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Sommaire Espagne Printemps 2006 - Pessah 5766

Éditorial
    • Éditorial - Avril 2006 [pdf]

Pessah 5766
    • Liberté et Responsabilité [pdf]

Politique
    • Mirages de l\'unilatéralisme [pdf]

Interview
    • La situation sécuritaire [pdf]
    • Courage et Détermination [pdf]
    • Judaïsme et excellence [pdf]

Judée-Samarie
    • Honte et Espoir [pdf]

Analyse
    • Renaissance du califat ? [pdf]
    • Multiculturalisme et Antisémitisme [pdf]
    • Trop tard ? [pdf]

Reportage
    • Naissance à Jérusalem [pdf]

Recherche scientifique
    • Piquer sans aiguille [pdf]
    • Traces suspectes [pdf]

Art et Culture
    • Le Musée Menahem Begin [pdf]
    • Montparnasse déporté [pdf]

Espagne
    • Jérusalem et Madrid 1986 - 2006 [pdf]
    • Comunidades Judias de España [pdf]
    • Paella cachère ! [pdf]
    • Juif et Basque [pdf]
    • Les Juifs et la littérature contemporaine [pdf]
    • Esther Bendhan [pdf]
    • Museo Sefardi [pdf]

Éthique et Judaïsme
    • Dura Lex - Sed Lex [pdf]

La mémoire courte
    • Les événements du mois d'avril [pdf]

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Paella cachère !

Le Grand Rabbin Moshé Bendahan

Par Roland S. Süssmann

Récemment, un ami américain m'a dit que, lorsqu'il est venu à Madrid pour la première fois au début des années 90, il avait toutes les difficultés du monde à trouver un contact juif ou même un semblant de vie juive. A l'époque, celle-ci existait bien, mais n'avait de loin pas l'importance qu'elle revêt aujourd'hui. Actuellement, environ 7000 Juifs vivent à Madrid et la capitale compte cinq synagogues. Afin de nous permettre d'avoir une meilleure image de la vie juive religieuse telle qu'elle se présente aujourd'hui, nous avons demandé audience au Grand Rabbin MOSHE BENDAHAN, rabbin de Madrid et rabbin de la Fédération des communautés juives espagnoles, puisque le titre de Grand Rabbin d'Espagne n'existe pas.

Avant de nous parler de la vie de votre communauté, pouvez-vous nous dire depuis quand vous êtes en poste à Madrid ?

Ma famille est originaire de Tétouan, dans le Maroc espagnol. Elle est venue s'installer ici en 1966. Pour ma part, ayant décidé assez jeune de consacrer ma vie au rabbinat, je suis parti étudier pendant neuf ans à Jérusalem. Je suis ensuite revenu comme adjoint du rabbin pendant une dizaine d'années. Je lui ai succédé lorsqu'il a pris sa retraite il y a neuf ans. Pendant mes années en tant que second, mon travail était avant tout consacré à l'éducation. Nous avons créé toutes sortes d'activités éducatives, le Talmud Torah, des cours de judaïsme à l'école, auprès de la jeunesse, pour les jeunes parents, des dîners shabbatiques, des camps de vacances, etc.

Combien de membres avez-vous aujourd'hui dans votre communauté ?

Nous comptons 820 familles qui toutes sont halahiquement juives. Nous sommes une communauté orthodoxe et nos membres sont acceptés selon la réglementation de la législation juive. Les nouveaux arrivants doivent nous fournir des certificats de judéité délivrés par leurs communautés d'origines et signés par des rabbins établis. Des personnes converties par des communautés conservatives, libérales ou réformées ne sont pas reconnues comme étant juives. La majorité de nos membres sont de la même provenance que ma famille mais, depuis quelques années, nous comptons parmi nous des Juifs venus d'Amérique du Sud, en particulier du Venezuela et d'Argentine.

Vous nous avez parlé de votre action éducative. Comment êtes-vous organisés ?

