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Sommaire Interview Printemps 1995 - Pessah 5755

Éditorial - Avril 1995
    • Éditorial

Pessah 5755
    • Aussi facile que de diviser la mer Rouge

Interview
    • Les Accords d'Oslo sont lettre morte
    • Combattre la haine

Politique
    • Les as du sur-place

Analyse
    • La haine des Juifs promue par la presse arabe
    • A qui appartient cette terre?

Judée-Samarie-Gaza
    • Ni paix - Ni sécurité !

Art et Culture
    • Souvenirs d'un long passé juif à Prague
    • Alice Halicka (1894-1975)
    • Pèlerinage à Lvov
    • Art et spiritualité

Reportage
    • Beit Hashoah - Museum of Tolerance

Éducation
    • Devenir soi-même

Éthique et Judaïsme
    • Qui décide du sort de l'ovule fécondé ?

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Combattre la haine

Par Roland S. Süssmann
Le "petit monde" du Centre Simon Wiesenthal de Los Angeles constitue une véritable ruche aux activités aussi nombreuses que variées. Dans sa lutte contre le racisme et l'antisémitisme, cette institution de tout premier ordre sévit partout où la haine et la discrimination trouvent un terrain fertile. A sa tête, outre son doyen le Rabbin Marvin Hier, figure le Rabbin ABRAHAM COOPER, co-doyen, co-fondateur et, dans un certain sens, l'homme de terrain du Centre.


Le Centre Simon Wiesenthal s'est fixé pour but de lutter contre le racisme et l'antisémitisme. Pratiquement, comment procédez-vous ?

Rappelons que nous vivons ici en démocratie, dans un pays où la liberté de parole et d'expression figurent dans la loi. Il est donc très difficile de légiférer contre la haine et de poursuivre une personne pour ses opinions. D'ailleurs, dans les nations ayant des lois antiraciales, le problème n'a pas non plus été résolu, et ceci à cause de cette législation. Cela dit, le Centre Wiesenthal fait d'énormes efforts en Amérique, au Canada et un peu partout dans le monde pour encourager et promouvoir la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Dans certains cas, il doit tout entreprendre pour embarrasser ou forcer les services gouvernementaux responsables à faire leur travail. Vivant en démocratie, en notre qualité de contribuable, de citoyen et de minorité, nous sommes en droit de bénéficier d'une protection totale de la part des gardiens de la loi et de la justice. Une partie de notre travail consiste à enregistrer le nombre d'incidents qui ont lieu, puis à agir dans le cadre de la loi. C'est ainsi qu'actuellement, nous nous attachons à convaincre la police canadienne d'établir une force spéciale destinée à combattre ce que nous appelons les "crimes de la haine". Aux Etats-Unis, le FBI, sous la direction de son nouveau directeur Louis Freeh, a créé une unité d'observation. L'un des premiers actes de L. Freeh en tant que chef du FBI a été de mettre en place, pour la première fois dans l'histoire des USA, une force d'observation dont le travail consiste à enregistrer les incidents et surtout les groupes racistes de part et d'autre de l'Atlantique. Quelques mois plus tard, le FBI avait recensé 8000 incidents, uniquement aux USA. Louis Freeh s'est rendu personnellement en Allemagne pour annoncer ces chiffres, afin d'inciter les autorités allemandes à agir plus efficacement contre les groupes racistes sévissant sur son territoire. J'ai récemment participé à un colloque à Oxford organisé par la section européenne du Centre Wiesenthal. L'une des conférences était tenue par le Dr Paul Wilkenfeld, l'un des plus grands experts britanniques en matière de terrorisme. Il a notamment déclaré qu'au cours de l'année 1993, 132'000 incidents racistes ont été perpétrés en Angleterre, dont 32'000 étaient violents. La grande question qui se pose aujourd'hui en Grande-Bretagne est de savoir si "un crime de la haine", c'est-à-dire raciste, existe en réalité et s'il engendre des victimes. Pour la police, un meurtre, un viol ou une attaque constituent des sujets sérieux d'enquête, mais qu'en est-il d'une croix gammée peinte sur la synagogue de Manchester ou d'une croix brûlée au sud de la Californie ? Le débat est réduit à son expression la plus simple, car nombreux sont ceux qui disent qu'une attaque physique est répréhensible, mais n'est finalement rien d'autre qu'une forme d'agression. Le côté haineux ou racial est ainsi totalement ignoré ! Notre travail est donc de diffuser toute une activité éducative destinée aux politiciens, à la police, aux médias, etc. Le but du processus dans lequel nous nous sommes engagés est clair. Nous voulons que les gouvernements réprimandent légalement toutes formes d'antisémitisme et de crimes ethniques, non pas parce qu'il s'agit d'agressions, mais de "crimes de la haine". Notre action est lente et complexe. Si les législations varient de pays en pays et de démocratie en démocratie, les attitudes sont aussi bien différentes. En Europe, elles sont conditionnées par les responsabilités des pays par rapport à ce qui s'est déroulé chez eux pendant la Seconde Guerre mondiale. Il y a la responsabilité spécifique de l'Allemagne, le refus de l'Autriche d'admettre sa culpabilité, la collaboration en France, etc. En fait, il s'agit de mettre en place un réseau d'entraide judiciaire internationale, de lutte contre les groupes racistes et d'établir une protection mondiale des communautés juives.


