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Sommaire Médecine et Halakha Automne 2004 - Tishri 5765

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Sexe - Morale – Législation

Le Dr Mordechaï Halperin. Photo Bethsabée Süssmann

Par Roland S. Süssmann
L’image du judaïsme est souvent celle d’une religion surannée aux pratiques moyenâgeuses et qui prône un mode de vie austère et rigoriste. Tenir Shabbat et manger cacher sont souvent considérés à tort comme des actes «has been» qui empêchent ceux qui vivent en fonction de ces règlements de «profiter des bonnes choses de la vie». Braver les interdits culinaires et manger du porc, des cuisses de grenouilles ou des crustacés est considéré comme étant «moderne et adapté». Inutile d’évoquer les questions sexuelles: l’opinion des ignorants est toute faite car, dans ce domaine comme dans ceux qui régissent notre mode de vie, le judaïsme ne peut bien entendu qu’offrir une liste d’interdits.
Or c’est exactement le contraire ! Le judaïsme est à la pointe de la modernité et offre une palette de réponses inédites où la morale, l’hygiène, l’éthique religieuse et la législation juive (halakha) sont réunies. Bien entendu, il ne s’agit pas de favoriser la permissivité ou les déviations sexuelles, mais d’apporter un soulagement aux personnes confrontées à des problèmes d’infertilité ou de dysfonctionnement sexuel, de nature physique ou psychologique.
A travers la Bible et le Talmud, ces questions sont abordées de manière directe et ouverte. Dans le traité de Chagigah (2a), où sont énumérées les personnes tenues de se présenter au temple, se trouve également la liste de celles qui en sont exclues: le sourd, l’idiot, le mineur, la personne de sexe indéterminé, l’hermaphrodite, etc.
Afin de nous parler de la place de toutes ces questions dans le judaïsme et des réponses que celui-ci apporte à notre société qui se dit si évoluée, nous avons rencontré le Dr MORDECHAÏ HALPERIN, spécialiste de l’infertilité masculine et féminine et du dysfonctionnement sexuel chez l’homme et chez la femme. Le Dr Halperin a obtenu son ordonnance rabbinique à la fameuse yéshivah de Ponievitz en 1966 (après sept ans d’études), sa licence en Mathématiques et Physique à l’Université hébraïque de Jérusalem en 1974 et son diplôme de médecine dans cette même faculté et à l’École de médecine de l’hôpital Hadassah. Aujourd’hui, le Dr Halperin est à la tête du comité d’Éthique médicale du Ministère de la Santé israélien et membre du comité de Bioéthique de l’Académie israélienne des Sciences et des Humanités. Outre son activité médicale, le Dr Halperin dirige le «Dr. Falk Schlesinger institute of Medical-Halachic Research» de l’hôpital Shaare Tsedek de Jérusalem.

Votre spécialisation, très vaste, touche aux aspects les plus intimes et les plus profonds de chacun de vos patients. Comme nous n’avons pas l’intention de publier ici une encyclopédie sur le sujet, nous devons nous limiter à quelques aspects de votre activité dont le plus important semble être l’infertilité. Quelles sont les raisons majeures de cette déficience ?

Il existe quatre catégories d’infertilité, trois touchent aussi bien les hommes que les femmes, la quatrième, quant à elle, ne concerne que les femmes. Les trois premiers types sont: absence ou dysfonctionnement des cellules de fertilité (le sperme ou les ovocytes); dysfonctionnement, absence ou sous-développement de différents organes pouvant générer des problèmes anatomiques ou physiologiques; dysfonctionnement des organes sexuels, l’un des plus courants étant les troubles érectiles et l’anéjaculation chez l’homme et le vaginisme chez la femme (spasme douloureux instinctif des muscles vaginaux empêchant les rapports sexuels). A ce sujet, il faut savoir qu’il s’agit là d’un problème très grave menant à des mariages non consommés: dans de nombreux cas, des couples ont vécu ensemble de manière dramatique pendant toute leur vie, uniquement pour sauver les apparences. Plusieurs sortes d’interventions chirurgicales ont été tentées sans succès mais il y a une quinzaine d’années, un médecin israélien de Tibériade, le Dr Uri Lévi, a découvert une technique simple de stimulation d’un réflexe caché, qui doit être éperonnée par une technique médicale. C’est là une solution facile qui permet de régler un problème à la fois ancien et irrésolu. La quatrième source d’infertilité, propre à la femme, réside dans l’absence d’utérus ou dans le fait que, pour des raisons médicales, celui-ci ne fonctionne pas.