A Madrid, il n'y a qu'une seule école juive qui accueille environ 320 élèves de tous bords, religieux et non religieux. L'école est reconnue par le Ministère de l'Éducation et bien entendu, ses programmes sont avant tout laïques. Nous portons un effort particulier à l'enseignement de l'anglais, de nombreux parents souhaitant que leurs enfants puissent ensuite être intégrés dans des écoles anglaises ou américaines. Les heures consacrées aux études juives sont donc assez limitées, cinq heures de cours par semaine, y compris l'enseignement de l'hébreu; deux heures d'études bibliques, deux heures d'hébreu et une heure d'histoire juive. Comme ceci est assez insuffisant, nous offrons des cours supplémentaires de judaïsme le dimanche où, pendant deux heures, les élèves peuvent acquérir des connaissances supplémentaires. Ceux-ci se déroulent dans les locaux de l'école, mais ne sont pas obligatoires. De plus, nous avons des classes de préparation à la Bar- et à la Bat-Mitsvah. En ce qui concerne l'enseignement non formel, nous organisons des cours quotidiens au sein de la communauté destinés aux jeunes, aux jeunes adultes, aux femmes, etc. De plus, il existe un kolel ouvert à des étudiants ou à des personnes qui travaillent et qui souhaitent avoir un cours de judaïsme. Quant à la synagogue, située à l'intérieur du centre communautaire, elle offre des offices quotidiens matin et soir. Elle a été construite dans ce quartier du centre ville car, vers la fin des années 1960, une grande partie de la population juive vivait ici. Aujourd'hui, la zone résidentielle se déplace de plus en plus vers le nord de la ville, là où se trouve l'école juive. Nous avons prévu de faire de cette synagogue un oratoire de quartier et de construire une nouvelle grande synagogue dans le secteur en plein développement. Pour l'instant, la population de ce quartier bénéficie de la synagogue de l'école juive pour les offices de Shabbat et des fêtes.

Aujourd'hui, sur le plan intellectuel, la vie juive semble donc assez intense. Comment préparez-vous la relève ?

La vie juive ici n'est pas seulement active sur le plan intellectuel, le côté pratique n'est pas négligé. Nous disposons de deux excellents restaurants cachers (dont l'un sert de la paella cachère) qui ont pignon sur rue et d'un troisième qui se trouve dans le centre communautaire, mais qui est en perte de vitesse. Nous avons aussi des clubs de sport et d'autres activités, où nos membres se retrouvent. Sur le plan de la cacherout, nous avons des accords avec les trois plus grands hôtels de Madrid afin que des fêtes familiales juives puissent se dérouler dotées des repas strictement cachers. Il faut bien comprendre qu'il s'agit là d'un élément important étant donné qu'aujourd'hui à Madrid, il n'y a pour ainsi dire plus de mariages ou de fêtes juives qui ne soient pas strictement cachers.
Quant à l'avenir, nous avons décidé d'ouvrir au mois de mai prochain un séminaire rabbinique à Madrid. En effet, à ce jour, tous les rabbins, les chohatim et les mohalim qui s'installent en Espagne viennent d'Israël. Nous estimons que le temps est venu d'avoir des guides spirituels parlant bien espagnol et connaissant la mentalité. Des élèves en provenance de la ville de Mélia et de Gibraltar se sont déjà inscrits. Quant aux enseignants, ils viendront du Mexique. Ce sera le premier séminaire rabbinique qui ouvrira ses portes en Espagne depuis plus de cinq cents ans. Nos élèves recevront une formation complète de rabbin, chohet, mohel et sofer (scribe). Ils feront les premières années d'études ici puis complèteront leur savoir en Israël. Pour l'avenir de la communauté, il est très important que les dirigeants religieux ne soient pas des fonctionnaires qui ne viennent ici que pour un temps limité, mais des personnes à même d'établir une relation à long terme avec les familles qu'ils accompagneront dans les joies et les peines.

Qu'en est-il de la jeunesse ?

Comme je vous l'ai dit, il y a toutes sortes d'activités où nos jeunes se retrouvent entre eux. Toutefois, celles-ci sont souvent dépourvues de tout esprit juif. C'est pourquoi la communauté a décidé d'engager un rabbin de la jeunesse qui soit proche des jeunes et qui puisse leur offrir des activités attrayantes et intéressantes avec un contenu intellectuel juif.