Outre les démarches directes que vous entrepenez à travers le monde, vous menez un travail éducatif de fond de toute première importance. Comment êtes-vous perçus ?

Nous obtenons souvent des résultats étonnants. De nombreux corps de police visitent le "Museum of Tolerance" et, récemment, nous avons reçu huit des principaux responsables du FBI. De plus en plus d'organismes faisant un travail en rapport direct avec le public demandent à leurs employés de venir voir notre Musée et d'entrer en contact avec nous. Il faut bien comprendre que dans la région de Los Angeles, 90 langues sont parlées et 120-150 sous-cultures se côtoient quotidiennement. L'information et l'éducation contre les a priori et les préjugés sont donc de toute première importance. Nous vivons dans une société qui doit faire face à de nombreuses priorités sur le plan légal, et il est compréhensible que les crimes raciaux, l'antisémitisme ou la négation de la Shoa ne constituent pas une priorité absolue pour le législateur, voire même pour le simple citoyen. Pour nous Juifs, la question est autre. Si notre combat sur le plan de la législation est fort important, je crois que ce qui compte vraiment, c'est d'arriver à être acceptés avec nos différences, tout en étant respectés. Il est impossible de changer les gens, mais il est possible de les inciter à la réflexion. Je dois aussi dire que je ne crois pas au "bon cýur" des individus. Ce qui compte, c'est leur conduite et les faits.


Avez-vous des résultats pratiques ?