Comment ces questions d’infertilité sont-elles perçues et abordées dans les milieux religieux et non religieux de votre clientèle ?

J’ai des patients de tous les milieux, qui ne s’adressent pas à moi pour des questions religieuses, mais parce qu’ils souffrent d’un problème physique. Il est vrai que dans les milieux religieux, une bonne partie de l’information est transmise par les rabbins, pour lesquels nous organisons des séminaires. Tel était d’ailleurs déjà le cas au temps des maîtres du Talmud. En effet, nous y apprenons que rabbi Yochanan a eu une maladie gastro-intestinale, traitée par un médecin romain à Tibériade. Celui-ci ne l’a pas seulement soigné, il lui a expliqué toute la technique du traitement qu’il lui appliquait. Le Shabbat suivant, Rabbi Yochanan a transmis son nouveau savoir à ses élèves et aux membres de sa communauté. Ceci nous apprend que les leaders spirituels juifs ne se sentaient pas seulement responsables pour le bien-être spirituel de leurs ouailles, mais aussi pour leur santé. Aujourd’hui, de nombreux rabbins informent leur auditoire religieux des nouvelles techniques médicales bien avant que ce genre d’information n’atteigne le grand public. A ce sujet, il est intéressant de souligner que nous avons organisé au mois de mai dernier un séminaire de 32 heures destiné à de jeunes rabbins de la communauté ultra-orthodoxe d’Israël avec pour sujet: «Information médicale sur l’infertilité et les problèmes graves qui se présentent dans la vie familiale, en particulier les dysfonctionnements sexuels». Dans ce cadre, des médecins de premier plan ont donné des cours sur les questions médicales, physiologiques et cliniques ainsi que sur les questions halakhiques qui en découlent. L’un des sujets exposés touchait aux implications halakhiques qui pouvaient résulter du fait que des problèmes familiaux n’étaient pas avoués et par conséquent pas traités. A l’issue du séminaire, ces rabbins étaient à même d’apporter des réponses médico-halakhiques de première main aux problèmes qui se posent au sein de leurs communautés.

Tout ce que vous nous avez expliqué jusqu'à présent relève dans l’ensemble de la médecine générale pratiquée dans le monde entier. Or vous dirigez un institut dont la particularité est de coordonner les professions de la santé avec l’esprit de la Torah. Dans le cadre des questions du dysfonctionnement sexuel et de l’infertilité, comment les questions de halakha trouvent-elles leur place ?

