News Numéro courant Sondage: résultats Recherche Archives Deutsch English Русский עברית Español


Sommaire Reportage Automne 2003 - Tishri 5764

Éditorial - Septembre 2003
    • Éditorial [pdf]

Roch Hachanah 5764
    • Le bonheur est en nous [pdf]

Politique
    • Quelques bonnes questions [pdf]

Interview
    • La révolution économique d’Israël [pdf]

Stratégie
    • Dignité et détermination [pdf]
    • Force - Esprit - Victoire [pdf]
    • Plus d'excuses

Reportage
    • Sauver le Néguev [pdf]
    • Le miel de la Bible [pdf]
    • La mendiante de Jérusalem [pdf]

Recherche médicale
    • Combattre le sucre! [pdf]

Vatican
    • Jérusalem et le Vatican [pdf]
    • Le Saint-Siège et Israël [pdf]

Italie
    • Jérusalem et Rome [pdf]
    • Corps et âmes [pdf]
    • Ave Roma [pdf]
    • Un musée vivant [pdf]
    • Le massacre de la fosse ardéatine
    • La Brigata Ebraica [pdf]
    • «Little Italy» [pdf]

Art et culture
    • Traditions musicales de l’islam [pdf]

Ethique et judaïsme
    • Charité bien ordonnée... [pdf]

Envoyer par e-mail...
La mendiante de Jérusalem

Par Roland S. Süssmann
Par Roland S. Süssmann C’est vrai, ils sont désagréables et énervants, ces mendiants qui perturbent nos brefs instants d’émoi lorsque nous arrivons au Kotel Hamaaravi (Mur «des Lamentations»). En s’approchant de notre plus important lieu saint, chacun d’entre nous se prépare spirituellement, intellectuellement et émotionnellement, espérant pouvoir se concentrer tranquillement pour vivre pendant un moment en communication intense avec ce qu’il a de plus profond en lui bref, se retrouver face à soimême. Et là, patatras! Une interpellation - une voix désagréable - un léger coup frappé sur l’épaule ou encore une main tendue viennent tout gâcher. A ce moment-là, toutes nos bonnes intentions disparaissent, laissant rapidement place à la colère.