Je vous citerai l'exemple de ce gang de 15 adolescents skinheads blancs du sud de la Californie qui s'était fixé pour but de faire sauter la plus importante église noire de Los Angeles et d'assassiner le pasteur noir le plus éminent de la ville. Ils ont été arrêtés par la police alors qu'ils postaient une lettre piégée destinée à un rabbin. Etant trop jeunes, la grande majorité d'entre eux n'a pas été emprisonnée, ce qui nous a alors décidés à réagir. Nous avons organisé un séminaire de trois jours à leur intention. Nous les avons tout d'abord envoyés dans une prison pour une demi-journée, je peux vous dire que cela leur a profondément déplu. Nous leur avons ensuite montré le film "La Liste de Schindler" et le "Museum of Tolérance" et enfin, nous les avons mis en présence des personnes qu'ils voulaient assassiner. Deux rencontres d'une heure ont eu lieu dans une pièce fermée: l'une avec un révérend, l'autre avec un rabbin. Je pense que la meilleure façon d'entretenir un stéréotype ou un mythe, c'est lorsque l'on ne connaît pas la réalité et que l'on n'a jamais rencontré "l'autre". D'ailleurs, il n'y a rien de plus facile que d'entretenir l'antisémitisme, les a priori contre les Juifs et les valeurs juives là où il n'y a pas de Juifs. Il en va de même avec l'information au quotidien. Pendant des années, les télévisions ont montré, soir après soir, l'étoile de David associée aux "agressions" à Gaza ou au Liban. Une personne non avertie qui voit cela jour après jour est progressivement persuadée que tout ce qui est d'une manière ou d'une autre lié à l'étoile de David ne peut être que négatif et violent. Notre responsabilité, non seulement au Centre Wiesenthal, mais collective, réside dans le fait de s'attaquer aux idées préconçues et de tout mettre en ýuvre afin que ces sentiments diminuent. Aujourd'hui, alors que la communication immédiate existe, les avions, la vidéo et le courrier électronique, nous devons trouver des partenaires partout dans le monde, aussi bien en Indonésie qu'au Japon, en Chine ou en Europe, qui peuvent être à même de nous aider à communiquer avec les populations locales, dans le but de mener notre action éducative. Le fait de passer dans une émission de grande écoute à la radio ou à la télévision ne suffit pas. Personne ne changera d'attitude après une simple interview, même si plusieurs dizaines de millions de personnes la voient. Une telle publicité ne peut servir qu'à gagner leur attention, et c'est alors qu'il faut pouvoir leur offrir une information attractive et solide. En tant qu'institution indépendante et éducative, nous avons la possibilité de faire des films et des expositions partout dans le monde où nous trouvons des partenaires. C'est ainsi que nous avons organisé à Beijing une exposition sur la Shoa en chinois. Nous devons être informés en permanence, prêts à réagir. Dans mon bureau, je suis équipé pour recevoir toutes les mauvaises nouvelles en premier, ce qui me permet d'intervenir rapidement. Récemment, un grand journal japonais "Marco Polo" a publié un article de fond niant la Shoa. Nous avons immédiatement réagi, avec une efficacité suffisante pour que le magazine en question ferme ses portes. Cet incident, diffusé par les grands médias du monde entier, a fait date et servi d'exemple.


Aux Etats-Unis, une étude publiée récemment a démontré que les Noirs sont deux fois plus disposés à faire preuve d'antisémitisme que les Blancs, particulièrement les jeunes ayant bénéficié d'une instruction supérieure. Toutefois, on a l'impression qu'une sorte de mur du silence s'est formé autour de ce phénomène traité comme s'il n'existait pas ou qu'il n'était que marginal. Il semblerait que le seul fait d'en parler mette en danger la lutte contre le racisme anti-noir. Qu'en est-il en réalité ?

