Eli - Shilo - Maalé Levonah
Par Roland S. Süssmann
Dans notre périple à travers les terres juives de Judée, de Samarie et de Gaza (YESHA), nous avons décidé de nous arrêter aujourd'hui à ELI, village situé à 50 minutes en voiture de Tel-Aviv et à 35 minutes de Jérusalem. Les environs immédiats d'Eli englobent également les agglomérations de Shiloh et de Maalé Levonah. Afin de bien situer Eli, faisons un petit effort d'imagination. Prenons la carte d'Israël et tirons un trait horizontal d'ouest en est, de Tel-Aviv au Jourdain, et un autre, vertical, de Jérusalem vers le nord du pays. Eli se trouve exactement au croisement de ces deux lignes. Les experts stratégiques ont défini cette région comme "le ventre mou" du pays. Une présence juive massive en ces lieux est donc de toute première importance.

Afin de nous permettre de découvrir l'histoire récente et surtout les plans d'avenir et de développement d'Eli et de sa superbe région, nous avons rencontré MOSHÉ MERKHAVIA, le véritable "cerveau" chargé, depuis de nombreuses années, de la planification, de l'essor et de l'expansion de cette zone vitale d'Israël.


Pouvez-vous en quelques mots retracer l'histoire d'Eli ?

La décision principale de construire Eli a été prise en 1984 lors de la chute du gouvernement Shamir. La gauche avait alors une sérieuse chance de remporter ces élections anticipées. Il était donc urgent de fonder de nouvelles implantations juives, et il avait été décidé que la région d'Eli constituait une priorité. Le nom de "Eli" a été choisi en souvenir du dernier Grand Prêtre du Temple de Shilo (le Mishkan); pendant 369 ans, Shiloh avait été le centre spirituel du peuple juif. Comme il était assez difficile de convaincre les Israéliens de Tel-Aviv et de Jérusalem de venir habiter sur un nouveau site, dans des caravanes mobiles, les responsables ont fait appel aux habitants des villages déjà existants, tels Ophra, Kohav Hachakhar, etc. Pour ma part, j'habitais Ophra et, avec une quinzaine de familles, j'ai accepté de venir m'établir avec ma femme et mes enfants pour un an dans cette nouvelle implantation afin quelle puisse effectivement voir le jour. Heureusement, les élections n'ont pas permis au Parti travailliste d'accéder au pouvoir et un gouvernement d'Union nationale a été formé. Il faut bien comprendre que notre installation à Eli n'a pas été facile; il n'y avait ni eau, ni électricité, ni même un chemin praticable pour se rendre sur les lieux. Nous vivions en pleine nature, déterminés à transformer cette colline sauvage en un centre urbain de toute première importance. Nous avons progressivement tout créé, malgré le nombre d'obstacles et d'oppositions auxquels nous étions sans cesse confrontés. Nous ne bénéficions que de peu d'aide, mais chaque centimètre que nous acquérions et construisions représentait une véritable victoire. Au bout d'un an, tous ceux qui étaient venus nous aider à établir Eli sont rentrés chez eux et, petit à petit, de nouvelles familles et la Yeshivah Bneï David sont arrivées. Il ne faut pas croire que notre situation a été facilitée parce que le gouvernement était de droite. Nous avions pas mal de difficultés à obtenir des autorisations et des fonds. Ce n'est qu'en 1990, lorsque le général Ariel Sharon a pris la direction du Ministère de la construction et du logement, qu'une percée importante s'est produite.


Comment ce développement s'est-il fait ?

Notre plan prévoyait l'installation de 7000 familles à Eli, mais nous devions faire face à divers problèmes économiques, politiques, financiers et techniques. Nous n'avions pas établi de programme temporel précis, toutefois, au cours des cinq dernières années, notre population a quintuplé et aujourd'hui, nous comptons presque deux cents familles. Notre population est mixte, religieuse et non religieuse. Parmi elle se trouve une intéressante pépinière de "cerveaux" constituée d'une vingtaine de couples diplômés de Princeton ayant délibérément choisi de s'établir à Eli en raison de la présence de la Yeshivah Bneï David. Si nous ne sommes pas stoppés, si le gel mis en place par l'administration Rabin/Peres est effectivement levé, bref, si nous pouvons travailler, je prévois sous peu l'installation de 1500 nouvelles familles.


