Margalith
Par Roland S. Süssmann
Un adage bien connu dit: «Lorsqu’un artiste s’en va, c’est un peu de la liberté d’expression qui meurt». Cela est particulièrement vrai pour les humoristes, ces descendants directs des «fous du Roi» qui, sous prétexte de faire rire et d’amuser la galerie, diffusent souvent un message aussi essentiel que fondamental. A une époque où de nombreuses jeunes filles belles, intelligentes et parfois religieuses sont désespérément à la recherche de l’époux idéal ou du moins d’un conjoint qui ne déçoive pas d’entrée tous leurs espoirs de jeunes filles, MARGALITH MIMRAN adresse cette problématique avec gaieté et humour. Mue par son sens de l’observation aiguë et par l’à-propos de son verbe, elle a conçu un «one woman-show» absolument remarquable dans lequel elle interprète tous les personnages d’un petit drame familial qu’elle a écrit, conçu, produit et mis en scène.
«A la recherche de l’homme perdu» est un spectacle en 19 sketchs qui racontent l’histoire d’Alexandra, une riche héritière de 28 ans, très sarcastique, exigeante, gâtée à outrance par sa mère et qui, afin de trouver le mâle tant désiré, enregistre une annonce vidéo pour la télévision. Sophie, une petite fille de huit ans, voit par hasard le spot publicitaire et, persuadée qu’il s’agit de sa «future belle-sœur», contacte Alexandra afin de lui vanter les mérites de son frère Maurice le cardiologue, que l’on ne voit d’ailleurs jamais dans le spectacle. De fil en aiguille, l’histoire prend forme, les personnages et les situations se succèdent, le jeu d’intrigues des deux belles-mères pressées de marier leurs enfants - mais uniquement avec le meilleur parti - gagnent la curiosité et le plaisir du spectateur. Margalith Mimran joue tous les personnages avec un savoir-faire où la mimique et la drôlerie se conjuguent parfaitement avec l’ironie, le sérieux et par moments même avec la tristesse du texte. Les Genevois qui connaissent bien une certaine synagogue des hauteurs de la rive gauche du lac, retrouveront des attitudes et des situations qui leur sont particulièrement familières, mais que l’on peut constater dans toutes les synagogues du monde. Bien entendu, personne n’est particulièrement visé…, tout le monde l’est !
Mais qui est Margalith Mimran ? Aînée d’une famille de trois enfants, juive séfarade, pratiquante, Margalith a passé sa maturité suisse avant de partir vivre en Israël où elle a suivi l’enseignement de l’école de théâtre Emounah. Dès l’âge de huit ans et pendant toute sa scolarité, Margalith a suivi trois heures par semaine des cours de théâtre à Genève, se produisant annuellement sur la scène de la Comédie dans le cadre de la grande production de fin d’année de son école de théâtre. L’école Emounah, pour sa part, offrait plus que de simples cours d’élocution ou de diction, une véritable formation professionnelle dans les domaines de la mise en scène, du jeu, de l’enseignement du théâtre, de la réalisation et de la scèno-thérapie. A la fin d’un cycle académique de trois ans, Margaltih Mimran s’est trouvée munie d’un diplôme attestant qu’elle était comédienne, metteur en scène, professeur de théâtre et psychothérapeute spécialisée en scèno-thérapie. Parallèlement, Margalith a terminé ses études d’enseignante de matières juives, ce qui lui permet de travailler dans n’importe quelle école juive dans le monde, tout en exerçant son art scénique. Margalith a joué avec succès son spectacle à plusieurs reprises en Israël et prépare doucement sa grande rentrée parisienne. Elle ne compte pas ajouter de nouveaux personnages à son show qui, il faut le reconnaître, est assez riche tel quel.
Lors de son récent passage à Genève, nous avons pu nous entretenir brièvement avec Margalith Mimran à qui nous avons posé quelques questions.

Outre l’humour et l’observation critique rapportés à travers l’histoire d’Alexandra, quel est le message que Margalith souhaite transmettre au travers de son spectacle ?

Il y a en fait deux messages. Le premier, religieux, est clairement contenu dans cette phrase de la Mishnah: «Quarante jours avant la naissance, D’ dit: une telle avec un tel». Je souhaite démontrer que bien que durant une bonne partie de notre vie nous sommes à la recherche de l’âme sœur qui nous est destinée, en fait notre véritable bonheur nous est donné par D’. Mon second message m’a été inspiré en observant la société juive très aisée dans laquelle j’évolue depuis mon enfance et où certaines personnes estiment qu’en raison de leurs acquis financiers, tout leur est permis, tout leur est dû. Or ces artifices matériels, ces splendeurs factices, cette poudre aux yeux, ne permettent pas forcément de construire un bonheur solide comme celui dont j’ai eu l’exemple chez mes parents. Dans ma pièce, je démontre aussi que les clivages séfarades-ashkénazes sont en voie de disparition et que les préjugés qui prévalent encore de part et d’autre doivent définitivement cesser d'exister. Bref, c’est avec plaisir que j’encourage ce genre de «mariages mixtes».


Malgré tout, dans votre spectacle vous attaquez et ridiculisez pas mal les mères juives. Quelle a été la réaction de votre mère lorsqu’elle a découvert cet aspect de votre show ?

Il ne fait aucun doute que je me suis inspirée de ma mère, de ma grand-mère, de mon arrière-grand-mère et d’une dizaine d’autres mères juives de mon entourage afin de créer le personnage de Claudia qui, rappelons-le, est avant tout une caricature. Cela étant dit, comme toute bonne mère juive, la mienne est fière de sa fille…

Nous le voyons, Margalith Mimran est une jeune comédienne bourrée de talent, drôle, amusante et émouvante qui ne demande qu’à exercer son art. A tous ceux qui sont à la recherche d’un spectacle original pour une soirée de bienfaisance ou autre, nous ne pouvons que recommander Margalith, car le succès d’une telle manifestation sera garanti d’avance. Avis aux amateurs !