Kenneth Timmerman, grand expert du Moyen-Orient, vient d'effectuer une étude pour le Centre Wiesenthal, qui l'a mené dans plusieurs pays de la région, notamment à Damas, Amman, Gaza, où il a rencontré de nombreuses personnalités du monde des extrémistes islamiques. Il est ressorti clairement des divers entretiens que l'une des composantes essentielles du combat actuel de l'islam est l'antijudaïsme, la haine et la délégitimisation du judaïsme en tant que valeur morale, du Juif en tant qu'être humain et comme peuple, dont ils nient jusqu'au simple droit d'exister. D'ailleurs, l'antisémitisme islamique constitue un aspect souvent occulté par la presse. Il n'est pas rare que des idées radicales, qui trouvent leurs origines dans le Tiers Monde, rencontrent un terrain favorable en Europe et aux USA, sur les campus universitaires en particulier. Il en va de même du fondamentalisme islamique, dont le public est très ouvert et attentif aux thèses et aux excès qu'il comporte. Malheureusement aujourd'hui, sur les campus, il existe une tension très vive entre les étudiants noirs, les Afro-américains, et les étudiants juifs, qui n'existait pas dans le temps. Celle-ci est avant tout due au fait que les étudiants noirs suivent des cours d'"études noires" dans lesquels certains académiciens noirs se font l'avocat d'une accusation fausse disant que les Juifs auraient joué un rôle essentiel dans le commerce des esclaves. Ils utilisent cette métaphore pour distiller leur haine envers ce qu'ils considèrent être une Amérique raciste et diffusent ces théories pour se faire valoir. Cette nouvelle réalité a généré beaucoup de craintes et d'inquiétudes parmi les étudiants juifs à travers les USA, en particulier dans la région de Boston et dans le sud de la Californie. Il faut bien comprendre qu'il s'agit d'un ensemble d'idées dont le but est de diviser deux communautés qui, traditionnellement, sont alliées. Malheureusement, le malaise actuel est fondamental et les choses sont très graves. En effet, une grande partie du discours de ces démagogues réside dans le fait de dire: "Nous entendons toujours parler de la Shoa des Juifs, mais la Shoa des Noirs, dont on ne parle pas, était beaucoup plus importante, un plus grand nombre de Noirs que de Juifs ayant péri à travers les années de l'esclavage. Nous avons beaucoup plus souffert que les Juifs." En réalité, nous ne sommes pas face à une simple attitude négative à l'égard des Juifs. Le but est d'inculquer à l'ensemble de la communauté noire une sorte d'oppression institutionnalisée. Il s'agit d'instaurer cette idée qui veut que tout problème auquel un Noir américain est confronté trouve ses véritables racines dans le racisme. Pour faire accréditer ces thèses, l'antisémitisme est utilisé comme base de travail et comme vecteur. Cela dit, il faut reconnaître que si la situation est grave dans les universités, il existe encore des domaines où les relations entre les deux communautés restent bonnes, notamment au niveau politique et social. Il faut noter qu'au sein de la communauté noire, des voix s'élèvent contre les théories de la tyrannisation, le racisme institutionnalisé et l'antisémitisme. Mais ces personnes sont immédiatement montrées du doigt par les démagogues noirs et traitées d'"Oncle Tom". Le problème est dramatique, car seuls les Noirs peuvent effectivement agir contre les promoteurs de ces idées et les rejeter. Pour cela, ils doivent prendre conscience qu'ils sont manipulés par des hommes tels que Farrakhan ou Conrad Muhammad. La seule action que les Juifs peuvent véritablement entreprendre est de tenter de faire éclater la vérité par l'information et l'éducation. Nous venons de publier un petit pamphlet en dix points que nous distribuons dans l'ensemble des universités à travers les USA, qui donne les réponses historiques et justes aux principales accusations portées par les antisémites noirs contre les Juifs. Ce papier, intitulé "Faits historiques face aux fictions antisémites, la vérité sur les Juifs, les Noirs, l'esclavage, le racisme et les droits civiques", se termine par un large extrait d'une interview de feu le Dr Martin Luther King Jr de 1965, qui commence par ces mots: "Comment pourrait-il exister de l'antisémitisme parmi les Noirs, alors que nos amis juifs ont fait preuve de leur engagement tangible pour la lutte des Noirs, pour la liberté et ce aussi bien par leur action personnelle que par leurs importantes contributions financières et leur soutien moral..." De plus, pour la première fois, nous venons d'obtenir le soutien de la puissante "American Historical Association" qui, dans un communiqué de presse du 8 février 1995, a fermement condamné l'utilisation de faits historiques falsifiés dans le but d'avilir un groupe ethnique, culturel ou religieux précis. Dans ce cas particulier, il dénonce la propagation du mensonge qui stipule que les Juifs auraient joué un rôle essentiel dans l'exploitation et le commerce de l'esclavage africain aussi bien en Afrique qu'en Amérique.


Dans votre excellent magazine "Response" de l'été 1994, que vous publiez à 402'000 exemplaires, vous consacrez un article spécial à la diffusion et à la promotion de la haine, de la violence, de l'antisémitisme et de la négation de la Shoa par la voie de réseaux informatiques interactifs tels Internet et toute une série de bulletins d'informations électroniques, ce que l'on appelle les autoroutes de l'informatique, autoroutes au demeurant sans surveillance. Comment se développe cette propagande et quels sont les moyens de lutter contre ?

