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Sommaire Reportage Printemps 2004 - Pessah 5764

Éditorial - Avril 2004
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Pessah 5764
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Politique
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Interview exclusive
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Témoignage
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Judée-Samarie-Gaza
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Shalom Tsedaka
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Reportage
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Médecine
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Allemagne
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    • La Villa de Wannsee [pdf]
    • La conférence de Wannsee du 20 janvier 1942 [pdf]
    • Le Musée juif de Berlin [pdf]
    • Détermination et poursuites [pdf]

Éthique et judaïsme
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Société
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Les Falashas Mouras

Par Roland S. Süssmann
L’un des éléments qui conditionne le succès à moyen et long terme de l’État d’Israël réside bien entendu dans le développement de l’immigration, l’Aliyah. La venue d’environ un million de personnes en provenance de l’ex-URSS a radicalement changé un certain nombre de données fondamentales en Israël. Aujourd’hui, bien que les chiffres potentiels soient encourageants, l’Aliyah en tant que telle ne connaît pas un essor fabuleux, le nombre de nouveaux arrivants étant relativement réduit.
Or il existe une société entière riche d’environ 26'000 âmes dont le désir le plus cher est de venir s’installer rapidement en Israël. Il s’agit des Falashas Mouras, cette branche de la société juive d’Éthiopie qui, pendant plus d’un siècle, a vécu officiellement dans la chrétienté tout en gardant son identité juive. Les conversions étaient souvent dues à des pressions sociales de tous genres, guerres de religions, pogromes, famines, etc. A un moment donné, il était interdit à toute personne non chrétienne de posséder des terres, si bien qu’environ 30% de la population juive ont embrassé officiellement la foi chrétienne.
Pendant plus de dix ans, la question des Falashas Mouras a constitué une source de préoccupation tant pour le Gouvernement israélien que pour l’Agence Juive et les instances rabbiniques. Au cours de cette période, le Grand Rabbinat d’Israël a décrété que les membres de cette population étaient des Juifs à part entière et remplissaient toutes les conditions afin de pouvoir bénéficier de la Loi du Retour. Pour ceux qui ne se sentent pas tout à fait acceptés par la société religieuse en Israël, le Rabbinat organise ce que l’on appelle une «conversion de stricte observance», Giour Hamour, à laquelle se soumettent les Juifs éthiopiens Falashas Mouras vivant en Israël. Pour ce faire, ils suivent des cours spéciaux de judaïsme.
Après l’Opération Moïse des années 1984-85 et l’Opération Salomon (1990), qui a permis à la majorité restante des Juifs d’Éthiopie de s’établir en Israël, un comité a été fondé en Israël afin de recenser les Falashas Mouras qui pouvaient être des candidats valables pour une émigration vers Israël. En 1992, une liste d’environ 30'000 noms a été remise au Gouvernement israélien. Cette liste et de nombreuses démarches légales ont permis à environ 25'000 Falashas Mouras de venir progressivement s’installer en Israël. En 1999, conscient du fait qu’une partie de la population Falasha Mouras vivant dans des régions reculées d’Éthiopie n’avait pas été prise en considération, un comité comptant des représentants du Ministère de l’Intérieur, de l’Agence Juive, du Grand Rabbinat d’Israël et de certaines organisations humanitaires a été créé afin d’établir une nouvelle liste. A travers le pays, 26'000 personnes répondant aux qualifications nécessaires pour pouvoir venir habiter en Israël ont ainsi été découvertes. Une fois repérés, ces gens ont quitté leur région pour venir vivre à Addis-Abeba et à Gonda, dans des conditions très difficiles. A ce jour, ils ont adopté un style de vie totalement juif et disposent d’une école juive qui accueille quotidiennement plus de six mille enfants. Il faut bien comprendre qu’aujourd’hui, en Éthiopie même, ces individus sont devenus des «réfugiés de l’intérieur». Ils ont abandonné leurs foyers et leurs occupations dans le but de se rendre en Israël mais à ce jour, ils se trouvent bloqués en Éthiopie. Inutile de dire qu’ils sont harassés, maltraités et exploités par la population locale. Ils ne survivent que grâce à une aide extérieure provenant notamment des familles déjà établies en Israël, qui se privent souvent d’une partie de leurs maigres revenus ou de leurs allocations afin de les faire parvenir à leurs parents proches ou lointains restés sur place. Sur le plan international, une organisation indépendante américaine, la North American Conference on Ethiopian Jewry, collecte des fonds afin de subvenir aux premières nécessités des Falashas Mouras d’Addis Abbeba, et l’American Joint Distribution Commette apporte également une aide financière. La question qui se pose donc est de savoir pourquoi ces Juifs sont maintenus dans cet état depuis pratiquement onze ans.
Pour des raisons inexplicables, le Gouvernement israélien ne semble pas appliquer certaines de ses propres décisions. Tous les éléments sont réunis afin que ces Falashas Mouras soient transférés en Israël et la prolongation de cette situation fait qu’un certain nombre d’interrogations se font de plus en plus insistantes dans les milieux des Juifs venus d’Éthiopie, dont la plus persistante est: sont-ils négligés en raison de leur pauvreté et de leur manque d’éducation ? Une connotation raciste est à exclure, Israël ayant réalisé les Opérations Moïse et Salomon, chacune d’elles étant un exploit en soi. Le coût d’une telle intégration ne saurait en aucun cas constituer un handicap puisque des budgets plus importants ont été alloués à l’intégration de populations démunies. Curieusement, parallèlement, un programme éducatif spécial pour les Juifs venus d’Éthiopie est sur le point d’être lancé en Israël même, organisé et financé par l’Amercican Jewish Commette, le Keren Hayessod, l’Agence Juive et le Gouvernement israélien. Ce programme ne prévoit rien pour les Falashas Mouras qui sont toujours en Éthiopie. La législation éthiopienne garantit la libre circulation des personnes, chaque individu qui souhaite partir est libre de le faire. En raison des pressions arabes, il serait difficilement envisageable d’organiser à nouveau une opération d’envergure dans le cadre de laquelle des centaines d’avions viendraient chercher ces milliers de Juifs éthiopiens en 24 ou 48 heures.
Sur un plan plus pratique, il faut bien constater que les systèmes d’absorption d’immigrés en Israël, en particulier de personnes en provenance d’Éthiopie, sont parfaitement bien rôdés. Aujourd’hui, il y a une grande équipe de médecins, d’éducateurs, de psychologues, etc., eux-mêmes d’origine éthiopienne et qui parlent couramment l’hébreu. De plus, une bonne partie d’entre eux sont passés par le processus d’intégration et savent faire face aux problèmes qui se posent quotidiennement.
Nous nous sommes rendus à Mevassereth, dans la proche banlieue de Jérusalem, où nous avons pu rencontrer un certain nombre de Falashas Mouras. Nous avons écouté leurs problèmes qui se résument en fait à un seul dénominateur commun: l’impossibilité de réunir les familles. Nombreuses sont les femmes venues sans leurs maris et les familles qui ont laissé leurs enfants adultes en Éthiopie. Avec leurs moyens limités, ces gens font ce qu’ils peuvent pour être réunis à ceux qui leur sont chers mais pour l’instant, leurs efforts ne sont que très peu couronnés de succès. Au cours d’une conversation avec M. Avraham Négoussé, l’un des activistes les plus dynamiques de la société juive éthiopienne en Israël, celui-ci nous a notamment déclaré: «Il est vrai que chaque mois, 50 à 60 personnes (officiellement 300) arrivent en Israël ce qui, au vu du chiffre de près de 26'000 individus, est évidemment très peu. Nous ne comprenons pas les réticences de l’État face à la situation des Falashas Mouras, mais nous continuons notre action afin qu’ils puissent tous venir en Israël». En partant, un homme d’un certain âge nous a dit: «Je ne pense pas qu’Israël soit un État raciste, toutefois je reste persuadé que si nous étions riches, éduqués… et Européens, notre problème serait réglé depuis longtemps…». Tout indique que cette évaluation est probablement fausse, bien qu’en allant à la rencontre de ces hommes et de ces femmes qui souffrent inutilement de l’éloignement familial, on soit tenté de partager leur opinion.

