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Sommaire Art et Culture Automne 1999 - Tishri 5760

Éditorial - Automne 1999
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Roch Hachanah 5760
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Reportage
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    • L’extermination par l’esclavage
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Témoignage
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Portrait
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Économie
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Éthique et Judaïsme
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Communication cachère

Par Roland S. Süssmann
Nombreux sont ceux dont le rêve est de «faire du cinéma». L’aura, les fastes et la notoriété qui entourent cette profession font qu’aujourd’hui de plus en plus de jeunes gens sont attirés par ce métier. Mais le 7ème art comprend une facette que le judaïsme réprouve. Sans même parler de pornographie ou de scènes de violence, le fait est que la production de films comportant des scènes d’érotisme esthétique ou modéré, certains discours, un langage dévergondé ainsi que différents types de documentaires sont simplement interdits par la tradition juive. Réaliser ce genre de films ou en faire commerce contrevient à toutes les règles de la législation juive. Mais est-ce pour autant que les Juifs de stricte observance doivent être exclus du monde du cinéma ? Est-il vraiment nécessaire de filmer du nu ou du sang et de tenir des propos orduriers afin de permettre à quelqu’un d’exprimer son art et ses sentiments par l’entremise d’une caméra ? A Jérusalem, il existe une institution unique en son genre, l’école de cinéma «MA’ALE SCHOOL OF COMMUNICATION, ART OF FILM AND TELEVISION» qui non seulement répond à cette interrogation par la négative catégorique mais qui, de par son action éducative, démontre qu’il est possible de créer du bon cinéma sans tomber dans des excès que la morale et la bienséance juives réprouvent.
Cette institution académique a décidé de faire face à l’un des défis intéressants de notre temps qui est celui de créer et de communiquer par le biais du cinéma et de la télévision tout en s’inspirant des valeurs et de la culture du patrimoine authentiquement juif. Afin d’atteindre ces buts, l’école offre des cours de communication modernes où sont enseignés les techniques et le savoir-faire les plus récents du 7ème art alliés aux études juives relatives aux questions des médias.
Fondée en octobre 1989, Ma’alé s’est fixé comme objectif ultime de former des artistes de cinéma, des acteurs, producteurs et réalisateurs qui, grâce à une formation de haut niveau, seront à même d’exprimer par la caméra non seulement leur art, mais des valeurs puisées dans les richesses spirituelles du judaïsme.
En plus de l’enseignement ayant directement trait à la télévision et au cinéma, Ma’alé offre aujourd’hui des cours de radio, de presse écrite, de théâtre et d’expression par l’informatique (multimédias, etc.). A ce jour, Ma’alé compte 70 diplômés qui ont tous d’une manière ou d’une autre intégré les divers secteurs du cinéma et des médias électroniques. Ils apportent ainsi une nouvelle dimension, une nouvelle voix dans le monde des communications en y intégrant des images authentiquement juives. Cette démarche améliore aussi la compréhension et le dialogue entre religieux et non religieux. De plus, environ la moitié des films produits (en moyenne 8-12 par an) par l’école sont projetés par la télévision israélienne, les autres étant présentés dans les divers festivals de courts métrages à travers le monde. Quelques films ont même été primés.
D’une certaine façon, Ma’alé constitue aujourd’hui une passerelle unique entre le monde de la communication et celui de la culture juive au sens large du terme.
Il est intéressant de constater que les films produits par Ma’alé reflètent la richesse et la diversité du judaïsme. Les textes de certains films s’inspirent à la fois de la Bible, du Talmud et de la littérature israélienne contemporaine, tandis que d’autres démontrent les différents aspects de l’héritage multi-culturel du peuple juif dus à la dispersion et les conséquences qui en découlent en Israël et dans la Diaspora. De ces mélanges, plusieurs sortes de courts métrages ont été réalisés : des documentaires donnant vie à divers épisodes de l’Histoire juive, des films biographiques sur des personnages ayant marqué notre histoire ou bien des films de détente incitant au dialogue.
Afin d’approfondir l’esprit et la façon dont fonctionne Ma’alé, nous avons rencontré son directeur, M. ITZHAK S. RECANATI, qui est également l’un de ses fondateurs.

Quelles sont les motivations qui vous ont décidé il y a environ 10 ans à créer une école du type de Ma’alé ? S’agissait-il de répondre à un besoin, de combler un vide ou d’apporter un regard authentiquement juif sur la production du 7ème art en Israël ?

Les débuts du cinéma israélien étaient pour ainsi dire totalement dépourvus de thèmes juifs, les sujets traités étant typiquement israéliens. Avec quelques amis de la profession, nous avons estimé qu’il était de notre devoir d’apporter notre participation directe à l’évolution de la télévision et du cinéma israéliens afin qu’ils prennent une autre direction. Comme aujourd’hui, notre but était d’intégrer de manière progressive dans les médias modernes de nombreux éléments de notre patrimoine culturel et religieux qui est si riche et qui compte tellement de facettes. Nous avons également estimé qu’il était nécessaire que les valeurs juives soient représentées tant au cinéma qu’à la télévision et ce bien entendu en raison de l’influence de ces médias sur les enfants, l’éducation, l’enseignement, etc. Aujourd’hui, il est plus essentiel que jamais que le judaïsme sous toutes ses formes - religion, culture, art et esprit - exprime et transmette son message et sa richesse culturelle par la pellicule, le théâtre, etc.