Cette nouvelle technologie peut et doit être utilisée positivement. Afin d'illustrer mes propos, je vous signale que le 8 mai prochain, date du Cinquantenaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous avons programmé une interview directe par Internet de Simon Wiesenthal. Cette intervention pourra être reçue en texte sur tous les ordinateurs raccordés à Internet ou Partegy, et les utilisateurs pourront également poser des questions en direct depuis leur clavier d'ordinateur à Simon Wiesenthal qui répondra immédiatement. Nous estimons qu'environ deux millions de personnes participeront à cette expérience interactive. Notre Centre est sur le point de lancer une banque de données qui permettra à toute personne souhaitant des informations sur la Shoa, l'antisémitisme en général, le racisme ou la propagation de la haine, de trouver une source de réponses informatisées disponible 24h/24. Cette nouvelle technologie comporte de nombreux aspects constructifs qu'il suffit de savoir utiliser et exploiter correctement.
Toutefois, il faut bien comprendre que les super-autoroutes de l'informatique offrent à tous ces groupes de la haine une chance sans précédent de promouvoir leur venin, leurs textes et leurs vidéos sur une échelle énorme, sans aucune restriction et surtout de s'adresser à un public jeune et crédule. Dans le cadre d'Internet par exemple, il est possible de diffuser un message en gardant l'anonymat le plus complet tout en ciblant très précisément son public. Tel que conçu aujourd'hui, le système est favorable à ceux qui veulent en abuser. Aux Etats-Unis, il existe un certain nombre de services d'accès aux autoroutes de l'information. Nous sommes en contact avec ces services afin d'obtenir qu'ils refusent l'accès aux groupes de la haine qui, en fait, abusent de leurs dispositifs. C'est là l'un de nos moyens de lutte afin de limiter les dégâts. En plus de la transmission de textes, Internet permet la transmission d'images. Celui qui reçoit ces images sur son ordinateur n'a aucun moyen de vérifier si ce sont des photos authentiques ou des montages. Le système est tellement perfectionné qu'il est impossible à un expert de faire la différence entre les deux. Il ne fait aucun doute que les groupes qui nient la Shoa n'hésiteront pas à utiliser cette méthode afin de refaire l'Histoire, documents falsifiés à l'appui. Il ne s'agit pas uniquement de la transmission d'images fixes ou de montages, mais également de vidéos ou de films sonorisés. En supposant que ces systèmes continuent de fonctionner sans être soumis à aucune forme de restrictions ou de contrôles gouvernementaux, cela signifie que n'importe quel groupe banni des médias électroniques en raison du caractère raciste de son message pourra le diffuser régulièrement et en toute liberté. Un matériel vidéo, dont nous avons pu empêcher la diffusion, est actuellement modifié afin d'être propagé à travers l'informatique. Aux USA, Internet est sur le point de devenir la bibliothèque de recherches, la banque de données à laquelle tout le monde fait appel dès qu'une question se pose. C'est ainsi que l'"Institute for Historical Review", la principale institution américaine propageant la négation de la Shoa, a d'ores et déjà annoncé qu'elle diffusera sa banque de données sur informatique interactive. Il faut bien comprendre ce que cela signifie pratiquement. Un jeune qui fait un travail de recherche sur la Shoa ne va plus à la bibliothèque. Il ouvre son ordinateur et regarde quelles sont les sources disponibles dans le système. Il trouvera notre banque de données, mais aussi celle de ceux qui nient la Shoa. Bien que de tels écrits soient publiés librement en Amérique, ils sont toujours marginalisés dans les bibliothèques et les librairies. Tel n'est plus le cas sur l'ordinateur. Aucune indication ne marginalise cette infâme propagande. Tout est traité sur un pied d'égalité et donc, pour le consommateur, il ne s'agit que "d'un autre point de vue".


Pratiquement, que pouvez-vous faire pour combattre ces nouveaux dangers ?

Cela varie de pays en pays. Au Canada, et je pense que ceci pourrait également servir d'exemple pour les pays Européens, il existe des lois précises contre toute action raciste et de haine. Pour notre part, nous sommes allés discuter avec les autorités judiciaires pour leur demander de condamner les personnes qui utilisent les systèmes informatiques pour propager la haine, le racisme et l'antisémitisme de la même façon et sous la même loi que pour toute autre forme de diffusion de discours incitant à la haine. Il ne s'agit pas de faire admettre de nouvelles lois, mais de faire en sorte que la nouvelle technologie tombe sous le coup des lois existantes. C'est un processus que nous avons lancé, qui est en cours mais qui, à mon avis, sera assez long.


