochable.» Vous nous avez parlé du regret et du repentir sincère, la «Techouvah». Il est bien entendu exclu d’expliquer en quelques mots tout le concept et toute la profondeur de cette démarche mais malgré tout, pouvez-vous nous dire s’il existe une «recette» afin que celle-ci soit un peu facilitée ? Il faut bien se rendre compte que le fait de faire Techouvah, de se repentir au point de finalement changer totalement son mode de vie, constitue une démarche extrêmement difficile qui demande énormément de volonté, de force et d’efforts ce qui, en aucun cas, ne peut être rapide. La «recette» réside dans un processus éducatif progressif. Il faut commencer par étudier la Torah, apprendre les bases, puis progressivement commencer à pratiquer le judaïsme. Mais il faut savoir que si quelqu’un est fermement décidé à faire Techouvah, D’ l’aidera. Afin d’illustrer mes propos, je vous donnerai l’exemple de quelqu’un qui tombe dans un puits et qui appelle au secours afin d’être ramené à la surface. Si on lui donne une échelle, le retour sera facile. Par contre si, à la place de l’échelle, il n’y a que de la laine avec laquelle la personne doit tout d’abord façonner des fibres afin d’être à même de faire une corde qui lui permettra finalement de se hisser à la lumière, le réveil sera difficile. Telle est la voie longue, dure et ardue de la Techouvah. D’ailleurs, le Talmud nous dit qu’au ciel, il y a une récompense spéciale pour ceux qui ont réussi à faire un changement radical dans leur vie et à abandonner les joies futiles et les facilités afin de vivre selon les lois de la diététique et de la moralité juives avec toutes les contraintes que cela implique. Je citerai cette phrase, aussi forte que limpide: «A l’endroit où se trouvent ceux qui ont fait une authentique Techouvah, les véritables justes n’ont pas leur place.» Cela dit, il n’est pas possible de faire du yo-yo en disant un jour je fais repentance et le lendemain je retombe dans les facilités de la vie. Celui qui veut se livrer à ce petit jeu ne retrouvera jamais l’énergie ni la force nécessaire pour accomplir une véritable Techouvah. Je terminerai en disant que l’espoir est en nous, en la puissance de nos prières et dans notre entêtement à nous faire entendre par D’ qui, en réalité, tel un vrai père qui a toujours de la miséricorde pour ses enfants, ne demande qu’à nous écouter et nous aider. |