Procédez-vous à des conversions ?

Non. Lorsqu'il y a un candidat ou une candidate, nous les préparons et nous avons un accord avec le Grand Rabbinat d'Israël qui complète leur formation et procède à la conversion. Le Grand Rabbinat a établi un centre d'enseignement spécial à Efrat, qui compte deux départements. L'un offre un cours intensif (aussi en espagnol) d'une année à l'issue duquel la conversion peut se faire. L'autre est ouvert aux candidats dits «étrangers» qui ne peuvent pas venir pour une année en Israël. Ils se préparent alors dans leurs pays respectifs pendant environ un an et demi. A la fin de cette période, ils se rendent à Efrat où ils suivent un cours intensif pendant deux semaines à l'issue duquel ils peuvent être convertis. A cet égard, il est intéressant de constater que les Juifs séfarades sont assez conservateurs et que lorsqu'ils décident d'épouser quelqu'un d'une autre religion, ils lui demandent en général de se convertir au judaïsme. Mais bien entendu, comme partout, nous avons notre lot de couples mixtes.

Selon certaines statistiques, un grand nombre de personnes mangent cachère en Espagne, soit environ 65%. La shehita est-elle faite à Madrid ?

Je suis moi-même shohet et procède à l'abattage rituel des bovins et des moutons. Nous importons la volaille de Strasbourg. En effet, il n'est techniquement plus possible de procéder à son abattage ici. Dans le temps, cela l'était mais aujourd'hui, des chaînes d'abattage ont été installées à Madrid, où 5000 poulets sont mouillés et électrocutés à l'heure. Avec notre méthode manuelle, nous n'avons simplement plus notre place.

Pensez-vous qu'il y ait un avenir pour les Juifs en Espagne ?

Nous assistons à un phénomène assez intéressant, de nombreux jeunes couples deviennent religieux et pratiquants et partent en Israël. Ils estiment qu'ici le niveau d'éducation juive est insuffisant pour leurs enfants. Pour ma part, j'ai cinq enfants, dont quatre vivent à l'étranger, trois étudient à Jérusalem et le quatrième au Mexique. L'éducation juive est donc concentrée avant tout dans l'école juive, dont le niveau d'instruction judaïque est nettement insuffisant pour de nombreuses personnes. Comme il est extrêmement difficile d'établir une seconde école, les gens quittent le pays. Il m'est presque impossible de faire une projection pour l'avenir, car une grande partie de nos forces vives part.
Cela dit, à Madrid, environ 65% des enfants scolarisables vont à l'école juive. Nous commençons à perdre la jeunesse après la Bar-Mitsvah, bien qu'elle continue à participer à un certain nombre des activités que nous lui offrons. Lorsque je regarde les chiffres, je constate que le nombre d'adolescents ou d'étudiants qui participent à des activités communautaires ne dépasse pas les 15% à 20% des inscrits sur nos listes.
Je pense que le leadership communautaire de demain sera issu d'un milieu traditionaliste ou pratiquant, car ce sont les jeunes de ces familles qui, après la Bar-Mitsvah, gardent le contact avec la vie communautaire.
Quant à votre question de savoir si oui ou non j'estime qu'il y a un avenir pour les Juifs en Espagne, je ne peux vous donner qu'une évaluation approximative. Je pense que les petites communautés, dont certaines comptent encore 30 familles, sont appelées à disparaître et que leurs membres s'installeront progressivement dans les grandes villes. Cette idée va toutefois à l'encontre de l'évolution de la communauté de Toremolinos composée aujourd'hui de quarante familles, qui dispose d'une synagogue, d'un restaurant cachère, de deux boulangeries, d'un Talmud Torah et d'une Mikvéh (bain rituel) !
Tous les espoirs sont donc permis, mais je crois bien que l'avenir du judaïsme espagnol sera progressivement concentré sur Madrid et Barcelone.


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