Existe-t-il un moyen technique pour empêcher l'utilisation de l'informatique pour propager l'antisémitisme ?

Depuis l'invention du téléphone et le premier coup de fil obscène, près de 75 ans se sont écoulés. Au début de cette pratique, les victimes ne savaient pas où donner de la tête, comment combattre et surtout comment se protéger. Aujourd'hui, du fait de la collaboration entre la police et les sociétés téléphoniques, un corbeau est repéré en trois secondes... La diffusion de la haine par l'informatique correspond, dans un certain sens, à des appels téléphoniques obscènes et anonymes. Le phénomène a vu jour seulement quatre ans après la mise au point du système et de nouvelles technologies sont conçues presque chaque semaine. En définitive, la véritable réplique ne réside pas uniquement dans la législation, qui constitue une partie importante du règlement du problème, mais surtout dans la technologie. Nous devons nous adresser à ceux qui ont mis au point les autoroutes de l'informatique et leur demander d'inventer un outil permettant au consommateur de se protéger ou du moins de trouver un moyen permettant d'identifier ceux qui diffusent ces messages dangereux, de les rendre responsables et de les livrer à la justice. Peut-être serait-il nécessaire de concevoir un outil informatique ne permettant plus de transmettre des informations de manière anonyme. Ce domaine très vaste, à la fois sur le plan éthique, légal et technologique, va bien plus loin que la simple question de la haine et de l'antisémitisme. Je pense à la pornographie enfantine ainsi qu'à d'autres questions morales. Nous sommes au début d'un très large débat mondial et je crois que la mission du Centre Wiesenthal dans ce domaine est de s'assurer que la question de la haine est bien au centre du débat, tant au niveau gouvernemental que national.


Nous venons de parler des différentes façons de promouvoir l'antisémitisme en Amérique et dans le monde en général. Pensez-vous que nous assistions actuellement à une recrudescence de l'antisémitisme ?

Je ne crois pas. Sans vouloir minimiser l'importance de l'action des antisémites, je prendrai l'exemple américain où nous comptons au moins 250 groupes racistes dits "de la haine" connus. Les experts estiment que 25'000 Américains s'identifient activement avec leurs doctrines. Il s'agit naturellement d'un grand nombre de personnes, mais ceci démontre que, sur une population de plus de 200 millions d'habitants, ces formations n'ont pas réussi à faire admettre leurs thèses à une grande majorité, bien qu'ils aient remporté certains succès électoraux. Dans une société où le droit à la libre expression est sacro-saint, la ligne qui sépare la marginalisation de ces groupes de leur acceptation est très mince. A cela s'ajoute le fait qu'en raison de cette liberté d'expression, les gens extériorisent leurs sentiments souvent négatifs à l'égard des minorités de façon beaucoup plus ouverte qu'il y a encore une génération. Ceci se reflète d'ailleurs dans la vie quotidienne, dans les relations entre employés dans les entreprises aussi bien privées que gouvernementales et dans les écoles. Le Centre Simon Wiesenthal, sous la direction du Dr G. Margolis, a d'ailleurs mis au point des stratégies intitulées "des outils pour la tolérance", et nous sommes régulièrement contactés par de grandes sociétés commerciales ou des agences gouvernementales afin de traiter de leurs problèmes. Aux USA, nous sommes face à un grand phénomène national qui s'explique par de nombreux facteurs, dont la crise économique, mais surtout l'abus de la liberté d'expression, l'oppression à outrance et je dirai aussi la latitude laissée à la violence du langage. Nous avons donc une bonne et une mauvaise nouvelles: la première réside dans le fait que les groupes de la haine ont échoué dans leur souhait d'être massivement suivis; la seconde étant que l'attitude générale dans notre société à l'égard des minorités ou des personnes différentes s'exprime avec plus de cynisme, créant ainsi une atmosphère de confrontation, ce qui ne saurait en aucun cas constituer un apport positif au maintien et au développement de la démocratie.


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