La main sur le coeur
Par Roland S. Süssmann
"SEI GESIND !" - SOIS EN BONNE SANTÉ ! C'est par cette formule classique et chargée d'un souhait que l'on se dit souvent "au revoir" en yiddish. En effet, que peut-il y avoir de plus important que la santé ? Malheureusement, tout le monde n'est pas toujours "gesind" et, dans ce cas, il est important de s'adresser et de faire confiance aux meilleurs spécialistes qui maîtrisent les techniques les plus modernes et qui sont à la pointe de la recherche. En ce qui concerne les maladies cardiaques, un nouveau centre a ouvert ses portes en 1994 à Jérusalem, le "JESSELSON HEART CENTER", situé au dixième étage de l'Hôpital Shaare Zedek.
Ce Centre a été spécialement aménagé afin d'offrir aux patients de tous âges les meilleurs diagnostics et techniques thérapeutiques actuels. Tous les services relatifs à la cardiologie tels les conseils préventifs, le diagnostic, le traitement, la chirurgie et la réhabilitation sont regroupés au même endroit, facilitant ainsi leur accès aussi bien aux malades qu'aux médecins. Il est plus agréable pour les malades de ne pas devoir traverser d'énormes couloirs ou prendre différents ascenseurs pour se rendre d'un service à un autre. Chaque année, environ 8000 personnes passent par l'un ou l'autre des services du Centre. En plus de la grande qualité des soins, l'atmosphère qui y règne est très harmonieuse et a, en quelque sorte, un effet "thérapeutique". Tout a été étudié afin que le patient soit aussi confortablement installé que possible; la lumière, le décor, la taille des fenêtres, l'accueil, etc. Un personnel polyglotte contribue au bien-être du patient et de sa famille. Outre les traitements réservés aux adultes, le Centre dispose d'un service de Pédo-cardiologie où s'effectuent les détections d'arythmies prénatales qui peuvent, dans certains cas, être traitées avant la naissance. Les anomalies cardiaques ne pouvant pas être corrigées pendant la grossesse sont traitées dès la naissance de l'enfant. En 1994, environ 2000 cathétérismes cardiaques ont été exécutés dans le Centre, dont 30% ont permis d'éviter une intervention chirurgicale. Les cardiologues du Centre ont obtenu une reconnaissance internationale pour la qualité de leur savoir-faire dans divers domaines: l'angiocardiographie, l'angioplastie coronaire, les artériectomies, etc.
C'est sous la direction avisée du professeur DAN TZIVONI que le "Jesselson Heart Center" fonctionne. Lors d'une rencontre aussi chaleureuse que riche en enseignements, nous lui avons demandé de bien vouloir nous donner plus de précisions sur "son royaume". Le professeur Dan Tzivoni, qui a acquis une très grande expérience professionnelle en Israël et aux États-Unis, enseigne à l'École de médecine de l'Université hébraïque de Jérusalem.


Lorsque l'on évoque le "Jesselson Heart Center" de l'Hôpital Shaare Zedek, on n'entend que des éloges. A son sujet, la même phrase revient dans chaque conversation: "... unique en son genre !". Pouvez-vous en quelques mots nous expliquer en quoi votre Centre est-il effectivement "unique" ?

Il y a quelques années, la direction de l'Hôpital Shaare Zedek a choisi de se doter d'une division de cardiologie et de chirurgie cardiaque modernes. L'hôpital ne disposait que d'un petit service de Cardiologie et il n'existait pas de service de Chirurgie cardiaque. A l'époque, les neuvième et dixième étages de l'hôpital, recouvrant chacun une surface de 7000 m2, étaient inoccupés. Il a été décidé d'installer le nouveau centre au dixième étage et d'y placer côte à côte les services de Cardiologie et de Chirurgie cardio-vasculaire. De ce fait, nous sommes devenus le plus grand institut cardiaque en Israël. Notre Centre est rendu "unique" par la proximité et l'étroite coopération entre le service de Cardiologie que je dirige et le service de Chirurgie cardio-vasculaire du professeur Dani Biran ce qui, d'un point de vue médical, est très important.


