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Sommaire Hongrie Automne 2004 - Tishri 5765

Éditorial - Septembre 2004
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Jérusalem – Budapest - Sarajevo

S.E. Mme Judith Varnai Schorer. Photo Bethsabée Süssmann

Par Roland S. Süssmann
A travers nos différents reportages dans les pays d’Europe de l’Est, nous avons pu observer l’évolution des relations entre les États de l’ancien bloc communiste et Israël. Afin de compléter ce tableau, nous avons décidé de nous rendre en Hongrie, où nous avons été très chaleureusement reçus par S.E. Mme JUDITH VARNAI SCHORER, ambassadrice d’Israël résidente à Budapest et non résidente à Sarajevo.

La première question classique que nous avons posée à tous les ambassadeurs d’Israël que nous avons rencontrés et que nous vous posons aujourd’hui est la suivante: pouvez-vous en quelques mots définir l’état actuel des relations entre les deux pays ?

Sans utiliser la langue de bois, je peux affirmer haut et fort que les rapports sont proches et excellents. Il faut se souvenir qu’en 1967, après la Guerre des Six Jours, les Hongrois, comme la majorité des pays communistes, ont brisé leurs relations diplomatiques avec Israël. Celles-ci ont été rétablies après la chute du Mur de Berlin, l’instauration de la perestroïka et l’implosion du système communiste. De 1967 à 1989, nous n’avions donc aucune relation diplomatique. Nous avons établi une première antenne de représentation fin 1988 et c’est en 1989 que l’ambassade a formellement ouvert ses portes. La priorité était alors de «recoller les morceaux». Nous étions face à un État qui tentait de se défaire d’un système communiste très fortement incrusté et qui, parallèlement, faisait ses premiers pas vers la liberté – vers l’instauration d’un système libre et démocratique. De plus, il y avait une importante communauté juive qui venait d’être libérée de la chape communiste. La situation était donc assez complexe.
Aujourd’hui, quinze ans après la libération, nous sommes en présence d’une toute autre Hongrie que celle de 1989. Budapest est totalement occidentalisée, toutes les grandes firmes internationales y sont représentées, la ville a été partiellement ravalée et tout est entrepris pour l’embellir et améliorer la qualité de vie. Parallèlement, les relations avec Israël ont été en constante évolution positive. Il y a eu de nombreuses visites officielles de part et d’autre, la dernière en date étant la visite d’état du président Katsav, en avril dernier, à l’occasion de l’inauguration du nouveau musée de l’Holocauste. Mais dès 1990, des personnalités hongroises de premier plan se sont rendues en Israël, tel le président Arpad Gonz, le premier ministre Jozef Antall et, du côté israélien, le président Haïm Herzog est également venu ici. La Hongrie a été d’une grande aide pendant l’Alyah des immigrants soviétiques vers Israël, un centre de transit ayant été ouvert à Budapest. Je dois aussi rappeler qu’en 1992, des terroristes ont attaqué un bus transportant des Juifs soviétiques. Bien qu’aucun d’entre eux n’ait été blessé, deux policiers hongrois ont été touchés.
L’une des raisons qui font que les relations entre nos deux pays s’améliorent en permanence provient du fait que près de 250’000 Israéliens sont d’origine hongroise. L’importance de cette réalité se reflète surtout dans la manière dont les relations économiques ont évolué. Au cours des dix dernières années, les investissements israéliens à Budapest ont atteint deux milliards de dollars, ce qui est nettement supérieur aux investissements dans les pays environnants, en Ukraine, en Slovaquie et en Roumanie. Si les relations commerciales sont prépondérantes, sur le plan politique et culturel, les rapports sont également très étroits.

En votre qualité d’ambassadrice d’Israël, vous ne représentez pas uniquement Israël auprès du gouvernement hongrois, mais aussi de la communauté juive. Dans quel esprit avez-vous abordé cette partie de vos responsabilités ?