Quels sont vos plans d'avenir ?

Je pense que ce qui est valable pour notre région l'est également pour l'ensemble de l'essor de YESHA. Aujourd'hui, la situation est bien différente de celle des années 1990-1992. A l'époque, le gouvernement, sous la direction d'Ariel Sharon, était obligé de bâtir beaucoup et à toute vitesse, car les Juifs d'URSS arrivaient en grand nombre (plus d'un demi-million). Sur les 120 000 unités de logement alors construites, 15 000 ont été bâties en Judée-Samarie et à Gaza. Actuellement, la construction dans ces régions est purement économique, on construit sur demande, là où les personnes désirent s'installer, selon la loi élémentaire du commerce de l'offre et de la demande. Il est éventuellement possible de recevoir du gouvernement une certaine aide sous forme d'hypothèques facilitées, de permis de construire, etc. L'administration des terrains dans les régions de Judée-Samarie-Gaza dépend du Ministère de la défense. Pour ma part, j'ai appris par expérience qu'il ne faut jamais compter sur un gouvernement, même s'il est de droite. Il est bien connu que "l'on ne prête qu'aux riches", et le gouvernement sera toujours plus enclin à apporter son aide à un projet qui dispose d'une force intérieure propre tant sur le plan financier que de sa réalisation. La période de 1990-92 a été exceptionnelle et, bien entendu, je souhaite qu'il y ait un autre demi-million de Juifs qui viennent s'installer en Israël. Mais je ne peux pas baser l'avenir du développement de YESHA sur un éventuel miracle. Je ne voudrais pas minimiser la responsabilité du gouvernement quant à l'essor de la Judée-Samarie, mais je dois souligner que sa réussite ou son échec est entre nos mains.

Aujourd'hui s'ouvre devant nous une période de quatre ans au cours de laquelle nous devons arriver à tripler notre population et à installer d'ici l'an 2000 un total de 500 000 Juifs en Judée-Samarie-Gaza. Cela signifie également qu'aux dernières élections, YESHA comptait environ 75 000 voix. Il est donc impératif qu'aux prochaines élections, nous puissions disposer de 250 000 personnes habilitées à voter, chiffre à peu près équivalant au nombre d'électeurs arabes israéliens. Quel que soit le prochain gouvernement élu, il lui faudra tenir compte de cette force électorale que nous représenterons. Celle-ci sera de fait renforcée car, aux 250 000 votants de YESHA, s'ajouteront leurs parents et amis vivant à travers tout Eretz Israël. Aujourd'hui, environ 80 000 unités de logements sont construites annuellement en Israël et nous devons arriver à ce qu'un quart soit bâti en Judée-Samarie-Gaza.

Il ne faut pas oublier que notre région constitue le centre du pays, et que plus il y aura de Juifs qui viendront y vivre, plus les zones industrielles existantes se développeront rapidement. Cela créera également une dynamique qui attirera de nouveaux investissements industriels. Cela dit, il existe toujours en Israël une barrière psychologique qui fait qu'un grand nombre de personnes hésitent encore à venir vivre dans YESHA. Mais le public commence à comprendre que plus grand sera le nombre de Juifs qui habiteront en Judée-Samarie-Gaza, plus l'installation d'autres Juifs en sera facilitée. Je dois aussi souligner que la région d'Eli est construite sur des terres gouvernementales qui sont totalement vides et qu'il n'est absolument pas question de déloger des habitants arabes. Comme par le passé, notre essor se fera sur des collines rudes et totalement inhabitées.

Je dois rendre ici un petit hommage à l'administration Rabin/Peres. En effet, tous les plans des routes de contournement que le général Ariel Sharon avait établis avant que la droite ne perde les élections en 1992 ont été réalisés par le Gouvernement travailliste sortant. Ces routes de contournement rendent les déplacements en Judée-Samarie bien plus sûrs. Les dangers rencontrés en traversant des agglomérations à forte population arabe sont écartés, ce qui constitue un argument supplémentaire pour inciter ceux qui hésitent encore à venir vivre dans nos régions. Il est vrai que l'administration Rabin/Peres a construit ces routes dans le but de confier à l'OLP les villes à forte population arabe. Cette nouvelle infrastructure routière est un élément très positif et offre un grand avantage pour le peuplement juif de la Judée-Samarie.


