Une question d'autorité
Par le Rabbin Zalman I. Posner *
Quel est donc le thème principal de Roch Hachanah ? A Yom Kipour, jour du Grand Pardon, le sujet essentiel est le repentir; à Pessah, fête de notre délivrance de l'esclavage en Egypte, la question de la liberté domine; à Roch Hachanah, nous reconnaissons l'autorité divine, que D' est "Melekh", notre Roi !

En hébreu, il existe de nombreux mots pour définir une autorité, mais "Melekh" désigne une souveraineté délibérément choisie et acceptée par ses sujets, contrairement à une dictature qui est imposée. Accepter un "Melekh" est un geste volontaire, un choix. Mais comment ce concept s'applique-t-il à nos relations avec D' ?

L'homme naît libre. Il est vrai que nous ne pouvons pas choisir la couleur de notre peau, par contre nous avons en permanence le libre choix de notre conduite, de nos pensées, de nos paroles, de nos actes, de nos émotions et des valeurs avec lesquelles nous souhaitons nous identifier. La durée du temps de vie qui nous est impartie n'est pas entre nos mains, toutefois la qualité de la vie que nous voulons avoir nous appartient en grande partie.

Les principaux thèmes qui préoccupent notre société actuelle sont surtout d'ordre moral: avortement, discipline de vie, contrôle de soi, drogue, racisme, criminalité, affaires religieuses..., la liste est sans fin. La question fondamentale qui est à l'origine de toutes ces préoccupations provient de la réalité suivante: chacun estime que "son" point de vue est moral, alors que celui de son voisin ne l'est pas..., et ce à condition que la question de la morale soit prise en considération, mais tel n'est malheureusement pas toujours le cas. Bien qu'il n'existe aucun dénominateur moral qui soit accepté de façon consensuelle, un défi revient pourtant sans cesse: l'éternelle question de savoir "qui a dit cela ? qui est la véritable autorité ? pourquoi devrais-je l'accepter ?"

Il est curieux de constater qu'à ce problème, la société juive telle qu'elle est actuellement constituée ne semble pas proposer de réponse précise qui fasse l'unanimité. La majorité semble se contenter de répliques aussi vagues que multiples. On pourrait presque croire qu'il n'existe pas d'autorité ni de Loi, ou alors une loi qui soit malléable selon les besoins et les croyances de chacun, pouvant être ajustée dans la direction qui convient et accommodée aux circonstances du moment et de l'endroit. Nous pourrions penser que c'est la loi du "chacun à sa façon", de chaque communauté selon ses rites, de chaque mouvement religieux selon ses idées. Ainsi l'individu pourrait naviguer selon ses émotions et sentiments du moment d'un genre à l'autre. Telle communauté est "trop orthodoxe", il suffit de traverser la ville pour en trouver une moins stricte, le contraire étant également valable. La question de la morale n'est même pas posée, elle ne joue aucun rôle, elle n'a rien à voir. D'ailleurs, la position des rabbins reste des plus ambiguës. Dans le temps, on consultait "son" rabbin sur des questions de loi, de vie juive, voire de vie quotidienne. Qui, aujourd'hui, cherche le conseil avisé d'un rabbin ?

Mais avant de pouvoir accepter une loi, nous devons admettre l'autorité qui l'a promulguée. Avant de parler de morale, nous devons agréer à un code de moralité. C'est ainsi par exemple que nous avons tous accepté le commandement disant "tu ne tueras point". Mais l'avons-nous admis parce qu'il s'agit d'une loi divine ou parce que l'Etat le prescrit et prévoit une série de châtiments si nous violons cette loi ? Il est certain que nous respectons les lois du pays dans lequel nous vivons, du moins ressentons-nous une crainte devant les conséquences encourues en cas de transgression de ces lois. Mais qu'en est-il lorsque des parents ne veulent pas que leur fille ou leur fils adolescent se conduise "comme tout le monde" ? Ce que "tous les autres" jeunes gens font n'est probablement pas illégal au sens le plus strict du terme, mais certains parents estiment simplement que ce n'est pas "correct". Comment persuader l'adolescent que ce qu'il fait "n'est pas bien" ? Ne demandera-t-il pas: "Mais qui dit que ma façon d'agir est fausse ou même mauvaise ?" Les parent sont alors accusés d'être vieux jeu et, ne sachant pas quoi répondre, ils abandonnent et laissent faire.