Il ne fait aucun doute que ma mission auprès de la communauté juive est aussi importante que celle relative aux relations entre les deux États. On estime généralement qu’il y a 120'000 Juifs en Hongrie, ce qui en fait la troisième communauté en Europe. Le premier problème auquel cette communauté a été confrontée après la chute du Mur de Berlin a été d’être à même de «relever la tête». J’entends par là d’assumer son identité juive sans la moindre crainte et ce tant au niveau individuel que communautaire. Il faut bien comprendre que je vous parle là d’une démarche qui n’était ni facile ni évidente. Il faut se souvenir qu’après avoir été pratiquement totalement décimée pendant la Shoa, cette communauté était constituée de survivants qui, à la fin de la guerre, ont tenté de rétablir une vie juive tant soit peu stable. Dès 1948, elle a été soumise à la dictature communiste donc, d’une certaine manière, elle a vécu un traumatisme de plusieurs décennies. Curieusement, pendant la période communiste, l’antisémitisme était officiellement interdit, bien que c’était l’un des outils de la répression et de la propagande. En effet, il n’existait pas de liberté d’expression dans les médias, où tous les messages d’incitation pouvaient être diffusés librement, comme c’est toujours le cas aujourd’hui. Nous comptons donc actuellement une communauté d’environ 120'000 âmes dont 80'000 sont authentiquement juives, selon les règles de la législation juive. Le reste est constitué d’un mélange, mais actuellement de plus en plus de gens sont disposés à se reconnaître ouvertement juifs et à le proclamer haut et fort à leur entourage. La crainte de l’identification a diminué de manière significative. On peut dire qu’aussi bien le judaïsme que l’antisémitisme font partie intégrante du débat public et que les Juifs n’ont pas peur de combattre les antisémites. Bien entendu, il n’y a pas d’antisémitisme d’état au niveau gouvernemental ou parlementaire, et le fait de s’attaquer ouvertement aux Juifs n’est pas «politiquement correct». Ceci ne veut absolument pas dire qu’il n’y a pas d’antisémitisme ou pas d’incidents antisémites, même dans les écoles, mais ceci n’a pour l’instant pas pris les mêmes proportions que dans certains pays européens.

Pourquoi ?

Tout simplement parce que les Hongrois ont l’antisémitisme dans le sang et que celui-ci n’est pas dirigé par d’énormes minorités musulmanes ou par l’intérêt de courtiser cette communauté. Les Hongrois détestent les minorités et tout ce qui n’est pas blanc. Toutefois, ils ont un problème avec les Juifs qu’ils ne peuvent pas détester autant que les autres parce que, depuis le début du XXe siècle, ils ont apporté une contribution considérable à l’essor de la Hongrie et ce tant sur le plan économique que culturel: 85% des Hongrois qui ont reçu le Prix Nobel étaient juifs. Nous sommes face à cette situation paradoxale où les Hongrois détestent les Juifs depuis leur plus tendre enfance mais, d’une certaine manière, ils ne savent pas trop sur quel pied danser avec eux. Un exemple frappant qui illustre bien cette situation concerne le Prix Nobel de Littérature 2002, l’écrivain Juif hongrois Imre Kertesz. Les Hongrois ne savaient pas comment traiter cette affaire. En effet, la publication de son livre Auschwitz, qui lui a valu ce prix prestigieux, était interdite en Hongrie. La première édition est donc sortie en Israël en hébreu, comme d’ailleurs tous ses autres livres.
Nous vivons actuellement la soixantième année de la déportation des Juifs hongrois. Pratiquement chaque semaine, je me rends dans une autre localité pour participer à une cérémonie de commémoration. Partout, j’entends le même type de discours du maire: «Depuis que les Juifs ont été enlevés - ou sont partis - d’ici, nous n’avons plus d’activités commerciales chez nous.» Tout d’abord, je rappelle toujours à ce bon maire que les Juifs n’ont pas été «pris» et ne sont pas «partis», mais qu’ils ont été mis dans les trains de la mort par la population locale. Puis je pose la question de savoir comment il se fait qu’après soixante ans, ils n’ont pas été capables de se refaire. La réponse est toujours la même: «Depuis que les Juifs ne sont plus là, nous n’avons plus de vie économique». Je leur réponds toujours: «Chez vous, les Juifs ont été persécutés et assassinés devant vos yeux et vous n’avez rien fait pour eux. Pourquoi voudriez-vous qu’ils reviennent chez vous ?». Comme vous le voyez, les sentiments qui régissent les relations entre la population hongroise et la communauté juive sont extrêmement ambivalents. Dans l’ensemble, les Juifs ont une qualité de vie assez agréable en Hongrie. A ce jour, il reste environ 18'000 à 20'000 survivants de la Shoa, pour la plupart subventionnés par la communauté juive. Malgré tout, je pense que la communauté juive de Hongrie vit une période assez positive surtout lorsque l’on regarde d’où elle vient et je dirai même qu’elle se porte mieux que beaucoup de communautés des pays de l’Est et que certaines communautés juives d’Europe occidentale.

