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Sommaire Éditorial - Automne 1999 Automne 1999 - Tishri 5760

Éditorial - Automne 1999
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Roch Hachanah 5760
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Éditorial

Par Roland S. Süssmann - Rédacteur en chef
Chères lectrices, chers lecteurs,
«Les seuls généraux qu’on doit suivre aux talons sont les généraux des p’tits soldats de plomb!», chantait Georges Brassens. C’est ce message de prudence qui vient à l’esprit lorsque l’on écoute attentivement les déclarations d’Ehoud Barak. A l’entendre, Israël ne serait plus un État qui dispose d’une armée, mais une armée qui détient un État. Il s’agirait donc de gagner la paix au pas de charge ! Pour ce faire, il serait urgent de céder tout le Golan au dictateur Assad et d’évacuer la majorité des terres juives de Judée-Samarie-Gaza afin de favoriser l’établissement d’un état OLP et islamique au cœur même d’Israël !
La réalisation de l’ensemble de ces projets constituerait la panacée universelle, celle qui garantirait une paix éternelle aux futures générations de la région. Or ces chimères sont aussi dangereuses que les négligences dont sont truffés les Accords d’Oslo. Au Moyen-Orient, les solutions rapides ou simplistes n’ont pas leur place, tout est dans la nuance et la complexité. Ehoud Barak n’est pas dupe et il est difficile de croire que «le soldat le plus décoré d’Israël», ce «héros» qui a eu peur d’affronter Benjamin Netanyahou dans un face à face télévisé au cours de la campagne électorale, n’est pas conscient des risques que comporte ce genre de rhétorique même si, en définitive, elle n’est pas totalement suivie dans les faits. S’agit-il d’une tactique faisant partie d’un processus politique savamment planifié ou simplement d’un aveu de son incapacité à résister aux pressions américaines ?
Tout indique que la belle saison des concessions unilatérales israéliennes compensées par la violation des accords signés par l’OLP est de retour. Cette donne est illustrée par l’évacuation de territoires prévue par les Accords de Wye renégociés, sans que l’OLP ne soit tenue de fournir de contrepartie. La réciprocité, c’est-à-dire l’obligation qu’a l’OLP de combattre le terrorisme, d’arrêter les terroristes, de les incarcérer, de confisquer les armes illégales et de réduire ses forces armées à 30'000 hommes (aujourd’hui env. 50'000), est passée par la trappe des oubliettes. Or l’abandon de la notion de réciprocité constitue la cession de territoires non pas contre une paix illusoire, mais contre du terrorisme garanti !
Si sur le terrain peu de choses ont bougé, il est évident que cela ne va pas durer. Les Américains sont impatients, la campagne électorale est sur le point de commencer et, afin de pouvoir mettre le pied à l’étrier de Al Gore, Clinton a besoin d’un succès, voire d’un Prix Nobel de la Paix. De plus, M. Barak doit «payer ses dettes» à Clinton qui, de par son intervention directe, l’a fait élire. Quant à la gauche israélienne, elle ne saurait tolérer longtemps que «son poulain» mène la même politique que «le grand vilain» Netanyahou, qui a pourtant quitté le pouvoir en laissant le pays dans une situation remarquable sur le plan de la sécurité et de l’économie.
Mais au-delà des déclarations faites pour plaire dans les chancelleries occidentales, quelles sont donc les intentions de M. Barak ? Contrairement à feu Itzhak Rabin qui avait mis en doute la légitimité des habitants juifs du Golan et des Territoires, Ehoud Barak les complimente, les considérant comme «des pionniers qui, par leur présence dans les Territoires, ont à l’époque bien servi la cause d’Israël». Le Premier ministre n’enverra pas non plus l’armée déloger des caravanes isolées nouvellement établies sur l’une ou l’autre colline de Judée-Samarie. Ehoud Barak n’est pas un petit détaillant, il veut effectuer des changements dramatiques, radicaux, définitifs et…. Historiques ! Officiellement donc, c’est «la mort dans l’âme et pour le bien de l’avenir de l’État» qu’il fera évacuer, au besoin manu militari, toutes les agglomérations juives du Golan et celles des Territoires dont il estimera la disparition utile à son grand dessein de paix avec la Syrie, le Liban et Arafat. Depuis 1973, le front syrien est calme car les canons d’Israël sont pointés sur Damas… et demain ? Quant à la population juive des Territoires, elle est très motivée. Il faut se souvenir qu’à l’issue de la législature Rabin-Peres profondément hostile, elle avait doublé ! Aujourd’hui, son esprit constructif est identique, le peuplement, le bâtiment et l’établissement de nouveaux faits sur le terrain battent heureusement leur plein.
Mais analysons le contexte dans lequel Ehoud Barak peut agir. S’il est vrai que sur le fond les exigences arabes n’ont pas changé et se sont même radicalisées, le Moyen-Orient de 1999 n’est pas celui de 1992, il est en pleine transition. Hussein de Jordanie et Hassan II du Maroc sont morts, Assad et Arafat sont malades et tout indique qu’à la disparition d’Arafat, une lutte pour le pouvoir s’installera au sein de l’Autorité palestinienne, qui sera probablement gagnée par un «militaire» et non par un politique. Jibril Rajoub, chef de la police palestinienne et terroriste qui a passé huit ans en prison en Israël, semble être le meilleur candidat pour succéder à Arafat. Mais l’homme le plus fort et le plus inquiétant de la région est bien entendu Hosni Moubarak qui, à 71 ans, dirige l’Égypte d’une main de fer. Il n’a pas de successeur clairement désigné et son pays n’est pas à l’abri d’un coup d’état islamique. En avril dernier, l’Égypte a acquis des missiles air-air, dont Israël ne dispose pas encore, ainsi que 10'800 obus KEW-A1 de 120 mm pour ses tanks M1A1, qui constituent le meilleur armement au monde pour défaire une armée de blindés. L’Égypte s’est donc dotée d’un arsenal gigantesque et il est fort douteux qu’elle ait l’intention de s’en servir contre la Libye ou le Soudan… N’oublions pas que vingt ans de paix froide n’ont pas effacé les suspicions profondes qui existent entre les armées israéliennes et égyptiennes et que sur le plan politique, l’Égypte dirige toutes les initiatives anti-israéliennes. Une Égypte instable et surarmée constitue donc un élément de poids dans l’équation difficile à laquelle Ehoud Barak est confronté. Le moment est-il bien choisi pour qu’Israël fasse des concessions unilatérales et irréversibles ?
Alors que des temps difficiles s’amorcent, une idée forte et remarquablement bien exprimée dans le dernier ouvrage d’Elie Wiesel «Les Juges» par l’un des personnages, Yoav, est plus que jamais d’actualité: «… en Israël, nous, les Juifs, nous tenons à survivre. Sans défense, faibles, nous n’aurions aucune chance: l’histoire récente - la nôtre et la vôtre - est là pour nous le prouver. La faiblesse juive suscite le dédain ou la pitié, mais non la solidarité et moins encore le respect. … Certes, on nous envie notre force, mais nous ne pourrions pas vivre sans elle.»
Toute l’équipe de SHALOM vous souhaite de joyeuses fêtes et une bonne année !
Roland S. Süssmann
Rédacteur en chef

A la XVe Knesset, Jérusalem 1999.

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