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Sommaire Terrorisme Printemps 1994 - Pessah 5754

Éditorial - Mars 1994
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Un flambeau éternel

Par le Pr Herman Branover *
Mordechai Lapid et son fils Shalom ont été brutalement assassinés par des terroristes le soir du 6 décembre 1993 (23 kislev 5754). Au cours de cette attaque, trois autres enfants Lapid ont été blessés. Ce crime atroce a été commis près de Kiryat Arba, alors qu'ils attendaient le car qui devait ramener Shalom à sa yéshiva.
Il est impossible d'écrire au sujet de Mordechai Lapid et de sa famille sans recourir à des phrases élogieuses et à des expressions d'admiration. Pendant des années, cette famille a été un symbole d'héroïsme juif, de dévouement et un exemple de moralité extraordinaire. Aujourd'hui, cruellement blessée, elle continue à éclairer notre voie. En hébreu, lapid signifie flambeau et Mordechai était effectivement un faisceau lumineux. Sa simple présence, et naturellement ses actes, dissippaient les ténèbres et rayonnaient pour tous ceux qu'il rencontrait sur son chemin.
Mordechai avait débarqué de Riga en Lettonie, plus de vingt ans auparavant, sous le nom de Marek Blum, plein d'idéalisme et du désir de servir autrui. Avant d'arriver en Israël, il avait parcouru un itinéraire long et ardu, au cours duquel il avait d'abord découvert l'importance de sa véritable patrie et le judaïsme authentique. Il avait adopté un mode de vie fondé sur l'observance de la Torah et lutté en vue d'obtenir pour d'autres Juifs le droit d'accéder à ces valeurs spirituelles et d'émigrer en Israël. Militant né, il s'est battu avec acharnement contre les autorités soviétiques et le KGB pour le droit d'ériger un monument dans la forêt de Rumbula, près de Riga, où 50'000 Juifs avaient été assassinés par les nazis. Il possédait naturellement les qualités d'un chef et participa à la lutte d'un petit groupe de Juifs dévoués et impavides, afin de mettre sur pied une organisation qui permit par la suite à des milliers de Juifs de faire leur Alyah dans les années 70. Vigoureux, d'une haute stature, c'était un bel homme qui s'exprimait tranquillement, avec douceur. Timide et modeste, il ne tenta jamais de devenir un leader, et le désir d'impressionner les autres lui était totalement étranger. Pour ces raisons précisément, les gens venaient à lui et réclamaient son commandement. Finalement, il fut emprisonné pendant plusieurs années pour s'être interposé entre un policier et une jeune fille juive lors d'un concert auquel participait un artiste israélien en visite en URSS.
A l'issue de sa peine, il fut autorisé à réaliser son rêve et à faire son Alyah. Arrivé en Israël, il troqua le prénom de Marek pour Mordechai et le nom de Blum pour Lapid. Il rencontra ensuite Myriam, une très belle jeune femme profondément idéaliste, issue d'une ancienne et honorable famille israélienne qui avait contribué à l'établissement d'implantations juives avant même l'Indépendance. Ils se marièrent. Pour le jeune couple, il semblait naturel de suivre l'exemple des parents et grands-parents de Myriam; ils étaient décidés à s'installer en Judée ou en Samarie, et à aider d'autres familles à faire de même, tout comme les générations précédentes avaient joué un rôle primordial dans l'établissement de Petah-Tikva, Rishon-LeTsion et des implantations en Galilée et dans le Néguev.
Les Lapid se mirent rapidement à accomplir le commandement biblique "croissez et multipliez" et leur tête-à-tête fut de courte durée. Fidèles à leur esprit pionnier, ils ne voyaient pas d'inconvénient à élever leurs enfants dans des tentes, supportant sans se plaindre la chaleur de l'été et les rigueurs de l'hiver, mais fiers de leur vie de "haloutsim" authentiques. Les bébés grandissaient dans des tentes sans eau courante ni électricité, les parents tenaient peu compte des problèmes de sécurité et des menaces potentielles. Animés d'une foi profonde en leur mission, ils étaient fort occupés à nourrir et vêtir la famille grandissante, tâche ardue qui exigeait de grands efforts de leur part. C'est dans ces conditions difficiles que Mordechai et Myriam Lapid vivaient leur idéal pour forger un Israël meilleur et fort, au péril de leurs vies, alors que la plupart d'entre nous, Israéliens ordinaires, habitions confortablement dans des appartements, préoccupés par des soucis mondains.
Plus tard, la famille s'installa à Kiryat Arba en Judée, où ses conditions de vie s'améliorèrent. Toujours habités par le même idéalisme fervent, les Lapid, gratifiés de 14 enfants, constituaient une famille rayonnante de bonheur, en dépit des difficultés à pourvoir aux besoins de tant de bouches et des menaces causées par l'environnement hostile. Tous ceux qui côtoyaient les Lapid étaient aussitôt conquis par leur chaleur naturelle, la sensation d'une extraordinaire limpidité morale et par le sentiment intense, presque tangible, d'Ahavat Israël, cet amour pour leurs frères juifs et la volonté de les aider, dans l'esprit de la Torah.