AGIR AVEC DISCERNEMENT

Parallèlement à notre rencontre avec M. Negoussé, nous avons interrogé Mme TZIPI LIVNI, ministre de l’Intégration et de l’Absorption de l’État d’Israël. Avec elle, nous avons abordé la question de l’Aliyah (immigration) en général et celle des Falashas Mouras en particulier. Mme Livni nous a fait part de son inquiétude devant le fait qu’à travers la diaspora, certaines communautés juives hésitent à encourager l’Aliyah de peur que le départ des forces vives n’affaiblisse la vie communautaire sur le plan spirituel et financier. Elle estime que l’avenir et le renforcement d’Israël passent par la promotion de l’immigration, qui permet d’assurer au pays de disposer d’une majorité juive et de garantir le maintient de l’équilibre État juif - démocratie. Dans ce but, son ministère, en coopération directe avec l’Agence Juive pour Israël, a mis au point un nouveau programme d’immigration et d’absorption qui, à ce jour, a trouvé un écho positif avant tout dans la communauté juive de France. Il s’agit de la mise en place d’immigrations par groupes: des familles, originaires d’une même région ou d’une même communauté partent ensemble s’installer en Israël. L’intégration est ainsi facilitée, les nouveaux arrivants se retrouvant avec des personnes partageant leur langue, leur mentalité et leurs préoccupations du moment. Afin d’encourager la jeunesse à faire son Aliyah, le ministère offre la gratuité des études universitaires pendant les trois premières années.
Concernant la question des Falashas Mouras, la Ministre nous a bien confirmé qu’il s’agit d’un problème très complexe. Actuellement, trois cents personnes arrivent chaque mois en Israël. Toutefois, en raison des exigences de la Loi du Retour qui définit très clairement qui a le droit de s’installer en Israël et, par la même occasion, d’obtenir automatiquement la nationalité israélienne, une enquête scrupuleuse est effectuée cas par cas. Mme Livni pense qu’Israël n’a pas besoin de plus de citoyens, mais de plus de Juifs. Malgré la déclaration du grand rabbin sépharade d’Israël, le rabbin Shlomo Amar, qui estime que chaque membre de cette communauté est juif, le ministère considère qu’il s’agit d’une question complexe qui ne peut pas être réglée par le biais d’une Aliyah massive, comme ce fut le cas pour les Opérations Moïse et Salomon. «Vous devez bien comprendre que la Loi du Retour est aveugle en ce qui concerne la couleur de peau des candidats à l’immigration. Toutefois, elle est très stricte dans l’application de ses critères de base et je dois dire que dans de nombreux cas, la situation de Falashas Mouras ne correspond pas aux exigences minimales prévues par la loi. Je sais qu’il y a des cas dramatiques et que la situation en Éthiopie est très difficile, mais nous devons agir en fonction des règles qui régissent cette législation. Voyez-vous, pour moi, être Israélienne est un ensemble constitué de la religion, de la nationalité et de la citoyenneté. Ces trois éléments définissent notre identité juive et c’est dans cet esprit que nous devons construire notre pays et ouvrir nos portes à ceux qui souhaitent devenir des citoyens israéliens.»

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