Pensez-vous qu'avec le temps, les trois agglomérations Eli, Shilo et Maalé Levonah ne constitueront plus qu'une seule ville ?

Nous avons effectivement un plan qui va dans ce sens et, s'il devait se réaliser, nous réunirions alors dans notre région une population globale d'environ 200 000 personnes.


Pendant les années de l'administration Rabin/Peres, les habitants juifs de YESHA ont été mis, du moins officiellement, à l'index de la société, souvent présentés comme "obstacle à la paix". Ne croyez-vous pas que le public israélien hésite à venir vivre dans une région peuplée de Juifs soi-disant "marginaux" ?

Vous touchez là un point très important de l'évolution des esprits en Israël. Contrairement à ce que le gouvernement sortant a voulu faire croire, de récents sondages ont démontré que 70% de la population israélienne voit en nous un groupe de citoyens sérieux, très responsables et sur lesquels on peut compter. Ces mêmes études ont établi que nous sommes perçus comme une société unie, agréable à vivre, bien élevée et qui offre une éducation scolaire de qualité aux enfants. Ce n'est pas une question de religieux et non religieux car, rappelons-le, plus de 60% de notre population n'est pas religieuse. L'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement nous a rendu notre légitimité, nous avons récupéré notre place digne et juste au sein de la société israélienne.


En conclusion, peut-on dire que vous avez retrouvé votre optimisme ?

Nous ne l'avons jamais perdu bien que, parfois, il était réduit à de simples espoirs motivés par une foi inébranlable. Cela dit, nous n'avons pas d'illusions. Le temps presse et le nouveau gouvernement va subir de nombreuses pressions nationales et internationales afin de freiner notre développement. Mais il faut bien comprendre que la clé du succès réside dans l'augmentation de la présence juive sur le terrain. Yamit a été démantelée parce que très peu de Juifs y habitaient. L'évacuation du Golan est venue sur la table de négociations car seulement 15 000 Juifs y résident. Notre région est ouverte à tous les Juifs et je serais très heureux si 50 000 Juifs de l'extrême gauche israélienne venaient s'installer chez nous...

Pour terminer, je dirai que les Juifs de la Diaspora qui ne souhaitent pas venir vivre en Israël pour l'instant peuvent y être présents indirectement en y achetant des maisons qu'ils peuvent louer à des couples souhaitant s'installer à Eli, Shilo ou Maalé Levonah. Une maison vaut aujourd'hui en moyenne US$.75 000,-- et peut se louer au prix moyen de US$.250,-- par mois. Avis aux amateurs !!!

MAALÉ LEVONAH
Ce troisième angle du triangle Eli-Shilo-Maalé Levonah, où vivent aujourd'hui 77 familles, est un petit bourg situé sur une colline stratégique qui domine toute la région. Adjacent à Maalé Levonah se trouve Shvouth Rachel, habité par 30 familles. Le rabbin Yaïr Shakhor vit à Maalé Levonah depuis neuf ans et y dirige une institution fort intéressante, le Michlol de Maalé Levonah, fondé en 1992. Cet établissement est ouvert à des étudiants de l'université d'Ariel (4500 étudiants) qui, en plus de leurs études académiques ou techniques, souhaitent consacrer quatre heures par jour aux études juives et à une éventuelle préparation à un diplôme de rabbinat. Le Michlol est ouvert à des couples mariés ainsi qu'à des célibataires, la moyenne d'âge des étudiants est de 24 ans. Grâce à cet organisme, vingt couples sont venus s'installer de façon permanente à Maalé Levonah. Le but de cette pépinière de techniciens et ingénieurs est d'attirer l'implantation d'industries dans la région. Le Michlol a également ouvert un laboratoire d'analyse de tissu pour la recherche de "Shaatnez" par un système spécial de spectroscopie.