Combien de temps s'est-il écoulé du moment où la décision d'établir le Centre a été prise jusqu'au jour où le premier malade y a été traité ?

La planification a pris un an et la construction et l'installation ont été achevées en un temps record d'un an et demi. J'ai eu la grande chance non seulement d'être appelé à diriger ce nouveau service, mais également de participer à sa réalisation.


Existe-t-il un autre aspect spécifique de votre Centre ?

Notre approche de la cardiologie est assez particulière. En général, en Israël, la cardiologie est considérée comme un service plutôt qu'un département. Un patient qui a été admis dans la section coronarienne pour une attaque cardiaque est généralement transféré après quelques jours dans un service de Médecine interne. Des malades ayant eu des irrégularités cardiaques dans le temps ou souffrant d'angine pectorale sévère ne rencontrent souvent aucun cardiologue lorsqu'ils sont hospitalisés et sont directement dirigés vers le département de Médecine interne. Chez nous, les choses sont différentes. Un patient passé par la station de soins coronaires intensifs est transféré dans notre département de Cardiologie. Il y a donc une suite de soins spécifiques. Nous disposons actuellement de 31 lits en cardiologie et pour l'instant de 6 lits (sous peu 12) aux soins coronaires intensifs. Dans le cadre de ces deux sections, nous avons également un très large service de soins ambulatoires. Une équipe de seize médecins y travaille et nous y recevons entre 800 et 1000 patients par mois. A cela s'ajoute un service de diagnostic ambulatoire où nous faisons des tests en exercice, des échographies cardiaques qui nous permettent de détecter d'éventuelles anomalies du cýur. De plus, nous réalisons des holters, car nous disposons d'un laboratoire de holter spécialisé dans l'évaluation et la mesure du rythme de l'apport de sang au cýur. Celui-ci peut être défectueux, trop abondant ou irrégulier sans que l'individu ne ressente de douleur. Dans ce domaine, nous faisons beaucoup de recherche clinique pour des grandes compagnies chimiques américaines et suisses. De plus, notre laboratoire de holter reçoit des cassettes à évaluer en provenance du monde entier. Nous venons de terminer une étude pour Hoffmann La Roche qui nous a fait parvenir les enregistrements de vingt centres provenant de sept différents pays, afin que nous les analysions. La spécificité et l'expérience que nous avons acquises dans ce domaine ont été reconnues et nous sommes désormais un centre de référence. Nous disposons aussi d'un service ambulatoire ultramoderne de réhabilitation. Nous préparons un programme d'exercices de rétablissement cardiaque spécifique en trois étapes pour chaque patient, en fonction de son état: pendant le séjour hospitalier, lors de son retour chez lui et lors de la reprise de la vie courante. Pendant que le malade fait ses exercices, il transmet son électrocardiogramme par un émetteur sans fil à une station centrale. Il peut ainsi changer d'exercice ou d'appareil tout en étant enregistré en permanence. De plus, nous disposons d'équipes de psychologues, de diététiciens et de conseillers familiaux (nous suivons toutes ces étapes en étroite coopération avec les familles) qui permettent à nos patients de vivre aussi normalement que possible en fonction du problème qui leur est propre. Voyez-vous, ce qui rend notre Centre absolument unique, c'est le fait que chaque département dispose d'hommes et de matériel qui sont à la pointe du progrès dans chacun des domaines respectifs. C'est pour cette raison que nous sommes les "leaders" dans la grande majorité des différentes composantes qui constituent la cardiologie.


Qu'en est-il de votre laboratoire de cathétérisme cardiaque ?

Nous disposons de deux laboratoires ultramodernes d'environ un million et demi de dollars chacun, réalisés par Siemens. La qualité des images qui nous sont livrées est hors pair. Ces laboratoires sont dirigés par le Dr Yaron Almagor, sommité mondiale en la matière. En plus des angiogrammes classiques, du cathétérisme cardiaque, nous faisons un très grand nombre d'angioplasties coronaires, c'est-à-dire la dilatation des artères par le système d'un ballon. En raison de notre expérience, nous sommes le Centre dirigeant en Israël dans l'implantation de ce que nous appelons des "stents", c'est-à-dire des petites canules métalliques.