Le rôle des enseignants n'est pas plus aisé. En tant que rabbin, j'ai souvent été confronté à la question de savoir si, en définitive, "toutes ces pratiques juives ne se résument pas à une simple question de goût et de sentimentalité". Mon voisin est-il vraiment meilleur que moi parce qu'il est de stricte observance ? Nombreux sont ceux qui disent: "Ne s'agit-il pas en fin de compte d'un ensemble de préférences personnelles, totalement détachées des questions de la morale, de ce qui est bien ou mal, voire même de D' ?"

Arrive Roch Hachanah ! Un nouveau début - une nouvelle année ! Un instant d'arrêt où nous pouvons nous poser la question: "où allons-nous ? quelle orientation a pris notre vie ?" Et surtout, "nous dirigeons-nous dans la direction que nous souhaitons vraiment ? avons-nous fait les bons choix ?"

Et voici que le thème fondamental de Roch Hachanah nous apporte la réponse à toutes ces questions: "HA-MELEKH" - "LE ROI" ! Oui, nous acceptons de nous identifier avec cette autorité, avec D' qui fait les lois, qui établit les codes de la conduite morale, qui nous donne la définition du bien et du mal, de ce qui est juste et de ce qui est faux. Nous disons: "IL EST NOTRE D'." C'est Lui seul que nous acceptons. Et c'est sur cette base de réflexions que nous commençons notre examen de conscience et que nous nous posons la question de savoir si nous avons véritablement vécu l'année écoulée en fonction de Ses commandements, de Ses lois et de Ses codes moraux. Comment pouvons-nous améliorer notre conduite dans l'année à venir ? Il s'agit d'une décision importante, peut-être l'une des plus graves que nous ayons à prendre.

La question n'est pas de savoir si, en ce moment précis de Roch Hachanah où nous acceptons volontairement de nous soumettre à l'autorité divine, nous mesurons l'ampleur de toutes les lois, des devoirs et des avantages qu'implique cette soumission. Tel n'est pas le thème du moment... ce sera pour demain, quand il faudra agir. Aujourd'hui, nous répondons à la question que nous posent nos adolescents: "Mais qui a décrété cela ?" En reconnaissant et en acceptant l'autorité divine, nous devenons automatiquement réceptifs aux solutions qu'Elle propose à nos problèmes. Nous devenons disponibles pour accepter ses commandements, ses lois et son code de moralité... même si ceux-ci sont en contradiction avec "ce que tout le monde fait" ou encore avec ce que certains parents laissent faire à leurs enfants adolescents en fermant les yeux et en adoptant une politique de l'autruche, tout en étant parfaitement conscients que les agissements de leurs fils ou filles ne sont "ni biens ni corrects". La pratique religieuse ne nous est pas imposée, c'est volontairement que nous acceptons l'autorité de D'.

Lorsque l'on pose la question à plusieurs de nos coreligionnaires de savoir quel est le moment le plus important de l'office de Roch Hachanah, la grande majorité répond: "la prière de Ounetanéh Tokef où il est dit: ...qui vivra, qui mourra..." Pour un Hassid, c'est la sonnerie du Shofar. Pourquoi cette différence ? Simplement parce que nous ne décidons pas de "qui vivra et qui mourra", par contre, nous déterminons COMMENT nous vivrons et c'est bien-là le message que le Shofar claironne à nos oreilles et implante dans nos cýurs: "D' dit acceptez-moi en tant que votre Roi et faites de mes lois, de mon code moral -vos lois, votre code moral !"

Souhaitons que nous soyons à même de prendre de bonnes décisions et que D', "Ha-MELEKH", nous accorde une bonne année, une année de bonheur et de paix, pour chacun d'entre nous, pour Israël et pour le monde entier !

* Le rabbin Zalman I. Posner vit à Nashville, Tennessee.