Ces mendiants du Kotel n’ont-ils donc aucun respect? Aucun savoir-vivre? Aucune patience? Pour ma part, malgré tous leurs défauts et leur agressivité apparente, j’ai toujours ressenti une certaine sympathie à leur égard et en leur parlant, je me suis rendu compte que la majorité d’entre eux dégageait en fait une grande tendresse tout en restant, à leur modeste niveau, des hommes d’affaires redoutables qui défendent leur bifteck en profitant de chaque occasion qui se présente.
Afin de faire plus ample connaissance avec ce pan de la société hiérosolymite, nous avons rencontré longuement Mme LEVANAH COHEN, qui exerce depuis plus de vingt-deux ans la profession de quémandeuse dans le Quartier juif de Jérusalem, la Rovah. «Lounah», comme l’appellent ses amis, est une petite vieille charmante, cultivée, pleine d’humour, sans illusions, à qui la vie n’a pas fait de cadeaux. Une conversation avec elle ne manque pas de piquant. Elle déteste cordialement ses confrères qui d’ailleurs le lui rendent bien mais, malgré tout, elle a plein de copines.
Lounah est née en 1936 à Jérusalem de parents venus d’Ispahan, dont elle était la plus jeune de sept enfants. Elle a suivi une scolarité «normale» dans le cadre d’une école de l’Alliance Française et a commencé à travailler comme vendeuse d’habits pour dames sur les marchés. Cette activité lui a permis d’apprendre le yiddish et l’arabe qu’elle parle couramment en plus du français, de l’espagnol et du ladino. Jeune veuve et mère de quatre enfants, elle a gagné sa vie en travaillant pendant de longues journées alors qu’elle était, comme elle dit, «jeune et forte». Puis en 1974, elle a été sauvagement agressée dans son appartement par deux drogués qui l’ont ligotée et battue afin de lui voler les quelques sous et les minuscules bijoux en or qui lui venaient de ses parents. Le choc a été terrible et Lounah ne s’en est jamais remise sur le plan psychologique. Maladie, insomnies, fatigue et absences au travail ont eu raison de son activité professionnelle et un jour, lasse d’un combat quotidien de huit années, elle a accepté de suivre un ami qui lui a proposé de l’accompagner dans le Quartier juif afin de demander l’aumône. Ce n’était pas une décision facile à prendre, mais la situation de Lounah s’était tellement détériorée qu’elle avait décidé de mettre dans sa poche son honneur et les quelques deniers qu’elle pourrait ainsi glaner. Elle se souvient très bien de son tout premier donateur qui, à l’époque, lui avait généreusement donné 4 Liroth. Aujourd’hui, Lounah est devenue un pilier du Quartier juif de Jérusalem, la Rovah, où elle s’est fait une solide «clientèle». A cet égard, il est intéressant de savoir que certains bienfaiteurs lui donnent un petit pécule mensuel. Mais Lounah est fataliste et bien consciente du fait que certains jours sont meilleurs que d’autres: ceux des Bar Mitsvoth (lundi et jeudi) et de Roch Hodech (de la néoménie) sont les plus intéressants. Autre source de revenus, les groupes de touristes qui lui sont amenés par les guides qui la connaissent. Elle mène une guerre impitoyable aux faux mendiants, aux drogués et aux dealers, qu’elle met tous dans le même panier et fait expulser manu militari par la police avec laquelle elle entretient d’excellentes relations. C’est également la police du quartier qui s’assure que personne ne lui prenne la place qu’elle a acquise au prix de nombreuses difficultés.
A la question de savoir pourquoi dans son état et à son âge elle a encore besoin de quémander alors qu’elle a quatre enfants adultes qui pourraient l’aider, elle répond: «Mon plus grand malheur réside dans le fait que mes enfants me méprisent car ils estiment que je ne fais pas un métier honorable». Interrogée sur le problème de la conduite désagréable des mendiants du Kotel qui ne respectent pas le calme souhaité par les fidèles qui s’y rendent, Lounah a une explication très simple: «Ce sont des jeunes paresseux qui, au lieu de travailler, viennent ennuyer les braves gens. La police est là pour les expulser et il ne faut pas hésiter à l’appeler». Elle estime ne pas faire partie de ces «schnorrers», ces mendiants malappris, et considère qu’elle ne fait que demander poliment. Dans ses relations avec les autres mendiants, elle n’est amie que de ceux qui se conduisent comme elle. En mars dernier, elle a été hospitalisée et toutes ses amies sont venues voir celle qu’elles ont surnommée «l’Étoile de la Rovah». C’est avec ces mêmes amies qu’elle passe ses soirées à discuter et à refaire le monde.
L’activité de Lounah est loin d’être plaisante. Le fait de demander de l’argent à des passants implique qu’elle soit souvent la cible d’agressions verbales et d’insultes. A la question de savoir si elle leur répond, elle m’a confié: «Je ne réponds pas, je les maudis en disant: je te souhaite d’être comme moi». Pour Lounah, il n’y a que deux sortes de personnes au monde: celles qui donnent et celles qui ne donnent pas. Malgré toutes ses difficultés, Lounah est de nature optimiste et joyeuse. Elle aime répéter à qui veut l’entendre: «Il est vrai que mes yeux rient, mais mon cœur pleure. Toutefois, j’aime transmettre le bonheur. Je n’ai pas eu de chance dans la vie, mais j’ai eu la chance de savoir me faire des amis et d’être appréciée de mes pairs. Croyez-moi, c’est déjà énorme». Lorsqu’elle «donne» un fil rouge, elle l’attache au poignet de la personne en la couvrant de toutes sortes de bénédictions, la principale étant toujours exprimée en faveur de la vie harmonieuse du couple, le «Shalom Bayit». Aux jeunes filles célibataires, elle ne souhaite pas, comme un grand nombre de ses confrères, de trouver simplement «un mari», mais «un mari juste et bon».
Certains estiment que les bénédictions et les malédictions des mendiants sont insignifiantes et qu’en définitive, ce sont des charlatans intéressés. Une rencontre avec Levanah pourrait en faire changer d’avis plus d’un!


Contacts
Redaction: edition@shalom-magazine.com   |  Advertising: advert@shalom-magazine.com
Webmaster: webmaster@shalom-magazine.com

© S.A. 2004