Afin d’illustrer mes propos, je vous citerai un exemple concret qui s’est présenté à nous et qui a soulevé un grand nombre d’interrogations de nature éthique. Il y a quelques années, le directeur d’une banque israélienne m’a téléphoné en me disant que sa fille voulait se marier avec le garçon qu’elle aimait, mais que ce dernier avait un certain nombre de problèmes médicaux. Il voulait que j’examine le jeune homme afin de savoir si oui ou non leur union serait fructueuse. Si ma réponse était négative, le père exigerait que sa fille épouse quelqu’un d’autre. J’ai reçu le jeune homme qui, à première vue, avait l’air normalement constitué. En l’examinant de plus près, je me suis rendu compte qu’il avait cet aspect «normal» uniquement parce qu’il avait pris des hormones. Mais il avait un défaut physique: ses testicules n’étaient pas développés et avaient la taille de ceux d’un garçonnet de huit ans. Cela signifiait que ses testicules ne produisaient aucun sperme. Il s’agissait là d’un syndrome médical bien connu, l’hypogonadisme, dont l’élaboration n’a pas sa place ici. J’ai pu traiter le garçon et après huit mois de mariage, la jeune épouse est tombée enceinte. Ce genre de situation implique un grand nombre de questions éthiques et morales: pouvait-on recommander le mariage alors qu’il n’était absolument pas certain que le traitement fonctionnerait (bien que j’estimais avoir 90% de chances de réussite) ? Pouvait-on utiliser les deniers publics de la caisse maladie nationale pour un traitement de ce genre ? Même si le traitement réussit, peut-on savoir si la maladie n’est pas génétique et donc transmissible ? C’est à ce genre de questions d’ordre éthique que nous répondons en notre âme et conscience et en fonction des règles de la halakha. La question de la transmission génétique, problème inhérent à notre époque, illustre bien le fait que nous trouvons dans le judaïsme des réponses à des questions d’une actualité brûlante.

Dans cet esprit, on peut se poser la question de savoir s’il est autorisé d’utiliser du Viagra ?

L’une des obligations essentielles des époux est de procurer du plaisir et de la satisfaction à son partenaire. Le Talmud (traité de Shabbat page 152) parle du dysfonctionnement érectile qu’il décrit en disant: «l’organe qui amène la paix dans le foyer ne fonctionne pas». Dans ce cas, nous traitons régulièrement les patients frappés d’impotence et ce en toute conformité avec la halakha.

Quels sont les plus grands problèmes halakhiques de notre temps auxquels vous êtes confrontés dans votre domaine ?

Les questions sont nombreuses et peuvent aussi prendre de temps en temps des tournures surprenantes. On m’a demandé récemment s’il était autorisé de prendre du Viagra le jour de Shabbat. En effet, il ne s’agit pas d’un médicament qui soigne une maladie. Pour de nombreuses raisons qu’il serait trop long d’énumérer ici, la réponse est oui. Mais nous sommes confrontés avant tout à des questions touchant à l’infertilité, extrêmement complexes tant par leur application immédiate que par les conséquences qu’elles impliquent. On nous pose souvent la question de savoir si l’utilisation du sperme d’un donateur est autorisée, si le transfert d’ovocytes est permis, etc. A cet égard, il est intéressant de souligner qu’il existe une différence fondamentale entre la législation juive et la législation civile européenne en ce qui concerne la définition de la famille. En effet, dans la loi civile, la détermination de la famille constitue une question légale, d’où l’existence de l’enfant illégitime. Le fait que la famille soit un concept légal facilite énormément la question de l’adoption, puisqu’il suffit de détacher un lien légal pour en nouer un nouveau. Dans la loi juive, le concept de la famille n’est pas légal, mais biologique. Un enfant qui n’est pas issu d’un mariage n’est pas illégitime car il est l’enfant biologique du père. L’enfant illégitime n’existe pas. Il y a bien le «Mamzer» qui est un type de bâtard issu d’une relation adultérine, mais qui n’a rien à voir avec l’enfant illégitime tel qu’il est perçu dans la loi civile. D’après la loi juive, le père est celui qui donne le sperme et il est interdit de créer des enfants nés d’un père inconnu. Malgré cela, en Israël, l’anonymat du donneur de sperme est encore en vigueur alors qu’en Grande-Bretagne, une nouvelle loi autorise sa levée. Le père sociologique peut adopter l’enfant mais, d’après la halakha, le père biologique garde son statut paternel.
Pour le statut de la mère, la question est nettement plus compliquée. Aujourd’hui, la fertilisation in vitro est devenue plus accessible et la maternité peut être divisée sur deux femmes qui se partagent les deux fonctions, à savoir l’ovocyte et l’utérus, l’une génétique et l’autre physiologique. Par conséquent, la détermination de l’identité de la mère n’est plus évidente. L’une des conséquences d’une telle question qui peut se présenter est de savoir si un enfant issu d’une telle conception a le droit, sans tomber dans l’inceste, d’épouser le fils ou la fille de sa mère génétique ou de sa mère physiologique. Cette question touche aussi la problématique de la mère porteuse (qui, de cas en cas, après un examen très méticuleux d’un comité spécialisé peut être autorisée en Israël). La question se complique encore plus dans la Diaspora, où il est possible qu’un ovocyte provienne d’une donatrice non juive et où la détermination de l’identité de la mère définira si l’enfant est juif ou non.