Quelle est la différence fondamentale entre une école de cinéma religieuse et une école de cinéma classique ?

A première vue, on pourrait penser qu’il n’y a pas de dissimilitude puisque les techniques enseignées sont identiques. Les deux écoles professent en fait la même chose : comment bien raconter une histoire par le biais du cinéma ou de la télévision. La différence réside dans le fait qu’un travail de diplôme dans notre école est automatiquement doté d’une connotation juive. Dans la plupart des cas, outre des sujets ayant trait aux grands problèmes contemporains de la société israélienne ou même de la société juive à travers le monde, nos travaux de fin d’études sont des films qui s’inspirent souvent directement de nos textes sacrés ou de la littérature juive contemporaine. Il n’est pas rare que nous produisions des petites histoires écrites par Nahman Bialik ou d’autres écrivains hébraïques.


De quels milieux vos élèves sont-ils issus ?

La plupart de nos étudiants sont des Juifs pratiquants, mais pas tous. Il est intéressant de noter qu’ils se divisent en deux groupes d’âge et de «religiosité». En ce qui concerne l’âge, nous avons soit des jeunes sortant de l’armée ou des filles religieuses ayant terminé deux ans de service civil, soit des personnes qui, se trouvant à mi-vie, souhaitent se lancer dans une nouvelle carrière ou prendre une année sabbatique prolongée. Quant aux deux catégories religieuses, elles se composent de personnes qui, se sentant envahies par la mission de faire pénétrer la culture juive dans le cinéma et la télévision israélienne, pensent que c’est de leur devoir de diffuser le message de la tendance religieuse qu’ils représentent par le biais du 7ème art. L’autre groupe réunit des artistes qui désirent communiquer leurs sentiments profonds au monde une caméra à la main. Le fait qu’ils soient religieux est une affaire privée, ils ne représentent qu’eux-mêmes et n’ont pas pour but de faire passer «le message du judaïsme» à tout prix.


En ce qui concerne les différences entre votre faculté et les autres écoles de cinéma, il y a tout de même encore une divergence fondamentale. Le libertinage et la permissivité tant en ce qui concerne la violence que l’érotisme y sont tolérés, pour ne pas dire encouragés, alors qu’à Ma’alé, toute velléité de ce genre est interdite. Ne pensez-vous pas qu’il s’agit là d’une entrave à la liberté d’expression ? Quelles sont vos limites ?

Il est vrai que nous avons des règles strictes et que nous avons établi des frontières très précises. Nous estimons que toute personne qui souhaite s’exprimer dans notre art de façon libertine, permissive et sans limites a avantage à s’inscrire dans une autre école. Oui, nous suivons les règlements stricts de la moralité juive et nous estimons qu’il y a suffisamment de façons de manifester son art sans pour autant tomber dans des excès portant atteinte à la dignité de l’être humain en général et à la femme en particulier. Cela étant dit, nous ne voulons pas que nos étudiants évoluent dans le monde du cinéma munis d’œillères et ignorant les réalités. Dans nos classes par exemple, nous projetons des films qui n’entreraient pas chez moi à la maison et qui effectivement dépassent ce que la stricte observance de la législation juive autorise de faire. Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas là d’une chose facile, car nous nous efforçons de maintenir un équilibre extrêmement fragile entre la liberté d’expression et les règles de conduite que nous nous sommes fixées. Nous tenons énormément à ce que nos élèves n’aient pas l’impression d’être surveillés et observés en permanence. Nous voulons qu’ils se sentent libres de créer et de travailler avec leurs caméras et aux tables de montages. Nous souhaitons qu’ils puissent «cracher leurs tripes» dans leurs œuvres cinématographiques mais, parallèlement, nous n’autorisons pas que des films qui vont à l’encontre de ce que la législation juive considère comme immoral ou indigne soient réalisés chez nous, ne serait-ce qu’en tant qu’exercice.

La violence prend une place de plus en plus prépondérante dans le cinéma. Comment réagissez-vous à ce problème et qu’enseignez-vous à vos élèves à ce sujet ?

J’estime que la diffusion de la violence dite «hard» est bien plus nocive pour l’être humain que par exemple une scène érotique. Il est bien connu que toute diffusion de la brutalité a un impact direct sur la société, la famille, les enfants, etc., et nous sommes totalement opposés non seulement à la production de plans féroces, mais également à la projection de films contenant des scènes de violence dure à nos étudiants, même adultes. D’ailleurs, la question ne s’est jamais vraiment posée chez nous et nos élèves ne sont pas tentés de produire des films violents. Je tiens aussi à souligner que cela est dû à une partie de l’enseignement que nous dispensons ici. En effet, sur les quarante-deux heures de cours que suivent nos étudiants, six sont consacrées à ce que nous appelons «judaïsme et médias». Ces cours sont extrêmement variés. Parmi les sujets traités se trouvent par exemple la position de la législation juive par rapport à l’esthétique, la médisance et l’éthique dans les médias en passant par la question des droits de reproduction dans le judaïsme, etc.

Nous le voyons, la «Ma’ale School of Communication, Art of Film and Television» joue un rôle important. En effet, elle ouvre les portes de l’expression artistique au monde orthodoxe qui n’y a souvent pas accès. En parallèle, elle prouve qu’il est possible de faire du bon cinéma tout en observant strictement les règles de la législation juive ayant trait à l’esthétique et à l’art.

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