Tous les enfants Lapid, de Méir l'aîné, qui a aujourd'hui 21 ans et accomplit son service militaire, au petit Assaf de deux ans, sont éduqués dans l'esprit des idéaux qui animent la famille. Shalom, qui a été assassiné en même temps que son père, était à 19 ans non seulement un brillant étudiant de yéshiva, mais aussi un militant éprouvé, avec de remarquables dons d'orateur et d'écrivain. A la lecture de ses articles et discours sur le destin du peuple d'Israël et la sainteté de la Terre d'Israël, on a de la peine à croire que l'auteur n'avait pas encore 20 ans.
Mordechai était un ingénieur talentueux, Myriam une bonne musicienne. Mais aucun des deux n'avait le temps de s'occuper de sa carrière professionnelle, ils étaient trop absorbés par leur lutte permanente pour l'avenir de leur peuple. Cependant, Mordechai consacrait une partie de ses nuits à un ouvrage philosophique sur le destin des Juifs et le judaïsme dans le monde de la science moderne. Il avait travaillé sur le manuscrit pendant dix ans qu'il avait achevé, mais y apportait indéfiniment de nouvelles corrections.
Les assassins de Mordechai et Shalom ont commis un acte qui dépasse l'entendement humain. Ils ont anéanti une famille qui pouvait servir de modèle à toutes les familles, juives ou non juives. Ils n'ont toutefois pas prévu que, même après ce drame sanglant, la flamme des Lapid ne s'éteindrait pas. Pour ceux qui les ont connus, et pour la Nation entière, cette flamme continuera à brûler, toujours plus intense, éclairant la voie à ceux qui comprennent leur mission et aidant les autres à découvrir ces vérités que Mordechai cherchait avec tant de joie et de ferveur.
Après la terrible tragédie qui les a frappés, Myriam et Méir ont décidé que le mode de vie mené jusqu'ici n'était plus adéquat. Toute la famille, le petit Assaf inclus, a donc entamé une marche à pied entre leur maison à Kiryat Arba et Jérusalem, dans les deux sens, au cours de laquelle elle a rencontré des habitants et distribué d'innombrables pamphlets, insistant sur la nécessité urgente de mettre un terme au processus de concessions infinies aux ennemis des Juifs, concessions qui mèneront irrévocablement à la reddition totale et à l'autodestruction.
Les Lapid ont poursuivi leurs marches éducatives pacifiques à Jérusalem près de la résidence du Premier ministre, s'installant dans une tente montée sur une des artères centrales de la capitale. Ce que Myriam et Méir disent simplement, c'est que la tragédie des Lapid est indissociable de la tragédie actuelle de la Nation. Une grande partie de la population en Israël et des Juifs de la Diaspora approuvent activement ou passivement la politique du gouvernement qui mène à la défaite, encourage l'ennemi à accroître sans cesse ses revendications et stimule le terrorisme.
Comment un peuple réputé pour sa sagesse a-t-il pu adopter une démarche insensée d'autodestruction ? Quel est ce masochisme qui nous pousse à nous imposer ce qu'aucune autre Nation au monde ne s'infligerait elle-même ? Comment se fait-il que les médias assimilent les habitants juifs de Judée et de Samarie à des criminels ? Comment est-il possible que ces héros, qui représentent les derniers véritables sionistes, soient dépeints dans des caricatures tellement abjectes que le "Stürmer" de Goebbels, s'il existait de nos jours, se serait fait une joie de publier ? Et enfin, la question principale: comment se fait-il que, pour certains Juifs, tout ce qui est authentiquement juif, traditionnel et distinct suscite une telle haine ?
Il serait injuste de jeter tous les blâmes sur le gouvernement actuel. Les éléments de la catastrophe d'aujourd'hui se sont accumulés au cours de plusieurs générations, sous des gouvernements divers, de droite et de gauche.
L'éducation étrangère à nos traditions, fondée sur les principes de laïcité et de cosmopolitisme qui dominent les écoles d'Israël depuis des décennies, a fini par créer une société de consommation amorphe qui a non seulement perdu le fameux idéalisme juif, la persévérance et la foi, mais également le bon sens le plus élémentaire. Les Juifs ont vécu pendant des siècles sur la défensive, mais ils ont toujours su pourquoi ils luttaient et à qui ils pouvaient se fier. C'est pourquoi, à long terme, ils ont été victorieux, survivant à tous leurs ennemis. Désormais, il semble qu'ils ne distinguent plus la voie et sont prêts à se rendre. Les Israéliens ont toujours parlé sur un ton méprisant de la "mentalité de la Diaspora". Et voilà que la véritable mentalité de la Diaspora triomphe en Israël même !
Tous ces éléments expliquent la haine envers les Juifs traditionnels et les habitants juifs de Judée et de Samarie. Dans un certain sens, on retrouve là l'antique syndrome bien connu du Juif converti à une autre religion qui se transforme en antisémite virulent...
C'est ce que Mordechai et Shalom répétaient sans relâche de leur vivant. C'est ce que Myriam et Méir disent aujourd'hui. Et c'est le message essentiel des Lapid. Ne vous mêlez pas des controverses entre la gauche et la droite ni des accusations qu'elles se lancent. Là n'est pas la question. Aussi bien la gauche que la droite se trompent. Le véritable danger réside dans la division interne.
En ces temps difficiles où la Nation doit faire face à des menaces visant son existence même, il est vital de retrouver notre mission éternelle, l'esprit des Macchabées, l'enseignement de la Torah. Et si nous y réussissons, la haine mutuelle fera place à l'amour du prochain et Israël n'aura plus personne à craindre, sauf l'Eternel.


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