De quoi s'agit-il ?

Dans 30% des cas d'angioplastie coronaire traités, les artères se rétrécissent à nouveau après six mois. Nous utilisons un système par lequel nous mettons sur le ballon un petit tuyau en métal. Une fois dans l'artère coronaire, nous gonflons le ballon recouvert du "stent", puis dégonflons le ballon, mais laissons cette petite sonde creuse de métal en place, ce qui évite que l'artère ne se rebouche à terme. Il ne s'agit pas d'une technique que nous avons mise au point, mais nous avons participé à son développement. A ce jour, ces espèces de petits tubes en métal n'ont jamais été rejetés, car ils sont fabriqués dans un matériau immuno-suppressif. Cette opération, sous anesthésie locale, s'effectue par l'entremise d'un cathéter introduit au départ de l'aine. L'incision est infime et ne nécessite aucune suture. L'opération dure environ deux heures et les patients restent en observation chez nous pendant deux jours. Au mois de février 1995, la plus grande conférence au monde de cardiologie d'intervention s'est tenue à Washington D.C.. Il s'agit de la réunion des plus grands experts mondiaux travaillant dans le domaine de la technologie d'implantation que je viens de décrire, ainsi que dans d'autres spécialités relatives au laboratoire de cathétérisme cardiaque. En dehors des États-Unis, deux centres avaient été choisis pour transmettre une intervention en direct par satellite, celui de Francfort et le nôtre. Nous avons ainsi retransmis aux 3'500 participants une opération en direct. Nous avions huit caméras dans la salle d'opération. Non seulement nous opérions en direct, démontrant ainsi les toutes dernières techniques en la matière, mais nous pouvions expliquer notre travail et chacun des participants pouvait nous poser des questions et faire des suggestions. De plus, toute la conférence pouvait suivre ce qui se passait à l'intérieur du patient grâce à un système de rayons X. En fin d'opération, j'ai introduit un petit fil dans le cýur à la pointe duquel se trouvait une caméra d'échographie miniaturisée. J'ai pris un grand nombre de clichés que nous avons commenté en direct avec les participants au congrès. Un écran avait été spécialement installé dans notre laboratoire afin que nous puissions voir nos interlocuteurs à Washington. Bien entendu, le patient avait été averti et avait donné son accord écrit pour participer à cet événement. Ce genre de conférence par satellite nous permet de faire avancer notre recherche qui, dans notre cas, est en grande partie financée par Johnson and Johnson.


Visiblement, votre Centre est très actif. Cela signifie-t-il que les maladies cardiaques sont plus répandues en Israël qu'ailleurs ?

Je ne pense pas que les chiffres soient plus importants que dans les autres pays occidentaux. Cela dit, l'influx de Juifs en provenance de la CEI a apporté avec lui un grand nombre de personnes âgées ayant souvent été totalement négligées sur le plan médical, qui constituent une bonne partie de notre clientèle. De plus, en raison de la simplicité relative des technologies que nous utilisons, nous les appliquons plus facilement à des gens d'un certain âge, en moyenne 75 ans. Etant donné que nous améliorons la qualité de vie de ces personnes et que ce sont en général elles qui sont touchées par des problèmes cardiaques, notre Centre devient de plus en plus actif. En conclusion, je dirai qu'aujourd'hui nous offrons à nos patients la meilleure thérapie qui existe dans tous les domaines de la cardiologie. Je pense que notre développement ne résidera pas dans le nombre de patients que nous traiterons, mais dans la manière dont nous maîtriserons les technologies qui, avec le temps, deviendront de plus en plus compliquées. Notre but est de donner un meilleur service aux femmes et aux hommes qui nous font confiance. A ce stade, je peux dire que nous sommes en tête du peloton et que nous ferons tout pour y rester.