Vous nous avez parlé de l’antisémitisme et de la porte ouverte aux excès qu’offre la liberté d’expression totale. Existe-t-il des lois contre le racisme et l’incitation à la haine ?

Vous touchez là à un point très sensible. Le gouvernement actuellement en place a pris l’initiative d’établir une loi interdisant toute forme de discours incitant à la haine. Le projet de loi a été accepté par le parlement, mais toute loi doit, soit être ratifiée par le président qui lui donne force de loi, soit, à défaut, être acceptée par la Cour constitutionnelle. Le président actuel, qui est juriste et professeur à l’université, a décidé de renvoyer ce projet de loi devant la Cour constitutionnelle. Celle-ci a pris six mois pour l’étudier et en mai 2004, elle l’a renvoyée au Ministre de la Justice en disant qu’elle était anticonstitutionnelle. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit là d’une décision purement politique. Donc, il n’y a pas de loi. Un nouveau texte est à l’étude mais en définitive, je pense que nous devrons attendre que l’Union européenne adopte une loi uniforme sur le sujet pour que la Hongrie y adhère. Cela dit, je dois admettre que de cas en cas, le gouvernement prend position contre des actes d’antisémitisme publics ou importants, qu’il interdit. Lorsque je suis arrivée ici, il y avait des supporters d’une équipe de football qui, lors des matchs, chantaient: «Le train qui part pour Auschwitz se remet en marche», le tout accompagné d’autres slogans antijuifs ! Je suis intervenue très énergiquement contre ces agissements qui ont finalement été interdits et il existe même aujourd’hui une loi qui prévoit de graves punitions contre ce type de conduite.

Qu’en est-il des attaques anti-israéliennes dans la presse hongroise ?

A cet égard, je crois que la majorité des ambassadeurs d’Israël en poste en Europe occidentale peuvent être jaloux de ma position. En Hongrie, nous ne sommes pas confrontés à une agressivité très prononcée. Il existe une presse d’extrême droite qui s’attaque régulièrement à moi. Je ne lui réponds jamais et, lorsque je suis interrogée à son sujet, je ne mentionne jamais son nom et ne parle d’elle qu’en tant que «phénomène». Elle n’a pas une très grande audience, mais elle existe.

Dès à présent, la Hongrie est membre de l’Union européenne qui, dans l’ensemble, a une politique pro-arabe et ouvertement anti-israélienne. Pensez-vous que, par souci de collégialité, la Hongrie va changer sa politique à l’égard d’Israël ?

Je ne crois pas. En effet, au cours de l’année écoulée, tous les nouveaux membres se sont déjà alignés sur la politique de l’UE, mais il y a des domaines où ils ont maintenu leur indépendance. Dans le cadre de l’ONU par exemple, la Hongrie ne s’est alliée à l’UE que lorsque celle-ci a voté de manière homogène. Dans les cas où il y avait une division, la Hongrie s’est jointe à l’Allemagne, à la Hollande, à la Grande-Bretagne et aux pays de l’Atlantique nord.

A combien s’élèvent les échanges commerciaux entre les deux pays ?

