Accords d'Oslo - Sang et Larmes
Par Roland S. Süssmann
Au moment où les victimes juives du terrorisme arabe ne cessent d'augmenter en Israël, nous avons interrogé brièvement YIGAL CARMON, ancien conseiller de Itzhak Rabin puis de Itzhak Shamir pour le contre-terrorisme et membre de la délégation israélienne à la Conférence de Madrid et aux négociations bilatérales de Washington avec la Syrie. M. Carmon a été démis de ses fonctions dès l'entrée au pouvoir du gouvernement Rabin.


La vague actuelle de terrorisme est-elle le seul fait du Hamas ?

Les sources de ces crimes sont nombreuses. Les meurtriers sont membres du Hamas, à qui l'OLP apporte un soutien total. Les deux organisations ont conclu un accord le 22 décembre 1995 qui stipule clairement que le Hamas peut continuer ses "opérations militaires", c'est-à-dire perpétrer des actes de terrorisme partout en Israël sauf dans la zone A, zone regroupant les villes et villages qui, conformément aux Accords d'Oslo, sont totalement sous le contrôle de l'OLP. De fait, tout le terrorisme qu'Israël subit depuis la signature de cet accord est commis avec l'aval et le soutien actif ou passif de l'OLP. Par exemple, l'OLP n'extrade pas les quelques terroristes du Hamas qu'elle arrête. Arafat encourage personnellement le Hamas, notamment dans ses discours où il ne cesse de faire les éloges des héros et des martyrs du Djihad, et il a même nommé des membres du Hamas dans son administration. Enfin, il n'opère des arrestations, qui se limitent à du menu fretin, que lorsqu'il subit de très fortes pressions. Quand Israël lui remet une liste de noms et d'adresses d'activistes importants, il en appréhende de temps en temps un ou deux. Après les atrocités commises début mars, il en a arrêté quatre, mais naturellement aucun dirigeant. Il faut bien comprendre que pour Arafat, le Hamas ne constitue qu'une opposition au sein de son peuple. Son ministre de la Justice a d'ailleurs déclaré à plusieurs reprises que l'OLP et le Hamas sont complémentaires. Lors de la cérémonie de signature de l'accord OLP-Hamas du 22 décembre 1995, le négociateur en chef du Hamas a notamment dit: "Le Hamas voit son rôle militaire comme étant un complément à l'action politique et aux négociations dans lesquelles l'OLP est engagée avec Israël." Il faut bien comprendre que si Arafat avait été sérieux et sincère dans ses condamnations des attentats, il aurait donné l'ordre au Grand Mufti de Jérusalem, qui est l'un de ses hommes, d'émettre une "Fatwa" interdisant les attaques suicides.


Pratiquement, que peut faire Israël pour assurer la sécurité de ses citoyens ?

Il est absolument impossible de combattre le Hamas sans lutter contre l'OLP. Toute opération qui serait entreprise sans s'attaquer à l'OLP ne serait ni sérieuse ni utile. De plus, le gouvernement actuel sait très bien que le fait de s'en prendre à à l'OLP équivaut, pour lui, à commettre un suicide politique. Il ne le fait donc pas encore mais y sera, en définitive, inévitablement contraint. Je pense que c'est une question de quelques mois. Entre-temps, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures de protection dans les rues et dans les bus qui ne sont qu'un déploiement défensif plus désespéré qu'efficace et de portée limitée, les terroristes pouvant facilement changer de cible.


Pensez-vous que l'armée entreprendra une opération de nettoyage à Gaza ou dans l'une des régions cédées à l'OLP ?

Le gouvernement a déclaré qu'il frapperait le Hamas partout où il se trouve. A mon avis, ce discours n'est pas destiné à combattre le Hamas, mais plutôt à rassurer l'opinion publique israélienn à qui il s'agit de faire croire que le gouvernement agit. D'ailleurs, sur CNN, le ministre des Affaires étrangères Ehoud Barak a annoncé qu'il n'avait pas l'intention de se lancer dans ce genre d'opération.

Il faut bien comprendre que la grande question à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui n'est pas de savoir comment intervenir. Le problème réside dans le manque de volonté d'agir de notre gouvernement. Cela dit, je pense que ce dernier sera contraint d'entreprendre une action militaire non pas parce qu'il le souhaite, mais parce qu'il n'aura pas d'autre choix, tant sur le plan militaire que sur celui de la protection des citoyens et surtout s'il veut garder une petite chance de survivre politiquement.

J'estime qu'à terme, Israël sera obligé de retourner à Gaza d'abord pour des opérations ponctuelles puis pour s'y réinstaller, ce à la fin d'un processus de détérioration qui le mènera pratiquement à la veille d'une guerre.


Pensez-vous qu'il y aura d'autres actes de terrorisme ?

C'est inévitable. D'ailleurs, dans les nombreux articles que j'ai publiés dans la presse ces derniers mois, j'ai averti que de telles actions se dérouleraient, dès fin mars, après le retrait de l'armée de Hébron. Entre-temps, la vie doit continuer, mais je pense que les citoyens sont à présent plus vigilants.


Comment voyez-vous l'évolution politique du processus ?

Tout d'abord, il faut savoir que lorsque le comité de Défense et des Affaires étrangères de la Knesset a demandé à Shimon Peres ce qu'il pensait de l'accord entre l'OLP et le Hamas, il a répondu: "Je ne suis pas au courant et je ne me sens pas concerné."

De plus, le secrétaire de l'Autorité palestinienne a déclaré dans "El Hayat", journal arabe paraissant à Londres, que lors de la dernière rencontre entre Peres et Arafat, Shimon Peres a informé l'OLP qu'Israël menait des négociations avec le Hamas. Lorsque l'on sait que le Hamas considère son action comme étant "complémentaire" à celle de l'OLP, dont le but avoué est d'affaiblir Israël par la négociation, je pense que nous avons une toute petite chance d'endiguer la terreur arabe en menant un combat dur et décisif contre ces groupes terroristes et non pas en utilisant des remèdes de pacotille, comme c'est le cas aujourd'hui.