Dans votre institut, soignez-vous aussi des Arabes ? La question se pose de savoir s’il faut traiter l’infertilité d’une femme arabe qui potentiellement peut donner naissance à un être qui demain tuera des Juifs ?

D’après la législation juive, tout être humain doit être soigné. Dans cet esprit, la désacralisation du Shabbat pour sauver une vie est obligatoire. En cas d’urgence, les soins passent avant tout et ce même s’il s’avère après coup qu’une intervention n’avait pas de véritable caractère d’urgence et qu’en fait, elle aurait pu être reportée à un jour de semaine. Dans la législation juive, il n’y a aucune distinction entre un Juif et un non juif et, sur le plan médical, toute forme de discrimination est strictement interdite. D’ailleurs, en Israël, la population arabe reçoit beaucoup plus d’organes qu’elle n’en donne. Toute personne qui nécessite une transplantation obtient, dans la mesure où un organe compatible est disponible, ce dont elle a besoin. Il n’y a aucun calcul ni aucune corrélation entre le nombre d’organes donnés par une minorité et la personne qui en a besoin. Les pays qui font ce genre de calcul ont un sévère problème de moralité.

En conclusion, pensez-vous que nous assistons aujourd’hui dans les milieux orthodoxes, où l’évocation des questions sexuelles a la réputation d’être taboue, à une ouverture d’esprit et à une prise de conscience ?

Ces questions ont de tout temps été évoquées dans ces milieux. Il est vrai qu’aujourd’hui, les rabbins sont plus alertes et veulent être à même de transmettre une information médicale juste et moderne. Nous avons de plus en plus de demandes auxquelles nous répondons au mieux de nos connaissances. Nous publions un magazine international «Assia – Journal of Jewish Medical Ethics and Halacha», nous avons un site web extrêmement utile (www.medethics.org.il) et une ligne d’informations très fréquentée. Lorsqu’une procédure médicale pose un problème d’ordre moral ou religieux qui semble contrevenir aux lois de la législation juive, il est très important de pouvoir disposer d’une source d’information fiable. Nous offrons un service international d’informations et apportons des réponses à travers le monde entier. De nombreuses questions d’ordre général ou théorique nous sont posées, mais il n’est pas rare que nous soyons interrogés pour des cas spécifiques et des problèmes techniques ou légaux, souvent complexes. L’un de nos médecins-rabbins s’efforce de répondre le plus rapidement possible.




L’institut Dr. Falk Schlesinger for Medical-Halachic Research à l’hôpital Shaare Zedek de Jérusalem
Fondée en 1966, cette institution a pour but de coordonner les professions médicales et l’esprit de la Torah. L’activité de l’institut concerne avant tout l’approche halakhique des questions d’éthique médicale liées aux progrès de la médecine et à leurs ramifications sur le plan légal, le but étant d’apporter des solutions pratiques. De plus, l’institut offre toute une palette de programmes académiques et religieux sur des sujets liés à l’éthique médicale et à la législation juive. Cela va du séminaire d’une journée à des programmes complets. L’institut organise des conférences internationales sur des questions médicales et halakhiques, publiées en hébreu et en anglais. La liste des sujets traités est extrêmement longue et va du dépistage obligatoire du Sida selon la halakha à la transplantation d’organes en passant par les lois de la halakha pour les médecins ou encore l’erreur médicale dans la législation juive, etc. L’institut dispose d’une vaste bibliothèque.


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