Le chiffre de l’année dernière était d’environ 150 millions de dollars. La Hongrie achète tout ce qu’Israël peut exporter et Israël importe un certain nombre de matériaux relatifs à l’industrie lourde, quelques produits chimiques et, depuis peu, du bétail sur pied. En effet, nous avons trouvé un cheptel sain ici alors que les pays qui nous approvisionnaient en viande étaient touchés par la maladie de la vache folle.

Comment voyez-vous l’évolution des relations entre les deux États ?

La Hongrie est un petit pays très stable et bien situé en Europe centrale. Le dialogue entre nous est très positif et je crois qu’en raison de son caractère indépendant, la Hongrie, comme la Pologne et la République tchèque, pourra jouer un rôle modérateur en notre faveur au sein de l’Union européenne. De plus, il faut souligner que des pays comme la Pologne, la République tchèque et la Hongrie sont très fortement liés aux États-Unis. Il existe de nombreuses raisons pour cela, mais l’une d’elles est plus importante, c’est le souvenir de ce qui s’est passé pendant la récente guerre des Balkans. En effet, les Européens ont regardé les bras croisés ces populations s’entretuer, en particulier en Bosnie, et ce n’est que grâce à l’intervention directe des USA que cette guerre s’est terminée et que le jeu des massacres a pris fin. Ce sont des choses qui ne s’oublient pas.

En plus de votre mission en Hongrie, vous êtes aussi accréditée en Bosnie-Herzégovine. Quelles sont les relations avec Israël et quelle est la situation de la communauté juive dans ce pays qui se relève de ses cendres ?

Les relations sont bien différentes qu’avec la Hongrie. Au mois de décembre dernier, le Ministre des Affaires étrangères bosniaque s’est rendu en Israël. Nous n’avons pas de différend politique avec la Bosnie. Toutefois, il faut savoir que les seuls investissements dans ce pays proviennent des pays arabes et ne servent qu’à la construction et à la multiplication des mosquées. Chacun de ces lieux de culte coûte environ trente millions de dollars. Cet argent serait nettement mieux employé s’il était investi dans le développement du pays ou dans l’éducation, mais tel n’est pas le cas. On peut se poser la question de savoir si à moyen ou long terme, ces institutions éducatives musulmanes mettront en danger la communauté juive. Je pense que tant que les forces internationales seront présentes en Bosnie, ce genre de risque sera pour ainsi dire inexistant. Les Bosniaques souhaiteraient développer les relations commerciales avec Israël et bénéficier, comme la Hongrie, d’investissements israéliens, mais il n’y a pour l’instant aucune infrastructure susceptible d’attirer des investisseurs potentiels.
Mille Juifs vivent aujourd’hui en Bosnie, dont sept cents à Sarajevo, les trois cents autres habitant en majorité à Mostar, Doboj et Banja Luka. Pendant les hostilités, les femmes et les enfants avaient été envoyés en Israël. Les Juifs sont très appréciés par la communauté musulmane car, pendant la guerre, ils l’ont énormément aidée. L’un des leaders communautaires m’a confié: «Les Musulmans bosniaques voient en nous les Wallenberg de Sarajevo». En effet, pendant les hostilités, les Juifs leur ont apporté une aide médicale ainsi que des médicaments introuvables. Aujourd’hui, les Juifs jouent un rôle de médiateur pour trouver des solutions à un grand nombre de problèmes. Il s’agit d’une communauté très bien organisée. Il n’y a pas de chômeurs juifs, bien qu’officiellement le taux de chômage se situe entre 40%-50% (en réalité 25% en raison du marché noir du travail). Récemment, un groupe d’une vingtaine de jeunes s’est présenté aux responsables communautaires en disant qu’ils cherchaient du travail et la communauté a trouvé un emploi pour chacun d’eux.
Je peux affirmer qu’à Sarajevo vit une petite communauté sépharade qui a su survivre à de nombreux traumatismes et qui, aujourd’hui, a sa place aussi bien au niveau national que dans la famille des communautés juives dans le monde.


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